Chapitre 32
Nous arrivons essoufflées - enfin, surtout moi - au refuge. J'espère que mon frère, Liam et Maélis ne feront rien de stupide qui mettrait leur vie en danger. Mes yeux balaient l'espace, mon rythme cardiaque toujours élevé. Il n'y a qu'une personne maintenant que je souhaite voir. J'en ai marre d'attendre qu'il veuille bien se montrer.
_ Il est probablement au lac, me souffle Caroline.
Je lui souris, légèrement gênée d'être aussi transparente quand il s'agit de Caleb.
_ Merci...
_ Tu as des sentiments pour lui, lâche-t-elle brusquement.
Alors, si avant, mon cœur battait la chamade, maintenant il semble complètement arrêté. Je fronce les sourcils, complètement perturbée par ce qu'elle vient de dire. Je tiens à lui certes, mais de là à dire que j'ai des sentiments pour lui, je n'en suis pas sûre. Non, en réalité, je n'y ai jamais pensé. Parce que dans un monde comme le nôtre, dans la situation où nous sommes, j'avais d'autres priorités.
_ Je tiens à lui. C'est... mon ami, enfin je crois... bafouillé-je.
Caroline sourit, amusée. Elle me dit comment accéder au lac, je la remercie et pars rapidement. C'est vrai que je réagis toujours très vite quand il s'agit de Caleb, c'est vrai que je ressens le besoin d'être avec lui, mais peut on parler de sentiments ? Je n'en ai aucune idée. Je ne connais pas le sentiment amoureux, je n'y ai jamais goûté. Je me souviens simplement de mes parents qui étaient fous amoureux l'un de l'autre, ils étaient prêts à tous l'un pour l'autre, ils se protégeaient mutuellement. Par moment, je surprenais mon père regarder ma mère sans même qu'elle s'en rende compte, j'étais bien trop jeune pour me rendre de l'amour qu'ils se portaient. Ma mère me disait que l'amour est le plus merveilleux et le plus destructeur des sentiments, que des guerres avaient été déclenchées par amour. Je ne pense pas ressentir ça pour Caleb, j'en ai aucune idée en fait. Je suis sûre de tenir à lui, mais je suis dans l'incertitude pour tout le reste. Il est trop tôt pour parler d'amour, je ressens des choses, mais aussi incroyables soient-elles, ça n'est pas ça. Non, c'est un ami, un très proche ami.
Je trouve enfin le lac, et vois directement Caleb, debout face à celui-ci. Je souffle doucement et m'avance prudemment vers lui.
_ Caleb...
Il ne bouge pas, je l'entend soupirer. Mon cœur s'accélère à chaque seconde qui passe, il est douloureux. Je ne veux pas qui m'ignore, cette indifférence de sa part à mon égard me fait mal, oui. Je sais qu'il se sent coupable pour la mort de mes parents, pourtant, il n'a pas à l'être.
_ Tu n'es pas responsable de la mort de mes parents, Caleb.
Il se tourne brusquement vers moi. Ses yeux vairons, si purs et clairs habituellement, sont noirs et remplis de colère, mais elle n'est pas contre moi. Sa mâchoire et ses poings serrés, il donne l'impression qu'il va exploser. C'est toujours comme ça avant une de ses « crises » avant de complètement perdre le contrôle.
_ C'est là que tu te trompes. Toutes les personnes qui ont voulu m'aider ont fini par mourir. Dont mes parents, et les tiens, crache-t-il.
_ Tu n'y es pour rien, les seuls responsables sont le Gouvernement.
_ Mes parents étaient humains. C'est parce que moi, leur fils, j'étais différent, qu'ils ont subi leurs expériences et qu'ils sont morts. Tes parents sont morts pour me sauver, tranche Caleb.
Un poids s'accroche à ma poitrine. Ma gorge se noue, mes yeux me piquent. Il ne mérite pas ça, il ne mérite pas de souffrir autant pour quelque chose dont il n'est pas coupable. Mais il est persuadé du contraire. Ça me fait mal de le voir se torturer comme ça, j'aimerais prendre toute sa souffrance.
_Tu finiras par en souffrir si tu reste près de moi, Adelia, articule-t-il d'une voix rauque.
Mon corps entier se refroidit, une pointe de douleur traverse ma poitrine, mon cœur se fait de plus en plus lourd. Il me prend pour quelque chose de fragile, or, ça n'est pas le cas. Il ne peut pas décider à ma place, c'est moi qui choisis.
_ Si c'est le choix que je fais, je suis prête à prendre ce risque, déclaré-je.
_ Sauf que moi non.
Ça voix est si froide, dénuée de toute émotion. Il me fait mal, peut-être qu'il ne s'en rend pas compte mais ses mots me font mal, ça me touche intérieurement. Je me sens blessée, seule, en colère contre lui. Je ne veux pas m'éloigner de lui, j'ai besoin de lui je le sais, et rien que d'imaginer de devoir passer mes jours sans lui me font réaliser que j'ai plus besoin de lui que je le prétends. Alors oui c'est très douloureux de le voir partir.
_ Caleb s'il te plaît... Je ne te pense pas coupable et encore moins être un danger pour moi...
_ Mais ouvre les yeux Adelia ! Hurle t-il. Tu penses que je suis quelqu'un de bien, qui fait de temps en temps quelques excès de colère mais la vérité c'est que je ne contrôle pas mes capacités ! Je pourrais te faire du mal involontairement et le fait que je sois un Particulier te met en danger. Je suis désolé de te décevoir, désolé de ne pas être comme tu le souhaites, mais tout n'est pas toujours aussi simple.
_ Caleb je n'ai jamais souhaité quoi que ce soit, répliqué-je. Je t'ai fait rentrer dans ma vie en sachant parfaitement que c'était risqué.
Il passe rageusement sa main dans ses cheveux. Je peux entendre maintenant ça respiration, elle est de plus en plus rapide.
_ Tout aurait été plus simple si on ne c'était pas rencontré, lâche-t-il d'une voix incroyablement dure.
Les paroles qu'il prononce ont l'effet d'un poignard qu'on enfoncerait lentement dans ma poitrine. Je pense que je préfère mieux la torture physique que ce qu'il est entrain de m'infliger. Je ne retiens plus mes tremblements, et des larmes irrépressibles coulent le long de mes joues, démontrant ma souffrance, la peine que ses mots me font subir. Ils sont durs, froids. La douleur semble bien pire que tout ce que j'ai pu subir jusqu'ici. Pourquoi je réagis comme ça ? Pourquoi ça me fait si mal ?
_ Je te déteste.
Mes mots bien articulés, ma voix ne transmet aucune émotion mis à part ma colère et ma peine. Mes larmes me brouillent la vue, je regarde dans le vide, cherchant absolument à ne pas avoir un contact avec lui. Je sens son regard brûlant sur moi, je ne bouge pas. Mon corps entier tremble, et j'essuie rageusement mes joues. Finalement, je l'entends s'éloigner jusqu'à totalement me quitter. Je ne pensais pas que voir quelqu'un partir pouvait être si douloureux. Et ça, je l'ai maintenant compris. Parce que j'ai des sentiments pour Caleb.
***
Je ne sais pas combien de temps je suis restée assise là, regardant les ondulations de l'eau en pleurant toutes les larmes de mon corps, mais maintenant, je ne pleure plus. Je suis seulement perdue dans mes pensées. La douleur ne s'est pas estompée, au contraire. J'aimerais tellement avoir la capacité de ne rien ressentir, mais malheureusement ce n'est pas le cas. C'est à cause de mes sentiments pour cet homme que c'est si douloureux. Je ne sais pas ce que lui pense, et c'est encore pire. Je ne voulais pas arriver jusqu'à la. Évidemment que je le déteste pas, les mots sont sortis sous le coup de la colère, je voulais qu'il ait mal comme moi j'ai mal. C'est affreusement égoïste et puéril de ma part, maintenant c'est moi qui me sens coupable. Je ne veux pas qu'il pense que je le déteste parce que ce n'est pas la vérité, c'est bien loin de la vérité...
J'entends quelqu'un marcher jusqu'à moi, je ne bouge pas. Un poids se laisse tomber à côté de moi. C'est Thomas. On reste un moment en silence, nous observons juste le lac, assis sur les rochers, la neige toujours autour de nous. Je pourrais me sentir bien ici, mais le problème c'est que je suis mal. Je me sens épuisée. J'en ai marre de constamment pleurer.
Mon ami tend sa main devant moi. Son poing fermé, il l'ouvre doucement, et je vois alors apparaître dans le creux de sa paume un petit oiseau de couleur bleue et violette. Je fronce les sourcils, et entrouvre les lèvres sans savoir quoi dire.
_ C'est une illusion, fait alors mon ami. J'arrive à convaincre ton cerveau que c'est vrai, et voilà le résultat. Le fait que ça te paraisse si réel est normal, mais ça ne l'est pas.
C'est magnifique. Comme s'il tenait un rêve dans sa main. L'oiseau disparaît soudainement. Je lève les yeux vers Thomas et me force à sourire légèrement. Mon ami n'est pas dupe. Il passe ses bras autour de moi.
_ Tu n'es pas seule Adelia, tout finira par s'arranger, tu verras...
De nouvelles larmes se mettent à dévaler une nouvelle fois mes joues, un sanglot s'échappe de mes lèvres et je me laisse tomber dans mes bras de mon ami. Il caresse doucement mon bras, me rassurent tant bien que mal de sa présence.
Tous s'est passé tellement vite, en si peu de temps. Trop d'informations, trop d'émotions d'un seul coup. Je me sens perdue, dépassée par les événements, vide. Ma mère avait raison, avoir des sentiments pour quelqu'un, c'est dévastateur. Je ne pensais pas que Caleb changerait à ce point ma vie, il a tout bousculé. Il m'a complètement détruite, comme il m'a sauvée. C'est ce Particulier qui est la cause de mes larmes, et j'ai beau lui en vouloir, la personne à qui j'en veux le plus, c'est à moi même.
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