Chapitre 30
J'ouvre doucement la porte de ma chambre, dans un grincement aigu, il ne faut pas qu'ils m'entendent.
_ Tu sais parfaitement ce qu'on risque Diana, résonne la voix de mon père.
_ Oui je le sais, répond ma mère, mais nous ne pouvons pas les laisser faire. Ils vont beaucoup trop loin.
J'essaie de me faire la plus discrète possible dans les escaliers, pour ne pas me faire surprendre. La maison est plongée dans le noir total, excepté le salon qui est éclairé par la lumière flamboyante de la cheminée me laissant voir mes parents. Je me demande de quoi ils parlent. Depuis plusieurs jours, mes parents semblent inquièts. Je ne comprends pas pourquoi.
_ Et les enfants ? fait mon père.
_ Ils seront en sécurité ici, souffle ma mère.
On toque à la porte d'entré, je sursaute. Mon père se dirige rapidement vers celle ci et ouvre.
_ Merci d'être venue, Alice.
_ C'est normal Edwards, ne vous inquiétez pas.
_ Nous devons partir au plus vite, il y a une urgence au Gouvernement, explique ma mère.
Je fronce les sourcils. Ils vont vraiment partir ?
_ Je comprends ne vous inquiétez, je vais bien m'occuper des enfants.
Mes parents hochent la tête. Mon père prend leur valise et va les mettre dans la voiture. Ils ne peuvent pas réellement partir ? Non, ils peuvent pas nous laisser. Mon coeur se serre. Mon père fait de nouveau son apparition dans le salon. Il regarde ma mère tristement.
_Nous devons y aller, Diana.
Elle soupire. Ma mère tourne la tête dans ma direction, un léger sourire se place sur ses lèvres illuminant son visage.
_Adelia je sais que tu es là, viens, dit-elle, le ton chaleureux.
Tous les regards se posent sur moi. Je souffle doucement et descends les marches des escaliers pour m'avancer vers eux. Ma mère me tend ses bras, m'entrainant dans une douce étreinte.
_ Vous partez vraiment ?
_ Oui Ad', affirme mon père.
_ Mais pourquoi ?! protesté-je en me séparant de ma mère.
_ C'est compliqué ma chérie, murmure cette dernière.
_ Non c'est simple, vous partez en nous laissant ici.
Je sens la colère monter, je leur en veux. Ils ne peuvent pas nous faire ça, ils préfèrent partir au Gouvernement plutôt que de rester alors qu'ils viennent de rentrer. Des larmes coulent le long de mes joues. Je cours jusqu'à ma chambre, ignorant les appels de mes parents. Je m'engouffre rageusement dans mon lit, dos à la porte. Ma porte ne tarde pas à s'ouvrir, et quelqu'un vient s'asseoir sur mon lit. La main de ma mère me caresse doucement les cheveux, je ne bouge pas.
_ Tu comprendras quand tu seras plus grande pourquoi nous faisons ça, soupire-t-elle. Par moment, nous devons faire des sacrifices pour le bien de tous. Parce que quand nous avons la possibilité de faire quelque chose de bien, nous devons le faire. C'est pour ça que nous devons partir, je te promets qu'un jour tu comprendra tout, parce que j'ai confiance en toi, Adelia.
Ma mère embrasse mon crâne en me disant qu'elle m'aime, une autre personne entre dans la chambre. Mon père embrasse mon front à son tour.
_ Reste forte Adelia, chuchote t-il.
Mes parents quittent ma chambre silencieusement, ils partent vraiment. Un sanglot s'échappe de mes lèvres, et la porte se ferme.
***
Ils sont partis sans que je leur dise au revoir.
La mort de mes parents a toujours été quelque chose en suspens, des questions sans réponses. Avec le temps, nos tourments se sont apaisés, mes frères et moi, nous avons réussi à surmonter ça. Rencontrer une personne qui semblait bien les connaître, ravive ma douleur que je pensais passée, parce que cela fait renaître ces interrogation jadis oubliées. Comme quand j'ai appris leur mort, je me sens mal, troublée, perdue sous une tonne de questions. J'ai l'impression de revivre une boucle sans fin, malgré le peu d'espoir que j'ai de pouvoir enfin avoir des réponses à mes questions, j'ai peur de ces réponses qu'elle pourrait me donner. Quatre ans se sont écoulés depuis leur décès, je ne sais pas si je suis prête à affronter la vérité. J'ai toujours su que mes parents nous cachaient quelque chose, j'étais jeune, je n'ai pas chercher à comprendre, peut-être que tout est lié. Mais cette femme connaissait mes parents, assez pour être capable de me reconnaître, ne pas l'écouter serait une erreur.
_ Comment les connaissiez vous ? demandé-je d'une petite voix.
_ En réalité, c'est eux qui sont venus me trouver, ils avaient besoin d'aide.
_ Pourquoi ?
Mes parents travaillaient pour le Gouvernement, ça n'a aucun sens. Pourquoi demander de l'aide à une Particulière ? Elle me fait signe de la suivre. Je regarde Caleb, qui me sourit doucement pour m'encourager à y aller. Mes pieds traînent jusqu'à cette femme, le cœur qui bat un peu plus vite à chaque pas que j'effectue. Je m'arrête et me tourne vers Caleb qui était resté avec Mark, pensant qu'il valait mieux me laisser seule avec elle, mais je ne veux pas. J'ai besoin de lui, j'ai peur de ce que je pourrais apprendre. Ses yeux vairons sont accrochés aux miens, le Particulier avance finalement jusqu'à moi, d'un pas rapide. Il prend doucement ma main et se penche vers moi.
_ Je suis là.
Je souffle, soulagée, et hoche la tête. La pression redescend petit à petit. Je voudrais que mes frères soient là, ça les concerne tout autant que moi. Bien que Léo soit assez jeune, je n'ai jamais pu lui dire pourquoi nos parents ne reviendraient plus à la maison. Mon cœur se déchirait un peu plus à chaque fois qu'il venait me poser la question. C'est mon petit frère, depuis la mort de nos parents, malgré la présence de Alice, je n'ai pas pu m'empêcher de le surprotéger. C'est un petit garçon, innocent et très sensible, fragile. Je le sais, il a besoin de nous.
Anne nous conduit au chalet central, là où j'ai rencontré Mark. Caleb m'a expliqué que c'était là que les plus anciens se réunissaient pour prendre les décisions. Nous entrons à l'intérieur tous les trois, il n'y a personne d'autre. Nous avançons jusqu'à une autre porte. Celle-ci s'ouvre dans un grincement désagréable, mais qui nous laisse finalement accès à un bureau. Mes pieds traînent à l'intérieur, je sens Caleb me tirer doucement vers lui, sa main fait pression sur la mienne. La porte se ferme dans mon dos. Je sens mon cœur s'accélérer, tandis que la pression monte. Ma respiration est lourde, j'ai l'horrible impression que la pièce perd de son air. Mais je dois savoir.
_ Dites-moi comment sont morts mes parents, lâché-je d'une voix rauque.
Un lourd silence s'installe quelques instants. Mon cœur bat à chaque seconde plus vite. Anne se met face à moi, son regard triste se pose sur moi, elle soupire.
_Ils ont été assassinés.
Je sens mon cœur se tordre à un tel point que c'en est douloureux, il cogne tellement fort contre ma poitrine. Je ne suis pas si surprise que ça, j'avais fortement pensé à cette possibilité, mais le fait qu'elle soit confirmée me fait affreusement mal. On a tué mes parents, j'ai l'impression d'apprendre leur mort une deuxième fois, mais la tristesse se mélange cette à la colère, à une haine incroyable. Qui a pu faire ça ? Qu'est-ce qu'ils ont fait pour en arriver là ? Je n'arrive pas à réfléchir correctement. Ma mère était la personne la plus douce et gentille que j'ai pu voir, son sourire affectait le mien. Mon père était un homme fort et juste, il n'aurait jamais fait de mal à quelqu'un. Qui a pu faire ça ? Des larmes silencieuses coulent le long de mes joues, et je peine à contrôler ma respiration saccadée. Mais je dois en savoir plus.
Les doigts de Caleb s'entrelacent avec les miens. Je respire à fond en resserrant sa main. Je lève les yeux vers lui, les siens sont déjà posés sur moi. Son regard est doux, triste, et en même temps rassurant. Je sais pas ce que je ferais s'il n'était pas là, je me serais effondrée. Je souffle et ravale mes larmes.
_ Je veux tout savoir Anne. Je vous en prie.
Elle me regarde un instant hésitante, mais elle finit par se lancer.
_ Tes parents avaient découvert comme toi, les expériences et les tortures que le Gouvernement infligeait aux Particuliers, et ils ont voulu tout stopper, raconte Anne. Ils sont venus nous demander de l'aide, en nous prouvant qu'on pouvait avoir confiance en eux, et pendant plus d'un an ils nous ont aidé à sauver des centaines des nôtres... Mais ils se sont fait prendre. Tes parents avaient reçu une promotion, ils étaient considérés parmi ceux en qui ils avaient totalement confiance, ils sont donc rentrés dans le QG principal du Gouvernement. C'est là qu'ils ont fait la connaissance d'un petit garçon...
Anne jette un coup d'œil à Caleb. Je fronce les sourcils.
_ Lui et ses parents avaient été amenés pour des expériences, ils étaient là depuis déjà plusieurs mois quand tes parents sont arrivés... Et c'est en sauvant ce petit garçon et qu'ils se sont fait attraper...
Les doigts de Caleb se desserrent totalement des miens, et je vois passer dans des yeux un éclair d'angoisse. Il respire bruyamment, et garde le regard rivé sur Anne, semblant pris d'une panique silencieuse. Et lorsque je comprends, j'ai l'impression que mon cœur s'arrête. C'est lui. C'est lui, le petit garçon que mes parents ont sauvé au prix de leur vie. Mes yeux cherchent les siens mais il fuit mon regard. Son torse se lève et s'abaisse rapidement, il serre les poings et recule petit à petit, la tête baissée.
_ C'était toi... le petit garçon, murmuré-je d'une voix étranglée.
Il lève des yeux empli de douleur vers moi. Son regard me fait mal, cette révélation me fait mal. Comment je suis censée réagir ? Je n'étais définitivement pas prête pour cette bombe. Mes parents sont morts pour le sauver. Comment je pourrais lui en vouloir ? Ça ne m'a pas traversé une seconde l'esprit. Pourtant Caleb semble perdu, il détourne pour la première fois les yeux.
_ Je suis désolée Caleb, elle avait le droit de savoir, dit Anne.
Caleb le regarde, il ne dit rien, sa respiration se fait de plus en plus en rapide, il perd le contrôle. Le voir comme ça me fait mal au cœur. Le Particulier recule encore jusqu'à atteindre la porte, il ne perd pas plus de temps pour sortir du bureau.
_ Caleb !
Je vais pour le rattraper mais Anne me retient par le bras. Je me tourne vers elle.
_ Laisse le, il doit se calmer, fait-elle.
Je souffle à contre-cœur. J'avale difficilement ma salive. Toutes ces informations si rapidement, ça me donne le tournis. Anne me tend gentiment un dossier.
_ C'est toutes les informations que tes parents ont récoltés...
Je le prends délicatement, sans le quitter des yeux.
_ C'était de bonnes personnes, dit Anne, les meilleures que j'ai pu rencontrer, ils voulaient faire le bien. Tu leur ressemble beaucoup Adelia, je suis sûre que tes parents seraient fiers de toi.
_ Vraiment ? reniflé-je.
Elle me sourit d'une manière bienveillante.
_ J'en suis sûre.
Anne quitte finalement la pièce, me laissant seule. Je laisse un sanglot, plus tôt retenu, sortir de mes lèvres. Mes parents ont donné leurs vies pour une cause qu'ils défendaient. Ils ont été tués pour ça. Mes frères ne le savent pas. Tous ce qu'ils voulaient, c'était la paix, faire le bien. Et je leur en ai voulu parce qu'ils ne sont pas restés, je ne leur ai pas dit au revoir, je ne les ai pas regardé. Pourquoi j'ai été si stupide ? J'aurai du les serrer dans mes bras, leur dire que je les aimais, mais c'est trop tard.
Mes jambes tremblent, je me laisse tomber à genoux, laissant les sanglots s'emparer de mon corps. Le dossier tombe au sol, les feuilles s'éparpillent sur le sol.
Une enveloppe blanche avec des inscriptions noires capte mon attention, je me baisse lentement pour les lire.
« Adelia »
Je renifle, et tente de calmer mes sanglots. Ma main tremblante saisie l'enveloppe, il y en a deux autres sur le sol, pour Liam et Léo. Je me laisse tomber, assise sur le sol, et ouvre l'enveloppe. Mon cœur bat fort, comme s'il était prêt à me lâcher d'une minute à l'autre. Je déplie la feuille.
C'est l'écriture de mon père.
« Adelia,
Pardonne nous de ne plus être là. Car malheureusement si tu détiens cette lettre entre tes mains, c'est que nous sommes morts. Mais nous n'avons pas eu le choix. Vois-tu, ta mère et moi avons fait des découvertes qui nous ont coûté la vie, ces découvertes vous mettent tous les trois en danger. Désolée ma chérie, ce n'est pas ce que nous voulions. Nous avons fait de notre mieux pour vous tenir éloignés le plus longtemps possible de ces atrocités, du Gouvernement, et du Cort. Mais si tu lis ceci, c'est que maintenant tu es au courant de tout. Je sais que ce n'est pas facile à apprendre, je sais que c'est dur pour toi, et nous en sommes désolés, parce que si tu es dans cette position, c'est de notre faute. Ce que nous avons découvert dépasse les horreurs que tu peux imaginer, les expériences et les tortures causées aux Particules doivent être dénoncées. Les humains qui se battent contre le Gouvernement sont exécutés, et personne n'est au courant de rien. Le monde a le droit de savoir que les vrai méchants dans l'histoire ne sont pas les Particuliers.
J'espère de tout mon cœur que tu ne liras jamais cette lettre parce que je préférais que tu évite de faire ce que je suis sur le point de te demander de faire. Nous savons que tu es différente, tu vois les choses dans leur globalité, tu n'as pas peur de l'inconnu et c'est pour ça que tu ne hais pas les Particulier, c'est pour ça que tu sais qu'il y a du bon en eux. Promet moi que les informations dans ce dossier seront révélées au grand jour, il faut que tout ceci s'arrête. Le monde est dangereux, les hommes sont capables de choses horribles, je t'en prie fais attention à toi et à tes frères, il faut te rendre compte qu'à partir du moment où tu as toutes ces informations, tu es considérée comme une menace aux yeux du Cort, vous êtes tous les trois en danger.
Tu es forte Adelia, tu l'as toujours été, n'oublie pas, il faut que la vérité soit révélée. C'est le seul moyen de les sauver.
On t'aime fort. »
Mes larmes ont arrêté de couler, et je reprends mon souffle avec difficulté. Mon cœur est toujours aussi douloureux, je serre la lettre contre ma poitrine.
_ Je te le promet, soufflé-je, la voix étranglée.
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