Chapitre 26

Caleb pousse la porte d'une petite maison en bois. C'est un monde si différent, j'ai presque l'impression de ne pas être sur la même planète. Les gens semblent pour la plupart si gentils, si pacifistes. Je ne me souviens pas d'avoir vu un jour une si belle harmonie, un si beau paysage. C'est un vrai paradis, le genre d'endroit qui me faisait rêver lorsque j'étais enfant. Je persistais à croire qu'un jour on serait tous en paix, qu'on serait tous heureux. Mais mes parents nous ont quittés et j'ai tout simplement perdu peu à peu l'espoir d'une éventuelle paix. De plus, quand je vois ces atrocités causées par mon peuple, je désespère encore plus. Malgré ça en voyant ce refuge, ces enfants qui jouent, toutes ces personnes qui ont trouvé le moyen de vivre heureux, une part de moi se dit que tout n'est pas totalement perdu.
J'avance doucement dans la maison en bois, et regarde autour de moi. Sur ma droite se trouve une petite cuisine avec en son centre une table. Les meubles sont tous ce qu'il y a de plus normal, d'une couleur faux bois foncé, et une table blanche entourée de chaises. À gauche, il y a un petit salon avec une grande fenêtre sur le mur en face de moi, un canapé recouvert par une couverture et quelques coussins colorés. Un grand tapis habille le sol, et une cheminée fait face au canapé. J'aperçois juste au dessus une mezzanine avec une simple échelle en bois pour y accéder. C'est très chaleureux, j'aime beaucoup cette atmosphère. C'est simple, mais joli.

_ Qu'est-ce qu'il a fait Mark ? Quand il a poser ces mains sur ma tête, demandé-je curieuse.

_ Quant il touche un être vivant, il a la capacité de voir les moments importants de sa vie, m'explique Caleb, ce qu'il ressent ou ce qu'il a pu ressentir, il parcourt sa mémoire, on ne peut pas le tromper. Par contre, quand c'est un objet, il arrive à avoir des visions d'événements qui se sont déroulés en rapport avec l'objet.

Je suis bouche bée. C'est absolument extraordinaire, c'est un don réellement précieux, pas de mensonge, il peut voir une personne dans son intégralité, il la voit vraiment. C'est ce qui manque cruellement à notre monde.
Caleb s'assied sur le canapé et me fais signe de le rejoindre. Je m'avance jusqu'à celui-ci et m'y installe confortablement.

_ Alors c'est Mark votre chef ? m'enquiers-je.

_ En quelque sorte. Il ne fait qu'appliquer nos lois, il veille à ce que tout se passe bien, mais il ne prend pas de décision sans en parler à tout le monde. Mais il est celui qui a créé cet endroit, il a sauvé certains d'entre nous et c'est avec eux qu'il a bâti tout ça. Mark m'a sauvé, j'étais seul et il m'a aidé, je lui dois tout.

_ Il a l'air d'être quelqu'un de bien, dis-je en souriant doucement.

Je n'ai vu aucune lueur de méchanceté chez cet homme. Je n'en ai pas vu depuis que je suis arrivée ici, sauf peut-être de la part d'Alexiane, ce que je peux cependant comprendre. Elle se méfie. Mais sinon, cet endroit est incroyable, et je m'y sens bien pour le moment. Je pensais que j'allais rester très longtemps prisonnière du Cort, qu'ils allaient m'infliger les tortures les plus horribles dans l'espoir que je parle. Est-ce j'aurais craqué ? Je n'en ai franchement aucune idée, mais une chose est sûre, c'est que je ne pensais pas sortir aussi vite. C'est grâce à Caleb.
Mes yeux se posent lentement sur lui, et je constate que lui me regarde déjà. Il m'a sauvée, je lui dois la vie. Ses lèvres se cambrent légèrement, formant un petit sourire que je ne peux m'empêcher d'imiter. Il me fait me sentir bien, je suis heureuse d'être avec lui, et je dois avouer qu'en ce moment je ne voudrais pas être ailleurs. Mais aussitôt cette pensée me traverse, que je pense à mes frères, et un sentiment de culpabilité s'empare de moi. Je sais que Léo est en sécurité, probablement triste mais en sécurité, mais Lucas ? Ils ont du lui poser des questions, ainsi qu'à Maélis. Je ne veux pas qu'on leur fasse du mal à cause de mes choix, j'espère simplement qu'ils ne vont se servir d'eux contre moi. Je ne me le pardonnerais pas. Mon sentiment de bref bien être s'est soudainement estompé. Je souffle doucement.

_ Qu'est-ce qu'il y a Adelia ? fait Caleb.

Je lève les yeux vers lui, puis rebaisse la tête.

_ Je m'inquiète pour mes frères et une amie, je ne veux pas qu'on leur fasse du mal à cause de moi.

_ Ils ne feront rien, répond-il d'une voix rauque. Ils ne vont pas risquer de semer le doute, plus personne n'aurait confiance en eux. Ne t'inquiète pas, il ne leur arrivera rien.

C'est logique quand on y pense, mais je ne suis pas totalement rassurée, je dois m'assurer qu'ils n'ont rien. Caleb pose sa main sur mon épaule, je relève alors la tête et répond au beau sourire qu'il m'adresse. Il me donne presque envie d'oublier tout le reste du monde, ici, j'ai l'impression d'être coupée de tout, je suis seulement avec Caleb. J'ai vu deux facettes de lui, celle qui est face à moi en ce moment, le Caleb doux, gentil, protecteur et calme, et celle que j'ai découvert quand je lui ai sauvé la vie la première fois, le Caleb agressif, puissant, qui n'a peur de rien. J'en ai découvert un peu plus au fil du temps, lorsqu'il m'a défendue contre Jackson, puis il y a peu quand il est venu me chercher alors que je me faisais torturer. Il a d'énormes capacités, ça je le sais, mais à quel point...

_ Tu sais, dis-je alors, je n'arrête pas de penser à ce que j'ai vu quand tu es venu me chercher... Je me souviens exactement de chaque détail, des murs qui se sont mis à trembler, des objets brisés, des hurlements de ce soldat... et toi...

_ Adelia..., souffle t-il, je suis désolé, je ne voulais pas te faire peur...

Caleb baisse la tête en passant sa main dans ses cheveux bruns, l'air coupable.

_ Je n'ai pas peur de toi Caleb, fais-je en attrapant sa main.

Je lui souris une nouvelle fois, et il m'adresse un bref sourire à son tour. Je ne veux pas qu'il pense que j'ai peur de lui alors qu'il est celui avec qui je me sens le mieux. Je sais pas ce que j'aurais fait sans lui.

_ Je veux juste savoir... voir de quoi tu es capable, avoué-je.

Caleb me regarde un instant dans les yeux, je le sens resserrer sa main sur la mienne. Je peux voir comme un air de peur traverser son visage. De quoi peut-il avoir peur ? Il y a tellement de choses que je voudrais savoir, mais le brusquer ne servirait à rien.

_ Je veux bien te montrer une partie de ce que je peux faire, mais le reste est trop dangereux, dit-il d'un ton hésitant. Je... je ne le contrôle pas très bien.

Quoi que ce soit, il n'est pas rassuré, il n'a pas assez confiance en lui pour tout me montrer, comme s'il avait peur de perdre le contrôle. J'aimerais tellement pouvoir l'aider, mais je n'y connais strictement rien. J'accepte alors son choix.
Caleb se lève du canapé et me fait signe de ne pas bouger. J'attends alors patiemment qu'il revienne et le regarde fouiller dans un des meubles de cuisine avant de réapparaître près de moi. Il s'assied de nouveau à côté de moi, un couteau dans une main. Qu'est-ce qu'il compte faire ? Je fronce les sourcils, ce n'est pas rassurant, mais j'ai confiance en lui. Rien ne m'indique que je suis dans une situation dangereuse, alors je reste aussi détendue que je le peux, et me laisse faire par ma curiosité.
Il prend une nouvelle fois ma main et passe la lame tranchante doucement dans la paume de ma main, provoquant une légère brûlure. Je grimace et réprime un gémissement de douleur. Mais qu'est-ce qu'il fabrique ? Du sang s'échappe légèrement de ma plaie, avant que Caleb ne vienne envelopper ma main blessée dans les siennes. Une sensation familière se dégage de celles-ci, et une douce chaleur se répand dans ma main. C'est très agréable, apaisant. Caleb finit par lâcher doucement ma main et me laisse voir le résultat. Il n'y a plus rien, plus aucune plaie, aucune trace de sang.

_ Comment tu..., commencé-je sans pouvoir terminer ma phrase.

Je n'ai plus les mots face un tel spectacle, tout a disparu, plus de douleur, plus de marque, comme s'il ne m'avait jamais coupé. C'est incroyable, et probablement un des dons les plus précieux. C'est magique, je suis aussi émerveillée qu'un enfant. Il a réellement soigné ma blessure, tout ça explique un certain nombre de chose. Un sourire béat se place sur mes lèvres.

_ Je peux soigner les différentes blessures physique, sauf quand la personne est trop proche de la mort, explique alors Caleb. Là, je ne peux rien faire. Malheureusement, je ne peux pas empêcher quelqu'un de mourir, juste le soulager.

_ C'est ce que tu m'as fait, tu as soigné les blessures de mon dos, soufflé-je.

Il hoche doucement la tête.

_ C'est ce que j'ai essayé de faire du moins. Mais tes blessures étaient trop profondes... il reste des traces, soupire-t-il.

_ Arrête de t'en vouloir Caleb, tu m'as sauvé la vie, dis-je calmement. Alors oui j'aurai quelques cicatrices mais ça aurait pu être pire.

Il se contente de me faire un sourire, qui ne semble pas vraiment sincère. Je ne sais pas comment je pourrais lui faire comprendre que je lui en veux réellement pas, je suis reconnaissante envers lui.

_ Tu veux qu'on sorte un peu, demande soudainement Caleb.

Je hoche vivement la tête, et me lève rapidement du canapé. Ce que j'ai vu m'a énormément plu, et même si la nuit commence à tomber je suis impatiente d'en voir plus. Un sourire amusé se place sur les lèvres de Caleb, avant que l'on se dirige vers la sortie ensemble.
La neige est de moins en moins épaisse au fil des jours, bientôt elle laissera place à la verdure de la nature, je sens le changement de température qui devient de plus en plus agréable. Caleb reste bien à mes côtés, les mains enfoncées dans son sweat-shirt. Ses yeux se posent sur moi, et il sourit lorsqu'il remarque que je le regarde déjà. Je ne me suis jamais sentie aussi légère, comme si rien ne pouvait m'atteindre, je me sens libre.

_ Alors, qu'est-ce que tu en penses ? M'interroge Caleb.

_ C'est magnifique. C'est différent de tout ce que j'ai pu voir jusqu'à maintenant, je me sens bien ici, affirmé-je les yeux rivés un peu partout.

Mon regard se porte de nouveau sur mon ami, un grand sourire étire ses lèvres. Cette vision me fait chaud au coeur. Parce que malgré le malheur qui s'est abattu sur lui, il a encore le courage de sourire, et le voir comme ça me rend heureuse.
Soudain, en une fraction de seconde, avant même que je ne puisse poser mon pied au sol pour continuer à marcher, une fille apparaît à mes côtés, sortie de nulle part. Je sursaute en même temps que mon coeur rate un battement. Je pose ma main sur ma poitrine en poussant un léger cri de surprise. La jeune femme rit face à ma réaction, et passe sa main dans ses courts cheveux noirs et son regard noisette m'examine de la tête aux pieds sans une once de malveillance dans son regard.

_ Désolée, rit-elle, je voulais pas te faire peur.

Les lèvres percées d'un petit anneau noir, elle semble vraiment sûre d'elle, qui n'a peur de rien.

_ Adelia, je te présente Sam, fait alors Caleb. Sam, voici Adelia.

_ Alors c'est toi... La tarée qui a trahi les siens pour sauver plusieurs d'entre nous, dit-elle un sourire au coin des lèvres.

Comment suis-je censée le prendre ? Je suis assez mitigée, je n'arrive pas à savoir si c'est de l'humour déplacé ou si elle est sérieuse.

_ Tu as plus de cran que la plupart des humains que j'ai vu, sache que j'admire ce que tu as fait, poursuit-elle.

Je ris nerveusement en passant ma main dans mes cheveux, légèrement mal à l'aise.

_ Merci... réponds-je, hésitante.

_ Bon je vais vous laisser ! On se voit plus tard, s'exclame Sam avant de disparaître en un instant.

Je reste bouche bée une seconde fois. Ce qu'elle peut faire est simplement inimaginable.

_ Elle à la capacité de se téléporter, souffle Caleb.

_ C'est incroyable.

Caleb me fait signe de le suivre. Je marche derrière lui, les gens sont sortis, ils rient, s'amusent avec leurs capacités extraordinaires, tous réunis près du feu. Ils respirent la joie de vivre, comme s'ils n'étaient pas persécutés par les humains. Ça me réchauffe le coeur, et je suis obligée de sourire en entendant les éclats de rire. La plupart d'entre eux m'ignore comme si c'était totalement normal que je sois là, mais je vois certains regards curieux se poser sur moi. Peu importe, je me sens bien ici. J'entends plusieurs personnes saluer Caleb lorsqu'il passe, il répond d'un simple hochement de tête. Il semble vraiment très respecté, les gens le laissent passer quand il arrive, il n'a pas besoin de dire quoi que ce soit pour les gens s'écartent. Il jette quelques coups d'œil pour regarder si je le suis toujours.
Je remarque une fille s'approcher d'une guirlande éteinte suspendue aux arbres, un léger sourire sur les lèvres. J'ai arrêté de marcher.
Les doigts de la jeune femme viennent toucher une des ampoules, qui s'illumine presque aussitôt d'une lumière blanche, suivie de toutes les autres ampoules, qui rayonnent instantanément. C'est magnifique, ce paysage me donne l'impression d'être dans un rêve. Des flocons commencent à tomber du ciel, je lève les yeux vers le ciel et sens la neige s'écraser contre mon visage. Je frissonne légèrement, mon sourire s'élargit. Je me sens heureuse, libre, comme si j'étais pendant quelques instants délivrée d'un poids douloureux.

Une main se pose sur mon épaule, me sortant de mes rêveries, mes yeux tombent sur Caleb. Il me sourit tendrement. C'est grâce à lui que je suis là, que je peux encore ressentir le bonheur que me procure cet endroit. Si je respire encore, c'est grâce à lui. A l'instant, je me sens heureuse et chanceuse.

_ Tu viens ? Dit-il d'une voix rauque.

Je hoche la tête, il glisse sa main dans la mienne que je reserre automatiquement. Il me guide à travers le camp jusqu'à une pente glissante éloignée de la civilisation. Je sens que Caleb serre un peu plus sa prise sur ma main.

_ Ne tombe pas cette fois-ci, rit-il doucement.

Je pouffe légèrement en repensant à ma dernière chute. Nous descendons sans trébucher. Il me tire doucement à travers les arbres. Des flocons blancs sont venus se réfugier dans ses cheveux noirs, créant un parfait contraste. Ses yeux vairons me scrutent, et attitude protectrice me fait sourire. Il est magnifique.
Caleb me fait passer devant lui en posant sa main dans le bas de mon dos. Encore une fois, le Canada ne cesse de me surprendre avec ces paysages tous aussi extraordinaires. Un lac dans un paysage de neige. C'est sublime, je ne cesse de m'émerveiller devant ce genre de tableau.

_ Montre moi, soufflé-je, Je veux voir ce dont tu es capable de faire, s'il te plaît Caleb.

Il souffle doucement, et me regarde dans les yeux. Le sentiment que tout autour de nous a complètement disparu me submerge, il n'y a plus rien autour. Son regard profond ne me lâche pas pendant quelques secondes dans un silence de glace, avant qu'il ne se baisse pour attraper une pierre. Il s'avance doucement vers moi, et lève sa main à mon niveau, à plat, le caillou posé dessus. Son regard se plonge dans les mien, et pendant un instant, je suis absorbée par ses yeux, jusqu'à ce que la pierre auparavant dans sa main arrive dans mon champ de vision. Elle flotte dans les airs. Des mouvements à côté de moi me font dériver le regard. Une autre pierre plus loin flotte dans les airs. En réalité autour de nous, tous les cailloux, toutes les feuilles volent.

_ Ce n'est qu'un aperçu de ce dont je suis capable, souffle le Particulier d'une voix presque inaudible.

Je ne réponds pas tout de suite, hypnotisée. Ça promet.

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