Chapitre 18
Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression de pouvoir l'entendre battre, et ma respiration est coupée. Tout autour de moi semble avoir disparu, seule cette douleur incessante reste. Je n'entends plus rien, et lorsque j'ouvre doucement les yeux, je vois trouble, aveuglée par la lumière du jour. Je lève difficilement ma main jusqu'à l'arrière de ma tête, du sang. Mon sang. J'ai horriblement froid, tout mon corps semble paralysé, une horrible douleur envahit ma tête. Je n'arrive pas à me concentrer, tous mes sens sont troublés. Je sens la neige contre ma peau. Je ferme de nouveau les yeux, ne pouvant plus supporter la lumière agressante. L'impression que ma tête va exploser est insoutenable, et petit à petit je recommence à ressentir la douleur qui ne s'était pas encore révélée. J'ai mal partout, chacun de mes membre est endolori et je me crispe instinctivement.
Soudain, je sens que l'on me soulève, mon corps me fait affreusement mal, et je ne peux réprimer un gémissement. Ma tête se repose contre une surface résistante, et le vent fouette doucement mon visage. Je suis en mouvement. J'ouvre difficilement les yeux, la vue toujours trouble. C'est quelqu'un, une personne me porte. Je n'arrive pas à distinguer qui, et ça ne me rassure pas du tout. Il faut absolument que je reprenne mes esprit, le contrôle de mon corps. Mais j'ai trop mal. J'aimerais aussi pouvoir fermer les yeux et dormir, je me sens tellement fatiguée.
_ Adelia ! Ne t'endors pas ! fait une voix que je ne parviens pas à reconnaître. Reste avec moi.
Mais elle semble si loin cette voix, et n'est bientôt qu'un écho. Mes yeux se perdent dans le bleu du ciel pendant une seconde, puis le noir prend la place.
***
Lorsque j'entends du bruit autour de moi, et que je réalise que je ne sens plus aucune douleur, j'ouvre doucement les yeux. Je scrute brièvement l'endroit où je me trouve, une petite habitation en bois. Je suis allongée sur un lit, une couverture sur le corps. Mais où suis-je ? Je sens mon rythme cardiaque augmenter, et souffle doucement. Je ne dois pas commencer à paniquer, je ne pense pas que la personne qui m'a emmenée ici veuille me tuer. Je m'assieds difficilement sur le lit, et suis prise d'un léger vertige en bougeant mes muscles engourdis. Mon regard se pose sur la fenêtre face à moi, le soleil se couche. Ce n'est pas possible. Mes amis, je dois savoir s'ils vont bien, il faut absolument que je parte d'ici et que je trouve le moyen de rejoindre la base.
Je suis arrachée à mes pensées par le grincement de la porte. Je sens la panique remonter, et mon sang ne fait qu'un tour quand la personne entre dans la pièce. Mais lorsque ces magnifiques yeux vairons croisent les miens, je me sens immédiatement soulagée.
_ Caleb, soupiré-je, rassurée.
Le Particulier s'avance vers moi et il prend place sur le lit à mes côtés en me souriant doucement. Il a un air légèrement inquiet sur le visage. Son regard s'attarde un instant sur mes cheveux, où il laisse ses doigts glisser délicatement.
_ Comment tu te sens ? s'enquiert-il.
Je lui souris doucement pour le rassurer. Je me sens proche de Caleb, il est la seule personne ici qui me donne l'étrange impression d'être chez moi.
_ Je vais bien, soufflé-je. J'ai la tête qui tourne un peu, mais ça va. Il s'est passé quoi après que je me sois évanouie ?
_ Je t'ai amenée ici, et je t'ai soignée, m'explique alors le Particulier. Il était hors de question que tu restes là-bas, Elliot était en pleine crise de colère, et son petit frère ne gère pas encore ses facultés, il aurait pu se passer n'importe quoi. Heureusement que je vous ai suivis.
Je décroche un léger sourire, j'ai eu en effet beaucoup de chance.
_ Tu les connaissais, alors ?
_ Ils sont au refuge avec moi. Elliot et son petit frère sont arrivés il y a peu de temps, ils ont eu une mauvaise expérience avec les humains... C'est pour ça qu'il a directement attaqué.
Il a voulu protéger son frère, il a pensé qu'on allait l'emmener. Pour ma part, je ne l'aurais jamais fait. De toute façon, au point où j'en suis, une trahison de plus ne fera pas une grande différence, dans tous les cas, si le Cort l'apprend ça finira mal. En revanche, mes autres camarades ne sont probablement pas du même avis. Maélis avait l'air complètement perdue, elle ne savait pas faire, tout comme Thomas, mais ce qui est sûr, c'est que Jackson et Liam l'auraient pris avec eux. Je sais que Liam le ferait uniquement pour suivre les règles, c'est ce qu'il a toujours fait. Je ne lui cherche pas d'excuse, je sais que c'est quelqu'un de bien même si il a des idées bien arrêtées sur ce sujet. La réalité me frappe soudainement, Liam, le couteau que le Particulier, Elliot, a tourné.
_ Liam, il va bien ? Et mes amis ?Comment vont-ils ? demandé-je inquiète.
_ Ils vont bien, je suis allé voir. Un était blessé, mais rien de grave, ne t'inquiète pas, me rassure Caleb.
Ils vont bien. C'est tout ce qui compte. La scène n'arrête pas de se répéter dans ma tête. Le petit garçon, ma veste qui prend feu, Liam qui tire vers les Particuliers, puis Elliot et son couteau qui blesse mon meilleur ami, avant qu'il ne me projette ensuite dans les airs. Tout ça s'est passé tellement vite. Je ne m'étais pas rendue réellement compte de la situation, tous ce que je connaissais, c'est ce que l'on m'a appris, et l'opinion que je me suis faite de tout ça est en partie grâce à mes parents. Mais maintenant que j'ai vu ça de mes propres yeux, tout semble différent. Tout ce que j'ai appris durant toutes ces années semble n'avoir jamais existé. J'étais persuadée que mon peuple ne savait pas réellement grand chose sur eux, mais maintenant je suis certaine de leur ignorance absolue. Ils ne savent rien. Ce que j'ai vu aujourd'hui était indescriptible, définissable.
Je suis prise de vertige. Il faut que j'arrête de réfléchir.
La main de Caleb se glisse doucement sur ma joue, me sortant de mes pensées. Mes yeux croisent les siens, et je déglutis. Il a les sourcils froncés et un air soucieux sur le visage. Je ne suis pas habituée à ce genre de contact avec lui - qui sont loin de me déplaire je dois l'avouer -, et c'est assez étrange. Au fond de moi je sens que nous sommes en quelque sorte liés, il est la seule personne qui me fait me sentir bien ici, et qui me donne l'impression d'être comprise, je pense que c'est pareil pour lui.
Je finis par doucement lui sourire, il me sourit à son tour. Il semble si différent du jour où je l'ai rencontré. Tellement plus... vrai.
_ Tu te rends compte que maintenant tu as une dette envers moi, fait-il alors, un sourire malicieux sur les lèvres. Je t'ai sauvé la vie. Tu vas avoir dû mal à me rendre la pareille.
Il laisse tomber sa main, auparavant sur ma joue, pour prendre appui sur le lit. Je prends un air faussement offusqué, toujours dans la plaisanterie.
_ Dois-je te rappeler que la première fois qu'on s'est vu je t'ai sauvé la vie ? Bon tu m'as sauvée aussi après, mais je suis persuadée que je serai capable de le refaire. Tu ne devrais pas en douter, Caleb.
Caleb pouffe doucement et secoue légèrement la tête. Vu de l'extérieur, ont pourrait voir ce moment comme banal, de simples amis plaisantant ensemble. C'est le cas, si on oublie le reste, mais pour l'instant, il n'est plus un Particulier et je ne suis plus un soldat du Cort, nous sommes simplement Caleb et Adelia. J'aimerais que ça soit tout le temps comme ça.
_ Si ça peut te faire plaisir, ajoute Caleb, je vais te laisser croire que tu m'as sauvé la vie ce jour là même si ce n'est pas le cas, je ne voudrais pas briser ton amour propre.
Mes lèvres s'étirent sans que je puisse le contrôler, je souris de toutes mes dents avant qu'un léger ricanement sorte de mes lèvres. Caleb lève doucement la main vers moi et pose délicatement son doigt sur ma joue. Je m'arrête de rire, et fronce les sourcils.
_ Qu'est-ce que tu fais ?
_ Tu as des fossettes... C'est la première fois que je les vois. C'est mignon.
Il a les yeux rivés sur ma joue, et je me mords inconsciemment la lèvre en passant nerveusement ma main dans mes cheveux. Ce n'est pas une choses que j'ai l'habitude d'entendre et c'est assez inattendu venant de lui. Caleb retire sa main et rit doucement en me voyant ainsi gênée.
_ Tu es mignonne quand tu rougis, Adelia.
Je me sens soudainement plus rouge face à son air taquin. Il le fait exprès en plus, il sait que ça me met mal à l'aise et ça le fait rire. Il se lève du lit et avance dans la pièce en pouffant. J'attrape l'oreiller derrière moi et lui lance en plein visage. Il le réceptionne et rigole, il se moque un peu de moi. Juste un peu. Je finis par le suivre dans son rire, c'est vrai que c'était légèrement ridicule.
L'atmosphère est tellement détendue, nous sommes dans un autre monde. Tout semble simple à ce moment là. Juste lui et moi, deux amis. J'apprécie ces moments, surtout que je ne pensais pas en avoir ici. Mais j'ai rencontré Caleb, et il m'offre se genre de moment constamment. Il est mon échappatoire.
Le Particulier vient remettre l'oreiller à sa place une fois que nous avons fini de rire, et me fixe dans les yeux.
_ Viens, je vais te montrer quelque chose, lance-t-il.
À chaque fois qu'il m'a dit ça, je n'ai pas été déçue, au contraire, j'étais émerveillée. Tout ce qu'il m'a montré m'a impressionnée. Je n'hésite pas une seconde avant de me lever, et le suis. Il ouvre la porte d'entrée et me laisse passer. À l'extérieur, l'air froid me frappe directement, et je suis, comme prévue, émerveillée. Nous sommes en hauteur, perchés dans le haut d'un arbre. Une cabane dans les arbres. La vue est sublime, je vois la forêt, les montagnes couvertes de neige. Toute la construction est en bois, c'est réellement magnifique. Je suis impressionnée. Je m'avance vers le bords, mes mains se posent sur la barrière de bois, et je me penche légèrement. C'est si haut qu'une chute de cette hauteur pourrait me tuer.
_ C'est toi qui l'as construit ?interrogé-je Caleb en me tournant vers lui.
_ Elle était déjà là quand je suis arrivé ici, je l'ai simplement améliorée.
Je me tourne de nouveau vers le vide, et lève les yeux. Le soleil est pratiquement couché. Je souffle doucement en pensant au Cort, il faut que j'y retourne.
_ Il va probablement falloir que je rentre...
_ Tu ne peux pas partir à cette heure là Adelia, me répond Caleb, ils sont tous partis, il y a une heure. Tu rentreras demain, ils ont prévu d'envoyer des patrouilles d'après ce que j'ai entendu.
Je souffle doucement. Je n'ai pas du tout envie d'y retourner, et la seule raison me poussant à le faire est la présence de mes amis là-bas.
_ On devrait rentrer, suggère Caleb.
Je me tourne vers lui et il me précède à l'intérieur de la cabane. La différence de température est flagrante, et la chaleur de la pièce me réchauffe automatiquement. J'avance doucement dans la pièce, c'est plutôt chaleureux. Il y a un tapis sur le sol, une table et une petite cheminée. Il n'y a aucun tableau, ni photos, rien de personnel.
_ Je vais chercher du bois, je t'ai mis des vêtements pour dormir sur le lit, m'informe Caleb. Ça va aller ?
_ Oui oui, t'inquiète, le rassuré-je.
Je lui souris doucement et il acquiesce en souriant avant de sortir. Je m'avance pour prendre les vêtements qu'il m'a laissé, enlève mon uniforme et enfile un large jogging et un tee-shirt. Je nage un peu dedans, ce sont clairement des vêtements d'homme. Après avoir posé mon uniforme sur une chaise, la porte s'ouvre à nouveau et Caleb entre avec du bois dans les bras. Je le regarde se diriger vers la cheminée. Il allume le feu à l'aide d'une allumette avant de se lever et se tourne vers moi.
_ Tu devrais dormir, tu as reçu un violent coup à la tête, tu dois te reposer.
Je hoche lentement la tête, et fronce les sourcils.
_ Par contre... Il n'y a qu'un lit, constaté-je.
_ Je dormirai par terre.
Je soupire doucement, me sentant un peu mal. Je peux pas le laisser dormir sur le sol alors qu'on est chez lui, techniquement, je devrais dormir par terre.
Je m'avance vers le lit. Je me tourne vers Caleb, gênée malgré moi.
_ Je pense que... hésité-je, le lit est assez grand pour nous deux. Tant que tu ne te colles pas à moi, ça ne me dérange pas !
Je ris légèrement pour détendre l'atmosphère, et j'entends Caleb faire de même alors que je m'installe sur le lit. Je glisse sous les draps et jette un coup d'œil au Particulier, qui retire son tee-shirt. Je détourne les yeux rapidement, me sachant en train de rougir. Je lève de nouveau les yeux, Caleb est debout de dos, arborant des muscles parfaitement dessinés et des épaules larges. Je découvre également, comme éparpillés sur la totalité de son dos, des cicatrices pâles absolument horribles. Pas laides, mais horribles. Elles révèlent les épreuves cruelles que Caleb a dû supporter. Il a été torturé. Mon cœur se serre en observant son dos ainsi meurtri. Il ne mérite pas ça, et je ne peux qu'être déchirée de colère et de tristesse face à une telle preuve de violence de la part des miens.
Je prends une profonde inspiration pour calmer le battement frénétique de mon cœur, et Caleb attrape un jogging dans un petit tiroir me permettant de voir une partie de son torse, qui est, comme son dos, incroyablement sculpté. Il jette un coup d'œil vers moi et m'arrache à ma contemplation. Je baisse rapidement les yeux et sens la chaleur affluer à mes joues alors que j'entends le Particulier ricaner légèrement avant de me rejoindre dans le lit. Entre le mur et lui, je ne peux pratiquement pas bouger. Je peux sentir la chaleur émanant de son corps tant nous sommes proches. Je frôle presque sa peau, et ses yeux vairons me scrutent d'un air légèrement amusé. Je mentirais si je disais qu'il n'avait aucun effet sur moi, parce que c'est le cas, Caleb est réellement magnifique.
_ Allez, dors, me chuchote le beau brun, le regard pétillant.
Je ferme doucement les yeux. Enveloppée dans une douce chaleur, je ne me suis jamais aussi vite endormie.
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