Chapitre 17

Nous courrons dans la neige, avec pour objectif de découvrir à qui appartient  ce sang. Avec l'entraînement que nous avons eu depuis notre plus jeune âge, nous détenons tous un minimum d'endurance. Nos bruits de pas sont bruyants, trop bruyants. Si nous voulons trouver quelqu'un, ce n'est pas la bonne méthode, mais tout le monde semble vouloir suivre Jackson. Je reste tout de même, malgré ma folle envie de m'éloigner du groupe, mais je peux pas faire ça. Déjà, ça serait irresponsable de ma part, et en plus, je ne peux pas abandonner Liam, Maélis et Thomas. Les traces de sang sont de plus en plus rapprochées mais surtout plus importantes. Nous ne sommes plus très loin. J'appréhende ce que l'on pourrait découvrir. Toutes les possibilités sont à envisager, tous les scénarios sont possibles, c'est ça qui est le plus inquiétant. Nous n'avons plus le contrôle des choses, nous sommes impuissants face à tout ça, même si le Cort veut donner l'illusion du contraire. Il est impossible de tout contrôler. Le Gouvernement peut croire qu'ils ont le contrôle de tout, mais c'est faux.

_ Vous avez entendu ? Demande soudainement Thomas. J'ai entendu du bruit.

Tout le monde s'arrête et se tourne vers Thomas. On arrête tous de parler, sans aucun mouvement, on arrête presque de respirer pour pouvoir entendre. Il faut faire preuve de la concentration la plus totale, il faut faire le vide pour pouvoir voir ou entendre des choses qu'on aurait pas vu, des choses qui seraient passé inaperçues. J'analyse tout ce que je vois, ce que je sens et ce que j'entends. Je sens l'air froid sur ma peau, je ne vois rien d'anormal, et je n'entends que le vent.

_ Il y aucun bruit Thomas...Remarque Maélis.

_ Tu nous fait perdre notre temps, s'énerve brusquement Jackson.

_ Jackson, la ferme, dis-je fermement.

Il semble tous d'abord surpris de mon intervention, mais je peux voir dans les yeux de l'intéressé que ça ne lui a pas plu. Il m'a énervée, il faut qu'il arrête de prendre cet air supérieur. On est tous pareil, on est au même niveau. La façon dont il a parlé à Thomas ne m'a pas plu, il est complètement irrespectueux. Je déteste ce genre de personne.

_ Comment tu ose me... commence Jackson avant d'être coupé.

_ Il a du sang aussi par là ! S'exclame soudainement Thomas un peu plus loin. C'est par là que j'ai entendu du bruit.

_ On n'a pas le temps de suivre deux pistes, il vaut mieux qu'on continue sur celle du départ, intervient Liam.

Thomas a l'air si sûr de lui. Il a entendu quelque chose et je suis prête à le croire, il est loin d'être fou. Je m'avance alors jusqu'à lui, baissant les yeux sur le sol blanc taché de sang.

_ Thomas et moi on va sur cette piste, continuez. On se rejoint ici dans une heure.

Maélis décide de venir avec nous. Avant de partir, Liam se rapproche de moi et me dit de faire attention. II a toujours été comme ça, assez protecteur, moins que mon frère, mais je pense que depuis que nous ne sommes que tous les deux, il se sent responsable de moi. Sauf qu'il n'a pas à l'être. Je ne dis rien, parce que je ferais la même chose pour lui, mais depuis toujours mon frère et lui ont pris l'habitude de me protéger. Même si je n'ai pas besoin de leur protection. Je lui souris et nous partons chacun de notre côté.
Nous sommes tous les trois silencieux, nous suivons les traces de sang qui sont encore plus importante que les premières.

_ Je vous jure que j'ai entendu quelque chose, insiste Thomas.

_ On te croit Tommy, t'inquiète pas. Jackson est un crétin, lui dis-je en souriant doucement.

Soudain, un bruit nous interpelle tous les trois. Nous avons tous entendu la même chose. Aucun de nous ne bouge. Un autre bruit. Des sanglots.
Je n'attends pas plus longtemps et me mets à courir vers cette voix. Je suis rapidement suivie par mes deux amis. Je sens mon coeur battre plus vite dans ma poitrine. Cette personne a besoin d'aide, et nous devons l'aider. Peu importe qui il est. Enfin, c'est mon point de vue. Je ne suis pas sûre que beaucoup de mes camarades aideraient un Particulier.
Je m'arrête net en voyant, devant moi, un petit garçon en pleurs. À ses pieds, le cadavre de notre camarade disparu couvert de sang. Sa peau est devenue d'un blanc effrayant, et ses yeux sans vie sont encore ouverts. J'ai toujours entendu dire que le premier cadavre qu'on voyait était le pire, que son image restait dans notre mémoire à tout jamais. Mais je n'avais jamais accordé une réelle importance à ça, car je ne pensais pas en voir un jour. Pourtant maintenant, voir ce corps sans vie sur le sol me laisse sans mots. Je n'arrive pas à réagir face à une telle situation. C'est horrible, et la nausée me prend rapidement. Cet endroit est vraiment atroce, rempli de violence.

Les sanglots du petit garçon me sortent de ma torpeur. Je dois me ressaisir, il faut impérativement que je reste concentrée et que je laisse mes émotions de côté. Le petit à l'air tétanisé. Je m'avance lentement de lui en essayant de faire abstraction du cadavre à quelques centimètres de moi.

_ Hey... ça va aller, d'accord ? tenté-je de le rassurer doucement en me rapprochant de lui.

Le petit blond lève les yeux vers moi. Ces yeux marrons sont noyés par les larmes. Il ne doit pas avoir plus de dix ans. Il a peur, il ne doit pas comprendre ce qui se passe. Ses yeux se posent sur l'arme à feu que j'ai à la ceinture, puis mon sabre accroché dans mon dos, et il recule d'un pas, tremblotant. Voir un enfant comme ça, effrayé et sans défense, me brise le coeur. Il ne devrait pas être seul. Je prends mes armes, ce qui le fait immédiatement reculer encore plus, et il manque de trébucher dans la neige gelée. Je jette mon arme à feu et mon sabre un peu plus loin. Je me tourne vers Thomas et Maélis qui me regardent faire, et leur fais signe de ne pas intervenir. Je regarde de nouveau le petit garçon. Je lui souris doucement en espérant le rassurer un peu, même si à sa place, je serais complètement paniquée.

_ On ne va pas te faire de mal, ne t'inquiète pas... fais-je d'une voix douce.

Je pose ma main sur son épaule mais le petit la repousse rapidement et en posant ses doigts sur mon avant bras. Sa main est si brûlante qu'elle me donne l'impression qu'il brûle ma peau, et je dégage rapidement mon bras, en laissant échapper un gémissement de douleur de mes lèvres, juste avant de voir la manche de ma veste s'enflammer. Je sens mon rythme cardiaque s'accélérer, et retire en un mouvement ma veste avant de la jeter dans la neige. La flamme s'éteint. Je regarde le petit garçon qui s'est éloigné de moi. C'est un Particulier. Je n'avais jamais vu l'un d'eux utiliser ses pouvoirs. C'est impressionnant et à la fois effrayant. Comment est-ce possible ? L'évolution humaine est extraordinairement complexe.
Maélis et Thomas arrive en courant à mes côtés. Mon amie pose sa main sur mon épaule maintenant dénudée.

_ Tu n'as rien ? Demande t-elle inquiète.

_ Non non, ça va.

L'air froid s'infiltre dans ma peau et je frissonne. Ma veste vient d'être en partie brûlée par cet enfant, elle ne me sera plus d'une grande utilité.

_ On fait quoi ? Demande Maélis en regardant le petit garçon.

_ C'est un Particulier..., on devrait peut-être l'emmener, propose Thomas en chuchotant.

Je tourne la tête vers lui en fronçant les sourcils. Non, on peut pas faire ça. Je ne peux pas. Leur livrer un enfant, Particulier ou pas, c'est impensable. En voyant la mine effrayée de cet enfant qui recule jusqu'à ce que son dos percute un arbre, je sens mon coeur se serré. Il a peur de nous. Je suis dégoûtée de faire partie de ça. Je ne veux pas faire ça.

_ Est-ce vraiment une raison ? répondus-je avec amertume. C'est un gosse. Qu'est-ce que tu crois qu'ils lui feront ?

Nous sommes coupés par l'apparition brusque d'un homme près du garçon. Il se place face à lui de manière protectrice. Sa grande taille pourrait facilement être comparable avec celle de Caleb, ses cheveux blond et ses yeux marrons me font directement penser au petit garçon. Sûrement un membre de sa famille. Son regard nous foudroie, je n'ai jamais été face à quelqu'un d'aussi menaçant. Il veut le protéger. J'en ai froid dans le dos. Après avoir vu de quoi cet enfant est capable, j'ose à peine imaginer ce que cet homme peut faire.

_ Essayez de l'emmener, et je vous tue, lâche-t-il avec une froideur déconcertante.

_ Ça n'était pas notre attention, répondis-je le plus calmement possible.

La situation est compliquée, cet homme nous considère comme une menace et je suis persuadé qu'il serait réellement capable de nous tuer pour défendre l'enfant. Je regarde brièvement mes amis pour qu'ils reculent doucement avec moi. Il ne faut pas qu'il nous voit comme une réelle menace, et puis, même à trois, nous sommes dans une position de faiblesse face à lui. Mon coeur s'emballe encore, je suis pas du tout rassurée malgré mes tentatives de calmer ma respiration saccadée. On nous a appris à gérer cette angoisse, cette peur, mais on ne peut pas la faire disparaître. Parfois j'ai l'impression qu'elle paralyse tout mon corps, c'est affreux. Dans le cas actuel, il faut juste que je reste calme pour éviter que les choses ne dégénèrent. Mes yeux fixent ceux du protecteur du garçon. Il est extrêmement méfiant, prêt à intervenir si l'un de nous fait un mouvement un peu trop brusque. Je peux voir la colère dans ses yeux, et ses muscles se contracter excessivement. Je remarque que le vent se met à souffler anormalement fort à cet instant. Est-ce lui qui fait ça ?

_ Baissez vous ! S'exclame soudainement une voix derrière nous.

J'ai à peine le temps de me retourner pour voir mon meilleur ami tendre son arme à feu vers les Particuliers. Je n'ai pas le temps de protester, Thomas m'attrape par les épaules et me force à me mettre au sol. Je tombe violemment dans la neige, et un coup de feu résonne au dessus de nous. C'est ce genre de situation que je voulais absolument éviter. Le problème, c'est que de nos jours, on réagit tous comme ça. On accuse sans savoir, on laisse les Particuliers se faire tuer et on laisse croire que c'est nous les victimes. C'est faux, nous sommes les bourreaux.

Je lève les yeux vers les Particuliers, Liam les as manqué. Le petit est recroquevillé au sol, alors que le plus âgé semble entrer dans une rage folle. Le vent souffle encore plus fort. Je le vois attraper un couteau dans son dos. Il va se défendre, il va tuer mon meilleur ami. Ses yeux sont noirs de colère, et dans un cris de rage, il lance le couteau au moment où je me lève.

_ Non ! cris-je.

Mais le couteau a déjà transpercé l'épaule mon meilleur ami. Le Particulier agite son autre main vers moi, et je suis comme emportée par le vent. Je ferme les yeux. Mes pieds ne touchent plus le sol, et durant un bref instant, je reste immobile dans les airs, avant d'être propulsé plusieurs mètres plus loin sans même m'en rendre compte. Mon dos frappe brutalement le sol enneigé, puis ma tête suit. Une douleur atroce se propage dans tout mon corps, et j'ai l'impression de ne plus pouvoir bouger ni respirer pendant quelques secondes. Je suis complètement paniquée.

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