Chapitre 14

Nous avons passé une bonne partie de la matinée à courir, c'était horrible. Mes jambes me faisaient tellement mal. Ensuite, tout le reste de la journée nous avons nettoyé la cafétéria et la cuisine, comme Mr. Clark nous l'avait ordonné. En plus, nous avons dû faire le ménage dans la salle d'entraînement sous l'ordre de Mr. Patterson. Maintenant, tous mes muscles me font mal, je suis vite tombée comme une masse dans un sommeil profond.

Je suis toujours partie du principe, qu'on arrivait au monde seul, et qu'on le quittait seul, depuis que mes parents sont morts c'est ma manière de penser. Tous ce que j'ai, ce sont mes frères, et mon meilleur ami Liam. Je n'ai toujours eu qu'eux. Je n'avais personne d'autre. Je n'avais jamais pensé qu'en arrivant ici j'allais me faire d'autres amis, avoir d'autres personnes. Pourtant nous avons toute une vie pour nous faire des amis, malgré la situation actuelle des choses, l'amitié n'a pas disparu. Alors nous venons et partons peut-être seuls de ce monde mais entre temps, nous avons la chance de pouvoir avoir de la compagnie. Notre famille, des amis rencontrés en chemin. C'est ce qui fait encore la beauté de notre vie. Le temps que nous passons avec ceux qui nous sont chers.

Je souffle légèrement en sortant de mes pensées, et lève les yeux autour de moi. Nous sommes en route pour la forêt où je patrouille habituellement, pourquoi toujours le même endroit ? Cette forêt est l'une des plus grandes du pays, et "tant que nous ne trouvons rien, nous continuons de chercher" nous a dit Mr. Williams. Ils s'acharnent, mais je suis bien décidée à ne pas leur fournir ce qu'ils veulent même s'il s'avère que je connais le refuge des Particuliers, je préfère mourir que leur dire. Lucas m'a souvent dit que j'étais la personne la plus déterminée qu'il connaisse, je n'abandonne pas si facilement.

_ Tu te souviens quand Lucas, toi et moi allions dans la seule forêt de notre Cellule ? me fait Liam en riant légèrement. On y passait des journées entières, tous les trois. Tu grimpais aux arbres en disant qu'un jour tu pourrais voler.

Je ris doucement à mon tour. Cette forêt était l'endroit le plus éloigné de la population dans notre Cellule. On était coupé du monde. J'ai tellement de souvenirs avec Liam, je le connais depuis aussi loin que je peux même rappeler. Il a toujours été là pour nous, comme un autre frère. Liam et Lucas sont les deux seuls personnes en qui j'ai une confiance aveugle.

_ C'était la belle époque, lui dis-je en souriant.

_ Ça me manque tout ça, avoue finalement mon meilleur ami.

C'était l'époque où tout semblait facile pour nous. On se souciait de rien, on vivait à fond. Tous les trois. Mes parents étaient toujours vivants, et nous n'avions aucune idée de ce que pouvait être la douleur et la solitude. Ceci-dit, Lucas et moi l'avons vite compris quand nous sommes devenus orphelins. Les choses n'étaient plus les mêmes, nous avions changé. On avait grandi d'un seul coup. Je regrette cette époque.

_ À moi aussi..., soufflé-je d'un ton monotone.

Nous arrivons finalement à destination, puis la voiture repart. Liam me sourit, je fais de même.

_ On se retrouve tout à l'heure Ad', fais pas de bêtises, dit il en souriant.

_ T'inquiète pas, tu me connais.

_ Justement, répond-il en partant.

Je me mets à marcher dans l'autre sens. Je sais exactement où je vais aller et ce n'est sûrement pas pour chasser les Particulier. Mais je compte bien en voir un. Caleb.

***

Ma mémoire me permet de me souvenir exactement le chemin que nous avons emprunté la dernière fois jusqu'à l'entrée du passage. Certains détails sont resté gravé dans mon esprit, des pierres, fleurs, ou même des arbres. Certains qui ont attiré mon regard sont maintenant enregistré dans ma tête.
J'arrive rapidement à l'endroit prévu. Je me souviens parfaitement de l'endroit où est l'entrée cachée par quelques végétations. Mais je ne peux pas y aller, je ne sais pas comment ouvrir le passage à l'intérieur qui permet d'accéder au refuge. Je n'y avais pas pensé. Je peux parfois foncer tête baissée sans réfléchir. Et voilà ce qui arrive je suis bloquée.

_ Tu cherches quelque chose ? résonne une voix rauque dans mon dos.

Je ne peux m'empêcher de rire doucement en reconnaissant la voix. Je n'aurai finalement pas besoin d'aller le chercher loin. Je me retourne vers lui, le sourire aux lèvres. Toujours le même. Ses cheveux noirs sont légèrement ébouriffés, ses lèvres affichent un léger sourire, ses bras croisés sur son torse. Il ne porte qu'un simple tee-shirt, il ne semble pas être affecté par le froid, sans doute une autre caractéristique des Particuliers. Mais ce que l'on voit le plus, sont ses magnifiques yeux vairons, une caractéristique bien à lui, détail qui me fait fondre à chaque fois.

_ Peut-être bien... et toi ? Répondis-je, soudainement plutôt joyeuse.

Il hausse les épaules, arborant toujours le même sourire.

_ Peut-être, dit-il doucement.

Un court silence s'installe entre nous. Notre seul moyen de communication est le regard, que nous échangeons sans ciller. Le sien est aussi déstabilisant que la première fois que je l'ai vu. Je n'ai jamais vu d'aussi beaux yeux.

_ Je suis curieux de te connaître Adelia, fait-il alors soudainement. Mais... Tu es assez intrigante, et j'aimerais bien savoir comment est la fille si différente des autres, ricane-t-il finalement, un sourire taquin collé aux lèvres.

Je pouffe un instant, puis soupire, ne pouvant réprimer un sourire amusé.

_ Je suis d'accord, accepté-je alors. Mais seulement si tu acceptes à ton tour de m'éclairer...

_ Ça me convient, allons ailleurs, dit doucement Caleb.

Je m'approche de lui, jusqu'à être à ses côtés et nous commençons à marcher tranquillement à travers la forêt. Le chemin se déroule sous un doux silence. Seuls le bruit de nos pas et de la nature nous entourent. Au bout d'un moment, j'entends le bruit de l'eau. J'aperçois enfin l'origine du son. Une rivière. Le paysage est magnifique, une rivière au milieu de ce paysage de neige, les arbres et les montagnes en arrière plan. L'eau du ruisseau va se jeter dans le lac plus loin. Tout est calme, reposant. J'aime énormément ce genre d'endroit tranquille où on peut penser en toute sérénité. Caleb marche jusqu'à un rocher et s'y assied, il m'invite à prendre place à ses côtés. Nous pouvons voir la rivière de haut. C'est magnifique. Toute la beauté du monde dans un seul endroit, j'en perds mes mots.

_ Alors, parle moi un peu de toi, Adelia, lance alors le Particulier, le regard perdu dans le paysage, un sourire nostalgique aux lèvres.

_ Je sais pas trop quoi dire...

_ Des choses simple, ton âge, ta famille, ce que tu aimes, ta couleur préférée... je ne sais pas, n'importe quoi, je t'écoute, sourit-il en reportant alors son attention sur moi.

Je n'ose pas le regarder dans les yeux. Je n'a jamais eu de problème à regarder une personne dans les yeux, mais lui c'est différent. Il est différent. Je m'éclaircis la voix, et me lance, légèrement embarrassée.

_ J'ai dix-sept ans, j'ai un frère jumeau, Lucas, et un petit frère Léo. J'aime beaucoup la musique, avec mes frères on écoutait tous le temps d'anciens disques, toute la journée en boucle, je crois que ça m'a un peu rendue accro. J'aime beaucoup les couleurs bleu et vert. Et ce que je déteste par dessus tous, c'est le fait d'être obligé de faire partie du Cort et d'être éloignée de ma famille. Mais bon j'ai vite remarqué qu'il y avait quelques points positifs...

Je l'entends rire doucement. Il hoche la tête. Je peux sentir son regard sur moi et je n'ose toujours pas tourner la tête vers lui.

_ Tu n'as pas parlé de tes parents..., dit-il doucement.

Mon sourire s'effondre doucement, et je soupire tranquillement.

_ Ils sont mort il y a quatre ans, avoué-je, Un jour, des membres du Gouvernement sont venus frapper à notre porte, ils nous ont annoncé que nos parents étaient mort. "Accident professionnel" nous ont-ils dit. Mais on n'a jamais su réellement ce qui s'était passé.

Avec le temps, on apprend à gérer sa douleur. À la cacher aux yeux de tous, et je suis devenue plutôt douée pour ça. Personne ne sait réellement ce que je ressens, et la vérité c'est que ça fait mal de ne pas savoir. J'ai arrêté de me poser des tonnes de questions, parce que je sais que je n'aurai jamais les réponses, malgré ce mystère qui tourne toujours autour des réelles conditions de mort de mes parents. Et ça fait mal. Ça me déchire.

_ Je suis désolé, fait soudainement Caleb.

Je tourne finalement la tête vers lui pour lui sourire doucement. Ses yeux sont un océan de sentiments. Son regard en dit tellement plus, et je vois qu'il a l'air vraiment désolé. Contrairement à certaines personnes, il n'a pas pitié. Généralement, les gens éprouvent une certaine pitié pour les orphelins, et je déteste ça.

_ À ton tour maintenant, parle moi de toi, lancé-je voulant changer de sujet.

Il sourit doucement en secouant la tête et regarde devant lui. Cette fois ci, c'est moi qui l'observe.

_ J'ai dix-neuf ans, je n'ai ni frère ni sœur et pas de parents non plus, explique-t-il, le visage soudainement fermé. J'aime aussi beaucoup la musique, et j'aime la couleur rouge, sourit-il enfin.

Je hoche lentement la tête en souriant. La façon dont il a parlé de ses parents m'a fait comprendre qu'il ne voulait pas s'avancer sur le sujet. Et je respecte sa décision. Je ne vais pas forcer une personne à se confier s'il n'en a pas envie. Parfois, forcer les choses peut faire plus de mal que de bien.
Mon regard se pose sur la vue devant nous. Un vent léger vient nous frapper, je frissonne légèrement resserrant ma veste autour de mon corps. C'est agréable, l'ambiance est légère. Nous somme coupés du monde ici, comme si rien ne pouvait nous atteindre. Nous sommes seuls, juste tous les deux. Je tourne de nouveau la tête vers lui qui a toujours les yeux face à lui, semblant pensif.

_ Tu veux bien me parler des Particuliers ? demandé-je alors. Vos facultés par exemple... ce que tu veux.

Caleb tourne la tête vers moi, il connecte ses magnifique yeux vairons aux miens. Un frisson traverse mon corps. Et cette fois ci il n'y a pas de vent. Seulement la puissance de son regard envoûtant. La couleur de ses yeux est unique.

_ Nous n'avons pas tous de facultés exceptionnelles, commence-t-il alors à expliquer. Certains d'entre nous pourrait parfaitement se fondre dans la population humaine. Mais ce qui nous différencie de vous est notre force et notre intelligence sur-développées, ainsi qu'un système immunitaire hors du commun. Les Particuliers sont une mutation de l'espèce humaine, les Hommes ne cessent de s'adapter à notre environnement, c'est ce qui produit ces mutations, et l'évolution de différentes espèces, si tu veux. Après, il y en a certains qui ont des facultés particulière... comme la capacité, vus comme des... "pouvoirs". Mais le terme n'est pas exact, tout est parti d'une mutation dans notre ADN, alors c'est plus génétique que magique. Chez certains, elles étaient plus importantes que d'autres...

Tous le long de son discours, ses yeux n'ont pas lâché les miens. J'en ai jamais su autant sur les Particuliers. Même à l'école, ils ne parlaient que de ce qu'ils avaient fait, qu'ils étaient responsables de la guerre, qu'ils étaient dangereux, différents, des êtres dénués de toute conscience humaine. Mais si on réfléchit bien, ils ne sont pas si différents. Ce que Caleb vient de me dire ne fait qu'accroître ma curiosité. C'est extraordinaire de voir comment le corps humain est complexe et peut créer de nouvelles espèces. Je trouve ça incroyable, la diversité est quelque chose d'unique et magnifique.

_ Et toi ? As-tu ces facultés ? Demandé-je doucement.

Un léger sourire au coin de ses lèvres se forme. Il me regarde dans les yeux, me provoquant un frisson. Malgré le fait que je me sente plus que déstabilisée, je ne lâche brise pas le contact visuel. Même si au fond de moi je bouillonne, je veux garder ce moment intact. Le vent ne semble plus m'affecter, au contraire, j'ai l'impression que la température a soudainement augmenté, dans tout mon corps, en particulier sur mes tempes.

_ Peut-être... souffle-t-il finalement.

Un sourire incontrôlable se forme sur mes lèvres. Il me sourit à son tour, un très beau sourire, s'accordant parfaitement à l'harmonie formée par son visage magnifique. Je ne sais pas si la beauté est une des caractéristiques d'un Particulier, mais en tout cas, lui il l'a, c'est indéniable. Ce n'est pas contestable, tout chez lui me déstabilise. Je meurs d'envie de savoir quelle faculté il possède.
Caleb se relève sur ses deux jambes, puis s'éloigne un peu marchant de nouveau vers la forêt. Je ne le quitte pas des yeux.

_ Viens avec moi Adelia, me fait-il doucement en se tournant vers moi.

Je ne peux plus revenir en arrière. De toute façon, c'est trop tard. Je suis allée trop loin pour reculer, et pour être honnête, je n'en ai aucune envie. Alors, je vais continuer à m'aventurer dans tous les recoins de la forêt avec lui. Parce qu'avec lui, j'ai enfin un semblant de liberté, de sérénité et de bonheur. Je connais les conséquences des mes actes, et en dépit de ça, je ne compte pas m'arrêter maintenant.
Alors je me relève le sourire aux lèvres, et le rejoins. Je suis bien consciente que tout ceci est dangereux, que je prends des risques. Mais comme d'habitude, j'ignore tout ça, et n'écoute que ce que je veux. Je veux être avec lui. Je veux être libre de choisir, et c'est ce que j'ai choisi.

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