VI
Un carnet secret, un journal intime. J'avais un cahier. Il n'était ni petit ni large non plus , rien de semblable à ce qu'on voyait d'habitude. Bleu ciel, quelques petites cubes noires alignées sur le côté gauche , une longue ligne noire sur la droite; il avait tout pour me plaire. Son ruban Grenat , la toute dernière touche qui le rendait simple,discret et joli. Titine me l'avait offert pour mes seize ans. J'étais heureuse! Contente!
Je l'avais conservé tout au long d' un an sans vouloir l'utiliser pour ce quoi il est fait. Ecrire. Page blanche. Ligne bleu. Quelques fois,je le serrais contre ma poitrine. Je lui parlais comme je l'aurais fait à un ami. S'il savait rapporter mes dires, il aurait dit que je pleure souvent la nuit avant de m'endormir. Que j'adore fixer l'obscurité comme si je cherchais une étincelle à travers la nuit. Il aurait dit que Léo ,revient souvent sur mes lèvres. Que je le déteste le soir pour l'aimer le jour. Que mes cauchemars sont nombreux et que mes rêves ,ma soif de vivre sont encore plus nombreux.
Un soir, j'étais assise sur le muret de la galerie. Yeux levés vers le ciel,je contemplais la pleine lune. Elle était ronde,scintillante. Je me surprenais à sourire. Mon coeur se réchauffait. Pour la première fois, j'écrivis dans le cahier. J'écrivais encore et encore. Mes mots étaient timides, sensibles,tremblants. La plume caressait les lignes comme si elle ne voulait pas les entacher,les souiller ,les salir. J'avais écrit mon premier poème! Depuis lors, il était mon refuge , mon havre de paix. Je lui avais même donné un nom.Luciole.
Je lui racontais tout,je lui faisais confiance. Il ne pouvait me juger. Cependant,il y a ces petites choses qu'on ne pouvait s'avouer même dans le plus grand secret. Fuir nos démons. Immerger. Je commençais à le délaisser ptit à ptit. Je n'écrivais plus. Je l'ignorais. Une nuit, je tournais en rond dans mon lit. J'étais en proie à une mauvaise conscience. Je me sentais mal. Le lendemain, je pris Luciole et je l'ai rangé au fond d'une boîte.
Des tensions régnaient encore à Petit-Goâve. Elles naissaient comme des étincelles couvées sous une tonne de cendres. Au moindre souffle et un peu de foin, elles s'allumaient. J'avais fini par ne plus y prêter attention. J'attendais. Je n'espérais pas! Il y a longtemps que l 'espoir m'avait quitté. Il ne servait qu'à nourrir mes illusions. J'avais besoin de grandir et de voir les choses telles qu'elles sont sans imaginer un instant qu'elles pouvaient ni pourraient en être autrement.
Ils réclamaient cette fois-ci de l'électricité. Plongé depuis plusieurs semaines dans un Blackout* total, l'insécurité planait sur la ville. Les gens se faisaient voler,piller et martyriser par des hommes armés. La vocation PM de certaines écoles était boycottée. Les élèves couraient les médias pour crier appel à la pitié, à la compassion et non au secours. Ils voulaient être compris, entendus et répondus. Les visages restaient neutres. Les mots coincés au creux de la gorge. Les têtes s'abaissaient. Le train de vie dérayait.
Nou mande kouran, nou vle kouran.
Pancartes à la main, banderoles, une méringue endiablée; une foule se dirigeait vers le central de distribution de l'EDH. D'autres personnes se rejoignaient tout au long du parcours. Elèves, commerçants,chauffards... ils ne faisaient qu'un. Ansanm nou fò!
Notre devise ne pouvait être mieux illustrer. Le soleil de plomb tapait sur leur fronts dénudés , ils dégoulinaient de sueur mais la voix ne leur manquait. Elle portait loin. Quelques fois, ils vociféraient des propos vulgaires. Ils étaient en colère,frustrés.
Pendant une semaine, ils occupaient les rues jusqu'à quatres heures de l'après midi. L'électricité n'était pas toujours rétablie. Fatigués , ils s'étaient rétracter comme un loup dans sa tannière. Faux semblance. Ruse. Stratège.
De très tôt, la circulation sur la route nationale devenait quasi impossible. Aucun véhicule ne pouvait y circuler.
J'étais habituée. La situation avait un côté hilarant. À chaque fois qu'ils revendiquaient et qu'ils ne trouvaient encore satisfaction; ils boycottaient le trafic entre le bas Sud et la capitale. Nous n'acceptons pas l'échec. Dans la soirée même,la ville fût illuminée,les zones avoisinantes...yo bay kouran.
Cela avait duré deux jours approxivativement. Le troisième jour, retour à la situation initiale. Frustrés,le même petit manège recommençait. Tenaces,résistants...ils regagnaient les rues jusqu'à "ti guinen* " un beau dimanche et assiégaient le central. Pendant qu'ils manifestaient pour ce qui leur revenait de droit, l'électricité était rétablie. Satisfaction.
Mon grand-père riait et disait que nous savions nous battre avec des griffes. Moi qui aimait l'écouter,je souriais. Je pensais à Léo.
J'aurais aimé qu'il soit là. J'avais besoin de son rire. Cette bouffée de chaleur qui troublait mes sens. L'adrénaline qui courait mes veines lorsque nous nous adonnons à l'interdit. Le manque est un fardeau qui pèse lourd. Il alourdit le coeur. J'aurais voulu pleurer. Que mes larmes me noient! J'aurais voulu le voir apparaitre comme par magie et me serrer fort ,très fort dans ses bras comme lui seul sache s'y prendre. J'aurais été troublée par cet effusion d'affection. Il aurait souri et j'aurais baisé la tête. Il me l'aurait relevé avant de m'embrasser sur le coin des lèvres puis passionnément. Nous nous serions perdus,oubliés.
Je m'énervais. Contre moi,contre le temps. Je m'en voulais de ne pas être comme le printemps qui vient et que l'hiver efface. La chaleur des jours passés restait présente et me suffoquait à chaque fois que je fermais les yeux.
Je savais quoi faire. Il me fallait un millième de courage, la volonté je l'avais déja. L'envie suintait dans mes pores. Je transpirais le besoin de lui parler. Je pris mon téléphone et lui écrivit.
Je le regrettais déja avant sentir le smartphone vibrer sous l'oreiller. Il avait répondu!
La nuit fût belle mais le jour s'annonçait moins charmant. Tout allait revenir comme hier. Je le savais. Je savourais chaque instant et j'imaginais que Léo sera là demain. Je me mentais comme un criminel à sa dernière heure se convaint d'avoir été bon,honnête et qu'il mérite le paradis. Lorsque le sommeil paraissait alourdir mes paupières ,j'éteignais le téléphone et j'ai murmuré tout bas:" Goodbye Léo!" Il n'y avait pas eu de je t'aime ni je serai toujours là. On n'en n'avait pas besoin. Je ne lui avais rien promis. Nous savions qu'au levant ,je serai dans ma petite ville tranquille. J'irai en cours et je regarderai la mer avec la même nostalgie. Que lui,il sera à des kilomètres. Qu'il ira à la plage et aura le souvenir du pays. Il aura envie de prendre le premier vol ,de rentrer. Nous serions encore des instants volés.
Coucou EderApollinari11 ,LaPlume-Enpleur!
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