V
Je me sentais seule mais je n'étais pas déprimée. J'avais des raisons de vivre,de croire. J'avais des rêves,ils étaient grands. Me retrouver dans une de ces rues résidentielles , le calme. Je m'assierais à l'ombre d'un cocotier,d'un quelconque arbre ou contre un mur ou sans doute au milieu de la rue même avec les pieds repliés sous mes fesses.Lotus. Je me sentirai bien. Je lirais du Tchekhov,du Bukowski, du Sherlock Holmes ou du Shakespeare. Et peut-être que je me réfugierais chez les contemporains. Garry Victor pour une description crue de la réalité , À l'angle des rues parallèles. Mon préféré. Je ne me rassasirais pas non plus de Saison Sauvages. Témoignage poignant de la période duvaliériste. Kettly Mars, mon auteure préférée.
Je rêvassais!
Le soleil tapait fort dans le ciel. La sueur perlait les fronts à tel point qu'on pourrait combattre la sécheresse si on pouvait recueillir chaque goutte dans un récipient.
Les examens d'État approchaient. Le stress,il me rongeait. Il nous rongeait tous. Je ne dormais presque plus. Quelques nuits ,je me réveillais et récitais comme par réflexe les formules de Physiques. L'obsession tue. J'avais peur. Pas de ne pas réussir mais de ne pas en donner le meilleur et plus encore de moi même. J'étais dure,intransigeante. Il le fallait!
Léo, on se parlait rarement. Si j'étais là ,je t'aurais donné quelques notions en Chimie. Il n'était pas là et j'étais médiocre. Très médiocre.- Chimie se pou fi- . Il fallait croire que je n'en étais pas une. J'aurais voulu lui répondre que s'il était là,ce serait différent. Absolument tout. Je ne serais pas comme une hirondelle qui n'a plus d'ailes. Ni comme une intoxiquée. Une droguée en manque.
Si ,si ... supposition.
Léo ,lui ,il était intelligent. Ces gens qui sachent tout maîtriser. Les langues,les maths,la philosophie,la physique...tout.
Moi ,j'étais une âme sensible. La littérature ,ma passion. J'aimais néanmoins les tragédies,les récits historiques et mythiques. La guerre de Troie. Antigone. À chaque fois,je me sentais téléportée comme si je vivais chaque moment. Ressenti chacune des douleurs. Andromaque ,veuve d'Hector. Achille tué par Paris en voulant sauver Briséis. Léo risquerait il sa vie pour moi? Je ne voulais pas y penser. Je n'osais même pas imaginer. Je n'aimerais pas. Il était né pour vivre,encore et encore.
L'oubli.
Gustave,un ami que je m'étais faite m'aidait à oublier quelques fois.Mon havre de paix. J'aimais discuter avec lui. Il me rendait heureuse. Le bonheur dépend d'un minime et minuscule fil.Un sourire. Un mot.
Je ne cherchais pas Léo en lui comme le prétendait Paola. Je le voyais comme il était. Dans son intégralité. Gustave Chéry. L'aimais je? Oui. D'un amour innocent,pur comme je n'avais jamais ressenti auparavant. Un amour qui ne se devait pas être charnel. Aimer proprement. Souvent la nuit, comme si l'aimer était une disgrâce ou un péché,je refusais de penser à lui. Mes oreillettes à fond,je voguais. Tanguais. Depuis quand se condamnait on à aimer qu'une seule personne?
Paola n'aimait que Raoul. Malgré ses ses libertinages ,elle restait lié à ses chevilles.Mordre la poussière.
"Tromper est monnaie courante", son crédo.
Seul Raoul paraissait à ses yeux digne d'être son amant ,son homme. Pourquoi? Parce qu'elle ne lui mentait jamais. Naïveté. L'amour rend tellement stupide que cela devient aberrant. Quelques fois pour se rassurer,elle racontait à voix haute et intelligible son histoire. Sa pièce classique. La tragédie de Paola.
Je n 'ai jamais connu ma mère. Elle est décédée trois jours après ma naissance. Ma tante,Eleanore s'est occupée de moi. Elle m'a allaitée et nourri. Je l'aimais jusqu'à ce qu'elle épouse mon père quand j'avais six ans. Depuis tout a basculé. Mon père me consacrait peu de temps. Trop occupé à gagner de l'argent. Il voulait toujours davantage. Vers l'âge de treize ans, il avait quitté le pays sous prétexte d'une vie meilleure. Il s'était installé en République Dominicaine. Je ne savais pas trop pourquoi il avait fait ça.Nous étions de modestes gens mais notre porte feuille était bien rempli. Un jour, une nouvelle de la frontière nous était parvenue. On l'avait tué. Je rentrais de l'école cet après midi là et je me rappelle de l'expression zombifiante de ma tante. J'étais déboussolée. Anéantie. Je venais de perdre mon père. Mes espoirs de poursuivre mes études universitaires à l'étranger s'étaient envolés. Déjà que la conjoncture politique du pays boycotait les universités d'État,je n'avais aucune chance. Tante Éleanore avait repris son chair à l'école méthodiste mais ce n'était pas assez suffisant pour répondre à nos besoins. Nous étions mal barrées. J'ai connu la mutilation. Ces bracelets qui ne quittent jamais mon poignet dissimulent mes cicatrices. Raoul me les avait offert à notre second rendez-vous en me faisant promettre de ne plus recommencer. Comment l'avais je connu? Un après midi,j'étais au bord de la mer et je regardais un coucher de soleil. Le menton posé sur mes genoux repliés,je pleurais silencieusement. À cet époque ,je croyais que pleurer pouvait me libérer. Je ne l'avais pas vu venir jusqu' à ce que des bras m'entouraient la taille . Je m'étais jetée sur lui sans savoir qui il pouvait être.Il n'avait rien dit. Il me caressait les cheveux,m'embrassait les épaules. Ce jour là,j'avais fait l'amour à un inconnu. Ma première fois,en plus. Pendant un laps de temps, j'avais perdu toute notion du temps. Après cet acte purement irréfléchi, je n'osais le regarder. Je voulais fuir mais il m'avait retenu. "Tu es ma femme maintenant. Aujourd'hui ,demain et pour toujours."
Ainsi,timidement nous avions construit une relation. J'apprenais à l'aimer. J'étais sa femme. La sienne. Il ne m'a jamais lâché depuis. Lui et moi,c'est pour la vie. Si ce n'est pas pour cette vie ,ce serait pour celle éternelle. Ces filles qui lui courent après ou qu'il s'envoient en l'air ne m'intidiment pas. Je ne suis pas jalouse. On l'est quand on a peur de perdre quelque chose et moi j'avais rien à perdre. Pourquoi? Raoul est et sera toujours à moi. Mon now and Ever.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top