II

No more you_Akon.

Léo. Je l'avais aimé dès notre premier baiser. Tendre,hésitant,timide. J'avais senti mon coeur palpiter. Et le reste n'avait plus d'importance.

Pour lui, je prendrais une balle. Je le protégerais de tout s'il venait un jour où je devrais assurer ses arrières. Bonnie et Clyde. Je ne devrais pas y penser puisque Léo avait un sens aigu de la justice. Il souhaitait devenir avocat. Je croyais dur comme fer qu'il y arriverait. Il avait déjà le charisme. Je souriais à  chaque fois qu'il portait sa tête fièrement  comme s'il était un monarque. Un prince.

Léo n'était pourtant  pas prince,ni un valeureux chevalier. Il était ce jeune garçon qui aimait la vie,qui en profitait à fond. Dans ces flirts, ces parties de volley ball, dans une gorgée de bière,dans la lecture. Il aimait Phèdre autant qu'embrasser. Léo avait ses mystères. Il se mêlait des vives discussions politiques comme s'il était déjà un politicien. Son sourire ne le quittait jamais . Je m'étais souvent demandé,s'il sait être triste.

Amoureuse,j'aimais Léo. Une partie que je ne souhaitais jamais voir disparaître.

Tant bien que mal, l'école avait ouvert ses portes. J'étais ravie. Comme la plupart de mes camarades de l'époque,nous avions eu cet engouement d'apprendre. De faire nos preuves. Les journées de classes ,malheureusement,arrivaient rarement vers les midi alors qu'elles devraient aboutir jusqu'à quinze heures .

Au début, quel plaisir y avait il de pouvoir échapper aux deux heures d'affilée de maths ou de Physiques. Je me souviens qu'avec mes camarades, nous avions eu l'habitude de répliquer Nou pa vinn la pou dizè,quand la censeure nous demandait de faire silence. Nous étions turbulentes,impossibles. Je suppose que nous étions comme la majorité des élèves de notre génération.
À la longue,la situation devenait encombrante,nase. Je sentais le temps filer. J'avais l'impression comme bon nombres que les jours se gaspillaient. Qu'on pourrait devenir très Sot. Une probabilité.

Je me  mettais ,depitée, à prier tous les matins que les rassemblements ne se fassent pas. Qu'on nous laisse pour une journée la chance de suivre tous les cours prévus dans l'horaire . Rien.
Dès qu'il était onze heures au plus tard, les écoles renvoyaient tous leurs élèves. Précaution. Les parents s'inquiètaient énormément. Qu'est ce qu'on pouvait faire? Rien. C'est comme regarder le film de sa vie se défiler sans pouvoir changer le scénario malgré le troublant ,le tragique dénouement.

Marre...on en avait marre.

Un matin, en allant  à l'école parce que je refusais de rester à la maison, les gens me dévisageaient comme si j'avais perdu la tête . Tifi sa a pa konn ap gen manifestation. Je n'y avais pas prêté attention comme toujours. J'étais en colère ,rageuse. Un mois était déjà écoulé sans que je n'aie un cours de maths. Tous les jours , il y avait une putain de manifestations. La rébellion. Quelqu'un pensait il à nous,jeunes élèves qui risquaient à la fin de l'année de ne pas maîtriser le programme du ministère de l'éducation? Ils n'avaient rien à foutre.
Ce matin là,malgré ma détermination en béton de rejoindre l'école , je ne pouvais y aller. De très tôt, la route nationale était bloquée. Caoutchouc , bloc , débris de camion. Tout contrastait pour empêcher la circulation. Les gens du bas Sud se retrouvaient coincés, impossible  d'entrer à  Port-au-Prince. Blocus médité,à  Petit-Goave. Je me souviens  avoir pleurer,ce jour là. D'impuissance,de dégoût,de résignation. On pleure pour tellement de choses parfois. Qu'elles soient futiles,banales ou sérieuses.

Léo,lui, se rangeait du côté de l'opposition. Je lui avais subtilement reproché de prendre parti mais il n'avait que faire. Mon avis peut être,lui importait peu. Poltronne. J'avais préféré être une poltronne qu'être idiote,lui avais je répondu.
Le peuple c'est la canaille. Je donnais raison à Rousseau. Nous sommes quelques fois comme des caniches qui courent après un os alors que les kilos de bonne chair pourrissaient.

- Approche!

J'étais dans les bras de Léo. Nous avions eu ce besoin de prendre notre part au soleil dans tout ce foutoir. Je me sentais bien . Une question ,comme à chaque fois, que j'étais avec lui me trottait dans la tête.

Léo, tu m'aimes?

Je ne le posais jamais. Non pas par peur d'être déçue. Ses yeux ne me mentaient pas. Il y avait cette petite étincelle qui faisait sentir que j'étais spéciale. Je l'étais, j'essayais de m'en convaincre. Il était ce dont j'avais besoin. Il était là...

À chaque fois qu'on passait une journée ensemble, j'avais l'impression que les heures filaient à la vitesse de la lumière. Trop peu.

Pour nous autres élèves,il ne restait qu'une seule solution. Travailler en équipe. Si l'on voulait avancer, il faudrait se bouger,travailler seul ,arrêter d'attendre les quelques brides de notes des professeurs. Apprendre par soi même.

Très vite, des petits groupes se formaient. Les rivalités étaient mises de côté. Un but commun.

Un après midi, je me rappelle de ce jour là,je ne saurais l'oublier. J'étais à  Jubilé. Avec d'autres amies,nous résolvions quelques exercices de maths. Nous avions accumulé du retard et nous avions eu le souci de nous rattraper.

Pow..pow...pow.

_Anmwey fout!
 
Je n'aurais jamais oublié l'expression de Titine. En deux temps trois mouvements,nous étions devant la petite barrière en tôle rouillée de Paola. Qu'est ce qui se passe? Les yeux hagards,n'y comprenant rien,nous nous posions toutes la même question. Jubilé était éveillé. Tout le monde se tenait devant leur maison.

Pow...pow...pow .

_ Jezi papa bondye!

Pagaille. Nous nous étions engouffrées  à nouveau chez Paola. Personnellement,mon coeur battait la chamade. J'avais peur.

_On fait quoi? Avait demandé Mica.

Nous nous regardions l'une l'autre. Personne ne savait.

_Moi,je rentre. Je ne vais pas rester ici.
Avais- je eu le courage de dire ,tremblante quelque peu.

L'instinct de survie.

- On vient de mettre feu à un bus faisant Port-au-Prince_ Sud

Et merde!Exclamait Milie.

_ Lys, Mica, vous restez ici? Vous ne pourriez pas rentrer.

Paola s'inquiètait , ça se voyait.

_ Moi ,je rentre quelqu'en soit !

Inconsciemment,Mica avait choisi pour moi. Je n'allais pas rester chez Paola et patienter. J'allais rentrer chez moi quelqu'en soit également.

Je me souviens que la route nationale était clean. Pas une mouche.Je marchais tremblante. Je connaissais un petit corridor ,un vieux détour ,que j'empruntais. Au moment où j'y avais mis les pieds, la zone était bombardée de gaz lacrymogènes. Pour une fois,je n'avais pas peur. Je voulais arriver à la maison. Qu'importe !  Je respirais de plus en plus difficile. L'odeur nocive s'ancrait en ma gorge. Mes yeux me piquaient.

Mais c'est Lys!

Un jeune homme que j'avais pour habitude de saluer, m'avait entraîné chez lui. Il m'avait sauvé,ce jour là. À peine assise,  j'avais  commencé à ne plus pouvoir respirer correctement.Je tanguais au bord du gouffre.J'avais remercié  le seigneur Dieu les jours suivants du fait que ce type là se trouvait à sa fenêtre à l 'heure où je passais. Je lui avais demandé de lui donner une bonne femme à l'avenir.

Ce soir là,aux environs de dix neuf heures trente ,l'heure à laquelle j'avais pu rentrer à la maison;ma mère avait pleuré en me voyant. Elle m'avait dit Je t'aime. Un trop plein d'émotions en une seule journée,j'avais moi aussi pleuré.

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