Chevalier

— On nous dit toujours de ne pas se faire justice. Mais si ce n'est pas juste, peut-on encore appeler ça de la justice ? Et puis, qu'est-ce qui est juste ? Le ciel est-il bleu ? Non, ça, c'est juste, c'est vrai. Enfin... Est-ce la vérité ? Est-ce une juste vérité ? Mais ça voudrait-il dire que certaines vérités sont injustes ? Seraient-elles injustes parce qu'elles sont incorrectes ou parce qu'elles ne sont pas empreintes de justice ? Encore faudrait-il savoir si la justice laisse une empreinte. Laisse-t-elle toujours derrière elle un élément commun à toutes les vérités ? Non, attends, je parlais de la justice, pas de la vérité, c'est ça ? Je ne sais plus.

— Idem, rétorqua-t-on sur un ton monocorde. Ne crois pas que je t'écoutais.

Il esquiva de justesse une chaussure en décalant sa tête. Adossé contre une carcasse de voiture, il déboutonna sa chemise et la jeta dans le brasier. Il regarda le feu crépiter avec une expression impassible.

— Pourquoi as-tu fait ça ?

— Elle me gênait. Elle puait et ça dégoulinait.

Il se gratta le torse et finit avec quelques poils sur la main. Il s'en débarrassa tout en balayant la fumée. Il soupira avant de tousser deux fois.

— Ne traînons pas là. C'est risqué.

— Très bien.

Elle se releva lentement. Chancelante, elle manqua de tomber après avoir fait seulement quelques pas. Il l'avait rattrapé au dernier moment. Sa gratitude se résuma à un hochement de la tête. Il la remit sur pied et ouvrit la marche. Quelque chose avait été tatoué à l'arrière de son épaule gauche, mais c'était trop petit et l'obscurité n'aidait pas. Ils durent slalomer et enjamber différents obstacles pour pouvoir s'éloigner du brasier. Il était si important que la chaleur se sentait jusqu'à loin. Toutefois, malgré cela, elle avait toujours froid. Il fallait dire que sa robe ne la couvrait plus autant qu'au début de la soirée.

— Comment faites-vous pour ne pas trembler ?

— Je n'y pense pas, c'est tout.

Le ton de sa voix coupa net la conversation. Il continua sa marche, sans se retourner une seule fois. À un moment, il se mit même à accélérer et elle dut faire de même, comme elle le pouvait, pour ne pas se faire semer. Si le danger immédiat avait été écarté, seule, elle donnait pas cher de sa peau. Chacun de ses pas se faisait de plus en plus lourd, chacun de ses pas lui faisait de plus en plus mal. La terre était sèche et craquelée. Les brins d'herbes y étaient rares. Il accéléra de nouveau. Cette fois, elle ne réussit pas à suivre le rythme. Elle s'arrêta un court instant pour reprendre son souffle, mais il était déjà loin devant. Elle rassembla le peu de forces qui lui restait et ouvrit la bouche :

— Chevalier...

Les genoux à terre, ses cheveux se mêlèrent à la boue et au sang.

— Chevalier...

On entendit des pas approcher.

— Chevalier...

Ils étaient accompagnés d'un cliquetis régulier.

— Chevalier...

Une ombre s'étendit derrière elle.

— Chevalier...

Elle cria.

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