Chapitre 7 - GhostValley, nous voilà !

Lyse arriva chez moi à dix-huit heures tapantes.

Postée derrière la fenêtre du salon, j'observai comme elle adressait des au revoir au summum de l'excitation à son père, resté au volant et probablement dubitatif. Mon amie galopa vers la porte d'entrée, et je lui ouvris avant même qu'elle ne sonne.

⸺ Lyse est dans la place ! scanda-t-elle en déployant les bras façon star de ciné.

⸺ Lyse a fait une erreur de dressing, déplorai-je avec une grimace.

Elle baissa les yeux pour considérer son long manteau noir oversize.

⸺ Tu n'aimes pas ? se surprit-elle. Je viens de l'acheter.

⸺ Ah non, il est magnifique.

Je lui attrapai le bras pour l'attirer dans la chaleur de la maison.

⸺ Le hic, c'est que le noir est la couleur réservée aux Chasseuses.

Et Lyse, qui traversait une période pseudo-gothique rythmée par un visionnage intensif des films de Tim Burton, avait opté pour un total look noir.

⸺ Là-bas, tout le monde te prendra pour l'une d'entre nous, explicitai-je. Pour le meilleur, et pour le pire...

⸺ Bigre ! s'écria-t-elle en ouvrant des yeux comme des billes. On n'a pas encore franchi le portail que j'ai déjà fait un faux pas.

⸺ Ce n'est pas grave. Tu n'as qu'à mettre ma parka bordeaux, et moi, je mettrai ton...

⸺ Ôte tes pattes meurtrières de mon manteau ! se rebiffa-t-elle avec un bond en arrière. Je refuse qu'il subisse le même sort que ma blouse la dernière fois !

­­­­⸺ Compris, je me retire ! cédai-je immédiatement dans un éclat de rire. Tu n'as qu'à mettre ma parka, et je mettrai mon manteau de travail.

Lyse, qui avait fermement enroulé ses bras autour de sa poitrine pour défendre son bien, se détendit un peu.

⸺ Oui, hein... Parce qu'un vêtement barbouillé de sang de toutes les couleurs, ça me suffit.

Alors que nous montions ses affaires à l'étage, Lyse s'étonna du calme qui régnait dans la maison.

⸺ Mes parents sont allés faire des courses pour demain, lui expliquai-je.

Je n'ajoutai pas que j'étais bien heureuse qu'elle ne les voie pas sous l'effet du sortilège d'Hyppolyte...

⸺ Des courses un vingt-trois décembre ? Quel courage. Ou quelle folie, c'est selon...

⸺ C'est parce que ma grand-mère a incrusté mon oncle Jean pour le réveillon, soupirai-je. Elle a pris mes parents par les sentiments, en invoquant le divorce de mon oncle. Mon père a capitulé. Il ne sait pas dire non à sa mère.

Les relations entre mon père et son frère n'étant pas au beau fixe, je doutais que notre réveillon cette année ressemble à celui des téléfilms de Noël américains, dégoulinants à souhait.

⸺ Ne t'inquiète pas, je suis sûre que ça va bien se passer, me rassura Lyse avec une petite tape sur l'épaule. Et puis, on a des questions bien plus urgentes à traiter...

Sa tape compatissante se transforma en bousculade, et elle me poussa des deux mains dans ma chambre, claquant le battant derrière nous.

⸺ Je veux tout savoir, exigea-t-elle en balançant son sac à dos tout rebondi dans un coin de la pièce. Et dépêche-toi de tout déballer avant que Chris ne débarque avec ses gros sabots.

⸺ Oh, heureusement que tu le mentionnes, hoquetai-je. Chris ne sait rien. Rien de rien. Shawn ne m'a jamais arrachée des mains de vampires psychopathes, et Shawn n'est même jamais revenu, insistai-je en fichant mes yeux dans les siens.

⸺ J'irais même plus loin, fit-elle en levant un index verni de rose. Qui est Shawn ?

⸺ Tu as tout compris, m'esclaffai-je.

Mais le souvenir du jeune homme, si distant chez Gregory, si brillant dans le bureau de Frédéric, transforma mon rire en plainte.

⸺ Tu veux que je te déballe tout, mais il n'y a pas grand-chose à dire, gémis-je en m'asseyant sur mon lit.

⸺ Tu plaisantes ? Il vient te chanter la sérénade la nuit dernière, et tu veux me faire croire qu'il n'y a rien à dire ?

⸺ Il ne m'a pas chanté de sérénade. Il a juste su que je serais...

Je fermai ma bouche comme un clapet, peu désireuse de confier à Lyse à quel point ce kidnapping m'avait démolie. Au contraire, je voulais me reconstruire, pierre par pierre, et cette réédification de mes remparts commençait par revenir à mes principes fondamentaux : protéger mes proches.

⸺ Que tu serais ? sonda Lyse, plissant les yeux avec méfiance.

⸺ Un peu patraque, terminai-je avec négligence. Mais il ne s'est rien passé, enchaînai-je d'un ton morose.

⸺ Pas de bisou ?

⸺ Pas de bisou.

⸺ Même pas un tout petit riquiqui ? fit-elle en rapprochant son pouce et son index.

⸺ Crois-moi, je m'en souviendrais. Il était froid comme un Magnum, l'onctuosité du chocolat en moins.

⸺ Pff...

Lyse se laissa tomber à côté de moi, menton enfoui dans la main.

⸺ Je commence à me dire qu'il m'a sauvée par culpabilité.

⸺ Ne dis pas de bêtises.

Et elle balaya cette éventualité d'une main ferme.

⸺ Il est peut-être juste timide. Ou impressionné. Ou encore puceau.

Cette dernière hypothèse me provoqua une brusque hilarité dont les ronflements ridicules accentuèrent le fou rire de Lyse, on ne peut plus fière de sa plaisanterie.

⸺ Blague à part, reprit-elle quand elle réussit à recouvrer ses esprits, je suis certaine qu'il y a une explication à son comportement.

⸺ Si tu le dis...

Je jouai distraitement avec ma bague sertie d'un onyx, passant mon pouce sur la surface lisse de la pierre.

⸺ Je crois... qu'il a été obligé de passer un marché avec un sorcier pour retrouver ma trace, lui confiai-je tout bas.

Les sourcils blonds de Lyse devinrent un bâton rigide au-dessus de son regard céruléen.

⸺ Tu veux dire, une sorte de pacte ?

⸺ Oui, dans le genre magie noire bien dangereuse. Il n'a pas voulu m'en parler, mais même Gregory avait l'air inquiet.

⸺ Gregory... le frère de Vicky ? Tu l'as revu ?

⸺ Ce matin, confirmai-je avec un sourire en coin. Il est officiellement devenu mon instructeur en sorcellerie. Même si je n'ai pas bien compris pourquoi il acceptait de m'aider...

⸺ C'est fantastique ! se réjouit-elle en tapant des mains. Avec lui, c'est sûr, tu vas faire des progrès du tonnerre !

⸺ Pour l'instant, personne ne le sait à part toi, alors motus et...

Le bruit clair de coups portés à ma porte noya la fin de ma phrase. Je posai mon index sur mes lèvres à l'intention de Lyse, qui, en retour, fit mine de se fermer la bouche avec une fermeture éclair. Je la remerciai d'un pouce levé, puis me dépêchai d'ouvrir à Chris, qui avait pris soin de ne pas toucher le grigri anti-intrusions toujours fixé à la poignée de porte.

Cheveux lustrés, chemise à carreaux cintrée, cou parfumé, œil brillant... En une journée, Chris s'était métamorphosé en jeune premier prêt à tout pour séduire sa dulcinée. Les bras m'en tombèrent. Le silence se prolongea tant et si bien qu'il se mit à gigoter, mal à l'aise sous mon regard de bovin.

⸺ Lyse est bien arrivée ? finit-il par dire dans un raclement de gorge.

⸺ Présente ! s'exclama cette dernière en bondissant à côté de moi.

Avisant à son tour Chris, elle poussa un sifflement d'admiration.

⸺ Quel beau gosse ! C'est pour les démones que tu t'es mis sur ton trente et un ?

⸺ Euh...

Connaissant bien mon frère, je perçus tout son désarroi dans l'inspection furtive de sa tenue à laquelle il se livra. Je décidai de le secourir des gentilles moqueries de Lyse en détournant l'attention générale :

⸺ On ne devrait pas trop tarder si on veut avoir des places. Ma collègue Helena m'a dit qu'il risquait d'y avoir foule au ciné.

⸺ Je n'arrive pas à croire que tu m'aies convaincu d'aller voir un film à l'eau de rose, grommela Chris, guère enchanté par le programme de la soirée.

⸺ C'est le plus près que tu seras d'une créature des ténèbres, alors apprécie ta chance, rétorquai-je en choppant mon blouson noir dans mon armoire.

⸺ J'ai déjà été plus près que ça, maugréa-t-il.

Je ne relevai pas sa référence discrète à la prise d'otages du mois de mai.

⸺ Moi, j'ai hâte d'y être, contrebalança Lyse avec un sourire rayonnant.

Dans le fond, je savais Chris aussi impatient que Lyse, mais son rôle de grand frère l'obligeait à adopter une attitude blasée parfaitement horripilante. Je fis fi de son expression désabusée cependant que je me pressais de récupérer mes affaires : dague, portefeuille et, surtout, téléphone. Je ne doutais pas que Sandy allait être sur mon dos toute la soirée pour vérifier que je tenais bien parole et me limitais à cette sortie ciné.

Après moult vérifications de dernière minute, notre trio quelque peu bigarré mit enfin les voiles. Je tirai les volets de ma chambre, éteignis la lumière et leur attrapai la main pour un tour de manège de mon cru.

C'était la première fois que Chris prenait l'Alicia Express. Ses jambes se dérobèrent sous lui à l'atterrissage. Avec un petit rictus narquois, je le ramenai à la verticale, sans commenter son teint palot. Je n'étais pas si mesquine.

Devant nous, le manoir étirait sa façade sombre, forteresse picorée de puits de lumière. Un décor familier, qu'un détail inhabituel venait toutefois déranger. Derrière le tacot de Frédéric et le bolide de Jack, une petite voiture défiait la nuit de ses fleurs multicolores. Cette touche d'originalité était l'apanage d'une seule personne de ma connaissance.

Et effectivement, lorsque je fis pénétrer Chris et Lyse dans le manoir, Vicky Drezen conversait avec Sandy au pied des marches. La sorcière pivota vers moi avant même que je ne mette un pied à l'intérieur du bâtiment. Mes ondes avaient trahi mon arrivée.

⸺ Vick-ouf !

Fidèle à ce qui semblait devenir une habitude, la sorcière avait enroulé autour de moi des bras tels des boas constrictor. Je me retrouvai aux prises avec ses cheveux rouges, qui me chatouillèrent impitoyablement le nez. La scène aurait pu être drôle, si ce n'était pour ses épaules qui remuaient par saccades. Bouleversée, je compris qu'elle se retenait de pleurer.

⸺ Je suis tellement désolée, gémit-elle dans mon cou.

Chris, à ma gauche, se tendit imperceptiblement. Je ne sus d'où me vint la force d'éclater de rire. Sans prêter attention à l'air coincé de Lyse, qui craignait de dévoiler sa propre tristesse, je me bidonnai comme si ce que venait de dire Vicky était la plaisanterie du siècle.

⸺ Mais ce n'est pas grave si le talisman que tu m'as vendu était défectueux ! prétendis-je en l'écartant fermement de moi. Ça arrive à tout le monde, je t'assure.

Elle sourcilla. Je soutins son regard. Elle rouvrit la bouche, incertaine.

Par chance, Sandy entra tout naturellement dans mon jeu.

⸺ Tu pourrais l'échanger contre un autre, à l'occasion ?

⸺ Euh, eh bien...

Vicky donnait l'impression d'avoir été propulsée au beau milieu d'une pièce de théâtre sans avoir appris son texte. Je la suppliai sans un mot de suivre le mouvement, ce qu'elle fit avec l'air de marcher sur des œufs déjà fendus.

⸺ Ce sera... avec plaisir. Vous n'aurez qu'à passer à ma boutique avec ce... talisman défectueux.

⸺ Génial !

Je ne m'autorisai même pas à me laisser aller : je sentais Chris aux aguets, plein de soupçons qui, s'ils continuaient de s'accumuler, le pousseraient à me cuisiner à feu doux. Il risquait de m'avoir à l'usure. Je ne me sentais pas de taille à subir un interrogatoire musclé après ce que j'avais vécu.

Heureusement pour moi, Vicky se ressaisit et tourna son visage de commerçante opiniâtre vers Chris et Lyse avant qu'il ne réagisse :

⸺ Vous êtes des amis d'Alicia ?

⸺ Je te présente mon frère, Chris, et Lyse, une amie. En fait, poursuivis-je avec gaucherie, je ne te l'ai jamais dit, mais je ne viens pas vraiment d'Espéritie. Je suis de...

⸺ Pristine, oui, me devança-t-elle avec entrain. Gregory me l'a dit.

Passée ma surprise, je dus reconnaître que j'étais reconnaissante, pour une fois, que Gregory fût pareil moulin à paroles.

⸺ C'est la première fois que vous venez à GhostValley ?

⸺ Et pas la dernière, j'espère ! rétorqua Lyse, extatique. Alicia m'a parlé de ta boutique. Je rêve de venir y faire un tour.

⸺ Avec joie ! assura-t-elle, les joues roses tant elle était flattée que Lyse puisse la connaître ainsi que sa modeste échoppe. Par contre, je ne suis pas sûre que vous ayez choisi le bon soir pour sortir, avec les manifestations qui sont prévues...

⸺ Les ? relevai-je en sourcillant.

⸺ Je t'ai dit que les partisans de Nouvelle Aube avaient prévu de défiler, me rappela Sandy, la mine sombre. Eh bien, les pro-rapprochements ont décidé d'organiser une contre-manifestation. À la même heure. Toute l'équipe est mobilisée pour maintenir l'ordre, mais ce sera coton. On ignore encore si des créatures des ténèbres seront de la partie, mais si c'est le cas...

⸺ Oh, fis-je, déstabilisée par cette nouvelle donnée qui risquait de compromettre nos plans.

⸺ C'est grave ? s'inquiéta Lyse.

⸺ Disons... que c'est comme si tu t'amusais à tirer des feux d'artifice à côté d'une station-service, grommelai-je, dépitée. Ça risque fort d'exploser...

Lyse en perdit le sourire. Elle paraissait déjà se préparer à l'idée que Sandy annule officiellement cette virée qui, dès le départ, n'aurait pas dû être. Je m'étonnai en revanche du manque de réaction de Chris. J'en compris rapidement la raison : en haut des escaliers se tenaient Laurine et Cathy. Cette dernière, avec ses cheveux bruns tressés en une délicate couronne, son visage en forme de cœur et ses yeux aux longs cils, avait capté toute l'attention et tous les neurones de mon frangin. Je le réveillai d'un coup de coude dans les côtes. Il sursauta, pris en flagrant délit, avant de carrer les épaules tel le mâle alpha.

⸺ Et c'est un problème ? embraya-t-il comme si de rien n'était.

⸺ Tu es sûr que tu as suivi la conversation ? le tança Lyse d'un ton d'institutrice en colère. Bien sûr que c'est un problème ! Ça va être la guerre civile dans le centre.

⸺ On espère que non quand même, pouffa Sandy avec un geste d'apaisement. En tout cas, avec la police, on fera de notre mieux pour empêcher toute échauffourée.

Aucune réaction de Chris, que nous avions de nouveau perdu. Et pour cause, mes deux collègues nous avaient finalement rejoints. Les lèvres serrées pour ne pas rire, je scrutai Laurine et Lyse, forcées par la bienséance de se saluer, mais qui le firent avec réticence et du bout des lèvres. Chris se décala imperceptiblement du côté de Cathy et saisit la première occasion qui se présenta pour engager la conversation. Je me détournai, n'ayant aucune envie d'assister à cette parade nuptiale de la plus haute gênance.

La Première Chasseuse profita de cette distraction pour me consulter du regard. Sans aucun remord, je lui offris mon expression de Chat Potté, yeux de chaton innocent et lippe suppliante. Je savais à quel point elle y était sensible. Elle résista, la sage combattante, pour ne pas céder à ce caprice de ma part. En vain. Elle devait se dire que j'avais besoin d'un peu de divertissement après mes dernières mésaventures.

⸺ Très bien ! se rendit-elle en roulant des yeux. Mais je vous dépose devant le cinéma avec la voiture de Frédéric, et tu me préviens dès que le film est fini pour que je vous récupère.

⸺ Oui, Maman, souris-je.

⸺ N'en rajoute pas ! s'impatienta-t-elle, luttant contre un rire qui aurait diminué son autorité.

⸺ Fais bien attention à toi, me pria alors Vicky.

Ses cheveux flamboyants renforçaient la blancheur presque maladive de son teint et ses traits creusés par l'angoisse.

⸺ Toujours, la rassurai-je.

La sorcière hocha mécaniquement la tête. Elle aurait voulu ajouter autre chose, mais la proximité de Chris l'en dissuada. Elle exhala un court soupir avant de retrouver un semblant de sourire.

⸺ Bon, je vous donne enfin ce pour quoi je suis venue et je file. Mon frère m'attend.

Tout en parlant, elle avait ouvert sa besace d'où elle extirpa une pochette d'un vert mat. Je la contemplai, déjà emplie de reconnaissance :

⸺ Tu as eu le temps de faire le portrait d'Agathe ?

En guise de réponse, elle rabattit le devant de la pochette et me présenta la feuille blanche, au grain texturé, qu'elle abritait.

Le portrait, plus ressemblant encore que je ne l'avais espéré, me subjugua. Vicky était parvenue à reproduire à la perfection l'expression altière de la mystérieuse étrangère, la ligne fière de sa bouche et la défiance farouche de ses yeux. Je retrouvais, dans les lignes tracées avec dextérité, cette singularité qui la renvoyait à un autre temps, un autre monde, telle l'adolescente apparue en rêve, alanguie sur ses coussins et choyée par ses serviteurs.

⸺ Tu le trouves ressemblant ?

⸺ Il est... parfait, chuchotai-je. Tu es encore plus douée que je ne l'imaginais.

Le compliment fit naître un incendie sur sa peau d'ivoire. Elle masqua sa gêne sous un rire argentin, tout en confiant le précieux dessin à Sandy.

⸺ Je l'apporte de suite à Frédéric, lui assura la Première Chasseuse. Merci pour ton aide.

⸺ Non, merci à vous, la contredit Vicky avec empressement. Merci pour... ton pardon.

C'était à moi qu'elle avait adressé ces dernières paroles, qui s'enfoncèrent dans mon ventre comme des pierres lancées au milieu d'un lac. Ses yeux marron, rehaussés d'un coup de crayon noir, s'ancrèrent dans les miens. M'apparut alors une détresse qu'elle s'était efforcée de taire, mais qui transparaissait jusque dans ses ondes apathiques.

Merci pour ton pardon.

Je compris alors qu'une culpabilité, latente et silencieuse, la rongeait. Je sus d'instinct d'où elle venait.

C'était Vicky qui avait donné l'alerte. C'est donc qu'elle avait assisté à ma disparition, et n'était pas intervenue.

La surprise, peut-être, l'avait clouée sur place. La peur avait fauché ses jambes. Le temps qu'elle se ressaisisse, la camionnette était déjà loin. Et elle s'en était voulu si fort qu'elle avait probablement pleuré de rage et d'impuissance.

J'aurais pu lui en vouloir de m'avoir abandonnée à mon sort, mais à quoi bon ? La magie de Vicky n'était pas létale comme celle de son frère. C'était une magie de loisir, légère et insouciante, faite pour rendre la vie plus belle et les gens heureux. Qu'aurait-elle pu faire face à quatre vampires déterminés à m'enlever coûte que coûte ? Ils n'auraient fait qu'une bouchée d'elle.

Et puis, en tant que combattante rompue aux situations périlleuses, je savais pertinemment que nous n'étions pas tous égaux face aux dangers. Il y avait ceux que l'adrénaline inondait, tsunami qui déclenchait l'instinct de survie et de protection et poussait à l'action, et ceux qui perdaient leurs moyens, terrassés par la perspective de plonger dans le néant. La vie était ainsi faite, injuste jusque dans notre attitude face à la mort.

⸺ Il n'y a rien à pardonner, martelai-je doucement.

De la main droite, je pressai son épaule, ma façon de lui signifier que le débat était clos, qu'elle ne devait pas ressasser ses regrets. Vicky se mordit la lippe, opina frénétiquement de la tête, essuya d'une main tremblante le coin de ses yeux où brillait encore sa tristesse. Mais le sourire d'excuse qu'elle m'offrit était une promesse : c'étaient les dernières larmes de remord qu'elle versait.

***

Et voilà, c'est bel et bien Vicky que nous avons retrouvée ❤️ par curiosité, du frère ou de la sœur, qui préférez-vous chez les Drezen?

Bon, la virée à GhostValley sera un peu plus périlleuse que prévu. À votre avis, ça va bien finir? 😇😂

Début de réponse la semaine prochaine ! Des bisous et passez un bon weekend ❤️😘

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