Chapitre 13 - All I want for Christmas is you (1/2)

Dans les épisodes précédents d'Incandescence (oui, je me la joue série jusqu'au bout 😂):

Souvenez-vous, Agathe a fait de nombreuses révélations à Alicia, sur Bygone, la dimension dont elle est originaire, mais aussi sur la vision qu'elle avait eue au sujet de notre héroïne: "des ailes blanches dévorées par les flammes"... et l'enfer qui s'apprêtait à l'engloutir (sympa comme tout!)

Sur une tout autre note, Frédéric a annoncé aux filles que Shawn les entraînerait pour les préparer à ce qui les attend. Les réactions des combattantes ont été plus que mitigées, et Alicia craint le pire.

Je vous laisse maintenant aux bons soins d'Alicia et vous souhaite une bonne lecture !

*

Je me sentais comme une gosse de huit ans la veille de Noël.

En l'occurrence, je n'avais plus huit ans depuis belle lurette, mais le réveillon de Noël aurait bel et bien lieu dans un peu plus de deux heures. La gaieté était de mise, d'autant plus qu'un Père Noël malgré lui, en la personne d'Hyppolyte Constantin, passerait un peu à l'avance pour me faire le plus beau des cadeaux.

Magne tes fesses, le suppliais-je en pensée tandis que je déambulais de l'entrée au salon et du salon à l'entrée, sans cesser de jeter des coups d'œil furtifs à l'écran de mon téléphone.

Empêtrée dans cette attente interminable qui me réapprenait le sens du mot « patience », je parvenais à occulter de mon esprit la bombe lâchée un peu plus tôt par Agathe, cette après-midi-là. Je me rendais compte qu'outre le mensonge, j'étais devenue virtuose dans un autre domaine tout aussi méritoire : le déni. Moi qui avais toujours adoré lézarder au soleil, je me figurais parfaitement en autruche adepte de cette belle pratique qui consistait à s'enfoncer la tête dans le sable.

L'enfer ? Pff, un simple parcours de santé pour qui avait déjà vécu la mort et en était revenu. Je l'attendais de pied ferme, le diable, s'il en avait après moi. Je n'avais jamais reculé devant aucune épreuve, même quand le trépas me guettait, et ce n'était pas après mon séjour dans l'au-delà que j'allais commencer.

C'était là la conduite que j'avais décidé de tenir coûte que coûte. Je ne pouvais pas montrer la moindre faiblesse. La peur, dès qu'on lui laissait une quelconque prise, s'incrustait aussi bien que l'amiante dans les poumons.

Certes, si je regardais en moi en toute honnêteté, j'avouerais que j'avais les chocottes comme rarement auparavant, mais si je mentais aux autres avec brio, je pouvais me mentir à moi-même au moins tout aussi bien.

Car si j'étais bien sûre d'une chose, c'était que, contrairement à Agathe, je ne pourrais pas échapper à mon destin. Il n'y avait pas de dérobade possible, pas de sortie de secours, parce que ce pouvoir maudit, parasite, avait décidé de faire de moi son hôte.

M'arrêtant au pied des escaliers, je contemplai mes parents qui s'activaient pour terminer la préparation du dîner du réveillon. Avec un petit pincement au cœur, je constatai qu'ils s'étaient surpassés pour que le repas soit à la hauteur de l'événement.

Verrines au saumon et à l'avocat, gambas, foie gras, chapon farci aux marrons et aux morilles, plateau de fromages digne d'un restaurant... ils n'avaient pas compté pour nous faire plaisir, mais je n'étais pas dupe. Je savais que mon père s'était placé la barre très haut dans l'espoir d'épater son frère. Il avait tout de même accepté de déléguer la réalisation du dessert à Monica, qui se piquait désormais d'être bonne cuisinière et bonne pâtissière. Elle comptait bien nous en mettre plein la vue.

Qui a peur de l'enfer quand on a Monica pour sœur ?

Toute plaisanterie était bonne pour dédramatiser.

Je repris mes cent pas, consultant pour la trentième fois au moins mon téléphone. Dix-sept heures quatre. Hyppolyte était en retard.

Bien sûr, à peine la prophétie d'Agathe énoncée, j'avais lancé un regard entendu à Sandy et Laurine. Un regard impérieux qui signifiait : pas un mot de ça à personne.

Frédéric ? Il attraperait de nouveaux cheveux blancs. Shawn ? Il était déjà à deux doigts de me faire greffer une puce GPS pour suivre mes déplacements en temps réel. Quant aux autres...

J'avais la chance de pouvoir compter sur des collègues et amis qui ne me fuyaient pas alors même qu'un monstre s'amusait à prendre possession de moi pour mettre le feu à la baraque ou casser des gueules. Je ne tenais pas à vérifier si leur loyauté résistait à l'appel de l'enfer...

Toc, toc, toc.

Trois petits coups à peine audibles, mais qui me firent sauter au plafond et, surtout, sauter sur la poignée de la porte. Mes parents, entre les coups de couteaux sur la planche à découper, les ordres qu'ils s'aboyaient l'un à l'autre et la hotte de la cuisinière qui crachait son ire, n'avaient rien entendu. Parfait.

Je sortis sur le palier sous le regard quelque peu déboussolé d'Hyppolyte, qui ne s'était peut-être pas attendu à un tête-à-tête pré-rituélique.

- Vous êtes en retard, lui fis-je remarquer.

Le colosse aux pieds d'argile qui me faisait face consulta sa montre, aussi large que son poignet parcouru d'un épais duvet brun.

- De six minutes. Tu te moques de moi ?

Son grognement de bête contrarié déclencha une alerte rouge dans ma tête. Mu par sa propre volonté, mon bras se redressa d'un coup, agitant entre nous un sachet fermé par un joli nœud rouge et or.

- Je vous ai ramené des nougats au chocolat ! Pour vous remercier. Je les ai achetés tout à l'heure dans une confiserie de HillVille. Je me suis dit que ça vous manquait peut-être ?

Je placardai un sourire Colgate sur mon visage. Toutes dents dehors, j'attendis qu'il daigne se saisir de mon cadeau de dernière minute, ce qu'il fit sans me quitter de son regard grognon.

- Merci. J'adore ça.

Il glissa mon présent dans la large poche de son manteau.

- Bon, allons-y, je suis assez pressé.

- Ah, vous fêtez le réveillon avec quelqu'un ?

- Et en quoi ça t'intéresse ?

Une folle envie de l'envoyer sur les roses me démangea, mais je plantai mes incisives dans ma langue. Pas question de tout gâcher. J'avais promis à Chris que nous dînerions tous ensemble comme une famille normale. Je ne pouvais pas le décevoir.

Je ravalai donc ma verve et prévins le sorcier, que ma bonne humeur forcée désarçonnait plus que mes habituelles menaces :

- Pour qu'ils ne se méfient pas, j'ai inventé une petite histoire de professeur particulier. Je compte sur vous pour entrer dans le personnage ?

- Ai-je vraiment le choix ? soupira-t-il, désabusé. Je restaure tout ?

- Euh, si vous pouviez faire en sorte qu'ils croient ma punition levée, ce serait formidable, le priai-je d'un nouveau sourire éclatant.

Hyppolyte me contempla une longue seconde, sa perplexité étalée sur son visage buriné, de sorte que je remballai ma fausse bonhomie.

- Merci, dis-je simplement.

Ma reconnaissance, sincère elle, lui fit enfin esquisser un sourire. Je le précédai dans l'entrée où il régnait une touffeur humide due aux différentes préparations qui mijotaient sur la cuisinière. Mon père, occupé à éplucher un tas de gambas luisantes, sursauta en apercevant cet inconnu sur le seuil de sa cuisine. Néanmoins, à peine eut-il posé les yeux sur moi que son étonnement se dilua en une expression absente. Anesthésié, il ne réagit pas lorsque j'annonçai avec un engouement pourtant inutile, compte tenu de leur état :

- Papa, Maman, voici M. Constantin. C'est le professeur particulier qui aide Lyse en math.

Un piètre mensonge. Lyse pourrait donner des cours de math à des professeurs particuliers. De surcroît, ce bobard ne servit pas à grand-chose, mes parents me contemplant comme deux cobayes dont le cerveau aurait été siphonné par un scientifique fou.

- Je vois, articula ma mère d'un ton de poupée mécanique.

Comme mes parents demeuraient tétanisés, Hyppolyte ne daigna rien répondre, marmonnant simplement en aparté :

- C'est parti.

Ses ondes s'intensifièrent, débordant comme un ruisseau en cru, et il brandit ses deux mains devant mes parents, les engloutissant dans la lumière qui jaillit de ses doigts.

Figée, j'observai les filaments irisés qui s'échappèrent de leurs crânes, rappelés par la magie d'Hyppolyte dont le corps tout entier s'était tendu dans l'effort. Le temps parut se suspendre, et moi-même j'avais cessé de respirer, le cœur plein d'impatience devant les lianes argentées qui dansaient dans l'air avant d'être aspirées par les paumes du sorcier.

Le processus dura moins d'une minute et, bientôt, la lumière vaporeuse qui nimbait la cuisine s'évanouit dans un doux murmure. Mes parents ondulaient en symbiose, toujours sous le charme de la magie d'Hyppolyte, qui agita ses mains pour les débarrasser des étincelles crépitant encore le long de son épiderme.

Avec précautions, j'allai me poster devant ma mère. De mes yeux assoiffés, je détaillai les lignes familières marquant ce visage tant aimé, que j'avais pourtant évité ces dernières semaines, pour m'épargner des souffrances inutiles. Là, je plongeai sans plus me retenir dans la nuance noisette de ses prunelles, parcourus avec bonheur les rides qui parsemaient sa peau et révélaient la beauté de ses sourires.

- Je file avant qu'ils ne se réveillent, m'annonça tout bas Hyppolyte.

Déjà, le sorcier rassemblait sa magie pour transposer. Je l'arrêtai d'un geste, et il me considéra, surélevant un sourcil méfiant.

- Encore merci. Pour tout.

Hyppolyte soubresauta face à tant de considération à son égard. Une nouveauté qui n'était pas pour lui déplaire, si je me fiais au rire de basse qui se réverbéra dans son torse.

- Joyeux Noël, Alicia.

Et sur ces quelques paroles que j'espérais prémonitoires, mon Père Noël d'un jour disparut dans une vague de lumière.

Au même instant, deux brusques inspirations retentirent dans mon dos. Mes longs cheveux me fouettèrent la joue tant je tournoyai vite sur moi-même, pressée que mes parents me voient, qu'ils me voient réellement.

Je demeurai ainsi devant eux, fille repentante dans l'attente d'une affection sans laquelle j'étais tout bonnement incapable de vivre.

Mon père cligna des paupières avec un air hébété. Ma mère, elle, s'ébroua longuement avant d'ouvrir des yeux incertains. Son regard tomba sur moi, et elle m'ausculta de la tête aux pieds, déboussolée, avant de consulter sa montre.

- Mais... tu n'es pas encore préparée ? balbutia-t-elle. C'est vrai qu'il nous reste un peu de temps avant l'arrivée des invités, mais j'aimerais bien que tu me files un coup de main pour...

La suite ne ressembla à rien d'intelligible, ou alors j'avais tout simplement cessé de l'écouter. Une seule chose m'avait importé alors : me jeter dans ses bras.

Je me blottis contre sa poitrine, enfouis mon nez dans son cou où persistaient des notes de son parfum Chanel, écrasai son corps chaud contre le mien, si heureuse que des larmes de joie me montèrent aux yeux. Et cette joie devint infinie lorsque ses bras se refermèrent naturellement sur moi.

Rien, absolument rien, ne pouvait remplacer la tendresse d'une mère.

- Ça ne va pas, ma puce ? s'inquiéta d'ailleurs la mienne.

Elle interprétait ma soudaine émotivité comme de la tristesse ; c'était tout l'inverse. Cela faisait des semaines que je n'avais pas ressenti un tel bonheur.

Ma conscience, cette rabat-joie, me rappela à l'ordre. Attention, tu pourrais éveiller leurs soupçons, me disputait-elle. Je l'envoyai au diable d'un coup de pied aux fesses, grommelai un « J'ai juste besoin d'un câlin » plaintif, puis resserrai encore mon étreinte sur ma mère qui hoqueta de rire.

C'est alors que deux gros bras nous choppèrent, me faisant sentir comme un vulgaire sac à patates. Mon père, lâchant un grognement guerrier digne des All Blacks, réussit l'exploit de nous faire décoller du sol l'espace d'un instant. Hilare, je me débattis pour de faux cependant qu'il nous écrasait désormais contre son torse.

- Ah ! soupira-t-il d'aise. Rien de tel que les câlins à trois pour se remotiver !

À moitié asphyxiée dans son vieux t-shirt troué, qui portait les vestiges des quatre heures qu'il venait déjà de passer aux fourneaux, je ne pris pourtant pas la peine de feindre l'exaspération de l'adolescence. J'étais bien trop aux anges pour ça.

- Marius, moins fort ! brailla ma mère, qu'un éclat de rire empêchait toutefois d'articuler proprement. Lâche-nous, on se rend !

Après avoir déposé un baiser bruyant sur chacun de nos crânes, mon ogre de père consentit à nous libérer. Avec une moue d'excuse, il ôta la patte de gambas dont il avait gratifié mes cheveux pendant notre étreinte. Horrifiée, je reniflai compulsivement mes mèches à la recherche d'une éventuelle odeur de poisson mort. Qu'importe, mieux valait jouer la prudence : seul un bon shampoing pourrait effacer toute trace de cette rencontre terre-mer inopinée.

- Tu es sûre que tout va bien ? revint à la charge ma mère, son sérieux retrouvé.

- Oui, c'est... probablement l'esprit de Noël qui me contamine moi aussi, prétendis-je, incapable de chasser le sourire débile qui étirait mes lèvres jusqu'à mes oreilles. Et puis, vous vous donnez tant de mal pour préparer le dîner que je voulais vous encourager. Je suis sûre que ce sera trop bon.

- Eh bien, j'espère que ton oncle pensera comme toi, grommela mon père, qui se rembrunit à la pensée de cette incruste de dernière minute. On s'y remet, Carole ?

Toujours sous le coup de l'émotion, je m'attardai dans le hall tandis qu'ils se remettaient au travail dans un ballet parfaitement organisé, puis me résolus à les abandonner pour me préparer.

Je m'enfermai à double tour dans la salle de bains, bien décidée à m'octroyer un vrai moment de détente comme je n'en avais pas eu depuis longtemps. Après tout, Noël n'était pas seulement fait pour prendre soin des autres ; c'était aussi l'occasion de se bichonner soi-même. Et j'en avais particulièrement besoin.

Sous la douche, je me lavai consciencieusement les cheveux, à l'affut des autres pattes de crustacées qui auraient pu se loger entre mes mèches. Le parfum de vanille qui se dégagea du shampoing me ramena irrémédiablement au jeune homme qui ne quittait jamais ma tête. Je me perdis dans des rêveries qui firent s'accélérer mon cœur.

Ses yeux de cette nuance bleu-gris unique.

Ses lèvres sensuelles que je brûlais d'embrasser encore.

Son indifférence qui me terrorisait.

Je m'extirpai de la cabine de douche avec une boule au creux de la poitrine, m'emmitouflai dans ma large serviette de bain comme dans un plaid. Toutes les fois où je m'étais figuré, remplie d'espoir, le retour de Shawn à GhostValley, j'imaginais, naïvement sans doute, qu'il le faisait pour moi, parce que mon absence lui pesait autant que la sienne me détruisait.

Maintenant qu'il était effectivement de retour, le décalage entre mes espoirs et la réalité faisait mal à voir.

Face au miroir, je me soumis à un examen minutieux, sans concession. J'observai, intraitable, le reflet de ma chevelure gorgée d'eau, mes grands yeux éternellement dans l'expectative, mon expression insatisfaite, et je me demandais, en proie à une angoisse stupide mais incontrôlable...

Étais-je jolie ? Ou plutôt, est-ce qu'il me trouvait jolie ? Mais, surtout, me trouvait-il plus jolie qu'elle ?

La vision de Kitten, bénie par la beauté conférée par la mort, s'incrustait comme une marque indélébile dans ma mémoire.

Je me fustigeai pour ma bêtise. Des problèmes bien plus graves méritaient mon attention. Je devrais suivre l'exemple de Sandy, qui reléguait au second plan ses histoires de cœur, bientôt aussi mouvementées que les miennes, pour se concentrer sur l'essentiel. Je savais que c'était plus sage, mais j'avais beau me traiter mentalement d'idiote, je n'avais qu'une seule envie : le voir.

Rien qu'un instant.

Je lissais mes cheveux mèche par mèche, et je songeais à la première séance d'entraînement qui devait se tenir cette après-midi. Sandy, Cathy et Laurine, telle était la composition du premier trio à se frotter à Shawn. Leur comportement serait révélateur de l'état d'esprit des combattantes de la maison.

D'un pinceau, je dorais mon regard d'un beau fard à paupières pailleté, et je repensais à la résistance opposée par Laurine, à sa colère vibrante, sa rancune, et les méchancetés que de telles émotions pourraient la pousser à proférer.

J'appliquais un joli rouge à lèvres framboise sur ma bouche, et je revoyais la silhouette solitaire de Shawn dans la pénombre de la nuit, son regard ténébreux levé vers le ciel, ses lèvres scellées par toutes les horreurs qu'il avait commises et n'oublierait jamais.

Je suis foutu, Alicia.

Chaque fois que je me les remémorais, ces quelques mots me déchiquetaient le cœur. Je me demandais s'il les pensait encore.

Coiffée et maquillée, je quittai la salle de bain, une serviette nouée autour de la poitrine, pour rejoindre ma chambre. Toujours perdue dans mes pensées, j'enfilai la tenue que j'avais prévue pour cette soirée de réveillon, une jolie robe noire au buste serti de sequins, qui dévoilait mes jambes et la peau nue de mon dos. J'enfilai des collants, noirs également, et dénichai dans un coin de mon armoire la paire de bottines dorées que j'avais portées pour la fête du Nouvel An l'année précédente.

Fin prête, je jetai un coup d'œil à l'écran de mon téléphone. Dix-huit heures deux. L'entraînement avait déjà dû commencer.

Je croisai mon reflet dans ma psyché, évaluai la Alicia 2.0 qui me renvoyait son regard indécis à l'aune de celle que j'étais normalement : la combattante aux vêtements austères et aux cheveux sévèrement retenus en arrière.

Que penserait Shawn s'il me voyait ainsi ?

Je rougis de ma propre bêtise. Assurément, ma mise en beauté ne lui ferait ni chaud ni froid. Ou peut-être que si ?

Tu es ridicule, me tançai-je mentalement.

Restait mon inquiétude à l'idée que cette première rencontre entre les combattantes et lui tourne au vinaigre. Se posa alors à moi un épineux dilemme.

Y aller, ou ne pas y aller ?

Y aller donnerait l'impression que je cherchais à protéger Shawn, ce qui risquait de déplaire au jeune homme, capable de se défendre seul.

Ne pas y aller signifierait passer l'entièreté de la soirée à me faire du mauvais sang. Et il n'y avait rien de plus interminable qu'un réveillon de Noël.

Et c'est seulement parce que tu t'inquiètes que tu souhaites y aller, n'est-ce pas ? persifla la petite voix dans ma tête.

Je ne lui fis pas cas. Dans le miroir, je fixais mes doigts qui peignaient fébrilement mes mèches, témoins silencieux de ma nervosité.

Quinze minutes. C'était tout ce que me prendrait un petit aller-retour. Le temps nécessaire pour m'assurer que tout se passait comme sur des roulettes.

Forte de ma décision, prise sans aucune arrière-pensée, je me précipitai dans le couloir, penchant mon buste par-dessus le garde-corps de l'escalier :

- Maman ! m'égosillai-je. J'appelle Lyse un petit quart d'heure, et je descends t'aider, d'accord ?

Je tendis l'oreille dans l'attente de sa réponse.

- Vraiment pas longtemps, alors ! cria-t-elle en retour depuis la cuisine. On aura bientôt besoin de toi par ici !

- Promis !

Je savourais encore cet échange ordinaire, une normalité qui m'avait tant manqué, quand la porte de Chris grinça. Confus, mon frère passa la tête à travers le battant.

- C'est moi ou...

Je pivotai vers lui, esquissai un sourire tendre.

- C'était ce qu'on avait convenu, non ?

Il sortit tout à fait de sa chambre, et l'émotion le fit exhaler un soupir dans lequel voletait un rire.

- Surveille-les bien pour moi, lui lançai-je en faisant volte-face. Je dois aller vérifier quelque chose à la Moon House.

- Ne tarde pas trop, me pria-t-il doucement. Ta famille a besoin de toi, ce soir.

- Je sais. Je serai là, lui assurai-je.

De retour dans ma chambre, je m'assurai que le grigri acheté à Victoria, et qui servait de repoussoir pour les visiteurs imprévus, était bien en place sur ma poignée. Ensuite, je lançai une playlist sur mon ordinateur, pour couvrir l'absence de conversation.

La voix enjouée de Mariah Carey emplit ma chambre. « Tout ce que je veux pour Noël, c'est toi. » Avec la naïveté des jeunes filles amoureuses, je m'imaginais susurrer ces paroles à l'objet de mes pensées. La réalité me rattrapa bien vite, cependant : vu comme je chantais mal, il valait peut-être mieux que je m'abstienne, pour le bien des oreilles de tous.

Je me décidai à transposer, quittant cette joyeuse mélodie de Noël pour le silence du hall du manoir, dont le tapis rouge amortit l'impact de mes bottines. Pressée par le temps, je filai déjà vers les escaliers menant au sous-sol, mais le bruit de la télévision, ainsi qu'un éclat de rire moqueur caractéristique, me firent freiner des quatre fers.

Avec lenteur, je me retournai. Je devais me tromper. Je priais pour me tromper.

Nouvel accès d'une hilarité persifleuse, qui n'appartenait qu'à une seule personne de ma connaissance. Je compris alors, avec un coup au cœur, que le mauvais pressentiment qui m'avait titillée toute la journée s'était réalisé.

***

Coucou! J'espère que vous allez bien! Si vous saviez comme ça me fait plaisir de reprendre la publication! 😀

Après d'une année passée en mode robot, les parents d'Alicia sont enfin redevenus normaux. Je sais que certaines d'entre vous attendaient cela avec impatience 🥰 Quant à la fin, je suppose que vous avez deviné le problème... 😰 Si ce n'est pas le cas, réponse au prochain chapitre 😁

Pour info: voici la robe portée par Alicia 😇 simple mais efficace!

Merci de votre lecture! Pensez à la petite étoile 🌟

Bisous et bon weekend / bonnes vacances en fonction ❤️😘

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