Avery : partie 2 :


Les Fuller avaient mis des années et dépensé des sommes d'argent considérables pour concevoir Avery. La jeune fille ne savait pas combien elle leur avait coûté au juste, mais sans doute à peine moins que leur appartement selon ses estimations. Ses parents, tous deux de taille moyenne avec des cheveux bruns et un physique ordinaire, avaient fait venir en avion depuis la Suisse les chercheurs les plus réputés du monde afin de fouiller leur matériau génétique et, parmi les millions de combinaisons de leur ADN si quelconque, trouver la possibilité unique qui avait produit Avery.

Parfois, la jeune fille se demandait qui elle aurait été si ses parents l'avaient conçue de façon naturelle, ou s'ils s'étaient contentés de filtrer les maladies potentielles comme la plupart des résidents des étages supérieurs. Aurait-elle hérité des épaules de son père? Non que ça ait la moindre importance. Pierson et Elizabeth Fuller avaient payé pour cette fille-là, avec ses cheveux couleur de miel, ses longues jambes, ses yeux d'un bleu intense, l'intelligence de son père et le sens de la repartie de sa mère. Atlas disait toujours en plaisantant que son seul défaut, c'était d'être têtue.

Avery aurait aimé que ce soit réellement la seule chose qui cloche chez elle.

Secouant ses cheveux, elle les entortilla en un chignon lâche et sortit de sa chambre d'un pas décidé. Dans la cuisine, elle ouvrit la porte du garde-manger et tendit la main vers la poignée dissimulée qui actionnait le panneau de commande. Elle l'avait découverte il y a des années auparavant durant une partie de cache-cache avec Atlas. Elle ne savait pas trop si ses parents étaient au courant ; de toute façon ils ne mettraient jamais les pieds ici.

Avery poussa le panneau de métal vers l'intérieur, et une échelle descendit dans l'espace étroit du garde-manger. Empoignant à deux mains la jupe de sa robe de soie ivoire, la jeune fille se plia en deux pour s'introduire dans la cavité et commença à monter en comptant instinctivement les marches en italien, uno, due, tre. Elle se demanda si Atlas avait passé du temps en Italie, cette année, s'il s'était seulement rendu en Europe.

En équilibre sur la marche supérieure, Avery libéra la trappe et s'avança dans l'obscurité balayée par le vent.

Sous le rugissement assourdissant de ce dernier, elle capta le grondement sourd des diverses machines installées sur le toit autour d'elle, protégées par des caissons étanches ou tapies sous des panneaux photovoltaïques. Les dalles métalliques de la plateforme étaient froids sous ses pieds nus. Des poutres en acier jaillissaient de chaque coin et se rejoignaient au-dessus de sa tête pour former la pointe iconique de la Tour.

La nuit était claire, sans aucun nuage pour mouiller les cils d'Avery ou déposer des perles d'humidité sur sa peau. Les étoiles scintillaient tel du ver brisé dans l'inconcevable immensité du ciel nocturne. Si quelqu'un savait qu'elle était montée là, Avery serait privée de sortie à vie. Tout accès extérieur au-dessus du 150e étage était strictement interdit ; d'épais panneaux en verre de polyéthylène protégeaient les terrasses contre les vents violents.

Avery se demanda si quelqu'un d'autre qu'elle avait déjà mis les pieds ici. Des barrières de sécurité bordaient un côté du toit, sans doute au cas où des ouvriers de maintenance monteraient ici, mais à sa connaissance ce n'était jamais arrivé.

Elle n'en avait jamais parlé à Atlas. C'était l'un des deux seuls secrets qu'elle lui cachait. Si son frère l'avait découvert,  il aurait fait en sorte qu'elle ne puisse pas revenir, et Avery n'aurait pas supporté de renoncer à cette liberté. Elle aimait monter sur le toit, sentir le vent cingler son visage et emmêler ses cheveux, la faire larmoyer, et hurler si fort qu'il noyait ses pensées incontrôlables.

Elle se rapprocha du bord en savourant le vertige qui lui nouait l'estomac tandis qu'elle balayait la ville du regard. En contrebas, les monorails ondulaient dans les airs tels des serpents fluorescents. L'horizon semblait impossiblement loin ; la vue de la jeune fille portait depuis les lumières du New Jersey à l'ouest jusqu'aux rues du Sprawl au sud, à Brooklyn à l'est et, au-delà, à l'éclat couleur d'étain de l'Atlantique .

Sous ses pies nus se dressait la plus grande structure existant sur Terre, un monde complet en soi. C'était si étrange de penser qu'elle surplombait des millions de gens qui mangeaient, dormaient, rêvaient et se touchaient... Avery cligna des yeux, en proie à une solitude aussi subite qu'aiguë. Ils étaient tous des étrangers pour elle, y compris ceux qu'elle connaissait. Que savait-elle d'eux, ou d'elle-même, ou de quoi que ce soit dans cette vie?

La jeune fille s'accouda à la balustrade en frissonnant. Un seul faux mouvement pourrait la faire basculer dans le vide. Une fois de plus, elle se demanda ce qu'elle ressentirait durant une chute de quatre kilomètre de haut. Elle imagina que ce serait sans doute paisible, cette impression d'apesanteur alors même qu'elle atteindrait la vitesse maximale. Elle mourrait d'une crise cardiaque longtemps avant de toucher le sol. Fermant les yeux, elle se pencha en avant et crispa sur le bord des orteils aux ongles vernis en argent. A cet instant précis, la face interne de ses paupières s'alluma comme ses lentilles lui signalaient un appel entrant.

Avery hésita, une vague d'excitation coupable la submergeant à la vue de son nom. Elle avait si bien réussi à éviter ça pendant tout l'été, en se distrayant d'abord avec le programme d'études à Florence et plus récemment avec Zay ! Mais finalement elle se détourna et redescendis rapidement l'échelle.

-Salut, lança-t-elle, un peu essoufflée, une fois qu'elle eut regagné le garde-manger, chuchotant même s'il n'y avait personne pour l'entendre. Tu ne m'avais pas appelée depuis un bail. Où es-tu ?

-Dans un nouvel endroit. Tu adorerais. (Sa voix était toujours la même à l'oreille d'Avery, aussi chaude et veloutée.) Comment ça va, Aves ?

Telle était la raison pour laquelle Avery devait sortir sur le toit de la Tour en pleine tempête afin d'échapper à ses propres pensées, à cette partie de sa conception génétique qui avait si mal tourné.

A l'autre bout du fil, son frère Atlas était la raison pour laquelle elle ne voulait embrasser personne d'autre.


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Coucou!!!

Comment trouvez-vous Avery? Et Atlas?


dans le média c'est Zay Wagner ^^

La suite est pour bientôt !

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