OS _ Soleil d'Été
Soleil d'Été.
Je l'ai vu directement, comme tous les gars sur scène. Son croc-top orange fluo, ses mèches orangées dans sa chevelure châtain, et une peau bronzée possiblement par le soleil qui tapait depuis plusieurs jours sur toute la France. Elle est montée sur les épaules d'un gars, elle semble petite en taille, mais encombre quand même grandement mon esprit.
Notre prestation qu'on espère déjà au top lors de ce festival, s'améliore davantage pour essayer de la voir sourire jusqu'au bout, comme si elle était en train de représenter toutes les personnes présentent, même si au fond, j'ai juste envie de voir son sourire perturer.
Certaines meufs montent elles aussi sur les épaules d'un ou d'une partenaire, mais aucune ne retient plus mon attention que le soleil qu'elle est.
Face à l'engouement de la foule, je ne peux résister à sauter dans celle-ci, tenu par tout le monde je me fais promener de main en main en continuant de faire les backs sur la partie des autres gars.
Notre partie prend fin 3-4 sons après, et dés que je me suis changé et lavé, je quitte notre loge, étant proche de la claustrophobie.
Je décide d'aller faire un tour aux alentours du festival, et fini par me poser à la terrasse d'un bar avec une pinte de bière pour entamer ce début de soirée qui s'accompagne d'un soleil toujours bien présent.
Lunette de soleil sur le nez, bermuda et t-shirt, avec une paire de claquette, le look été est bien présent.
Malgré les quelques festivals où nous jouons, cette période reste quand même un temps de détente. Et dire qu'on va retourner en cours à la rentrée, j'aurai peut-être pas dû reprendre les études. J'pourrai peut-être voyager, en mode je viens en France quand c'est l'été, et je me bars en Amérique latine quand c'est l'été chez eux. Davantage bronzé toute l'année et sans contrainte ! Faut que j'y réfléchisse, surtout que je sais parler espagnol.
Mes pensées qui étaient en train de vagabonder sont dispersées par la présence d'un individu qui s'installe à la table que j'occupe déjà. Je tourne alors mon regard, et avoue intérieurement que je ne m'attendais clairement pas à la voir.
— Hey ! rayonne-t-elle. T'es tout seul ?
Ses yeux gris, entourés d'un crayon marron, m'envoutent rapidement.
— Ouep, j't'offre un verre ? propose-je, après avoir repris un minimum le contrôle de mes pensées.
Cependant, elle me fait un signe de tête sans perdre son sourire, me faisant d'ailleurs découvrir une voix un chouïa cassée.
— T'inquiète, j'ai d'jà payé ma part, et j'en ai profité pour payer ton verre.
— Ah bah merci, j'payerai la deuxième tournée alors.
À vrai dire, je ne m'y étais pour le moins du monde attendu à ça. Son regard ne me quittait pas un instant, et ce qui m'aurait semblé stressant, agaçant, etc., pour le coup, ne m'embêtait pas.
— Ça marche ! Même si je t'avoue qu'il n'y en aura pas une deuxième pour ce soir, entre toi et moi.
— Tu comptes déjà partir ?
— J'compte t'emmener ailleurs, si on s'entend bien. Vu qu'honnêtement tu m'plais. Et surtout j'écoute ce que tu fais avec les autres de ton groupe, et j'ai eu v'là une bête d'idée que je voulais te montrer.
En même temps l'un des serveurs arrivent pour lui amener un cocktail aux couleurs plus pétillantes les unes que les autres.
— Merci, est-ce la première fois qu'elle dérive son regard, depuis qu'elle est venue se poser à mes côtés, pour attraper le verre des mains de manière assez possessive.
Je n'y tiens pas particulièrement compte, et découvre une sorte d'alliance à son majeur.
— T'es mariée ?
Elle reporte son attention sur ma personne, avec un bref regard interrogateur avant qu'elle comprenne.
— Ouep ! Ça fait quelques années, caresse-t-elle son anneau à l'aide de son pouce.
Autant je commençais à apprécier la personne qu'elle dégage, autant le fait qu'elle m'avoue que je lui plais, alors qu'elle est mariée, me déboussole, et me fait beaucoup moins kiffer.
— Avec le gars sur lequel tu étais montée tout à l'heure ?
— Nan ! Je ne le connaissais pas ce type, boit-elle ensuite une gorgée ou deux de sa boisson. Il m'a vu galérer du haut de mon 1m54, et j'crois qu'il a un peu eu pitié, par rapport aux nombreux grands devant moi, qu'il m'a proposé de monter sur ses épaules. J'allais pas dire non ! En plus, il m'a clairement offert l'une des meilleures places !
— Mais ton gars, il est pas là ?
Elle marque un très très bref instant de réflexion, avant de répondre avec le même naturel et le même sourire.
— Nan c'est une meuf, semble-t-elle fière de sa réponse.
— Elle n'est pas là ? répète-je en modifiant le pronom.
— Si, si, tu ne la vois pas ? regarde-t-elle autour de nous, ce qui me fais faire de même sans voir quelqu'un en particulier.
Quand je reporte mon attention sur elle, elle me montre la paume de sa main, me faisant décrypter une gravure portant le mot...
— Vie, c'est à la Vie que je suis mariée, me regarde-t-elle avec une certaine tendresse, avant de poser sa main sur sa joue, et de me la caresser du pouce.
Mon regard n'arrive plus à la lâcher, sous l'emprise du sien qui semble plus profond à chaque instant.
Elle se redresse légèrement, comme pour venir m'embrasser, mais laisse ses lèvres à quelques millimètres des miennes, affichant un grand sourire.
— T'es du genre à embrasser à la première heure ? a-t-elle un sourire au coin des lèvres.
— Et toi ?
— On m'a diagnostiqué un déficit de l'inhibition comportementale.
Sa phrase raisonne comme un "oui", et je ne peux m'empêcher de lier nos lèvres entre elles.
Comme pour être plus à l'aise, elle vient s'asseoir sur mes cuisses, sans se positionner à califourchon. L'une de mes mains se posent alors sur les siennes, tandis que l'autre trouve rapidement son emplacement dans le bas de son dos.
Plusieurs longues secondes ont alors lieu, jusqu'à ce que nous nous séparions. Nos regards ne se lâchent plus de nouveau, avant qu'elle se lève et se réinstalle à mes côtés.
— C'est quoi ton vrai nom ? me demande-t-elle en laissant le bout de ses doigts manicurés vagabonder sur le verre encore remplie.
— Manolo et toi ?
— Ah ah, mystère, s'amuse-t-elle à répondre avant de boire. Devine ! Attend, je te fais une devinette ! s'enthousiaste-t-elle.
— Vas-y.
— Alors, ressemblant au fleuve traversant Londres, j'ai pourtant ma source en Grèce. Mon initial est le cœur de l'été, et la suite à une certaine similitude avec la rentrée.
Un prénom ressemblant à la Tamise, mais d'origine grecque. Il commence par T, et je ne vois pas le dernier... Je pince mes lèvres entre elles, et passe ma main dans mes cheveux, avant de boire une gorgée.
— Thaïs, dit-elle n'ayant pas eu encore de réponse, et s'impatientant rapidement.
— J'étais sur la bonne voix alors. Par contre, j'ai pas réussi à capter le truc avec la rentrée.
Elle rit, avant de s'hydrater à son tour.
— C'est vrai qu'elle est pas simple celle-là, mais je trouvais les autres trop facile. En gros la rentrée après avoir passé un super été c'est dure, et quand c'est dur on dit "oh hisse" et ça rime avec Thaïs. Voilà.
— Ah ouais, elle est technique celle-là, rie-je légèrement.
— J'aime bien ton rire, t'es mignon, me dit-elle en se levant. Viens j'vais te montrer l'endroit dont j'te parlais !
— Attend, on fini, t'as pas payé pour r.
C'est là qu'elle se met à rire, avant de me regarder avec un regard en mode "t'as rien capté". C'est alors là que je comprend, et je me lève à mon tour. On commence alors à s'en aller tranquillement, quand on entend l'un des serveurs nous interpeler de loin. Nos corps deviennent alors de véritables fusées, jusqu'à ce qu'on soit assez éloigné.
On discute alors jusqu'au lieu qu'elle voulait me montrer. Elle est naturelle, pleine d'énergie, avec une grande franchise dans ses mots. Son regard m'envoute, et son sourire ne rattrape rien du tout.
On passe par une ligne droite proche de la place où plusieurs spectacles de rue se trouvent, et je la vois s'approcher d'un orchestre, avant de se mettre au centre du cercle que les spectateurs ont formé, pour se mettre à danser au rythme de la musique.
Voyant que je me suis approché aussi, elle vient vers moi, et m'attrape la main pour m'inviter à danser avec elle, ce que j'accepte malgré mes très faibles talents de danse. Mais face à son grand foutisme du point de vue des autres, je ne peux faire le contraire.
Certains nous ont même rejoins, mais ce n'est rien, face à son sourire et ses rires montrant son enthousiasme du moment présent.
— Viens, dépêche on va rater le coucher de soleil ! s'exclame-t-elle en m'attrapant de nouveau la main, et nous sortant du cercle.
Elle se met alors à sautiller, comme impatiente, et se remet à courir juste après m'avoir attrapé le poignet. Cela nous fait donc rapidement arriver à une petite plage se trouvant entre des rochers. Les vagues tapent contre ceux-ci avec fougue, et le soleil va bientôt passer derrière l'océan.
Thaïs me fait un signe de tête pour la suivre, et s'approche des rochers pour les escaladers avant de s'asseoir une fois avoir grimpé. Je la suis, et m'installe à ses côtés.
— T'entends le bruit des vagues ? me demande-t-elle doucement, comme pour ne pas déranger.
J'acquiesce verbalement, avant qu'elle ne continue.
— C'est ça que je voulais te montrer, du moins te faire entendre. Vous êtes tellement similaire toi et les vagues, du moins de ce que j'en conclue à travers tes textes, qu'un feat avec elles seraient top, nan ?
Alors là, j'en sais strictement rien, je ne m'y attendais pas.
— Eh bien ouais, j'vais y réfléchir.
— Cool !
Son regard se fixe sur l'horizon où on observe le soleil s'enfuir petit à petit vers une autre face du globe.
— T'es cap de sauter ? me demande-t-elle une fois que le ciel ai pris une couleur rosée par endroit, et que le soleil ne nous soit plus visible.
— C'est pas assez profond, si ?
Je la vois se lever, et s'approcher du bord.
— On va voir ça, se met-elle suffisamment au bord pour n'avoir qu'à sauter.
C'est quand je la vois prendre une légère impulsion, que je me lève en un moitié de seconde, l'autre qui suit consacrée à la rattraper, et la bloquer contre mon torse.
— Euh, qu'est-ce que tu fais ? me questionne-t-elle en se décollant et se retournant vers moi.
— T'allais te péter un truc si tu sautais, voire même t'aurais pu crever ! regarde-je les quelques rochers deux mètres plus bas se faisant arrosés par la marée qui devait sûrement monter à cette heure-là, ou peut-être qu'elle descend, bref c'est pas un problème.
— Elles m'auraient rattrapé comme tu viens de le faire, t'inquiète !
— J'ai plus confiance en moi qu'aux vagues, honnêtement.
— C'est bien d'avoir confiance en soi, mais ne sous-estime pas la force de la nature, de la vie, surtout que c'est ma femme ! s'amuse-t-elle à mettre en évidence l'alliance.
C'est alors qu'elle se met à limite sauter de rocher en rocher prenant un peu plus de hauteur.
Honnêtement, j'angoisse un peu à l'idée que l'un de ses pieds se posent mal, et qu'elle trébuche.
— Tu viens pas ? me questionne-t-elle assez fort pour être sûr que je l'entende, en s'installant au plus au point.
Je la rejoins avec moins d'aisance, ce qui la fait sourire.
— En faite, t'es d'où ? souhaite-je en savoir un peu plus sur elle.
— Du ventre de ma mère ! Mais après j'ai principalement été en région parisienne, jusqu'à tout quitter pour vivre sur les routes. Je te retourne pas la question, car tu le dis déjà dans l'un de tes textes.
— T'inquiète, t'inquiète, donc je suis de quel coin ?
— Paname ! 20e, tu captes, t'as la ref ? Et ouais j'ai la réf ! vient-elle de reprendre un cours passage d'un refrain, sur le même flow.
On a passé le reste de la soirée à discuter, j'ai même eu la dalle, mais face à tous ses mots qui m'emmenaient dans son univers sans retenu, celle-ci s'est rapidement dissipée.
Franchement cette fille est superbe, juste certaine de ses anectodes dites toute naturellement, me font un peu flipper. Du moins, elle ne semble réellement pas avoir conscience du danger dans ses actes.
— Bon assez parlé, j'ai envie de t'embrasser, me dit-elle en se levant pour venir se mettre à califourchon sur moi, avec un grand sourire.
Je ne la distingue pas clairement étant donné qu'on a pas changé de place, et que quasiment rien à part quelques éclairages urbains un peu plus loin, nous éclairent.
Elle pose ses mains au niveau de ma nuque, et s'empare de mes lèvres que j'accepte volontiers. Rapidement je sens ses mains glisser sur mon torse avant de passer sous mon t-shirt.
— Tu l'as déjà fait au bord de l'eau ? me demande-t-elle dans un murmure.
— Tu veux le faire ? Tu... ?
— Oui j'ai clairement envie, pas toi ? dépose-t-elle des baisers dans mon cou.
— Si t'inquiète, mais tu m'as dis que t'avais... J'veux pas...
Elle m'embrassa de nouveau, cette fois pour me faire taire, et retira mon t-shirt juste après que j'ai retiré mes lunettes de soleil du col quand je compris son attention. Elle le dépose à nos côtés sur un rocher, et j'en fais de même, avant de lui retirer son haut.
*
— Elle était comment ? me demande Vinc' quand j'entre dans la chambre après avoir raccompagné Thaïs jusqu'à un petit camping.
— Putain tu m'as fais pper-fli ! Pourquoi t'es dans l'noir ?
— J'allais pioncer je te signal. Alors ?
— Elle était waw. Un vrai soleil.
— Elle était respectueuse, et non bonne c'est ça ?
— Ouais, c'est ça.
— Et vous avez ken ?
— Ouep.
Je me déshabillais en même temps éclairé simplement de la lampe torche de mon tel, par flemme d'allumer la lumière. Je finis par me laisser tomber sur mon lit, à l'opposé du sien.
— Tu comptes la revoir ?
— J'pense pas, on part demain et j'ai pas son tel.
— Tu sais où elle est ?
— Juste le blaze du camping.
— Mais vous avez baiser où ?
— Sur le plage, du moins les rochers.
— Et l'exhibition tu connais ?
— Tu voulais pas pioncer ?
— Si si.
— Ferme-là alors.
— Et si j'veux pas ?
Je décide de ne pas répondre, trop claquer pour mener la discussion plus loin.
Le lendemain, le réveil est brutal, et la préparation difficile avec quatre heures de sommeil au compteur pour la nuit.
Après une douche rapide, et les quelques affaires qui trainent dans le sac de voyage, on quitte la chambre, direction le sud.
Par contre, mon corps se stoppe net quand je la vois. Ce qu'il s'était passé hier soir s'était déroulé tellement comme un rêve, qu'en me réveillant j'ai bien cru que ça en était un. Mais, qu'est-ce qu'elle fout là ?
L'hôtesse d'accueil fait un signe dans notre direction, comme pour lui indiquer que la personne qu'elle cherche vient d'arriver. Et je la vois se retourner, toujours aussi rayonnante. Je n'ai pas finis de réaliser qu'elle est là, que Thaïs court vers moi jusqu'à me sauter dessus.
— J'ai eu peur de te louper ! Tu m'as dis que tu partais tôt...
— Comment t'as su qu'on était là ?
— Tu me l'as dis, et j'ai une bonne mémoire ! est-elle toute joyeuse.
C'est vrai que je lui avais brièvement dit.
— Par contre... On va devoir y aller, notre train est bientôt, lui dis-je à contre-coeur de devoir la laisser.
— J'peux rester avec toi plus qu'une soirée ? me demande-t-elle droit dans les yeux, en se mordillant discrètement la lèvre inférieure.
Je regarde les gars de l'autre côté de la porte d'entrée vitrée, avant de la regarder de nouveau.
— Allez viens, lui sourie-je. Mais, tes affaires ?
— Je les ai déjà pris, tu crois quoi ? s'amuse-t-elle à prendre un air faussement hautain.
Je ne peux m'empêcher de l'embrasser, le sourire scotché aux lèvres.
Les gars acceptèrent sans hésitations.
Il manquait un soleil à notre bande, elle fut un soleil d'été qui perdura quelques années à mes côtés.
Qui perdura jusqu'au jour où je ne réussissais plus à pardonner la tromperie. Elle m'aimait, mais ne se retenait point lors d'attirance physique réciproque.
Je l'avais suivi dans son délire de voyage, dans sa liberté de mouvements, mais pour ce point s'était beaucoup trop compliqué.
Les gars avaient compris, même s'ils me faisaient comprendre que j'avais peut-être merdé.
Je fus alors dans un doute bien longtemps, jusqu'à retrouver une femme avec qui je fis ma vie et eu une petite fille. Elle voulu qu'on l'appelle "Thaïs", j'avais bugué, et inconsciemment accepté.
Cette petite fut la merveille de mes journées, comme si la Thaïs du festival était de nouveau à mes côtés. Comme si cette femme qui m'avait fais voir la vie autrement revenait pour me redonner goût à la Vie que j'avais en quelque sorte perdu malgré le fait que j'ai refais ma vie.
J'aurai trouvé ça bizarre si je ne l'avais pas vécu.
Je ne sus jamais que le jour de la naissance de ma fille fut le jour de la mort de Thaïs qui cette fois n'avais pas été rattrapé quand elle avait été tenté de danser sur le bord du toit de son immeuble.
Le vent avait rattrapé son esprit et non son corps.
Elle était une âme libre, un ange, un soleil d'été comme je l'appelais.
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