14 | 'MASAKI'

Tooru avait treize ans à l'époque. Il était dans le jardin, faisant des passes à son petit frère de huit ans.

Masaki, déclara-t-il, Essaye de te courber un peu plus. Ne rattrape pas la balle avec tes avants-bras, rattrape-la avec tout ton corps.

Le châtain hocha la tête et se pencha un peu.

Tu es prêt ?

Masaki se contenta d'hocher la tête en toute réponse, tirant la langue tellement il était concentré.

Ok, je l'envoie !

Tooru envoya la balle de volley et à sa grande surprise, son petit frère la réceptionna parfaitement.

Bravo ! s'exclama-t-il en courant pour le prendre dans ses bras.

Il le serra fort contre lui, s'écriant à quel point il était doué. Il adorait son petit frère. C'était probablement la personne qu'il aimait le plus au monde. Après tout, il était celui à qui il pouvait transmettre sa passion, à qui il pouvait parler sans craindre d'être trahi. Son petit frère était adorable. Il avait des cheveux bouclés et châtains qui retombaient sur son front en frange, un teint mat, de grands yeux verts vraiment expressifs, un petit nez, des tâches de rousseur seulement sur les pommettes et la plupart du temps, un grand sourire prenait place sur son visage, avec plusieurs trous dans sa dentition dont il n'était pas peu fier. Il aimait bien dire qu'il était le seul de sa classe à avoir perdu déjà quinze dents de lait en tout.

Plus que tout, son grand frère était comme son idole. Masaki avait un rêve. Celui d'aller dans l'espace. Il voulait être le premier homme à marcher sur la Lune (Tooru n'avait pas osé lui avouer que ce n'était plus possible). Il voulait devenir astronaute, et il le clamait haut et fort.

Je t'aime Masaki, souffla le jeune adolescent en serrant son frère contre lui.

Clarisse arriva soudain dans le jardin, les appelant, disant que le repas était prêt. Des nouilles au beurre. Pourquoi se compliquer la vie quand on pouvait faire simple ?

Et alors que Oikawa courait vers l'intérieur de la maison, Masaki s'arrêta dans ses mouvements, se courbant en deux, grimaçant de douleur.

Masaki ? hésita Tooru en se retournant quand il n'entendit plus un mot de la part de son petit frère.

Quand il le vit au sol en train de pleurer tellement il avait mal, il comprit définitivement que c'était grave.

MAMAN ! s'écria-t-il, complètement paniqué alors qu'il retournait voir son petit frère.

Quoi ? répondit cette dernière, assez agacée.

Masaki est bizarre !

Clarisse arriva presque en courant et regarda son plus jeune fils s'écrier qu'il avait mal et qu'il voulait que ça s'arrête.

Masaki ! s'exclama sa mère en le prenant par les épaules, Masaki calme toi !

Il continua de se tordre de douleur, serrant les dents et essayant de s'arrêter de pleurer.

J'ai trop mal !! finit-il par s'exclamer en éclatant en sanglots.

Tooru était en panique totale alors que sa mère serrait Masaki contre lui, l'air toute aussi angoissée. Elle lui caressait les cheveux, espérant le calmer, vainement.

Je vais aux toilettes, bredouilla l'adolescent en trébuchant sur une souche d'arbre.

Il partit d'un pas rapide vers la maison, passant devant les toilettes et il partit s'enfermer dans la salle de bain. Dès qu'il eût fermé la porte, il éclata en sanglots, se recroquevillant contre le mur. Il tremblait de tous ses membres, sa respiration était vive, saccadée.

C'est un cauchemar c'est un cauchemar, sanglota-t-il en se prenant la tête dans le creux de ses mains.

C'est la vraie vie ! se raisonna-t-il, Masaki ne va pas bien ! Est-ce qu'il va mourir ? Est-ce que c'est grave ? L'appendicite ? C'est définitivement quelque chose de grave, il ne serait pas dans cet état là sinon ! Pourquoi il était comme ça ?

Il finit par avoir une crise d'angoisse dans la salle de bain ce jour là.

Clarisse l'avait emmené à l'hôpital immédiatement. Ce n'est que le lendemain qu'elle revint avec son fils, l'air complètement dévastée. Cette nuit-là, dans l'angoisse de ne pas savoir ce qui arrivait à Masaki, Tooru n'avait pas fermé l'œil de la nuit.

Leucémie.

Tooru n'y avait pas cru. Il ne voulait pas y croire. Un cancer du sang. Son petit frère avait un cancer. À huit ans. C'était injuste. Pourquoi ça devait lui arriver à lui ? Est-ce qu'il allait mourir ? Il ne voulait pas évoquer cette possibilité, c'était trop dur. Surtout qu'on lui avait dit que la leucémie n'était pas tout le temps mortelle, et les enfants étaient très bien pris en charge dans les hôpitaux. Seulement, ce n'était pas suffisant pour rassurer son grand frère.

Au début, ça avait l'air d'aller. Les traitements marchaient plutôt bien. Pendant plusieurs mois, son état resta stable. Il avait l'air constamment épuisé, son sourire n'était plus, ses cheveux non plus d'ailleurs. Des cernes énormes avaient pris place sous ses yeux, et ses yeux pétillants avaient pris une teinte plus terne. Il n'avait plus cette joie de vivre qu'il avait avant. Et c'était compréhensible. Après tout, il combattait le cancer.

Son petit frère. Celui qu'il chérissait plus que tout au monde. Sa personne préférée. Celle à qui il pouvait parler sans craindre d'être trahi, à qui il pouvait transmettre ses passions, raconter des histoires. Atteint par le cancer. Ça avait détruit la vie de Tooru, bien que pour l'instant, son état avait l'air de s'améliorer.

Il s'améliorait vraiment. Quelques mois plus tard, il avait été autorisé à retourner voir ses amis à l'école, juste le temps d'une récréation. Oikawa l'avait accompagné, ainsi que son infirmière. L'adolescent, qui avait dorénavant quatorze ans, sentit du baume au cœur quand il vit son petit frère adoré rire et faire des passes avec ses meilleurs amis.

Il avait enfin retrouvé le sourire. Il avait enfin de l'espoir.

Seulement, cette période ne dura pas. Avec le cancer, Oikawa le savait, il ne fallait pas rester sûr que tout se passerait bien, même après un début de guérison. Il venait d'en avoir la preuve. Masaki avait fait comme une rechute. C'était pire qu'avant. Il passait ses journées entières à l'hôpital, toussant, pleurant, se plaignant qu'il avait mal. Les docteurs avaient déjà perdu espoir, bien qu'ils ne l'aient pas encore dit à la famille. Sa greffe de moelle épinière n'avait pas fonctionné.

Seulement le châtain remarquait bien que son petit frère avait peu de chances de s'en sortir.

Il allait mourir.

Ces trois mots l'empêchèrent de dormir pendant des nuits entières. Il pleurait tout le temps. Il n'allait plus en cours. Il passait tout son temps possible avec son petit frère. La direction du collège n'avait pas apprécié ça, mais ses professeurs avaient été plus compréhensifs.

C'était un mois plus tard que les docteurs annoncèrent que c'était fini. Il avait environ un mois encore à vivre, si ce n'était moins.

L'adolescent n'avait pas craqué, ni devant ses mères qui pleuraient déjà tout le temps, et encore moins devant son petit frère. Masaki l'admirait tellement, il ne voulait pas l'angoisser encore plus. Il voulait qu'il puisse partir l'esprit tranquille. Alors quand il pleurait, c'était le soir, dans son lit. Et il ne dormait plus.

L'enfant était d'ailleurs revenu chez lui, pour passer le plus de temps possible avec sa famille. Une infirmière venait tous les jours pour vérifier que tout se passait correctement.

Pour être honnête, ce dernier mois avait été une horreur. Masaki suffoquait parfois, ayant du mal à respirer. Il n'arrivait pas à manger ni à boire, disant que ça lui brûlait trop la gorge. Il était nourri directement par une perfusion. Il pleurait tout le temps, se plaignant qu'il avait mal, suppliant la mort de venir le prendre. C'était la pire chose. Voir son petit frère dans un état pareil, ça traumatisa entièrement l'adolescent. Ça le changea du tout au tout. C'est durant ce mois que son air confiant, sûr de lui et narcissique avait disparu et s'était transformé en simple façade.

La nuit, il dormait dans la même chambre que Masaki. Il était tout le temps à ses côtés. Il voulait être là, avec lui, pour quand il partirait. Son petit frère dormait dans un lit d'hôpital, et la nuit, le 'bip' constant du cardiogramme calmait Tooru. Ça le rassurait. Ça lui montrait que son petit frère restait stable, bien que l'entendre tousser en plein milieu de la nuit pendant une dizaine de minutes l'angoissait vraiment. Kuroo et Bokuto passaient aussi tous les soirs, donnaient les cours à leur meilleur ami et discutaient avec l'enfant. Dans ces moments là, le petit esquissait parfois un faible sourire. Oikawa entendit aussi parler de Akaashi pour la première fois. Il était même venu une fois avec Koutarou, bien qu'il soit un peu embarrassé. Pourtant, Masaki l'avait adoré. Et Oikawa aussi.

C'était arrivé deux semaines plus tard. Pendant le début du mois de décembre. Tooru était au lycée maintenant. Masaki aurait dû être en sixième, sa première année de collège.

À deux heures du matin, l'adolescent dormait, ses battements de cœur restant paisibles.

Seulement, le changement d'allure du cardiogramme de son frère le réveilla instantanément. C'était nouveau ça. Ses yeux s'écarquillèrent et il se leva rapidement pour voir son petit frère suffoquer et hoqueter pour attraper de l'air.

MAMAN !!! MAMOU !!! s'égosilla-t-il, en pleurs.

Il n'attendit pas qu'elles arrivent et serra Masaki contre lui, le berçant doucement.

Je te promets que j'irais sur la Lune pour toi, je te le promets mon p'tit alien. Je visiterai toute la galaxie en ton honneur. J'irais même sur Mars, tu verras ! Tu peux t'en aller tranquillement, je sais que tu veilleras sur moi. Tu seras plus heureux là haut, je veux que tu trouves la paix. Je t'aime Masaki, je t'aime tellement.

Sa voix se cassa alors qu'il répétait en boucle 'je t'aime Masaki'. Il lui embrassa le crâne, un duvet de cheveux ayant à peine recommencé à pousser, et il se mit à pleurer encore plus fort en entendant le bruit du cardiogramme s'allonger. Il criait presque. Il ne voulait pas que ce soit vrai. Il ne voulait pas entendre ce 'bip' continu, ce bruit horrible à ses oreilles.

Ses mères arrivèrent une seconde trop tard, pour trouver leur fils aîné en pleine crise de larmes et de cris, serrant le corps encore chaud et inerte de Masaki contre son cœur.

MASAKI !!! s'écria Tooru en se relevant brusquement dans son lit.

~J'ai peut être lâché deux, trois larmes en écrivant la fin de ce chapitre.

Je le dédie entièrement à Guilhem.
Repose en paix, angel.

Je le connaissais depuis la maternelle, il était dans ma classe en cm1 et mon voisin de classe en cm2. On n'était peut être pas très proches, mais on s'entendait bien.

Je me souviens que la première fois que notre classe l'a vu avoir une 'crise'. C'était une exposition à la mairie, il se tordait de douleur exactement comme je l'ai décrit pour Masaki.

Quand on appris par son meilleur ami qu'il avait le cancer, deux semaines après qu'il ne soit pas venu en cours, personne ne pensait que c'était si grave. On avait dix ans, après tout. On a compris mieux après environ un mois.

Pendant toute mon année de CM2, on lui envoyait des cartes et des dessins à l'hôpital. Bizarrement, je me sentais encore plus proche de lui qu'avant.

Un jour, il est revenu à l'école et il a joué au basket avec ses meilleurs amis. Son sport préféré.

Et puis il a fait une rechute. Je ne sais pas si ça se dit, mais effectivement, sa guérison a complètement disparue. Il a perdu contre la leucémie. C'était un mercredi matin en décembre, en sixième, qu'une ancienne amie m'a appris qu'il était mort pendant la nuit. C'était horrible. Je me souviens très bien devoir l'annoncer avec elle à ses amis les plus proches, je me souviens avoir pleuré probablement pendant quatre heures.

Il avait un grand frère aussi (Lilian je crois bien). Il était heureux qu'il soit parti. Il n'en pouvait plus de le voir souffrir tous les jours, c'était trop dur.

Je me souviens être allé à son enterrement, avec Maëwenn, et trois autres amies. Je me souviens être assis juste devant son cercueil. J'avais encore pleuré.

Des fois, certains jours, je repense à lui. Sans raisons particulières, je regarde juste le mur de ma chambre et je me demande comment il serait maintenant. Bien que je sois athé, je me dis que c'est bien qu'il soit en paix maintenant et je m'obstine à penser qu'il est toujours là pour veiller sur sa famille et ses amis.

Ouais, il me manque des fois. Alors qu'on n'était même pas si proches.

J'ai retranscrit son histoire en changeant quelques détails dans ce chapitre.

Il est entièrement dédié à lui.

Restez forts surtout, à la prochaine ❤️~

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