Chapitre 1

CASSIOPÉE
Présent

Les blessures non cicatrisées du passé, personne ne peut mesurer à quel point on en reste prisonnier. Comment sortir de cette spirale qui influence tant le présent ? On façonne notre enfer avec nos propres démons. Comment échapper à cette douleur chronique qui sabote tout ce que l'on construit, ce à quoi on tient le plus.

De ça, je me suis guérie seule pour avancer. Mettre de côté cette souffrance pour pouvoir toucher les nuages, et se laisser chaudement bercer dans les bras du soleil. Un bon deal, n'est-ce pas ?

Keith m'a porté à travers les vagues mystérieuses de la nuit et j'ai oublié, un moment, ce mal-être campé dans mon corps.

Keith est bien là, n'est-ce pas ? Il restera. Il ne m'abandonnera pas.

Je me réveille en sursaut. Keith ouvre les yeux en même temps que moi. Nous sommes toujours dans mon appartement. Les lueurs de la lune entrent par le patio. Tout va bien.

— Ça va ? me demande-t-il, l'expression soucieuse.

Ses doigts se resserrent autour des miens.

— Oui, soufflé-je.

Sa main vient caresser mes cheveux, puis il me ramène contre lui pour me lover dans ses bras. C'est si fort. Ma tête tourne, mes membres s'engourdissent. Je suis avec Keith et je n'arrive toujours pas à y croire. Hier encore, nous vivions des vies séparées et cette nuit, il l'a passé avec moi.

J'aimerais dégager mes bras coincés entre son corps et le mien pour l'enlacer, mais je me retrouve dans une position encore plus inconfortable : mains levées au-dessus de ma tête. Je suis maladroite et ce n'est pas demain que je vais me débarrasser de mon inexpérience.

Il rit doucement avant de se placer au-dessus de moi. Ses yeux au fond des miens, j'ai le souffle court. Il récupère mes poignets qu'il plaque contre le coussin puis il se penche et ses lèvres chaudes viennent souffler à mon oreille :

— Cassiopée...

Est-ce que mon coeur cessera de battre aussi vite ?

— Oui ?

— J'ai faim. De toi.

Il m'embrasse doucement. Je sais qu'il s'oblige à garder le contrôle. Qu'il se retient d'aller plus vite, d'aller plus fort. Il me fait l'amour avec tendresse et même s'il est fatigué, il prend son temps et chaque fois il me donne un plaisir indescriptible.

Quand sa tête repose contre ma poitrine qui se soulève encore trop vite, je me demande ce que j'ai fait pour mériter un tel bonheur.

Le regard fixant le plafond, je repense à ce que l'on s'est dit, ce que l'on s'est avoué. On n'a pas reparlé de sa demande en mariage. Était-ce sous le coup de l'euphorie ? Moi, Cassiopée Desjardins me marier avec Keith Maclee ? C'est complètement dingue.

Peu à peu, mes paupières se ferment. Je ne veux pas dormir. Non... j'ai bien trop peur que ce ne soit qu'un rêve.

*

Il fait à peine jour lorsque je me réveille. Je m'assoie au bord de mon lit et dirige mon regard sur la porte d'entrée.

Je me lève et pieds nus, je récupère un t-shirt et un short dans ma commode. Je m'habille puis ramène mes mains sur mes bras. J'ai un peu froid. Ça sentait trop le bonheur, trop le soleil... Putain.

Mon regard vogue encore du lit vide à la porte close. J'évalue la douleur sous ma poitrine. Pas de doute, elle est au maximum et irradie jusqu'à mes entrailles. J'entends encore son souffle. J'ai des frissons comme si je sentais ses soupirs legers contre mon cou. Ce n'était donc qu'un rêve...

Rien ici ne formalise que Keith était bien là. Pas une chaussette, ni les boutons de manchettes qu'il a sortis de sa poche, puis délaissés sur ma table de chevet cette nuit. Tout a disparu, jusqu'à son odeur qui flottait dans cette pièce deux heures plus tôt. Je fixe mes doigts, ce satané verni que je vais finir par ronger à coup sûr. Je sens que ça monte : cette boule brûlante dans ma gorge, cette angoisse si proche de l'agonie. Elle va éclater. Je vais éclater.

J'entends une voiture qui passe au loin sur l'autoroute 101 puis revient les bruits impersonnels de la ville.

Le patio, grand ouvert, a aspiré la chaleur de nos ébats. Je n'ai pas fantasmé, Keith a fait glisser les deux battants dans la nuit. Nous nous sommes douchés deux fois. L'un après l'autre... Moi, encore trop pudique pour partager mon absolue nudité. Est-ce cela qui l'a dérangé ?

Le bruit de la rue, le matin, est ce que je préférais le plus dans ce studio ainsi que les murs que j'ai peint en vert sapin. J'avais une envie bizarre de nature dans un bazar pas possible. Mais un bazar rangé, dans lequel je me sentais bien. Il y a des plantes, des bibelots kitchs, des livres en tout genre dans une bibliothèque style années 60 et d'autres qui traînent un peu partout.

C'est mon monde. Le mien. Celui qui m'appartient. Le premier que je maîtrise et contrôle. Que je contrôlais... Vais-je détester ce vert, à présent ?

Sans un mot, il est parti...

J'ai la sensation qu'une peur enfouie m'étreint.

Ne dit-on pas que l'amour c'est appartenir à quelqu'un ? Cette nuit, avec Keith, j'ai eu l'impression de voler ses baisers. Le syndrome de l'imposteur. Vous connaissez ?

La porte grince et mon regard vole jusqu'à elle.

Keith pénètre la pièce à pas feutrés.

Il s'est parfumé et changé d'un cardigan gris sur un t-shirt blanc à col rond et d'un chino bleu marine. Au poignet, il porte évidement une montre qui semble peser un prix d'or. Comme autrefois, il a un look sans aucune faute de goût et une assurance qu'on repère à des kilomètres.

Il relève les yeux sur moi.

— Tu ne dors p...

C'est trop. Mes nerfs lâchent subitement. Mon amant fronce les sourcil.

— Eh ? Ça va ?

Non. J'ai déjà les joues pleines de larmes.

Aussitôt, Keith court pour me rejoindre et me prend dans ses bras. Il me serre si fort que le souffle me manque, mais je m'en moque. Je m'accroche à lui à me faire mal. Il a couru jusqu'à moi, n'est ce pas ? Ça, je ne l'ai pas inventé.

Il se courbe pour pouvoir mieux m'étreindre. Je verrouille mes bras autour de sa nuque et mes doigts écrabouillent ses vêtements.

— Cass, c'est de ma faute ? Dis-moi ce qui se passe, je t'en supplie.

Je n'y arrive pas. La peur, l'angoisse, toute cette palette liée à la solitude. L'abandon. Elles auraient dû quitter mes pensées. Mais elle sont là, plus impitoyables que jamais. Car j'ai peur de le perdre. Tellement peur qu'il s'en aille.

Je ne suis pas le genre de nana qui chiale pour ça. Qui se formalise parce que le mec a pris la poudre d'escampette au petit matin, mais Keith c'est différent. Ça le sera toujours. Il n'est pas comme les mecs qui me draguent ou que j'ai fréquenté alors tout ce qu'il fait ou dit me déstabilise. Je suis désarmée, désorientée avec lui. Jusqu'à me demander si la moindre de ses actions est normale.

Il redresse son corps pour me sonder.

— Je me suis changé. Je travaille ce matin, s'empresse-t-il de m'expliquer. Je pensais être revenu avant que tu ne te réveilles. C'est raté, on dirait.

Je me sens si bête. Je ne peux le regarder dans les yeux.

— C'est bon. Ça va, dis-je, essayant de prendre une voix normale.

J'essuie rapidement mes joues puis recule. Je relève le regard et l'observe.

Et maintenant, que sommes-nous censés faire ? Que sommes-nous censés dire ? À 27 ans, je n'ai encore jamais partagé de matin avec un homme.

Je tombe amoureuse des gens trop vite, des déséquilibrés et des connards, mais là, c'est nouveau. Mon parcours et ma vie sentimentale n'est qu'une succession d'erreurs. Comment ne pas tout gâcher ? J'ai fait un travail sur moi même. Je pensais avoir dépassé ce stade qui t'empêche de vivre pleinement l'instant présent.

Je pleure encore, merde !

— Je n'arrive même pas à arrêter de chialer, c'est tellement ridi...

Il s'empare de mes poignets.

— Non, ne fais pas ça.

Il braque ses yeux caramels sur moi.

— Laisse-moi te voir, te regarder et comprendre pourquoi tu pleures. Cass, je veux être tout pour toi sauf un étranger ou celui que tu repousses.

Il capte mon regard dans le sien. Je n'ai jamais aimé montrer mes faiblesses.

— C'est bon, ça va, je te dis.

Je l'écarte et tourne le visage sur le côté. Deux bonnes minutes passent avant qu'il ne se penche pour me faire un rapide baiser sur la joue.

— Tu m'as manqué aussi, ajoute-t-il en riant.

Keith me tourne le dos et va récupérer ce qu'il a laissé tomber à l'entrée. Il pose ses courses sur le bar, ferme la porte qui était resté grande ouverte, puis déballe le contenu sur le plan de travail.

Il fait comme si l'instant d'avant, je n'étais pas à ramasser à la petite cuillère. Pour ça, je lui en remercie.

— J'ai pris des croissants et d'autres « viennoiseries » pour le petit dej'.

Viennoiseries ? Et en français mesdames, messieurs ! Qui emploie ce mot de nos jours ? Je me mets à rire.

— Pourquoi tu ris ? fait-il avec un grand sourire.

Il est solaire, comme avant. Tranquille comme toujours. Je me demande pourquoi j'ai provoqué un mélodrame. En tout cas, maintenant qu'il est là, c'est comme si la lumière avait remplit chaque recoin sombre de la pièce.

— Tu as du café ? demande-t-il.

— Oui, dans le placard du haut.

— Je peux ?

Je hoche le menton puis reste sans bouger à le suivre des yeux. À l'aise, il évolue dans ma cuisine. Tout ce qu'il fait, il le fait avec assurance, entrain et bonne humeur.

— Wouah, j'ai jamais vu un garde mangé pareil, s'étonne-t-il.

Je hausse les épaules et le rejoint devant le petit îlot en bois clair.

— Parce que tu ne cuisines pas.

— C'est faux. Quand je pouvais, je cuisinais et nous pré...

Il ne finit pas sa phrase, suspendant même son geste.

Nous ?

Il ouvre la bouche, mais finalement se ravise. Je me demande s'il allait faire mention de son ex vie, celle avec Violetta. Évidemment... Alors qu'un couple tout neuf aurait pu l'évoquer sans problème, je comprends que ça restera un sujet tabou pour nous deux.

Un malaise remplit l'atmosphère. Pourquoi faut-il que ça nous hante ?

— Nous allons mettre un voile sur le passé, toi et moi ? demandé-je, le coeur atteint malgré tout.

Il prend un air très sérieux et répond avec aplomb :

— Je n'ai pas de passé avant toi.

— Ah bon ? fais-je étonnée.

— Il ne compte plus.

Je ne sais pas si je dois le croire, si c'est sain ou encore si c'est du plaisir que j'éprouve. Ce dont je suis certaine c'est que Keith sait clore les conversations car il a déjà repris sa tâche.

Soit.

Je l'aide à préparer le bar. Nous nous asseyons autour et mangeons. Il me sourit parfois, mais ne parle pas. Je me demande à quoi il pense. Est-ce qu'il se sent bien ? Est-ce qu'il pense à nous ? Rien qu'à nous. Mes reflexions me mènent à l'inevitable : Pense-t-il aux choses qu'il faisait avec elle le matin ? Est-ce qu'elle égayait ses repas de conversations joyeuses et légères ? Décorait-elle la table de mugs multicolores ? J'imagine déjà que Violetta était bien plus belle et rayonnante que moi au réveil.

— Ça va ? me demande Keith.

Je lève le regard sur lui. Il m'a sorti de mes troubles pensées et au lieu de répondre, je le fixe. Il n'a toujours pas parlé de sa demande en mariage... Était-il sérieux ou a-t-il balancé cela en l'air ? J'aimerais savoir.

Il ne faut pas me faire des promesses, je suis de celles qui a du mal à les oublier.

— Tu as prévu quoi aujourd'hui ? me questionne-t-il.

— Je dois payer le loyer ensuite je me rends à la salle de danse.

1230 $, c'est ce que je paie chaque fin du mois.

Los Angeles abrite Hollywood, un vrai repère de stars, alors tout autour, les appartements coûtent un bras. Même si j'ai atteint le grade suprême d'étoile, je ne suis qu'en début de carrière. Je ne flambe pas. Ma commode peut en témoigner. Je mets tout ce que je peux de côté pour pouvoir m'acheter une petite baraque face à l'océan. Mon rêve américain... Restons réaliste.

— Ok.

Son Ok me replonge encore dans le passé.

— Je dois partir travailler. Mon assistante m'a contacté au moins dix fois ce matin, m'informe-t-il.

Dix fois ? Pourtant, je n'ai pas entendu son téléphone sonner, ni vibrer. Je regarde attentivement  Keith. Lui fait de même, un peu étonné par mon examen appuyé. Je deviens parano, non ?

— Tu as laissé ton téléphone dans ta voiture ? l'interrogé-je néanmoins.

Pourquoi je pose cette question stupide ? À présent, on voit clairement que je suis rongée de soupçons.

— Non, il est là.

Il le sort de sa poche arrière et le pose en évidence devant moi.

— Je l'ai mis en sourdine en arrivant. Je ne voulais pas te réveiller, m'explique-t-il calmement.

Le soulagement a un goût amer. Pourquoi lui prête-je toutes les mauvaises intentions du monde ?

— Donc tu as une assistante ? poursuis-je.

— Oui.

— Pourquoi faut-il toujours que ce soit une femme qui fasse ce boulot ?

— Elle est très compétente.

— Pour faire quoi ? Te ramener le café ou prendre des notes ?

Je n'arrive pas à me taire.

— Prendre des notes ?!

Il s'esclaffe puis continue :

— Qu'elle prenne des notes voudrait dire que je n'ai pas une bonne mémoire. Tu sais que ce n'est pas le cas. Non, son rôle est de m'épauler pour que tout roule sur le plateau et que rien ne manque avant le mot action.

Ouais, une pétasse lèche boule,  quoi. Je dois changer de sujet.

— Tu aimes ton métier. Celui de réalisateur ?

Il hausse un sourcil comme si c'était la première fois qu'on lui posait la question ou que la réponse était évidente.

— Oui.

— Pourquoi ?

— Mon équipe est génial.

— C'est tout ?

— Non, ce n'est pas tout.

— Alors raconte-moi, le poussé-je à s'exprimer. Ton job consiste à quoi ?

Il plisse les yeux une demi-seconde. Ne me dites pas que Violetta ne s'est jamais intéressée au travail de Keith ?! Non, je ne peux l'imaginer.

— Et bien, c'est comme être un  chef d'orchestre, tu vois. Je veille à ce que chaque équipe effectue correctement son travail. Avant le tournage, je mets au point le scénario et me charge de son découpage technique. Je précise tous les détails : le cadrage, le son, la musiques, les décors. Je choisis le matériel et l'équipe de techniciens. Je participe au casting et à la recherche de producteurs. Je m'occupe des repérages afin de déterminer les lieux des tournages. J'établis les plannings et je veille à que tous respectent les délais. Je dirige les acteurs, leur façon de jouer. Je positionne les cameramen et leur donne des instructions. Je travaille en collaboration avec le directeur de la photographie, le chef opérateur, le cadreur, l'ingénieur du son... Je désamorce les conflits, s'il y en a, et fait face aux imprévus. Je discute des choix artistiques avec le chef monteur, et supervise le montage. Je fais la promotion du film, réponds aux interviews, me rend aux galas de lancement...

— Ça va, ça va. Je ne savais pas que tu étais si prétentieux !

Ce n'est pas une, mais trente secrétaires lèches boules qu'il lui faudrait !

Il m'ausculte, surpris puis éclate de rire encore. Je ne savais pas que j'étais aussi drôle.

Je ne le montre pas, mais je suis admirative et impressionnée. Il est si passionné par ce qu'il fait. Il se donne à fond. Je le regarde et je ne peux m'empêcher de le trouver extraordinaire. Il n'a pas changé. Et mon regard sur lui non plus.

Son téléphone s'illumine devant moi. Je ne peux m'empêcher de fixer le prénom « Alexandra » qui s'affiche jusqu'à ce que l'appareil ne s'éteigne et que la notification d'appels s'affiche sur l'écran noir.

21 appels en absence.

J'ai conscience que mon visage se verrouille et que tout sur moi indique que je suis une bombe à retardement.

— Je t'arrête, c'est strictement professionnel. Elle ne me plaît absolument pas, m'informe-t-il comme s'il avait deviné mon humeur.

Je relève les yeux.

— Et si elle avait été à ton goût ?

Cette fois, je suis sûre que le moment n'est pas agréable pour lui. Je le vois nettement sur son visage. Comme toujours et presque volontairement, je gâche tout.

— Pourquoi tu es comme ça ? Tu ne me fais pas confiance ? me questionne-t-il conservant admirablement son flegme.

J'aimerais pouvoir répondre honnêtement à cette question.

— Si.

Lui dire que c'est encore trop tôt serait comme rappeler que notre relation ne sonne pas comme une évidence.

— Bien sûr que si, Keith, complété-je.

— Tu as arrêté de me mentir, n'est-ce pas ?

Pourquoi me priverais-je de ma seule arme de défense ? Je ne réponds pas. Subitement, une colère envahit ses traits.

— Tu me fais quoi là, au juste ?

— Rien.

— C'est le boulot, Cassiopée.

— 21 appels sans réponse et elle n'a toujours pas l'intelligence de comprendre que tu es occupé ? Dis-moi, laisses-tu toujours tes partenaires dépasser les limites de leur rôle ?

Pourquoi suis-je incapable de la fermer !?

— Mes... partenaires ?!

— Laisse tomber.

Je pivote pour sortir de cette situation nauséabonde que j'ai engendré. Keith contourne  immédiatement le bar et vient se poster devant moi. Il me saisit les épaules.

— Ok, on se calme.

Il souffle un bon coup entre nous. Je ne suis pas fière de cette dispute. J'ai même plutôt honte, mais c'est hors de question de le montrer.

— Regarde-moi !

Je réunis tout mon courage pour relever les yeux. Je joue la fière, mais au fond, ça ne va du tout.

— Je t'aime, Cassiopée. Je t'aime ! T'entends, ça ?! Ce qui m'arrive, c'est un truc de fou. Cette nuit était magistrale et j'en veux encore. Je devais être sur un plateau à 6h30, il est 8h et je suis là car je ne veux pas partir. Pas quitter ton appart car j'ai peur que tout ne soit que le fruit de mon imagination. Mais depuis que je suis rentrée, j'ai l'impression de marcher sur des œufs avec toi ! Qu'est-ce qui se passe ? Je ne veux pas qu'on commence comme ça, putain !

Je l'observe et avec une dignité insolente, je réponds :

— Je vais avoir besoin de temps.

— Du temps pour quoi ?

— M'habituer à toi.

À nous. Que lui et moi sans personne d'autre qui gravite autour. Ça fait tellement d'années que je suis seule aussi... je suis terrorisée de ne pas être à la hauteur.

Il ferme les yeux.

— Je sais, continué-je, c'est moi qui suis venue à ta rencontre hier soir. Mais tu ne devrais pas...

J'arrête de parler car ma voix part en vrille. Il est hors de question que je finisse en miette devant lui. Oui, je ne m'attendais pas à me sentir si petite, si nerveuse avec lui. En danger. J'ai peur de souffrir.

— ...bref, je ne suis pas parfaite. Tu ne devrais pas t'attendre à ce que je le sois.

Il rouvre les yeux et je lis de la surprise sur son visage ou de la déception.

— Tu es parfaite pour moi.

— Oui, dis-je pour me convaincre aussi.

Nous restons plantés l'un en face de l'autre. Du coin de l'œil, je constate que le téléphone se rallume au moins deux fois avant qu'il ne prenne la parole :

— Je...

— Tu devrais y aller. On t'attend.

Ses lèvres se pincent. Il inspire brièvement avant de demander :

— Tu finis à quelle heure, ce soir ?

9h30, étirements. 10h30, cours de pilate. 11h, cours de danse. De 13h à 16h, répétition. Et ce soir, je me produits jusqu'à 22h.

Seul un homme ayant fréquenté une danseuse étoile connaît comment tourne le monde de l'opéra et du spectacle... Il sait que je ne serai pas disponible avant tard ce soir.

— 22 heures.

— Me laisserais-tu passer te récupérer ?

Il parait sur la réserve, mais déterminé en même temps.

— Oui.

— Très bien.

Keith me libère, or il continue de me fixer. Je l'affronte vaillamment.

Il soupire.

— J'y vais.

Je secoue le menton.

Il se penche et m'embrasse doucement la joue puis récupère son portable et sort de l'appartement.

Tout me parait vide. Risible et ridicule. Non, le mot est misérable. Je ne me comprends pas. Je l'aime à en crever alors pourquoi j'agis comme ça ?

Je fixe le plan de travail. Sa tasse à café qu'il n'a pas pris le temps de remplir. Hier soir, a-t-il vraiment dit cela :

"J'ai peur de demander ta main, ici et maintenant. Sans bague et tout le protocole. Je suis désolé, Cassiopée, mais si je ne le fais pas tout de suite, j'ai peur de ne plus pouvoir quitter ton appartement. J'ai besoin de te sentir à moi, rien qu'à moi. J'ai besoin de le crier, le hurler. Alors qu'est-ce que tu en penses ?"

J'en doute à présent.

*

Merci les filles de suivre la suite de leur histoire.

Je ne compte pas refaire un roman. Seulement quelques chapitres parce qu'ils me manquent...

J'espère que vous aimez ce début.

N'hésitez pas à commenter, j'aime suivre vos réactions. Cela me motive beaucoup.

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