41. « Qu'un simple pion. »



GEMMA

À mon réveil, des sifflements infernaux retentissent dans mon crâne, probablement signe d'un sommeil trop long et lourd.
Je me tourne difficilement vers le jet de lumière. Il est là, dans ce fauteuil face à moi. Visiblement, il s'est endormi. Avait-il veillé toute la nuit ?

Quel imbécile. Il aurait pu venir près de moi.

Je ne suis pas cruel au point de l'en laisser se casser le dos. J'ai dit que j'allais le tuer plus vite que prévu, pas que j'allais l'empêcher d'avoir de dernière bonne nuit de sommeil.
Sa respiration lente reflète sa fatigue, mais son visage est contracté, prêt à bondir à tout instant. Ses poings sont serrés, et sa mâchoire également. Ses cheveux sont toujours parfaitement coiffés.

Il est si beau...

Flashback: « Je serais toi, je ferais un peu plus attention au monde qui m'entoure » m'avait confié mon kidnappeur.

Il faut impérativement que je découvre ce qu'il me cache. Ce qu'il me veut. Cela aurait dû être clair pour moi depuis le début. Personne ne s'intéresse à Gemma Montserrat sans raison. Si même ma propre mère ne m'aime pas et que mon père s'affaire à me vendre pour ses affaires...

J'inspire grandement, la gorge nouée, me retenant de laisser place à mes larmes, que je sors du lit.

J'accède à la douche à pas silencieux et verrouille la porte.

Si même ma famille me renie pour une raison que j'ignore, comment ai-je pu penser qu'il me protégerait sans contrepartie ?

Encore plus un homme comme lui. Quand l'homme m'a enlevée, j'étais persuadée qu'il s'était trompé de cible. Mais il a fallu qu'il me parle de Thémis. À cet instant, j'ai compris qu'il n'était pas là par hasard. Je me suis débattue autant que possible, mais il m'a droguée. Il parlait de manière aléatoire, et dans l'état dans lequel je me trouvais, il m'était impossible de comprendre à quoi il faisait allusion.

Flashback: « Tu ne te souviens de rien de la Turquie ? Pourtant, il y avait cette femme. »

J'avais en effet effectué de nombreux voyages en Turquie. La mère à papa y vivait jusqu'à il y'a quelques années. Je veux dire, jusqu'à ce qu'elle décède.

Thémis me sorti soudainement de mes pensées. Il toque à la porte, hésitant. Il se racle la gorge avant de me demander si je vais mieux.

Quelle question stupide.

J'ai été kidnappée et battue par sa faute. Comment pourrais-je aller mieux ?

Je lâche un soupire et laisse paraître pour seule et unique réponse long lourd silence. Mais un silence de courte durée. Thémis m'informe tout juste de son idée révolutionnaire : la célébration de notre mariage. À cette annonce, je manque de m'étouffer.

Je ne m'attendais pas à ce que les choses se précipitent si vite. Mais d'un autre côté, ce mariage me serait bénéfique. Je ne perds en rien mon objectif. Mon objectif nouveau. Un flash de cette discussion avec Omar, me traverse l'esprit.

Il avait peut-être raison. Thémis n'était clairement pas très net.

Une nouvelle fois, je suis extirpée de mes pensées par sa voix. "On discutera plus tard... repose-toi."

Mon regard retombant sur mes bras, je constate tout juste que je me frottais la peau à rouge depuis tout ce temps. Mes sourcils se frictionnent, ma bouche s'ouvre légèrement laissant passer un léger râle de surprise.

Je me dégoûte.

Une fois de plus, je me suis laissée avoir. Mais avec lui, c'est différent. C'était différent. J'ai eu envie d'y croire. De croire à sa bonté.

Je l'ai autorisé, je lui ai donné le droit de me toucher. Et finalement, pour lui, ce n'était qu'un jeu pur et simple. Et moi, je n'étais qu'un pion.

Ce sentiment nouveau que je ressentais depuis peu à chaque fois que je pensais à lui, lui, il me dérange. Ça a commencé par une chaleur étrange mais agréablement douce, juste là, dans le creux de mon ventre chaque fois qu'il était près de moi. Chaque fois qu'il agissait pour moi comme il ne le faisait pour quiconque. Rien de violent, juste une sorte de brasier timide, comme une flamme qui hésite à s'élever mais dont la chaleur est déjà si enveloppante. Et lorsqu' il m'attirait dans ces bras, rarement, mais souvent aux moments les plus parfaits, il y avait ce frisson. Ce léger frémissement, comme si de petites ailes invisibles s'agitaient en moi. Pas une agitation désordonnée, non. Plutôt une danse, vive et irrésistible, qui montait en moi à chaque seconde.

« Je m'étais dirigée vers la cuisine, attirée par une odeur appétissante qui caressait agréablement mes narines. Curieuse de découvrir ce que Nonna préparait, j'avais dévalé les escaliers, mais au lieu d'elle, je m'étais retrouvée face à Thémis.

Vêtu d'un jogging noir et d'un t-shirt de compression de la marque Under Armour, sa tenue soulignait chaque détail de son corps. Mon estomac s'était immédiatement noué, une sensation si brutale qu'elle m'avait fait tiquer. Pourtant, j'avais choisi d'ignorer cet émoi dérangeant.

— Tu comptes me regarder encore longtemps ? m'avait-il lancé d'une voix grave qui, comme toujours, m'avait troublée.

Cette voix... Dans les silences, elle grondait comme un avertissement ; dans d'autres moments, il savait s'en jouer avec une aisance désarmante.

— Viens goûter ça, avait-il ajouté en tendant une sorte de ravioli entre ses doigts.

Je l'avais observé, arquant un sourcil, hésitante.

— Tu vas aimer, avait-il assuré.

— T'es sûr que c'est cuit ? l'avais-je interrogé en fixant ce qu'il me présentait.

À ma question, ses traits s'étaient durcis, comme offensés par mon manque de confiance.

— Des mantı, m'avait-il répondu, en changeant d'accent l'espace d'un instant.

Moi qui me vantais de maîtriser plusieurs langues, je m'étais bien vite rendu compte qu'il me surpassait, et de loin.

— C'est une spécialité turque, avait-il précisé, maintenant debout face à moi.

Avant que je ne réagisse, il avait pris l'initiative de m'introduire le ravioli directement en bouche. Surprise, j'avais reculé légèrement en sentant la chaleur du plat. Ma bouche ouverte, j'avais tenté de refroidir le morceau en soufflant maladroitement.
Et là, il avait relevé mon menton, ses doigts effleurant ma peau, et s'était dangereusement rapproché de mon visage. Avant que je ne comprenne ce qui se passait, il avait soufflé doucement dans ma bouche, refroidissant le repas à ma place.

Un rire léger m'avait échappé, autant par gêne que par surprise.

— C'est encore très chaud ? m'avait-il demandé d'un ton étrangement tendre.
J'avais secoué la tête pour dire non, mes yeux ancrés dans les siens, incapable de détourner mon regard. »

Je sors subitement de mes pensées, mes doigts délicatement déposer au bord de mes lèvres. Je réalise que, sans même m'en rendre compte, un sourire s'était dessiné sur mon visage. Ce sourire... je n'aurais pas pu l'empêcher, même si j'avais essayé. Je sens ces battements d'ailes, rapides et légers, presque insaisissables, mais pourtant si présents qu'ils semblent me couper le souffle. Mon cœur bat plus vite, plus fort, comme s'il essayait de suivre leur rythme effréné.

« — Il semblerait que le temps soit venu pour toi de renier le nom de ceux qui te bafouent ? m'avait -il subitement affirmé. Gemma Falconetti. Ça sonne pas si mal. Il poursuivit laissant apparaître la blancheur de son émail dentaire. Épouse moi.

J'avais ri aux éclats, persuadée qu'il se foutait de moi. Mais froidement il m'avait fait part de l'inverse.

— Tu te moques de moi n'est ce pas ? J'avais repris après m'être éclairer la voix.

— Tu ne trouveras pas plus sérieux. »

À nouveau, je sors de mes pensées. Mes mains sont légèrement tremblante, mes joues me brulent, et il y a cette étrange sensation, cette certitude que tout mon corps me trahissait. C'est ridicule, n'est-ce pas ?

Tout ça pour un regard, une parole, ou peut-être juste pour sa simple présence. Pour des mensonges. Ces papillons... étaient là, bien réels, et ils se sont imposés à moi et dansent en moi avec une intensité presque insupportable. Et je suis bien décidé à m'en débarrasser.

Pour l'instant, alors que j'enfile mon peignoir, j'essaie de les ignorer, de reprendre le contrôle, mais c'est comme si mon corps avait déjà pris sa décision, comme s'il m'avait devancée.

Et au fond de moi, je savais : ce sentiment-là, risquerait de me mettre en péril.

Je secoue la tête et me dirige hors de la douche dans l'espoir qu'il ait décidé de décamper à défaut de squatter mon intérieur.

Quand j'arrive dans la chambre, je prends une grande bouffée d'air. J'avais cessé de respirer avant d'entrer dans la chambre par peur qu'il soit encore là. Maintenant submergée par un tas de questions.

Ça n'avait aucun sens... Pourquoi voudrait-il protéger ? C'est vrai. Ça n'avait définitivement aucun sens et ça, je ne l'avait pas vu. Il aurait pu simplement ordonner de me tuer ou m'obliger à travailler pour lui en utilisant mes compétences de tueuse à gage. Mais non, il me demande carrément de me mettre sur le banc de touche. Il a créé une fausse histoire, profitant de la folie de ma pseudo meilleure amie. Ou peut-être qu'elle n'était pas prévue dans son plan ?

Ce connard se sert de moi, me manipule pour entrer dans ma tête, dans mon esprit... Et au passage dans mon cœur. Et ça, malgré moi.
Mais la vérité est que dans ce monde, tout ce qui se produit à un véritable enjeu. Il se paie ma tête et je veux comprendre pourquoi. Il se passe quelque chose de bien trop gros, et je veux savoir ce que c'est. Alors ses papillons sortis de nulle part, je vais les faire taire.

Et gare à ce que je découvrirais. Parce qu'il risquerait de sauter la seconde qui suit. Ou alors, s'il a le malheur de trop me péter les couilles, je ferai l'inverse.

ELLIPSE DE QUELQUE JOURS.

20h30

Pour l'occasion de ce soir, j'ai pris soin de faire le plein de superficialité. Après tout, j'allais assister à mon propre mariage.

Les bleu que j'ai au visage, se sont depuis  mon kidnapping un peu effacer mais pas assez pour que j' évite la blinde de fond de teint. Je n'ai pas envie, mais c'est pour la bonne cause.
Plus je serai proche de lui, plus j'en saurai.
J'enfile une robe en dentelle beige longue, l'une des plus belles que j'ai jamais portées. Son décolleté met en avant la couleur bronzée de mon teint. J'ajoute des talons blancs à reflets scintillants.

Un mariage... Tu parle d'un mariage.

Je veux qu'il voit, qu'il ne puisse toucher qu'avec ses yeux. Moi, Gemma Montserrat, sa future femme d'ici quelques heures. Si je pouvais le torturer, je le ferais, mais je ne me contenterai que de cette carte. Les autres, je les jouerais plus tard.

J'ai pourtant hésité avec du rouge. Le rouge représente l'amour, la passion, le désir, la sexualité, la tentation, le feu, la chaleur. Tout ce que j'ai pu ressentir alors que tout n'était que mensonge. Il représente aussi le triomphe. Ce sera ce que je ressentirai quand je le ferai couler.

Le rouge symbolise le sang, l'enfer, le crime, la violence, la colère, la destruction, la haine, l'agressivité, l'interdit, le danger. S'il pensait avoir accédé au pire, dites-lui qu'il n'est pour l'instant que sur le chemin de sa perte. Je le ferai couler, assez pour qu'il ne puisse remonter à la surface, car sans même savoir ce que je vais découvrir, je sais que c'est le pire de tous.

Le blanc est plus propice à l'événement qui se prépare. Je surprends une larme couler de mon œil, fixant mon reflet impassible dans le miroir. Immédiatement, je l'essuie lorsque j'aperçois Nonna entrer dans ma chambre.

— Hija. Dit Nonna en entrant dans la pièce, un air fier sur le visage. Tu es resplendissante ! Ajoute-t-elle, en déposant un baiser sur le haut de ma tête. Tu angoisses ?

Je secoue la tête pour démentir. Nonna se comporte comme la mère que j'ai toujours rêvé d'avoir. Et j'ai beau avoir l'impression qu'elle me mène en bateau, je préfère ne pas pensée qu'elle fait partie de tout cela. Je la regarde, un sourire en coin.

— Où étais-tu passée ? Dis-je en emprisonnant de mes bras la femme qui a elle aussi volé une part de mon cœur. Je suis désolée d'avoir réagi aussi mal.

Elle me serre un peu plus fort avant de m'annoncer que le manoir est déjà plein. Elle comme moi, ne souhaitons pas parler de ce jour.

Tout est en place et la majorité des invités sont présents ; il ne manque que moi.

— Il t'attend en bas des escaliers. Dit-elle. Tout va bien, Hija, ne t'en fais pas. Je ne suis pas fâché. Regarde je suis là pour vous deux ce soir. Après quoi, je repartirais.

Je lui adresse un sourire, et elle sort de ma chambre en refermant la porte derrière elle. Face à la porte de ma chambre, après avoir attaché mon arme fétiche à ma cuisse couverte, je prends une grande inspiration, j'ouvre la porte et m'approche des escaliers à reculons. Passant ma main sur la rambarde, je descends chaque marche.

Mes yeux se posent immédiatement sur l'homme brun qui me fixe avec intensité. Je sens ma cheville trembler sous le malaise.

*Si tu tombes ici, Gemma, t'es foutue, pensais-je, m'arrachant un sourire incontrôlé.

J'arrive près de lui alors qu'il me tend son bras. Son regard est tellement étrange ce soir, on dirait presque de la culpabilité. Je combats mes sentiments négatifs en m'attachant à ce moment.

Mais Thémis ne me fait rien ressentir de bon, mis à part de l'aveuglement et de la naïveté engendrés par la faiblesse qu'il me provoque.

J'appose ma main sur son bras, et d'une manière incontrôlée, je me surprends en train de respirer le parfum dont il s'est arrosé. Une respiration presque trop flagrante puisque mes pupilles roulent sur elles-mêmes. Il sent si bon, c'est un fait.

Vêtu d'un costume blanc et d'une chemise noire, Thémis avance avec moi à ses côtés en direction d'un podium installé devant la baie vitrée, donnant accès à la piscine.

— Tu es prête ?

T'es prête, qu'il ose me demander ? Absolument pas, pauvre con. C'est le moment où je dois dire que tout ça m'enchante?  Est-ce qu'il se fiche de moi ?

Cette action signifie la mort pour moi ce soir, similaire à un mariage forcé. Un mariage dont il m'a pourtant sauvé.

Une fois l'officialisation faite, je ne serai plus sa pseudo-protégée mais surtout sa prisonnière. Sa femme. La femme d'un menteur. C'est bien pour ça que je le fusille du regard, laissant apparaître un sourire d'une hypocrisie flagrante.

Si tu pouvais simplement te noyer, ça me faciliterait la tâche.

Nous voilà face à un plan similaire à celui d'Herman. Tout homme qui s'approche de moi est destiné à mourir. Visiblement, les deux ont le sens de l'abus. Certes différents, mais ça reste de l'abus. L'un a abusé de mon amour, de ma faiblesse et de mon corps. L'autre, de ma confiance. D'une manière ou d'une autre, l'abus de confiance est une aussi grande trahison que tout le reste.

Nous montons sur le podium et je réalise combien les regards sont figés sur nous... sur moi ?

Je balaie chaque recoin de la pièce du regard, analysant chaque personne. Ces hommes sont effrayants. L'un d'eux se déplace avec une canne, un autre porte un cache-œil droit, un autre encore n'a qu'une main. Finalement, la protection n'est peut-être pas si mal...

Ils ne reflètent que la mort et la violence. Dans une tranche d'âge allant de vingt-cinq à cinquante ans, du plus jeune aux plus vieux, aucun ne me semble courtois ou non tenté par l'idée de me torturer, ou pire. On dirait que je leur ai fait la pire des trahisons.

— C'est celle ci qui cause du désordre depuis quelque mois ? crie un homme dans la foule, paraissant assez jeune.

Le regard menaçant de l'un des plus âgés se fige sur lui. Dès lors, je comprends l'enjeu de cette cérémonie, et je crains le pire.

— Tu dois être nouveau ici. Gronde Thémis, se posant comme mon protecteur. Alors reste silencieux, ne me pousse pas à t'apprendre les bonnes manières. Ce bijou en or massif... Annonce t'il, d'un ton plus fort me désignant.

Le brouhaha cesse immédiatement. Son expression m'arrache un regard interrogateur, sous le regard de chacun des hommes ici présents.

Dites-moi qu'il n'ose pas parler de moi comme ça. Il parle comme s'il faisait une vente aux enchères. C'en est presque offensant.

Subitement, il passe sa main autour de ma taille, comme pour me montrer à tous. Ma respiration se coupe.

— Vous la reconnaissez, n'est-ce pas ? Ne niez pas, chacun d'entre vous a soit tenté de la capturer, soit cherché des infos sur elle. Gemma pour les intimes. Elle est mienne. Affirme t-il en marquant une pause. Voyez-vous, tous ceux qui ont tenté quoi que ce soit contre elle en sont morts. Ce qui signifie que quiconque tente de la toucher, de la blesser ou pire encore, de lui adresser un regard déplacé, déclare avoir tenté d'ébranler ma patience.

Sa main tapote ma hanche, je le regarde, comprenant rapidement qu'il me demande la permission d'aller plus loin.

Il ne souhaite aucunement m'humilier ou me prendre par surprise. Et mine de rien, cela compte pour moi. J'ignore ce qu'il veut mais, j'acquiesce. La seconde suivante, sa langue parcourt mon cou de manière sensuelle aux yeux de tous, il finit par un baisé.

— Et qu'arrive-t-il quand on ébranle ma patience ?



~

À très vite !
With love Ana. ✨

Instagram 📸 : Anaamayleee_
TikTok 🎶: Ana.maylee

( Chacun de vos avis/commentaires compte, alors n'hésitez pas à commenter et à voter s'il vous plaît 😉)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top