23. « Quelques secondes, rien que quelques secondes. »




Les gouttes des conséquences de la flotte coulent en synchronisation jusqu'aux dalles de la baie vitrée à laquelle je fais face. La nuit est tombée, et je suis simplement éclairé par les néons bleutés qui surplombent l'écran télé. Nonna a pris soin de faire maint et maint aller-retour.. Me demandant à plusieurs reprises si j'étais persuadé de ne rien vouloir manger. Puis, elle avait fini par partir, m'annonçant que des gardes veilleraient jusqu'au retour de Thémis. Son souci maternel me réchauffe le cœur, on ne se connaît que depuis quelques heures et pourtant elle se comporte avec moi comme si j'étais le petit poupon qu'elle a toujours eu. Dans chacun de ses gestes, dans chacune de ses paroles, il y'a de la légèreté. Elle est similaire à une dose d'amphétamines, tout semble irréel et bien trop inutile pour être pris au sérieux.

Pourtant, ce mur sombre qui s'est érigé autour de moi, lui, persiste. Il veut me prouver combien lui il est fatal, réel combien il est impossible de lui échapper.

Adossé aux canapés, mes jambes près de ma poitrine, je fixe la nuit d'une couleur bleue profond, paré d'ombre. On y voit presque le mystère et l'incertitude y faire une danse harmonieuse. Le jardin seulement éclairée par un lampadaire aussi blanc qu'une colombe. La froideur de la nuit est à l'image de ce que je ressens au fond, un froid glacial qui s'installe et ne semble jamais plus vouloir s'en aller. La solitude m'enveloppe, me submerge, et je me sens plus perdue que jamais dans cet océan d'obscurité. La nuit est ce soir à mes yeux, le noir lustré des secrets murmurés, le violet des songes égaré au crépuscules. Certaine fois, le gris argenté d'une lune discrète qui illumine les âmes endormies. Ce soir, elle porte en elle le poids de mon silence.

Je ne sais pas quelle heure il est, mais cela fait un bon moment que les images de la télévision défilent sans que je ne les regarde. Plongé dans mes pensées, me résignant à ce que mon destin me réserve vraisemblablement. Les images qui se succèdent à l'écran sont floues, indistinctes, tout comme mes pensées qui s'entrechoquent dans ma tête. La migraine qui me frappe en conséquence du tumulte de souvenirs douloureux et de regrets amers, est atroce. Puis je me retrouve à me plonger dans ces moments de la journée. La manière dont, plus tôt j'avais pris la fuite. Thémis a manifestement le don de dire et de faire des choses maladroites, mais cette fois-ci, sa maladresse a eu un effet nauséeux. Ou peut-être bien que j'ai exagéré ? Ce qu'il peut bien dire ou penser ne doit pas m'atteindre.

Il n'est personne. Mis à part cet homme qui semble vouloir faire la charité en m'aider mais dont je suis persuadée qu'il y trouvera son compte. Rien n'est joué au hasard, pas même avec lui.

Et après tout, il semble être honnête et connaître ces hommes mieux que quiconque. Peut être que sur ce point, je devrais lui faire confiance.

De nouveau, un flash me frappa.
La nuit de jeu.

Je frissonne à leur vision. Met contre toute attente, moi qui à l'instant suis parvenu à chasser le flash précédent de mon esprit celui ci semble plus coriace. Il refuse de me lâcher. Mon coeur se met à battre si fort que j'en entends ses battements, les larmes coulent désormais à flot sur mon visage, me brûlant comme de la braise ardente.

Pourquoi est-ce que le seul moment d'apaisement que j'obtiens se termine par des flashbacks affreux, des cauchemars éveillés qui me hantent sans relâche.

« — Où est ce tableau dont vous me parliez ? Je surenchéris alors que je vois progressivement son visage se fermer.

— Tu sens si bon, je te promets que tu vas kiffer. dit-il alors que je reste statique face à l'homme devant moi. C'est toi qui me l'a demandé... pas vrai ?

— Ferme là un peu et profite. Dit-il en réponse à mes hauts le cœur. »

Chacune des phrases résonnent en écho dans mon esprit. Tandis que je m'efforce de fermer les yeux pour les faire taire. Mais rien, au lieu de ça..

Il y'a près de 4 ans /

« — Tu as dis que tu m'aimais pas vrai ? Dit-il en titubant.

Il a bien trop bu... Encore.

— Herman, le travail a dû être difficile aujourd'hui, allons nous reposer. Dis-je à mon tour alors qu'il s'approche de moi tel un prédateur.

— ¡No vuelvas a decirme lo que debo o no debo hacer, pequeña perra! Il grommèle tandis que je m'éloigne à reculons. ( N'ose pas me dire ce que je dois faire ou non, petite conne !)

Je sais qu'il m'écoute encore, il n'a pas encore été entièrement submergé par l'alcool, j'ai encore une chance.

Ma tête cogne contre le coin de la porte, et je constate rapidement que si je continue de reculer je n'aurais plus d'issus. En faite, je serais bloquer entre le bord de mon lit et son corps.

— Oui, soufflai-je. Excuse-moi mon coeur, mais s'il te plaît calme toi. J'ajoute tandis qu'un sourire effrayant s'annonce sur son visage.

— Tu sais, je n'aime pas l'idée qu'un autre puisse te regarder. Il ajoute le faisant finalement basculer sur le matelas. Mon dos rebondit, mes mains placées par réflexe devant moi pour l'empêcher de tomber sur moi frappèrent contre son torse.

Ce qui devait avoir pour effet de le calmer eut l'effet inverse. Cet homme devant moi semble fou de rage, mais je sais qu'il n'est pas un mauvais homme, il va se reprendre. Ce n'est pas un plaisir pour lui de me blesser à chaque fois. Il m'aime, et quand on aime on ne fait pas de mal...

Les mains tremblantes je prends en coupe son visage s'étant niché dans mon cou, sa langue dévalant du bas de mon cou jusqu'à mon oreille qu'il mordilla tandis que je suis parcourue d'un frisson.

—. Mon- Mon coeur.. murmurait alors que je cherche éperdument son regard, Hey mon amour. Soufflai-je.

— Fais moi confiance, ils sauront que tu es ma propriété.

Je ne me souviens pas de l'instant dans nos qui a déclencher ce chamboulement, je ne me souviens pas de ce qui a bien pu se passer pour qu'il soit sans que je ne m'en rende compte passer de l'homme attention, aimant et protecteur à celui alcoolique dont je veux me protéger.

Il plaque brutalement mes mains contre le lit m'attachant un sursaut. Il me couvre de baisers alors que je murmure en boucle.

— S'il te plaît, Herman, écoute-moi.

Il m'aime. Pas vrai ?
Alors pourquoi me fait-il si peur ?

— Sshhh. Affirme t'il en enfonçant son index et son majeur dans ma bouche pour l'empêcher d'émettre tout son alarmant.

Je rêverais que les voisins osent me venir en aide, mais il ne l'ont jamais fait, ce n'est pas aujourd'hui qu'il le feront. Eux aussi, sont effrayés par lui.

Je sens mes larmes perler sur mon visage alors que je tente de me rassurer en me disant qu'il ne me fera pas une tel horreur. Pourtant, mon regard scotché à ce que contient sa main, au fond je sais.. Je sais qu'il le fera. Parce que même s'il m'aime, ce n'est plus lui. Il n'est plus là.

L'homme que j'aime, n'est plus présent.
Son regard est flou, ses gestes désordonnés, mais dans cette confusion, il y a une froide détermination qui glace mon sang.

— Regarde-moi, dit-il en levant le fer chauffé à blanc. Ses mains tremblent, mais son poignet reste ferme, comme si l'alcool donnait à sa rage une force macabre.

Je secoue la tête, je contracte mes dents autour de ses doigts pour lui faire ne serait-ce qu'un tout petit peu mal. Qu'il ait un mouvement de recul. Mais brutalement dans un grognement, il ôte sa main de ma bouche et d'un geste que je n'ai même pas le temps d'assimiler, il abat sa main libre sur ma joue. Mon visage abattu sur le côté, mon corps tout entier se raidit, figé par une terreur paralysante. Je veux lui parler, lui rappeler qui nous sommes, qui il est... mais l'homme que j'aime n'est définitivement plus là. Pas ce soir.

Il lâche un rire l'air de dire que je n'aurait jamais dû le provoquer. L'odeur métallique du fer brûlant envahit l'air, me faisant tourner la tête, à moitié suffoquée. Mon esprit s'accroche désespérément à une prière silencieuse, un espoir que quelque chose—n'importe quoi—vienne briser cet instant. Mais il n'y a que son souffle, lourd et irrégulier, alors qu'il approche encore.

— Ils doivent savoir, murmure-t-il avec un sourire tordu. Que tu es à moi, et à moi seul tu comprends ?

— Herman, je t'en supplie... c'est moi. C'est Gemmy, sanglotai-je d'une voix étranglée, espérant qu'il reconnaîtrait mon nom comme une ancre dans sa furie. Mais il n'écoute pas. Ses yeux ne voient qu'une idée fixe.

Je tente de me débattre, mon corps tordu sous son poids, mais cela ne fait qu'aggraver sa poigne.

— Ne bouge pas, grogne-t-il, sa voix rugueuse, éraillée par l'alcool et l'excitation malsaine.

Quand le fer effleure ma peau, la chaleur mord avant même que le contact ne se fasse. Une douleur brutale explose à travers moi. Le hurlement que je retenais éclate enfin, mais il est absorbé par l'épaisseur des murs, étouffé par un appartement qui ne connaît que le silence des lâches. Des larmes brouillent ma vision tandis qu'il marque sa prétendue "propriété" sur moi, et je sens une partie de moi s'éteindre, une partie que je ne retrouverai jamais.

Il l'a fait. Il a marqué mon corps de son initiale.

Quand il recule enfin, haletant, le fer toujours en main, je réalise que je ne pleure pas pour la douleur physique. Ce qui me brise, c'est l'irréversibilité de ce moment. L'homme que j'aimais était perdu."

De nos jours/

Nauséeuse, je me redresse subitement, accourant à l'étage. J'enjambe les escaliers deux à deux, cherchant désespérément une échappatoire à cette douleur lancinante. Cette douleur qui me dévore de l'intérieur. Je cavale, encore et encore.

Des remontées, des sueurs froides. Tout, tout ce qui est et restera inimaginable me submerge, me noie dans un océan de tourment. Je ne sais pas et en vérité je ne cherche même pas à savoir qui risquerait de m'entendre, tout ce que je veux, c'est retirer cette odeur répugnante qui parcourt mon esprit comme un fantôme. Échapper à cette douleur insoutenable qui me déchire le cœur. Alors, j'ouvre la pression de l'eau et balance mes vêtements au sol.

Une fois encore, je rechutais, symbole de la défaite, de ma souffrance.

Tremblante, je déglutit à la suite à l'apatement de ma salive, la gorge noué, je laisse la baignoire se remplir d'eau. Une eau si chaude qu' à une vitesse fulgurante la fumée embue la pièce, similaire à un voile de vapeur qui enveloppe mon corps meurtri.

J'y mets en premier ma jambe, émettant des gémissements de douleur. En effet, cette eau me brulait mais.. Rien de cette douleur m'arrêtera, rien ne peut atteindre la douleur de la braise qui brûle en moi au point de me faire reculer. J'ajoute ma deuxième jambe et prends une grande inspiration avant d'y abaisser tout mon corps, s'immergeant dans cet océan de chaleur,
de douleur,
de désespoir.

Soufflant d'un coup sec, j'attends que cette douleur constante disparaisse de mon corps,
de mon être,
de mon esprit,
de mes pensées. Rien que quelques secondes.

Faisant place à une douleur plus supportable. Qui serait elle, passagère.

Rien que quelques secondes.

Parce que c'est seulement comme ça que je me débarrasse l'espace d'un instant de mes pensées. En pensant à ma capacité à surmonter la chaleur, la douleur de cette eau au contact de ma peau.

Rien que quelques secondes, c'est tout ce que je demande.

De mes doigts, je frotte mon corps. Comme si, effectuer ce mouvement créerait une sorte de mutation de ma peau.
Je me vois devenir rouge vif et les larmes dévalent mon visage de manière incessante.

Je suffoque.

Rien que quelques secondes.

C'est tout ce dont j'ai besoin, maintenant.
Je suffoque, je tremble, les décharges de chaleur au contact de mes rougeurs me font frémir. Mais je refuse de céder, de laisser cette douleur m'engloutir tout entière. Rien que quelques secondes. Encore un peu.

Je fais couler mon corps entier sous l'eau, dans un dernier espoir. L'espoir de trouver un répit. Une trêve dans cette guerre qui fait rage en moi. Je clos mes paupières, me laissant emporter par les courants tumultueux de mes pensées. Je me laisse couler au fond de la baignoire après avoir soufflé un bon coup. Mais la vérité est telle que... Ces secondes ne suffiront jamais assez, cette trêve ne dure souvent qu'un court instant. J'avais beau l'effectuer à plusieurs reprises avant, mon esprit en redemandait encore, encore et encore. Parce que ce n'est jamais suffisant et ça ne suffira jamais à redorer la peine viscérale qui s'écroule en continu en moi.

Pourtant j'aimerais que cela fonctionne une bonne fois pour toute... Que toutes ces choses s'effacent de moi, de ma personne.

Ces noyades me laissaient penser que si je restais ici, ce serait l'occasion pour moi désormais de prendre la fuite. De prendre un nouveau départ loin de tout ça, de tout ce qui me rappelle cette nuit maudite, de tout ce qui me rappelle ma faiblesse, mon impuissance.

C'est tout ce que je sais faire, prendre la fuite.

Toute les pensées se mélangent en moi.
Et le revoilà lui, dans mes pensées tandis que je m'efforce de ne pas sortir de l'eau.

Il me fait peur, m'agace. Mais ça n'est pas une crainte similaire à toute les autres, non, lui je craint son impact, ses capacités, son imprévisibilité, même si finalement j'ai le sentiment qu'ici je suis bien plus en sécurité que nul part ailleurs. Lui ne semble pas vouloir me faire mal en apparence, mais me laisser ici m'est bien plus douloureux. Ici, je suis prisonnière de mes propres démons, de mes propres tourments.

Je me décide à sortir de cette eau qui désormais devient lourde et peu chaude, ma peau est rugueuse et grisatre. Face à un miroir, je torsade mes cheveux et les maintiens en chignon, mon regard se perdant en lui même par son reflet, une sensation de vide s'installe en moi, pesante. Un frisson parcourut une nouvelle fois mon corps, me sortant de mon etat de transe. J'enfile un sweat et un legging, les vêtements collant à ma peau humide, comme une seconde peau qui ne parvient pas à me réchauffer. Dévalant les escaliers, mes pieds résonnent dans le silence glacial de la maison, une maison qui semble s'être vidée de toute chaleur, de toute vie.

J'atterris dans la pièce à vivre, toujours éclairée par les néons de la télé, une ambiance lugubre qui reflète parfaitement mon état d'esprit. Je m'approche des placards assez timidement, puis rapidement le peu de raison reste en moi me rappelle à l'ordre.

"Attends, il me doit bien ça non! Je veux simplement un truc à grignoter."

Prenant des barres chocolatées accompagnées d'un thé laissé à l'abandon dans une cafetière, je cherche désespérément un peu de réconfort dans ces plaisirs simples de la vie. Hélas, même la chaleur du thé ne parvient pas à dissiper le froid qui s'est installé en moi, un froid glacial, qui jusqu'au plus profond de mon âme me gèle. Une question me taraude, une question qui refuse de me laisser en paix :

Pourquoi est-ce qu'il n'est toujours pas rentrée ? Bientôt deux heures, est-ce que les gardes vont veiller toute la nuit ? Il leur faut du sommeil à eux aussi. Vont-il faire des rondes entre eux. Je me tatte à appeler le brun mais la vérité c'est que j'ai déjà tenté de le joindre plus tôt.. Par simple souci de curiosité quoi... Je voulais simplement savoir si tout s'était bien passé. Pas que je m'inquiétait, c'est ridicule, simplement, j'étais curieuse de savoir s'il se portait bien. Mais aucune réponse, rien, aucun signe de vie. Et je refuse qu'il pense que j'en ai quelque chose à battre de sa vie.

J'ai pourtant le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond. À l'instant où j'ai demandé à l'un des garde s'il savait si leur boss allait rapidement revenir mon souffle est devenu plus court, ma poitrine s'est resserrée et ressentant un vide soudain. Un sentiment indéfinissable, quelque chose lui est arrivé et ça, j'en suis presque sûr. Je ne saurais expliquer ce lien que je ressens mais ce que je sais c'est que là, à l'instant il s'affaiblit. Mon coeur ralentit presque et je tente de me raisonner comme je peux.

Qui est-il ?

Personne.

Que lui est-il arriver ?

Rien, et quand bien même, cela ne dois pas m'atteindre.

Alors qu'est ce que je dois faire ?

Reprendre mes esprits. MAINTENANT.

Que penser ?

Il doit être occupé, distrait. Tout va à merveille.

Lâchant un lourd soupir, je m'enfonce dans le cuir du canapé, laissant l'écran plat me distraire.





⚖︎






Le temps s'étire dans le silence, chaque minute semblant plus lourde que la précédente. Je suis affalée sur le canapé, mon corps en quête de sommeil, mais mon esprit refuse de céder. Je devrais aller me coucher, mais je préfère attendre, espérer entendre le bruit rassurant de ses pas. Pourtant, quelque chose dans l'air ce soir me serre la poitrine. Une ombre. Un pressentiment.

Mes paupières deviennent lourdes, mais juste avant de sombrer, le bruit sec de la porte d'entrée me ramène brusquement à la réalité. Puis un grognement, étouffé, chargé de douleur.

Des pas traînants résonnent sur le sol, lourds, hésitants. Mon cœur se met à battre trop fort, et je me redresse précipitamment. Mes doigts agrippent le couteau posé sur la table basse. Instinctivement, je me glisse derrière le mur, retenant mon souffle. Mais une voix familière, basse, fatiguée, fend l'air :

— Pas la peine de te cacher... c'est moi, marmonne-t-il, avant que le son lourd de son corps ne s'effondre au sol.

— Thémis ?! Ma voix tremble alors que je cours vers lui. Eh, relève-toi, regarde-moi ! Je tapote ses joues, mon cœur battant à tout rompre.

Il ouvre les yeux, un éclat faible mais présent dans son regard. Il est dans un état pitoyable. Je me redresse et claque la porte derrière moi, tournant la clé dans la serrure.

— 3479, murmure-t-il soudain.

— Quoi ?

— 3479. C'est le code. Verrouille cette porte... Fais-le, maintenant.

Je m'exécute, mes doigts tremblant tandis que je fixe le verrou. En me retournant, je le vois, toujours au sol, luttant pour rester conscient.

Je m'approche, glissant son bras sur mon épaule pour tenter de le soulever. Il s'appuie sur moi, son poids écrasant, et nous avançons péniblement vers la cuisine. Une fois arrivé, il s'échoue sur la chaise de l'îlot central. Je fouille frénétiquement dans les placards, attrapant un torchon que je passe sous l'eau froide.

— Thémis, tiens un minimum debout par pitié. murmurai-je, jetant un coup d'œil derrière moi pour m'assurer qu'il ne glisse pas de sa chaise.

Son front brûlant, je presse la serviette contre son front dégageant les cheveux transpirant de ce dernier. L'eau froide lui releva un peu l'esprit, assez pour qu'il daigne ouvrir les yeux correctement.

Son arcade sourcilière est en sang et je réalise également qu'il se tord de douleur au ventre. Alors je me dirige vers l'interrupteur pour l'allumer et voir plus nettement ses blessures pourtant...

— N'allume pas. Grogne t'il difficilement, les paupières mi-closes.

Comprenant que la lumière lui souillerait les yeux. J'effectue un mouvement de recul, me précipite vers les toilettes ou supposément se trouve un placard de secours. J'y trouve mon bonheur. À ses côtés, je dépose tout ce dont j'avais besoin sur la table, retrousse mes manches et d'un coup de main rapide attache mes cheveux s'étant détachés des suite de mes actions passé, en une queue de cheval. Après m'être désinfecter les mains, j'empoigne compresse et alcool.

— Ça va chauffer un peu, mais ne bouge pas, d'accord ? dis-je, plongeant mon regard dans le sien, espérant qu'il m'entende à travers son épuisement. S'il te plaît.

Il ne répond rien, mais ne dit rien, me laissant faire. Mes doigts tremblants enveloppent son visage, et je commence à nettoyer la plaie qui zèbre son arcade. Le spray désinfectant grésille sur sa peau, et il tressaille, mais ne dit rien.

— Je... je ne suis pas faite pour ça, murmurais-je, ma voix cassée par l'angoisse. Pas pour la médecine, pas pour te réparer comme ça.

Il me fixe, ses lèvres s'entrouvrent pour parler, mais aucun son n'en sort. Ce silence entre nous est presque insupportable. Je ne sais pas, qu'il dise quelque chose, n'importe quoi, une connerie, mais qu'il parle... Il semble tellement vulnérable, c'est tellement étrange... Inhabituelle. Je n'aime pas ça.

Tandis que je détourne le regard, mes doigts hésitent avant de relever son t-shirt. Un grognement de douleur lui échappe, et je retiens un souffle tremblant. Je m'attendais à une petite blessure, quelque chose de superficiel. Mais ce que je découvre me retourne l'estomac : des hématomes profonds, virant au violet, s'étalent sur son flanc.

— Mon Dieu, soufflai-je, mes doigts effleurant sa peau avec prudence.

Une pression légère, juste pour évaluer la gravité... mais il repousse ma main d'un geste brusque. Mon regard croise le sien, et je sens la colère me monter. Mais je ravale mes émotions, concentrée sur les soins.

Je prends une compresse pour nettoyer les traces de sang et, malgré son expression fermée, j'appuie doucement sur ses côtes pour vérifier d'éventuelles fractures. Il saisit soudain ma mâchoire avec une fermeté inattendue, se redressant dans un mouvement qui le fait grimacer. En un instant, je me retrouve plaquée contre le frigo, son regard brûlant ancré dans le mien.

— Ce n'est pas le moment de te venger sur mes hématomes, kıymetlim (ma précieuse), murmure-t-il d'une voix basse, presque rauque.

Mon souffle s'accélère. Nos visages sont si proches que je sens la chaleur de son souffle contre mes lèvres. Mon regard, malgré moi, glisse vers sa bouche. Ses lèvres semblent m'appeler, et je n'ai ni la force ni la volonté de détourner les yeux.

— Il faut juste que... dis-je, mais ma voix me trahit, brisée par un frisson qui me traverse.

Il esquisse un sourire en coin, et je sens mon cœur s'emballer encore davantage. Sa main relâche ma mâchoire, mais il reste proche, beaucoup trop proche. Pour échapper à cette tension presque insupportable, je me laisse glisser au sol, échappant à l'aura écrasante de sa présence.

Je fouille dans le congélateur, trouvant un gant de froid, et retourne vers lui. Avec des gestes mesurés, j'appuie doucement le tissu glacé sur ses côtes.

— Cette balance... qu'est-ce qu'elle signifie ? demandai-je, mes yeux tombant sur le tatouage qui orne son torse.

Il hésite, puis murmure :
— L'istituzione della giustizia. (L'établissement de la justice.)

Son ton est grave, presque solennel, mais mes pensées s'égarent. Mon regard reste fixé sur les contours de ses muscles, sur la chaleur de sa peau sous mes doigts. Avant même que je ne m'en rende compte, mon pouce trace une caresse légère sur son flanc, explorant la courbe de son tatouage.

— Non farlo, souffle-t-il, sa voix vibrante d'une douceur teintée d'avertissement. (Ne fais pas ça.)

Mais je ne peux pas m'arrêter. Son regard me dévore, et je sens une tension électrique monter en moi, un mélange de désir et de peur. Mon esprit est un chaos, mais mon corps agit seul.

— Il... il faut juste que j'applique cette crème, dis-je finalement, ma voix vacillant sous la chaleur qui envahit ma poitrine.

Qu'on se le dise il est très beau, Thémis à tout pour lui et-

Je tente de m'éloigner, de reprendre le contrôle. Mais avant que je n'aie le temps de finir ma phrase, il m'attire brusquement contre lui. Nos corps se heurtent, et le temps semble figé. Plus rien n'existe à part sa respiration, haletante, et la mienne, tout aussi désordonnée.

— Et puis merde, lâche-t-il avant de capturer mes lèvres dans un baiser fougueux.

Mon esprit vacille. Une partie de moi veut s'éloigner, mais mes mains se posent sur ses joues presque instinctivement. Mon cœur fait un bond. C'est trop. Trop intense, trop brut... et pourtant, je ne veux pas qu'il s'arrête.

À mon tour, je cède. Mes lèvres retrouvent les siennes, et il me soulève, mes jambes encerclant sa taille. Malgré le grognement de douleur qui lui échappe, il ne recule pas, ne me lâche pas. Je me retrouve assise sur l'îlot de la cuisine, ses mains brûlantes explorant chaque centimètre de ma peau.

Mon cœur bat si vite que j'ai du mal à respirer. Depuis combien de temps n'ai-je pas ressenti ça ? Cette envie, cette chaleur, ce besoin primal. Après Herman, il n'y avait eu qu'un désert. Des années de silence, de peur de m'abandonner à quelqu'un à nouveau. Et pourtant, avec lui, tout semble différent. Il efface mes doutes, mes cicatrices.

Pourtant la réalité me frappe. Pas ici. Pas maintenant.

Sans sceller nos lèvres à nouveau, je cherche le tube de crème à tâtons et le plaque sur son torse pour mettre une distance entre nous.

— Mets ça... et va te reposer, dis-je, haletante, ma voix à peine audible. Moi aussi, je vais... dormir.

Je descends maladroitement de l'îlot, le souffle court. Sans attendre sa réponse, je m'échappe, gravissant les escaliers presque en courant. Une fois dans ma chambre, je referme la porte, mon dos glissant contre elle. Je soupire profondément, mes doigts tremblants effleurant encore mes lèvres.

J'en avais envie... tellement. Mais non. Pas encore. Je ne peux plus faire cette erreur, des années après.


~

À très vite !
With love Ana. ✨

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