CHAPITRE VINGT-SEPT

Christine and the Queens - Paradis perdu

Je rentre de la fac, satisfait de cette journée. Pourtant, plus je m'approche de mon appartement, plus mon ventre se tord et moins je marche moins vite. Je suis arrivé au stade où je redoute mon arrivée chez, ce qui est censé être chez, moi. J'ai effectivement cette appréhension car je ne sais jamais dans quel état je vais trouver Noah. Il est parfois très irritable, d'autres soirs triste et/ou complètement absent mentalement ou il dort et parfois même, il n'est pas à l'appartement.

Mon petit bonheur de la journée, procuré par mon amie de fac Jeanne, se perd ainsi aussitôt que j'ouvre la porte d'entrée d'une main lourde. Le chien me saute directement dessus et je le caresse gentiment. Je n'entends aucun autre bruit avant que ne résonne celui de sortes d'objets qui tombent venant de la salle de bain.

— Noah ? je demande.

Mon ventre se contracte et je sens un mauvais pressentiment m'envahir. Je ne peux pas l'expliquer mais je le ressens. J'espère me tromper.

— Noah ? je répète tout en m'approchant de la salle de bain.

Je pousse une forte expiration avant de me saisir de la poignée et de l'actionner vers le bas. Un verrou m'empêche cependant d'ouvrir mais je réessaye tout de même.

— Noah, ça va ? je demande calmement.

N'entendant toujours pas de réponse et me rappelant de toutes ces histoires sordides entendues, je me mets à rapidement m'inquiéter. J'essaye ainsi encore une fois d'ouvrir avant de hausser la voix :

— Si t'ouvres pas la porte, je vais le faire moi-même.

Je sens les larmes me monter aux yeux et mes mains trembler avant que je ne gueule :

— Noah, ouvre cette foutue porte !

Sans plus réfléchir, je donne un coup d'épaule dans la porte et me fait mal par la même occasion. Voyant que ça ne marche pas, je file prendre un couteau dans le tiroir de la cuisine et fais tourner le mécanisme de la poignée. Aussitôt qu'un "clic" se fait entendre, j'ouvre la porte et sens mon cœur se décrocher lorsque je vois Noah au sol, recroquevillé sur lui-même.

Je me jette aussitôt à ses côtés et le secoue vivement. Ses yeux s'ouvrent et je les vois remplis de larmes. Je ne peux cependant pas m'empêcher d'être rassuré qu'il soit conscient.

— Je veux mourir, pleure-t-il. Je veux mourir, tue-moi s'il te plaît.

Je fixe Noah, interdit, avant d'observer ce qui nous entoure. Les deux boîtes de médicaments de Noah sont au sol : antidépresseurs et anxiolytiques prescrits par son psychiatre. Je remarque également le rasoir et continue de faire des allés retour entre ces objets et Noah. Je n'arrive à rien dire alors je serre fort Noah dans mes bras. Je sers tellement fort les vêtements de Noah que mes jointures de main sont toutes blanches. Noah finit cependant par dire :

— Je suis toujours pas mort, aide-moi à arrêter tout ça, je t'en supplie.

Je ne dis toujours rien avant de coller le corps de Noah encore plus proche contre le mien. Je le sens alors contre moi, bien que plus fragile qu'avant, et ne peux me résoudre à le lâcher. C'est seulement à ce moment que je réalise que je pleure et je ne m'arrête d'ailleurs plus. Je ne fais que le serrer dans mes bras car je ne sais que faire d'autre face à l'avalanche d'informations qui arrivent à mon cerveau. Je n'arrive plus à m'arrêter de pleurer et je finis par avouer, reculant de Noah :

— Pourquoi tu as fait ça ? Il y a toujours une et même des solutions.

— C'était ma solution.

Mes larmes continuent de couler le long de mes joues et je réalise le décalage entre Noah et moi. Le décalage entre la vie et la mort. Je ne pourrais jamais penser que la mort est une solution à quoi que ce soit. Je suis né pour vivre et me tuer irait à l'encontre de ma nature. C'est juste incohérent et impensable alors comment Noah peut-il penser que c'est une solution, la solution ?

Lorsqu'un petit bruit se fait entendre, je me tourne vers la porte où Moon est couché juste devant en nous fixant. Je l'appelle alors doucement et il court vers moi avant de directement se diriger vers son maître. Il lui fait alors la fête avant de s'assoir sur ses jambes.

— T'as pensé à ton chien ? Il aurait fait comment sans toi ? je le questionne pour le résonner.

— T'es là.

— T'as pensé à moi d'ailleurs ?

— Oui. Je me suis dit que tu comprendrais au bout d'un moment et que tu verrais que c'est la meilleure solution sur le long-.

— Tais-toi, je l'interromps, tais-toi, je tremble, complètement paniqué à l'idée qu'il puisse ne plus être là. Ne pense pas un instant que ta mort puisse signifier ne serait qu'un petit de peu de positif pour moi. Je t'aime Noah, je t'aime et on ne se remet pas de perdre quelqu'un qu'on aime, jamais entièrement alors tu te tais. Tu te tais parce que tu es aveuglé par la tristesse, la colère qui t'empêchent de voir tout le reste. Le suicide ne sera jamais une solution, jamais, c'est la fuite de la vie et la vie, tu en as qu'une.

— Je sais.

Je respire et me décrispe par le même occasion. Je lâche plusieurs fortes inspirations puis expirations avant de déclarer :

— On va trouver une solution, une vraie même si ça ne te paraît pas imaginable. T'es pas voué à te suicider Noah et tu le seras jamais. T'es pas né pour ça.

Noah hoche doucement la tête avant de serrer son chien contre lui. Les larmes coulent de nouveau le long de ses joues et je me demande ce qu'il pense à ce moment précis. Je culpabilise alors de ma réaction sûrement trop extrême. Faut dire que je n'étais pas prêt à être confronté au suicide. Comment peut-on y être prêt de tout manière ? Je m'approche ainsi de la personne que j'aime et lui prends la main. Je la lui serre fort et sermonne avec :

— Je ne te lâcherai pas.

Noah vient alors se réfugier dans mes bras et nous nous serrons affectueusement pendant de longues minutes.
Je n'aurais jamais pu le perdre.

Le reste de la soirée a été un peu étrange et je me suis senti complètement vidé lorsque j'ai "couché" Noah. Je ne crois pas qu'il recommencera à se faire du mal aussi radicalement.
Je passe ainsi ma soirée et même une partie de ma nuit à réfléchir à ce soir mais aussi à ce qu'il adviendra de demain.

C'est ainsi que je me retrouve le lendemain à téléphoner au psychiatre de Noah. Je tombe sur la secrétaire dans un premier temps et précise que c'est urgent. Je crois que je peux le dire, ça me permet même un euphémisme comparé à la réalité que j'ai sous les yeux. Une quinzaine de minutes plus tard, je me retrouve avec le Docteur Yoshida.

« — Bonjour Monsieur, je suis Édouard Abels, l'ami de Noah. Je téléphonais justement pour parler à son sujet.

— Bonjour Monsieur, de quoi souhaitez-vous parler ? »

Je dois lui dire pourtant j'ai beaucoup de mal. Les quelques secondes que je prends avant de parler le prouvent.

« — Noah a, fait une crise, il a enfin, tenté de suicider ou quelque chose du genre. Je dois vous avouer que je ne sais plus que faire et étant donné que vous êtes son médecin, je me suis dit que vous auriez une meilleure solution à me proposer.

— Je vois. Je préfère tout de suite vous dire qu'il n'existe pas de solution miracle et que je ne la suis pas non plus.

— Je suis censé faire quoi alors ?

— Vous aviez pensé à quelque chose ? »

Je rêve ou il est en train d'utiliser sa psychologie sur moi ?

« — Je ne suis pas professionnel mais je sens que les choses s'aggravent de jour en jour et qu'il finira par arriver à, à ce qu'il a essayé hier si nous ne l'aidons pas.

— Bien. Il serait dans ce cas préférable de l'emmener voir un confrère à l'hôpital. »

Lorsque le mot « hôpital » sort, cela me fait tout étrange. Qu'est-ce qu'ils vont bien pouvoir lui faire là-bas et est-ce que ça va vraiment l'aider ?

« — Nous en avions déjà parlé avec Noah et je pense que l'idée a germé dans son esprit.

— Vous pensez donc qu'il doit être hospitalisé ?

— Je pense qu'il doit se reposer et reprendre des forces dans un premier temps. » m'explique-t-il.

Je me retrouve ainsi avec un rendez-vous à l'hôpital pour faire un bilan de l'état de Noah. Nous avons rendez-vous vendredi en début d'après-midi et j'ai autant peur que "hâte" de savoir ce qui va en découler. Hâte qu'un changement s'opère mais peur que ce soit trop violent.

J'ai également appelé les parents de Noah pour les mettre au courant de ma démarche et j'ai pu entendre la brisure dans la voix de son père. Son « merci » m'a également remué tout comme toutes ses bienveillantes paroles me concernant. Ça m'a fait du bien de parler à quelqu'un de tout ça et à quelqu'un qui tient et aime Noah. J'avais l'impression de voir un début d'espoir et ça réchauffe le cœur depuis le temps.
Les choses bougent tellement vites pour une fois.

*

Le trajet jusqu'à l'hôpital est silencieux et Noah a même l'air de faire la tête. Il a l'air crevé et ce d'autant plus lorsqu'on doit prendre des escaliers. C'est flagrant que son corps est à bout et ce d'autant plus au vu des regards des autres. Je ne suis pas le seul à le penser et je ne suis pas donc pas « parano » comme me répond Noah lorsque j'ose aborder le sujet. Il est maigre et, il fait même si je déteste le dire, peur à voir. J'ai l'impression qu'il va s'écrouler à tout moment monde avec ses battons en guise de jambes. Le peu de fois où je l'ai aperçu sans des couches des vêtements à n'importe quelle partie du corps, je pouvais voir le peu de chair et les os saillants. J'ai également remarqué les bleus qui couvrent son corps surtout au niveau des jambes. Son visage est également creusé et il a souvent des poches sous ses yeux et la peau qui brille sans arrêt au niveau du visage. Même s'il porte un bonnet, j'ai bien remarqué que ses cheveux sont tous fins et qu'il les perd en vu de la quantité anormale que je trouve dans l'appartement.

On dirait une sorte de portrait d'un mort mais c'est ce qu'il est en train de devenir. Même s'il ne s'est pas suicidé, son mode de vie est tout comme.

Nous finissons par attendre sur des chaises et je sens Noah anxieux. A-t-il peur ? Et si oui, de quoi ?

— Monsieur Henri.

Noah et moi levons la tête et la jeune médecin nous guide jusqu'à son bureau. Nous nous asseyons en face d'elle et elle demande à Noah :

— Comment ça va ?

Je me doute que si elle est médecin, elle ne doit pas être attardée mais poser cette question me parait complètement déplacée. Est-ce qu'il a l'air d'aller bien sérieusement ?

— Ça va, je vais bien.

Je serre mes mains, écoutant avec horreur ce mensonge. Dois-je intervenir et rétablir la vérité ?

— C'est faux, je le contredis.

Noah me fusille du regard mais je ne baisse pas le regard, je l'ai trop fait.

— Est-ce que vous trouvez vraiment qu'il a l'air d'aller bien ?

— Je ne posais que la question. Je vais effectuer un contrôle basique puis nous pourrons parler. Tu préfères le faire seul ou ton ami peut rester ?

— Seul, réplique immédiatement Noah à la médecin.

Je sors alors de la salle et les minutes qui suivent me paraissent interminables. La femme finit par revenir me chercher et quand je rentre, Noah remet correctement ses vêtements en place ainsi que son bonnet. La médecin annonce directement :

— L'IMC est très faible puisqu'il est d'à peine 15,5.

J'avoue avoir déjà entendu parler qu'il fallait être entre 18,5 et 25 je crois mais ça ne me dit pas si l'état de Noah est grave ou préoccupant.

— Il y a une perte de poids importante et ce en peu de temps selon le poids enregistré chez le médecin en septembre. C'est de plus de 20% de ta masse corporelle, tu réalises ?

Noah se contente d'hausser les épaules.

— Ce qui est inquiétant aussi, c'est ton humeur. Je pense qu'il est vraiment important de maintenir un suivi psychologique mais aussi de faire des examens complémentaires. Je peux en tous les cas dire, en temps que médecin, que physiquement, tu ne tiendras pas longtemps. Les malaises et la faiblesse ne seront que le début si tu continues. Tu as deux choix : sois tu te sors de là avant que le maladie ne le fasse sois tu la laisses t'avoir.

— C'est pas que ça, siffle Noah, visiblement pas d'accord.

— Physiquement si, mon garçon. Tu risques de plus gros problèmes au niveau des reins qui vont finir par lâcher ainsi que le cœur qui ralentit. Prends ta chance maintenant avant qu'il ne soit trop tard.

Je serre mes mains fermement, enregistrant tout ce que dit la jeune femme. Il fallait se douter que ce serait mauvais mais je ne pensais pas jusqu'à ce point.

Nous finissons par partir et Noah serre la main de la docteur avec amertume. Une fois au volant de la voiture, Noah claque la portière et gueule :

— Anorexie ? ! Elle se fout de ma gueule ? C'est quoi le rapport entre moi et de l'anorexie ? !

— Elle t'a parlé d'anorexie ?

— Ouais, elle m'a parlé de ça, je suis un garçon, je ne peux pas souffrir d'anorexie ! Elle comprend foutrement rien.

Noah souffle frénétiquement mais finit par se taire, très crispé tout de même. Anorexie. J'ai moi aussi du mal à voir le lien avec Noah mais aussi du mal à voir ce que c'est.
Je fais alors la pire chose à faire une fois rentré : je cherche sur internet. Au bout de deux sites, j'abandonne cependant, complètement flippé et ahurir de ce que je lis. Premièrement, ça me parait dingue et incohérent puisque que je l'aurais vu si Noah était anorexique et d'autant plus que c'est une maladie majoritairement féminine.

Comment Noah pourrait être anorexique et comment pourrais-je ne pas l'avoir vu ?

🦋Hey tout le monde !
Je vous souhaite une excellente année 2018 remplie de bonheur, bonne santé et réussites⭐️

J'espère que le chapitre vous a plus et je serais ravie d'avoir vos retours😁

Je vous dis à bientôt,
D'ici là, portez-vous bien
L🦋

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