CHAPITRE VINGT-CINQ
— C'est quoi ça ?
Je continue de tenir le bras de Noah et de le fixer avec colère. Pourquoi a-t-il ces punaises de croutes à l'intérieur de son coude ? Au lieu de me répondre, mon copain se détache vivement de mon bras et me lance un regard noir, rempli de haine à mon égard alors que je m'inquiète pour lui.
— Qu'est-ce que ça peut te foutre ? répond t-il sur la défensive.
— T'es sérieux, Noah ? C'est normal que je m'inquiète pour toi !
— Je suis grand, j'ai pas besoin que tu me traites comme un putain de bébé !
Il m'énerve quand il devient vulgaire et intouchable. C'est comme s'il était bloqué sur une seule chose et que ça lui était impossible de voir les choses autrement. Ne se rend t-il pas compte qu'il est en train de se détruire petit à petit ? Et je ne parle même pas seulement de ces croutes, mais aussi de ces bleus sur son corps, ces croutes sur ses mains qu'il a faites je ne sais comment et du manque de sommeil qu'il accumule.
— C'est pourtant comment tu te comportes depuis quelques temps.
Noah continue de me regarder aussi furieusement avant de se lever rapidement du lit. Son mouvement est si brusque qu'il est obligé de s'arrêter quelques instants pour reprendre son équilibre avant de sortir de la chambre. Il revient cependant quelques instants plus tard, prend des affaires de sport, se change dans la salle de bain puis part courir avec le chien. Et moi, comme un idiot, je ne bouge pas du lit et me contente de le regarder faire, la colère et frustration bouillonnant fortement en moi. Je me sens complètement à cran en ce moment et c'est assez insupportable. Je n'aime pas du tout être comme ça et ça commence à se ressentir avec mes amis qui doivent me supporter ainsi.
J'essaye cependant de coordonner mes pensées et de me calmer même si Noah met mes nerfs à rude d'épreuve en ce moment. Il devient franchement exécrable malgré le fait que je le voie de moins en moins. Il est tout le temps à aller courir ou à promener son chien. Nous mangeons par conséquent moins ensemble le soir. De toute façon, il prend rapidement un bol de soupe et part directement dans sa chambre. Franchement, je commence à ne plus supporter son mode de vie et son comportement qui m'affectent petit à petit grandement.
Je pousse un long soupire, me calme et décide de moi aussi, faire du sport. J'enchaîne alors les exercices de cardio et me concentre uniquement sur les sensations physiques plutôt que émotionnelles. Ça me rappelle exactement comme au collège où, quand ça n'allait pas et que je n'arrivais pas à le dire, je me tuais au sport. Je déteste ressentir ces vieilles émotions que je croyais oubliées.
Je prends ensuite une longue douche contrairement à mon habitude et me prépare à manger. Je commence tout de même à m'inquiéter lorsque Noah n'est toujours pas rentré à plus de dix-neuf heures. Je me retrouve ainsi à fixer avec préoccupation la fenêtre du séjour qui donne sur la rue et surtout sur le soir et le noir des rues. Mon cœur bat plus vite tant je me fais du soucis de le savoir si tard, dehors, tout seul. Je reste à attendre sur une chaise, le regard passant de mon portable, à la fenêtre et à ma montre avant de recommencer la même boucle.
La porte s'ouvre enfin et j'ouvre alors la bouche pour parler mais Noah part directement dans la chambre. Je me sens furieux de son manque de respect et finis de préparer alors seul le dîner, encore. Le chien reste avec moi préparer à manger et lorsque je veux appeler Noah pour manger, je le trouve endormi sur les draps, même pas changé.
Je passe alors une autre soirée en tête à tête avec le chien de mon copain.
*
Le silence.
C'est ce qui accompagne souvent l'appartement à part quand le chien aboie de temps en temps. Noah et moi parlons de moins en moins et je me demande ce que nous faisons encore tous les deux à vivre ensemble sans l'être. Je suis usé de me battre contre lui qui ne veut plus rien entendre de contraire à ce qu'il pense. Je suis usé de devoir constamment me forcer à ses côtés. Je suis usé que chaque jour marque un peu plus ce fossé qui nous sépare de plus en plus. Je suis usé.
Lorsque mon téléphone résonne et que je vois un message de ma mère, je l'appelle pour aller un peu souffler dehors. J'enfile un manteau et pars marcher tout en téléphonant.
« — Alors mon grand, ça va mieux ?
— Non. » je réponds honnêtement bien qu'affligé de constater que c'est toujours la même chose depuis un peu près mois.
« — Faut pas trop t'en faire, tu sais. C'est difficile de vivre avec quelqu'un même si on l'aime, surtout quand on doit se concentrer sur ses études en même temps.
— Je le sais ça. Le vrai problème, c'est qu'il est sans arrêt irritable et qu'on ne peut même plus parler. J'ai pas voulu qu'on vive ensemble pour me retrouver face à un mur.
— Tu essayes de lui parler au moins ?
— Je fatigue, Maman. »
Elle semble considérée ce que je lui dis avant de me proposer :
« — Tu pourrais peut-être revenir ce week-end ?
— C'est ce que je pensais faire étant donné que Noah revient aussi.
— C'est parfait dans ce cas là.
— Oui, on fait comme ça.
— Je suis désolée que ça ne se passe pas comme tu le voudrais.
— Moi aussi.» je réponds avec une grande tristesse qui me serre autant le cœur que la gorge.
« — Je te fais de gros bisous chéri et te dis à ce week-end.
— À ce week-end, bisous à tout la famille.»
Nous raccrochons et je range mon portable dans ma poche avant de retourner à l'appartement. Lorsque j'arrive, Noah joue avec le chien avant de me fixer et de demander :
— T'étais où ?
— Dehors, au téléphone.
— Avec Dan ?
— Ma mère.
— Elle va bien ?
— Oui, je dis bien que je ne lui ai même pas demandé étant trop focalisé sur ma situation.
Je me sens d'ailleurs mal de ne pas l'avoir fait. Je pars ensuite m'assoir sur ma chaise et révise, ne reprochant même pas à Noah, le bruit qu'il fait avec le chien.
— Ça va ?
Étant donné que je dois avoir mal entendu, je demande à Noah de se répéter et il fait. Je me tourne alors vers lui et lui lance un regard interrogateur.
— Tu as l'air un peu triste, plus triste que d'habitude en tous cas. me fait-il remarquer.
Je ne sais même pas que lui répondre. Il y a tellement de choses qui me viennent en tête que c'est difficile de faire le tri dans tout ça. Je choisis cependant la simplicité en mentant :
— Ça va, juste beaucoup de travail.
Noah hoche la tête avant de rajouter :
— Tu peux me parler si ça ne va pas. Je me rends bien compte qu'on ne parle plus et qu'on s'éloigne en ce moment.
Je ferme les yeux et pose mon crayon tandis que Noah continue :
— Je sais aussi que c'est de ma faute.
— On est à deux dans un couple.
— Je suis celui qui fait les erreurs, ne te blâme pas pour ce que tu ne fais pas.
Notre silence habituel revient nous tenir compagnie et le bouclé va s'assoir sur le canapé. Je le regarde faire avant de retourner à mon travail.
— Tu me manques.
Second fois où je pose mon crayon et ferme les yeux.
— Je suis pourtant là Noah.
— C'est plus comme avant.
— Il y a plein de choses qui ne sont plus comme avant.
— Je suis désolé d'aller aussi mal.
Je crois que c'est la première fois que j'abandonne et lui souffle difficilement au lieu de rester positif :
— Moi aussi.
Sans que je ne comprenne vraiment, je sens les larmes me monter aux yeux. Je préfère alors m'éclipser dans la salle de bain et me passer de l'eau froide sur le visage. J'ai mal du reflet du miroir et de ce visage qui n'a plus rien de joyeux et d'innocent comme il avait l'habitude de l'être. Avant.
*
— On se tient au courant pour dimanche.
— On fait ça, acquiesce Noah.
— À dimanche alors.
Je me sens horrible de sous entendre que je choisis que nous ne voyons pas du week-end mais j'ai vraiment besoin de respirer. Je pars alors de l'autre côté du trottoir tout comme Noah et nous rentrons chacun dans nos maisons, comme les inconnus que nous étions il y a un peu plus d'un an. Aussitôt que je passe la porte, je vois ma mère dans la cuisine qui se retourne et me sourit grandement. Elle vient automatiquement me prendre dans ses bras et je profite de ce contact que je n'ai pas eu depuis un peu trop longtemps.
— Je suis contente de te voir, chéri.
— Moi aussi, maman.
Mon plus petit frère arrive ensuite et me saute dessus. C'est ensuite le tour de mon autre frère de me dire bonjour puis de mon père. Je passe une bonne soirée comme je n'en avais pas passé depuis longtemps et sens mon cœur battre d'un souffle nouveau. Je réalise avec une petite émotion que ma famille est toujours là et que c'est une des choses les plus précieuses que je possède.
Le soir, je reste parler avec ma mère dans ma chambre. Je me sens vraiment maussade et ma mère semble d'autant plus le réaliser lorsqu'elle voit cette tristesse face à elle et plus seulement à travers nos appels devenus de plus en plus fréquents.
— Il ne faut pas que votre relation devienne néfaste pour vous deux. Ce qu'il a vécu n'est pas quelque chose de petit et il mettra du temps à s'en remettre.
— Tout le monde me parle de temps mais un an a passé et j'ai l'impression que rien n'a avancé de ce côté là. Je n'avais pas imaginé tout ça lorsque, je ne termine pas ma phrase et préfère m'arrêter avant d'avouer la vérité.
Je n'avais pas imaginé tout ça lorsque je me suis mis avec Noah. J'étais jeune, amoureux et aveuglé par ce même amour. J'avais cette petite conscience de la difficulté future mais je n'aurais jamais imaginé la vivre ainsi. Je n'aurais jamais imaginé que ça serait dur pour moi et ce de manière si encombrante.
Je suis constamment inquiet par son état mais la communication est très dure et rare avec lui. Ce sont seulement durant quelques peu récurrents moments où il craque et pleure qu'il s'ouvre et parle. Dans ces moments là, il parle de ce qui ce ne va pas et de ses difficultés. J'ai alors espoir que ça le résonne mais aussitôt sa sorte de "lâchage émotionnel" terminé, tout redevient comme avant et je sens mon espérance diminuer davantage.
— Je pensais être plus fort que ça, je finis par lâcher un peu vaincu.
— Ce n'est pas à toi de l'être mais à lui. Il ne pourra s'en sortir que par lui-même et tu dois bien le comprendre. Tu ne peux pas sauver quelqu'un qui ne le veut même pas.
— J'ai pourtant l'impression qu'il le veut parfois mais c'est comme s'il l'oubliait le lendemain.
— Tu devrais penser à te rencontrer sur toi-même et à penser pour toi.
Sauf que j'aime Noah et que ça me tue de le voir s'enfoncer de jour en jour en étant un simple spectateur. Je marmonne cependant un «oui» plus par lassitude que par honnêteté à ma mère. Je me retrouve ensuite tous seul et m'endors, ma dernière pensée et mes rêves, du moins plus des cauchemars en réalité, centrés sur Noah.
Le lendemain, au petit déjeuner, ma mère rentre à la maison avec le journal et elle conte avec ahurissement :
— Je viens de voir Noah courir, il a perdu beaucoup de poids non ?
Je lève la tête et hoche la tête. Ouais, pas mal de poids mais j'imagine que c'est ce qui peut arriver quand on est triste. Le fait de se défouler dans le sport, de peu manger et de se détruire plus clairement. C'est ce que font certains gens.
— J'ai remarqué aussi.
Ma mère paraît interloquée de ma réaction du moins de mon manque de réaction et insiste :
— Il y a un grave problème, Édouard. Il n'a jamais été très épais mais il fait maigre maintenant. Est-ce qu'il mange au moins ?
Ça paraît une question bête parce que les humains doivent se nourrir pour vivre alors pourquoi un humain ne le ferait-il pas intentionnellement ? Je fixe malgré tout le vide avant d'essayer de me rappeler la dernière fois que j'ai vu mon copain manger. Je me retrouve donc à répondre avec culpabilité :
— Il boit de la soupe le soir. Et il mange des repas avec moi. Parfois.
Dire la vérité fait beaucoup de mal et met en lumière l'absurdité et l'incohérence de la réalité. Ce n'est pas normal de manger si peu et de pourtant faire autant de sport. Ce n'est, justement, pas humain.
— Sa mère doit être morte d'inquiétude.
Son père aussi, pas que sa mère, maman.
— Je n'avais pas imaginé que les choses étaient aussi graves.
Je ne sais que répondre car je savais déjà ce qu'elle voit seulement maintenant. Et, comme moi, elle voit mais ne peut rien faire.
On ne peut pas forcer quelqu'un à aller mieux si lui-même ne le veut pas.
🌊Hey tout le monde ! J'espère que vous allez bien et que ce mois de novembre n'est pas trop rude :)
Je vous informe que ce livre se finira dans moins de dix chapitres et que je compte bien le finir malgré une publication mensuel.
Je remercie en tous les cas ceux qui continuent de lire cas et qui votent⭐️
Je vous fais de gros bisous et vous dis à bientôt,
D'ici là, portez-vous bien,
L🌊
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