CHAPITRE TREIZE
Je crois que mon cœur n'a jamais autant tambouriné contre ma poitrine que tout à l'heure. J'ai été tellement pris au dépourvu lorsque le plus petit de mes frères nous a surpris, moi et Noah en train de nous embrasser.
Quant à Noah, il ne semblait plus savoir où se mettre alors j'ai préféré qu'il rentre chez lui. Maintenant, j'ai un peu peur qu'il l'ait mal pris. En réfléchissant, je pourrais donner l'impression que j'ai honte et que je n'assume pas ce qui n'est peut-être pas très loin de la vérité finalement.
Je viens tout juste de dire, et ce à voix haute, que je sors avec un garçon, quelqu'un du même sexe que moi, et je dois déjà faire face à l'extérieur. Heureusement, Tristan écoutait sa musique et n'a pas entendu son frère crier.
Mais maintenant que Noah n'est plus là, je ne sais pas quoi faire. Lucas est retourné dans sa chambre et je ne sais pas si je dois aller lui parler ou pas. Il le faudra bien à un moment. Le problème, c'est qu'il n'a que six ans et que je ne sais pas comment m'exprimer. De plus, je suis moi-même un peu perdu. Je ne me vois pas faire un « coming-out » à ma famille parce que premièrement, je ne me considère pas comme exclusivement gay pour l'instant, que secondement, je n'en vois pas l'utilité et que trois troisièmement, tout va trop vite et j'ai besoin du prendre du recul et du temps pour mettre mes idées en ordre.
— Je peux entrer ? Je demande à Lucas, après avoir frappé à sa porte.
— Bah oui.
Je rentre et trouve le petit blond à jouer aux Lego avec ses gros bateaux. Je m'approche tranquillement puis m'assois tout en saisissant un hélicoptère qui se trouve plus loin au sol.
— Attention Monsieur Pirate, attaque aérienne.
J'attaque mon frère avec mon véhicule mais celui-ci se défend. Il finit par me demander innocemment après quelques minutes de jeu :
— Tu es amoureux du garçon ?
Qu'est-ce que je suis censé à répondre à mon frère sérieusement ? Cette situation est bien trop compliquée et précoce pour moi pourtant je réponds :
— Oui.
Ce n'est pas vrai mais ça risque d'être difficile sinon pour lui à comprendre. J'apprécie juste bien Noah, je ne l'aime pas. Je ne sais même pas ce que c'est d'aimer quelqu'un et si ça existe vraiment d'ailleurs. C'est un concept un peu flou pour moi encore.
— Mais c'est pas grave d'aimer quelqu'un qui est un garçon comme nous ?
— Non, c'est pas grave.
— Si c'est pas grave alors je m'en fiche. Mais pourquoi alors je vois que des papas avec des mamans ?
— Tu poses trop de questions, Monsieur Pirate.
Je souris face à cette petite tête d'ange qui me donne quand même parfois du file à retordre, comme maintenant. Il faut toujours qu'il pose beaucoup trop de questions mais ça fait partie de son évolution. Vive les six ans.
— Tu veux bien ne pas dire que j'ai un amoureux pour l'instant ? Ça sera notre petit secret et je serais très fier de toi si tu arrivais à le garder.
Effectivement, je n'ai pas envie de déjà devoir le crier sur tous les toits. Je ne fonctionne pas comme ça mais je crains fortement que mon frère le répète. Étant donné qu'il est petit, tout lui échappe et il est incapable de garder un secret. Je ne le blâme pas pour ça mais j'espère qu'il tiendra tout de même un peu. Le temps que je, que je ne sais pas quoi en fait, juste un peu de temps.
— Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer. Jure Lucas, d'un air très sérieux tout en mimant ses paroles.
— Merci, p'tit gars.
Je lui souris et reste un peu jouer avec lui jusqu'à ce que notre père entre dans la chambre.
— Alors comme ça, on rejoue aux Lego ? Se moque gentiment mon père de moi.
— Ouais, ça fait du bien de retourner un peu en enfance parfois. Je réponds simplement, en haussant les épaules.
— On va manger, vous venez mettre la table ?
*
Comme un dimanche habituel, je vais courir avec ma mère puis nous regardons American Wives sur le canapé.
— Si tu as besoin de parler, n'hésite pas hein. Finit-elle par déclarer à la fin du premier épisode de notre série.
Je me tourne vers ma mère et lâche, un peu blasé :
— Il a déjà lâché le morceau ?
— Il n'a que six ans, Renchérit-elle tout en cachant un rire.
Je passe mes bras autour des mes genoux que je rapproche de mon torse tandis que je souffle. Je ne suis pas vraiment, voire pas du tout même, à l'aise ni préparé à parler de ça présentement. C'est quand même un peu ironique que mon frère n'est autant pas tenu alors je me permets d'ajouter :
— Tu n'as même pas essayé de nier !
— Même pas, je sais. Allez, raconte-moi.
J'ai vraiment un entourage de commères. Sauvez-moi de ça, s'il vous plaît.
— Il n'y a pas grand chose à raconter. Noah et moi sommes ensemble et puis voilà.
— Quoi ? ! S'étonne ma mère, les yeux écarquillés.
— Quoi de quoi ? Je m'étonne à mon tour.
— Tu as dit que tu étais avec Noah ?
Je réalise alors que mon frère n'avait peut-être pas tout dit et que je viens de me griller moi-même. Merde. Vraiment, merde.
— Lucas avait juste dit que tu avais une amoureuse, Précise ma mère.
— Et bien, il s'avère que cette « amoureuse », c'est Noah. Je rectifie, ma tête posée sur mes genoux et mon cœur battant à tout rompre.
Je viens de le dire. Je viens d'avouer à ma mère que je sortais avec un garçon. J'espère que ce noeud dans mon ventre va bientôt disparaître parce que c'est insupportable. J'attends la réponse de ma mère, avec inquiétude, qui vient rapidement :
— Mais je croyais que tu sortais avec Charlène ?
C'était vrai. Ma mère ne me prendra jamais au sérieux si je change tout le temps de personne. Je lui avoue alors, bien que je simplifie sûrement :
— Elle a couché avec Sébastien à Halloween alors t'imagines bien que je ne suis pas resté avec elle.
— Sébastien ton frère ? !
— Oui.
— Mais c'est quoi toutes ces histoires déjà à votre âge ? !
Ma mère paraît désemparée mais également ahurie. Je continue de regarder le programme à la télévision mais elle ne semble pas du même avis puisqu'elle me prévient :
— Tu sais que ça va être compliqué avec Noah ?
— Je sais.
Je crois que je le sais. Noah a morflé et le chemin va sûrement être un peu plus long que prévu. Je préfère ne pas y penser, c'est plus simple.
— On a beau dire qu'être gay à notre époque c'est mieux respecté, il y a toujours des différences.
Je me tourne vers ma mère, les sourcils froncés. De quoi elle parle ? Je ne pensais même pas à ça. Si je pensais que ça serait plus compliqué, c'est à cause de ce qu'a vécu Noah et pas du fait que nous soyons tous les deux des hommes. Je suis vraiment bête et naïf. Bien sûr que c'est un problème que nous soyons du même sexe, un énorme problème même.
— Je ne suis pas gay, Je la corrige cependant.
— Tu sors avec un garçon, Me résonne-t-elle. Tu ne vas pas me dire que tu te mets à la mode des bisexuels ? Finit-elle pas comprendre.
— Comment ça « à la mode » ? Ce que je ressens n'a rien avoir avec un effet de mode. Je me défends, un peu vexé qu'elle puisse penser ça.
— Tu es vraiment attiré par les deux sexes ?
— Je n'en sais rien, j'imagine que oui pour l'instant.
Un silence s'installe et je me sens vraiment mal à l'aise. J'ai même envie de disparaître quelques temps très loin d'ici, histoire d'être tranquille mais ma mère ne semble pas s'en rendre compte. Elle m'achève en me prévenant :
— J'espère que tu réalises que ça sera d'autant plus dur. Je veux dire, d'être bisexuel.
Étant donné que j'ai un peu de mal à comprendre où elle veut en venir, je lui demande :
— Pourquoi tu me dis tout ça ?
Elle m'avoue et je sens mes nerfs lâcher :
— Parce que je t'aime et que je ne veux pas que tu souffres de trop en découvrant la bêtise humaine.
Lâcher dans le sens positif où mes nerfs se « détendent ». Je prends alors ma mère dans mes bras et elle me serre fort contre elle. Je crois que j'ai encore un peu besoin d'elle pour toute cette histoire. J'ai du mal à trouver mes mots et mon inquiétude descend un peu alors prendre ma mère dans mes bras est tout ce que j'arrive à faire. Parfois, je me rends compte que j'agis par le corps au lieu de mots quand ça devient difficile pour moi de m'exprimer.
— Je suis désolée si j'ai un peu du mal à comprendre et que je suis maladroite, mon cœur. Sache que ça n'a pas d'importance et que Noah est le bienvenu ici.
*
— Pourquoi tu ne voulais pas être chez toi ? S'enquiert Noah bien qu'il paraît tout de même content de me voir.
— J'avais besoin d'un peu respirer après avoir parlé avec ma mère. Et puis, maintenant qu'on sort ensemble, on doit se coller comme tous ces couples niais.
Mon copain, je ne vais pas me gêner pour l'appeler comme ça maintenant, lâche un rire tandis que je m'assois sur son lit parfaitement fait.
— Vraiment ? Tu fais ton lit ? Je le charrie gentiment parce que je ne fais jamais le mien vraiment correctement.
— Je ne dors pas ici, Répond Noah tout en s'asseyant à côté de moi.
— Ah bon ? Tu dors où alors ?
— Dans le bureau.
— Drôle d'idée, J'ironise et il hausse les épaules.
Il se laisse ensuite aller en arrière afin que la moitié de son corps se retrouve allongé sur le lit. Je fais de même et fixe le plafond avec lui.
— Tu as parlé de quoi avec ta mère ?
— De nous deux. Mon frère l'a mis au courant, Je précise.
— Je suis désolé.
Je me tourne vers lui, étonné qu'il s'excuse et le contredis aussitôt :
— Tu n'as pas à être désolé.
— Je pensais que tu ne voulais pas que ça se sache, Il baisse les yeux.
— J'aurais préféré attendre un peu mais c'est pas vraiment grave. Au moins, je n'ai plus à le faire maintenant.
— C'est sûr. Alors on est vraiment ensemble. Il soupire, pensif et ça me fait sourire.
— C'est si dur à croire ?
Je pose ma tête sur son épaule et le regarde.
— Pour un gars comme moi, ouais.
— C'est quoi un gars comme toi ?
Il pousse une lourde expiration puis m'explique, yeux dans les yeux :
— Un gars compliqué, très et trop compliqué même, pas intéressant, stressé, timide, pas stable, irritable, emmerdant, complètement débile et pas dégourdi, pas-
Je le coupe en posant ma main sur sa bouche pour l'empêcher de continuer. Il est dingue de dire tout ça parce ce n'est absolument pas vrai !
— Arrête de dire toutes ces bêtises. La plupart sont complètement fausses en plus. Compliqué, oui par contre. Tu réfléchis trop, garçon, beaucoup trop. Ça va péter un jour là dedans, Je mime en cognant sur son crâne.
Je pose ensuite ma main autour de sa mâchoire et viens poser mes lèvres doucement sur les siennes. Je lui avoue aussi :
— Si tu savais comment je suis compliqué aussi. On l'est tous au final.
— C'est toujours moins que moi, Il lâche un peu dépité.
— Dis pas ça.
— Tu ne peux pas comprendre de toute façon.
— Je sais mais tu peux m'expliquer.
Il paraît si loin de moi même à mes côtés et je demande ce qu'il se passe dans sa petite tête. En tous les cas, ça a l'air un sacré foutoir.
— Expliquer quoi ? Il questionne, perplexe.
— Ce que tu veux. Parler, ça fait du bien.
— J'ai déjà vu un psychiatre et un psychologue pour ça et c'était déjà beaucoup trop. Et tu vois, parler, ça ne m'a rien fait.
Il n'ose plus me regarder et je réalise que, oui, il a vraiment vécu des choses sombres et que ça doit encore le hanter. Un psychiatre, c'est quand même que c'est important et grave. Je ne pense pas qu'il voulait me dire qu'il voyait un psychiatre ni même un psychologue étant donné comment il se cache. Je comprends que ça le gêne mais je le rassure comme je peux :
— Ne pense même pas que je puisse penser que t'es fou juste parce que tu vois un psychiatre. C'est stupide, d'accord ?
— Pourtant, je le suis et il serait temps que tu t'en rendes compte.
— Tu ne crois pas que c'est en te le persuadant que tu le deviens ?
- Je ne sais pas. Peut-être mais ça ne change pas ce qu'il se passe dans ma tête.
Noah joue avec mes doigts avant de les lier ce qui me surprend sur le moment. Je me laisse pourtant faire et caresse même sa peau de mon pouce. J'ai parfois un peu de mal à être tactile mais avec lui, ça me fait sentir bien. J'ai l'impression d'être dans un cocon alors que je ne le connais pas depuis si longtemps.
— Je ne vois ce psychiatre, Me confié Noah.
— Tu vois quelqu'un d'autre ?
— Non, j'ai arrêté ce genre de connerie.
Je ne sais pas tellement que lui répondre car je ne peux pas donner mon avis que quelque chose que je ne connais pas. Le bouclé à mes côtés finit par lâcher après un instant de silence :
— J'ai tellement du mal à me comprendre. Et ça me donne l'impression que je m'en sortirais jamais.
— Tu t'en sortiras. Regarde-toi maintenant et il y a plus d'un mois. Tu as beaucoup avancé et c'est assez spectaculaire. Laisse le temps agir.
— Je sais mais ça me fait quand même peur. Au début, ça allait mal et depuis cet été, c'est encore pire. Je n'arrive plus à y croire, je n'y crois plus. Je passe mon temps à me relever pour qu'on m'achève de nouveau. Ça semble juste sans fin.
J'ai un peu de mal à ressentir ce qu'il décrit étant donné que je n'ai pas l'impression d'avoir vécu ça. Noah se tait et je me sens affreusement mal de ne pas trouver les bons mots ou les bons gestes. Je tente alors timidement :
— En tous les cas, je suis là. Si tu as besoin de parler quand ça ne va pas. Et puis même quand ça va d'ailleurs, je suis là.
— Tu dis ça maintenant mais tu changeras vite d'avis.
— Non-
— Te fatigue pas, s'il te plaît. Il m'arrête avant que je ne le contredise.
Mais pourquoi il est aussi défaitiste ? Comment peut-il penser ainsi ? Je voudrais lui montrer que je connais sa peine et ses doutes, mais c'est faux. Je ne sais rien de tout ça et je ne sais pas comment le gérer. Qu'est-ce que je suis censé faire ?
— Tu y arriveras , Je l'encourage.
— Le temps, c'est ce que tout le monde me dit.
— Crois-y.
— Comment veux-tu que j'y crois quand ça fait depuis la primaire ? ! Laisse-tomber, c'est pas important de toute façon. Il se calme.
— Depuis la primaire ? Je relève, interloqué.
— Oui. C'est quand j'ai sauté mon CE1, ça ne s'est pas super bien passé.
— Pourquoi ?
— Parce que j'avais toujours ce sentiment d'être à côté malgré mes amis et le fait que je sois avec des gens d'un an de plus. C'est, étrange mais c'est comme ça.
— C'est pas étrange. C'est même souvent le problème du système scolaire ; il est bon que pour une certaine partie d'enfants mais pas pour tout le reste. Les trop bons et les moins bons sont exclus.
— J'imagine que ça doit être ça.
Noah paraît dépité et regarde mon cou, n'affrontant plus mon regard. Je continue alors doucement mes caresses avec mon pouce et il avoue :
— Je ne sais pas si c'est une bonne idée nous deux.
Sa phrase fait battre mon cœur plus fort et je me raidis un peu. Qu'est-ce qu'il veut dire ? Pourquoi il remet tout, autant en question ? Il a l'air de comprendre mon trouble puisqu'il rajoute :
— Je ne veux pas t'enfoncer vers le bas comme moi. Tu mérites pas ça.
— Justement, je pourrais t'aider à remonter.
— Ça ne marche pas comme ça. C'est la vie, la vraie et elle est pourrie.
— Dis pas ça, c'est pas vrai. Je pense que tu vois mal les choses comme tu vas mal en ce moment.
Il ne répond rien mais vient se blottir contre moi. Je me contente naturellement de l'envelopper de mon bras tandis que je sens ses boucles me chatouiller le visage. Je glisse mes doigts dedans à l'aide de mon autre main et nous nous contentons de rester ainsi, dans le silence. Je ne sais pas si je peux ou pourrais l'aider un jour, je ne vois pas aussi loin mais je l'espère tout de même.
Des pas se font entendre dans les escaliers mais Noah ne bouge pas pour autant. C'est seulement lorsqu'on frappe à la porte qu'il le fait et qu'il part déverrouiller sa porte. Je n'avais même pas remarqué qu'il avait verrouillée. Sa mère apparaît et sermonne son fils :
— Je t'ai déjà dit de ne pas fermer à clé, Noah. Tu-, oh, bonjour Édouard.
Je me lève et viens embrasser Karen qui s'empresse de me demander :
— Tu vas bien ?
— Bien et vous ?
— Bien aussi.
— Je devrais peut-être rentrer chez moi.
— Tu peux rester, je ne voulais pas déranger.
Je me tourne vers Noah qui intervient :
— Fais comme tu veux.
— Je vous laisse, les garçons.
Sa mère sort de la chambre et Noah s'affale sur son fauteuil blanc, en soupirant.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— « Je t'ai déjà dit de ne pas fermer à clé, Noah », elle est énervante à être toujours sur mon dos et à chaque fois qu'elle me voit.
Je ne réponds pas, un peu gêné, puis remets ma veste. Il ne se lève pas et je ne sais pas tellement comment agir. Tout me paraît nouveau avec lui. J'ai l'impression de ne plus rien savoir ni connaître.
— Je vais y aller du coup.
C'est lorsqu'il se lève et se poste en face de moi que je fonds et ne réfléchis pas plus ; je pose mes lèvres sur les siennes. Nous lions nos mains ne sachant pas trop quoi en faire puis je ferme les yeux, appréciant le baiser.
— Rentre bien.
— J'habite en face, ça devrait le faire. J'ironise tandis que je m'écarte de lui, un peu rouge je pense.
Je reste planté ensuite face à lui, ne voulant pas encore partir alors il prend les devant à son tour et m'embrasse une fois puis deux. Cette fois-ci, je pars vraiment et descends les escaliers. Je retrouve alors sa mère que je salue et qui m'invite joyeusement :
— Reviens quand tu veux, mon grand.
— Merci, Je souris timidement. Bonne après-midi.
Je franchis ensuite la porte et me rends aussi rapidement qu'il n'en faut pour le dire dans la maison d'en face.
— Édouard ? M'appelle ma mère.
— Oui ? ! Je réponds tout en enlevant mes chaussures que je range dans le meuble prévu à cet effet.
Je traverse le petit hall pour arriver dans le salon mais je suis étonné d'y trouver Dan. Je me souviens alors que j'étais censé lui expliquer l'économie et je m'excuse :
— Je suis désolé, mec, j'avais complètement oublié !
— Pas de soucis, je vois juste que je ne suis pas dans tes priorités.
Je lève les yeux au ciel tandis qu'il sourit puis je lui indique :
— On monte ?
Il acquiesce et me suit jusqu'à ma chambre après que ma mère me fasse remarquer que je ne regarde jamais mon téléphone quant il faut. Je m'assois sur mon pouf qui se trouve habituellement sur ma terrasse et Dan prend le deuxième. Malheureusement pour mes poufs, le temps est trop froid pour qu'ils restent en extérieur. Dan ne semble pas vraiment quoi dire ce qui me laisse quelque perplexe.
— Ça va pas ?
— Si, si.
— Fais pas genre et dis-moi.
— T'es vraiment pote à Noah ?
Voyant que je me raidis, il ajoute :
— C'est juste que ta mère m'a dit que t'étais chez lui à l'instant et je me posais la question du coup.
— Je, ouais, on est potes.
— C'est cool. Enfin, tant mieux pour lui.
— Et pas pour moi ? je le charrie afin de le mettre d'autant plus mal à l'aise.
— Bah si, bien sûr, tant mieux pour toi aussi.
— Tu seras toujours autant gêné lorsque quelqu'un parle de lui ?
— Gêné ? ! S'étonne mon ami. Je ne suis pas gêné, je m'en fiche de lui.
— Mais bien sûr, Je souris.
— Qu'est-ce que tu crois, le puceau ?
— Je crois rien du tout, petite bite.
Il sourit et ça suffit pour nous faire exploser de rire.
— On s'y met à cette économie de merde ? Lance Dan et nous nous y lançons donc.
*
— Tu savais que mon oncle est gay ?
Après avoir fini de bosser, nous nous sommes installés devant une série dans ma chambre. Sauf que Dan vient de prendre la parole et que son sujet est un peu étrange puisque ce n'est pas du tout subtile. Enfin, s'il a voulu l'être d'ailleurs.
— Pourquoi tu me dis ça ?
— Parce que, même si ça ne se voit pas, les homosexuels, ça ne me dérange pas.
— C'est une façon subtile de me dire que t'es gay, ma crevette ?
Il n'a pas l'air de comprendre mon humour et se défend :
— Quoi ? ! Mais pas du tout ! Qu'est-ce que je fouterais avec Amandine si j'étais PD ? Gay pardon, Se rattrape-t-il tandis que j'explose de rire.
Il réplique face à mon non-sérieux :
— Mais fais un effort un peu. J'essaye d'amener le sujet discrètement et toi tu fais que te foutre de ma gueule !
— Discrètement ? Je m'étouffe de rire, n'en pouvant plus de mon ami. Parce que t'appelles ça être discret de me parler de ton oncle gay alors que le mec de la série est train de se faire décapiter ? Je me moque, en désignant l'écran de télévision.
Dan réplique alors :
— OK, c'était de la merde.
— Heureux que tu t'en rendes compte.
— Ferme la, Renchérit-il tout en me foutant un coup de pieds dans le mollet.
— Connard.
Il rit et je lui simplifie la tâche en demandant :
— Pourquoi tu voulais lancer le sujet de ton oncle gay ?
— Pour rien, c'était juste comme ça. Pour pas que tu crois que je ne les accepte pas et tout.
— D'accord.
Face à mon manque de réaction, il lâche :
— Je ne veux pas faire de mauvaises insinuations, mais t'aurais pas des tendances gays ?
— Des tendances gays ? ! Je répète, éberlué.
Voilà qu'il continue à sortir des conneries.
— Arrête de te foutre de moi un peu, trou du cul.
— Trou du cul, sérieusement ?
Je ris et Dan fait une tête blasé de mec incompris. J'essaye de paraître naturel et cool alors que c'est tout le contraire en moi lorsque je lui avoue :
— Je sors avec Noah.
— Quoi ? ! Mais je pensais que c'était avec Antoine !
- Antoine ? ! Mais pourquoi tu pensais ça ?
— Depuis que j'ai retrouvé un de mes tee-shirts couvert de sperme dans ma chambre le lendemain où vous aviez dormi ensemble.
Étant donné sa tête dramatique, je n'arrive pas à me contenir et explose de rire. Mon ami grogne cependant :
— Te marre pas. C'est dégeulasse ! En plus, dans mon lit quoi ! Vous êtes sérieux les mecs ? !
— Oh, on avait un peu bu, c'est bon.
— Gros PD. Je peux te dire que j'ai changé mes draps fissa.
Je ris d'autant plus tandis que Dan redevient sérieux en me demandant :
— T'es gay du coup ?
Je soupire et lâche, lassé qu'on me demande ça encore une fois :
— Non.
— Je ne te jugerais pas, hein.
— C'est gentil mais je ne suis pas gay.
— Mais tu m'as dit que tu sortais avec Noah ?
— Je sais ce que je dis mais je ne suis pas gay.
— Ah, j'ai compris, t'es bi ?
— Si tu veux.
— Comment ça, si je veux ?
— Je n'en sais rien de ce que je suis ou aime, mec.
— Allez, vide ton sac à tonton Dan.
— Tais-toi Dan sérieux.
Il sourit avant de m'encourager plus sérieusement :
— Je rigole, parle seulement si tu veux.
— T'as envie, hein ? Je cache un rire.
— Un peu, j'avoue.
Je pouffe en secouant la tête avant de lui confier :
— En fait, je ne m'étais jamais vraiment posé la question de ce que j'étais mais j'ai l'impression que sous prétexte que je suis avec Noah, je suis forcément gay. C'est chiant.
— Je comprends, Opine le brun. T'arrives pas à savoir si t'es plutôt moules ou frites ?
— C'est quoi cette expression de vieux beauf ? !
— C'était pour détendre l'atmosphère.
- Évite ce genre de phrase alors, Je me moque. Je te dis, je n'en sais rien. Et toi, comment tu sais que t'es hétéro ?
Il ne semble plutôt étonné de ma question mais y réfléchit, au contraire, plutôt sérieusement. C'est vrai, on demande toujours comment nous savons que nous sommes homosexuels mais jamais comment nous savons que nous sommes hétérosexuels. La nature, qu'on me dit à chaque fois. Ainsi, Dan me répond :
— Parce que je me suis jamais demandé si j'étais gay ou si les gars m'attiraient. C'était juste naturel pour moi d'aller vers les filles. T'as couché avec beaucoup de mecs ?
— Aucun, J'avoue.
— Tu l'as pas fait avec Antoine ? ! S'étonne le brun.
— On est pas allés jusqu'à, là. Je déglutis, gêné d'y repenser et d'en parler.
— Vous avez genre, fait quoi ?
— T'es sérieux de me demander ça ? ! On dirait un ado pré pubère puceau.
— J'ai le droit de te poser des questions sur ce que tu fais avec des garçons, Hausse-t-il simplement les épaules, Je ne m'y connais pas dans ce domaine.
— Pas des garçons, juste Antoine. Je t'en pose moi des questions sur ce que tu fais au pieu avec Amandine ?
— Tu peux, je suis tout ouï.
— Mon Dieu, Je ris, t'es pas croyable comme garçon.
— Même pas vexé. Alors ? !
— Alors il m'a, fait une fellation.
Aussitôt dit, les yeux de Dan s'écarquillent comme des ballons ronds. Ensuite, il paraît moins choqué et me questionne même, tout en laissant échappe une légère grimace :
— Mais t'as aimé alors que c'était un mec ?
— Bien sûr que oui sinon je n'aurais pas accepté.
— Et lui, il a rien voulu ?
— Dan, t'es pas possible. Je lui en ai fait une aussi.
— C'était pas dégeulasse ?
— Je vais te répondre pareil : non sinon je ne l'aurais pas fait.
— C'est étrange quand même, faut que je m'y fasse.
— À qui le dis-tu, Je soupire doucement.
— Ta famille le sait ?
— Un peu près oui.
— Un peu près ? C'est soit oui soit non en général.
— Mon petit frère m'a vu avec Noah et a cafté à ma mère.
— Tu ne comptes le dire à ton autre frère et ton père du coup ?
— J'en vois pas l'utilité. Je leur présente Noah et puis basta.
— Ouais, aussi, mais ils vont se poser des questions.
— Et bien, ils me les poseront. T'inquiète
pas que Tristan n'hésitera pas pour ça.
— T'as pas peur qu'il réagisse mal ?
— Tristan ? Je demande et Dan hoche la tête, Non, c'est pas son genre de juger. Et c'est bien le dernier dont je puisse avoir peur.
— J'en reviens pas que tu sois avec Noah quand même ! Quand les autres vont savoir ça.
— Je crois pas que Noah soit du genre à le crier sur tous les toits.
— Ça va vite au lycée, surtout que beaucoup savent qu'il est gay.
— Comment ils le savent d'ailleurs ?
— Les rumeurs vont vites, surtout ce genre là mais ce n'est pas le sujet. Tu veux pas que ça se sache ?
— Je sais pas, je n'y ai pas encore réfléchi. Je fais au jour le jour.
Et puis au fond, j'ai toujours un peu peur que Noah change d'avis et ne veuille plus de moi. Mais ça, je ne le dis pas, comme beaucoup d'autres choses.
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