CHAPITRE QUATORZE

— Je vous conseille de vous calmer les marioles parce que votre conseil de classe est ce soir et que vous êtes loin d'être exemplaires.

Pour autant Baptiste et Dan n'en tiennent pas rigueur et ignorent la professeure de sport.

— Bien, vous pouvez aller aux vestiaires.

Chose que nous faisons et sans se faire prier tant nous avons hâte de partir des cours. Je marche aux côtés de Noah et le complimente :

— Tu progresses vraiment vite, c'est dingue !

— Merci, Il répond ne sachant pas que dire d'autre.

Il ne parle pas plus et je rentre dans le vestiaire. Noah semble hésiter un moment avant d'entrer et je le sens. Je lui lance alors un sourire qui arrive à le convaincre de rejoindre les autres garçons de la classe. Les blagues fusent de tous les côtés tandis que je change de vêtements.

Avec Noah, c'est un peu étrange en ce moment. Il a l'air dans son monde et intouchable. Je ne sais pas ce qu'il pense et même si le fait que nous soyons ensemble lui aille. Il ne me parle que très peu et ne souhaite pas que nous nous voyons beaucoup depuis quelques semaines. J'avoue que j'ai un peu de mal à comprendre. Je n'ai pas l'habitude de réfléchir autant pour ce genre de situation censée être simple.

— À demain.

— À demain, Je salue Dan après qu'il soit sorti du vestiaire.

Mon regard tombe alors sur le dos mince de Noah. Pour la première fois, je regarde son corps et je me dis que, punaise, il est beau. C'est tout bête mais je n'y avais jamais réellement pensé. C'est peut-être ça aimer quelqu'un : aimer une personne avant un corps. Je finis par détourner les yeux, ne voulant pas m'attarder comme un pervers. Je remarque tout de même que Noah sort, sans même un mot ou un regard à mon égard. J'y comprends vraiment rien.

— Je battrai ton temps la prochaine fois, Me certifie Baptiste.

— C'est bien de rêver, Je le charrie.

— C'est vrai que tu vises trop haut là, canard.

— Ta gueule, gros batard ! Réplique Baptiste à Stan, en le poussant.

— J'y vais, les gars. On se voit demain.

— À demain, Répondent mes deux amis.

Je vais aux toilettes avant de partir mais tombe sur une scène plutôt surprenante. Je fronce les sourcils en découvrant Noah dans les bras de Dan. Est-ce que j'ai loupé un épisode ? Je ne saute pas aux conclusions rapides mais Dan n'est pas censé s'en foutre de Noah et pas le câliner comme il le fait ? J'ai l'impression d'être toujours le dernier au courant et pris pour un con ce qui commence à être agaçant. Je ne sais pas où me placer ni quoi faire alors je préfère partir et ne pas entrer dans les toilettes. J'ai le cœur qui bat plus fort et je me sens perdu à vrai dire. Je me dirige finalement vers mon vélo avant de monter et de partir. J'en ai vu assez.

Lorsque j'arrive chez moi, Tristan est en train de jouer à la Xbox tandis que Lucas dessine sur la table du salon.

— Salut, Me lance le plus grand.

— Salut, Je réponds brièvement.

Je file directement à la cuisine et monte avec une bouteille de multi-fruits. Ensuite, je travaille dur parce que mon bac blanc a lieu seulement la semaine prochaine, juste avant les vacances de Noël. Je commence à saturer au bond d'un moment et mets de la musique pour me détendre un peu. On vient finalement frapper à la porte puis mon père me fait face. Je suis surpris qu'il vienne dans ma chambre tandis qu'il me propose :

— J'ai deux places pour le match de demain soir, ça te dit ?

— C'est contre qui ?

— Lille.

— Pourquoi pas.

— Ça te va si on mange quelque part avant ?

— Comme tu veux, Je hausse les épaules.

— Tu veux que je vienne te chercher après les cours demain ?

— Te dérange pas.

— Si je te propose, Il sourit.

— Je veux bien alors.

— Tu finis à quelle heure ?

— Midi.

— Très bien. On va manger.

Je pose alors mes affaires et descends avec mon père. Je mets la table pour nous cinq puis nous nous installons autour du plat de lasagnes.

— On a reçu ton bulletin, Tristan. Annonce ma mère sans grand enthousiasme.

— Tristan va se faire gronder, Embête Lucas.

Cependant, il doit se prendre un coup de pied sous la table étant donné la tête qu'il fait soudainement. Ma mère fusille Tristan du regard et celui-ci souffle péniblement.

— Les appréciations de certains professeurs ne sont pas super bonnes.

— Elles servent à rien ces matières de toute façon.

— Ça ne justifie pas ce comportement. Tu n'as pas les félicitations à cause de ça alors crois-moi, ça a de l'importance, mon garçon. Tu ne peux pas te permettre d'un tel comportement en classe.

Tristan baisse la tête et joue avec sa fourchette après le discours de notre père.

— Arts plastiques, musique, technologie et allemand. Ça fait beaucoup trop de matières avec de très mauvaises appréciations.

Le collégien ne répond rien et je devine son agacement. Je tente alors de le défendre, frères de sang et de galère :

— C'est seulement le premier trimestre, il pourra se rattraper.

— Ne le défends pas, Intervient ma mère assez sévèrement.

Tristan me lance un regard me faisant comprendre de laisser tomber tandis que mon père enchaîne :

— J'apprends en plus que tu triches pendant les contrôles. Ça ne dure qu'un temps ce genre de chose et ça ne mène personne très loin.

— C'est bon, j'ai compris.

— Ne réponds pas si c'est pour dire ça, Lâche ma mère.

— Tu veux que je dise quoi ? Que je me mette à genoux devant vous ? Je ne le ferais pas de toute façon. Je m'en tape des cours, c'est de la merde !

Mon frère se lève de table et monte bien que sous les protestations des parents. Je débarrasse alors sa table ainsi que la mienne puis file frapper à sa porte.

— C'est qui ?

— Éd.

— Entre.

Chose que je fais. Mon petit frère est sur son lit, portable aux doigts. Je viens à ses côtés et lui dit :

— Je suis là si t'as besoin. Je suis passé par là aussi.

— C'est de la merde le collège, Il lâche juste.

— Je sais mais faut y passer. C'est quoi ton soucis ?

— Mon soucis, c'est cette pédale de Martin ! Je suis à côté de lui à chaque cours et je ne l'aime pas du tout.

— Quand tu dis « pédale »-

— Il est vraiment gay, genre vraiment vraiment. Il me coupe.

Je me raidis un peu face à sa phrase et tente de comprendre :

— Et c'est quoi le problème avec ça ?

— Le problème c'est que les gars se foutent de moi et que lui, il est intrusif. Juste de l'entendre respirer, ça me casse les couilles.

— Essaye peut-être de le comprendre avant de le juger, Je lui conseille.

— Comprendre quoi ? Que c'est un PD et que j'aime pas ça surtout à côté de moi.

Je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils et le sermonne :

— Tu t'entends parler à dire que t'aimes pas ça ? C'est un humain et le fait qu'il soit gay ne change rien à qui il est.

— Bien sûr que si, il parle comme une meuf et il a les mêmes mimiques !

— C'est juste comme il est. Tu parles bien comme un con.

— Ta gueule, je parle pas comme ça.

— Écoute-toi parler un peu alors. Tu fais que dire des gros mots en plus.

— Si t'es venu pour m'engueuler toi aussi, tu peux partir.

— Je ne fais pas ça. Je veux juste te faire comprendre que tu dois accepter les autres peu importe leurs différences. Il est gay, très bien, il ne te demande pas de l'être pour autant alors laisse-le tranquille. Demande juste à changer de place avec des arguments et pas seulement avec « il est PD ». Je ne suis pas sûr que ça passe, Je lance avec sarcasmes.

— Mm. Il va se mettre à chialer comme la dernière fois de toute façon.

— La dernière fois ?

— Ouais, Guillaume lui a juste parlé et il s'est mis à chialer.

— On pleure pas sans raisons, il a bien du dire quelque chose de mal.

— Il a juste dit des trucs du genre que c'est une tapette et qu'il devait rester avec les filles et pas avec nous. Il n'y avait pas de quoi se mettre dans des états pareil. En plus, c'est juste la vérité.

— Mais vous êtes complètements débiles ma parole ! Je m'emporte, choqué que mon frère puisse tolérer ce genre de comportement. Tu ne te dis pas que, lui aussi, il en souffre et tout ce que vous trouvez à faire c'est de le lui rappeler. Ceux que ça dérange le plus, c'est ce qui sont le moins sûrs de ne pas l'être.

Mon frère devient tout penaud à ma dernière et j'en profite pour partir, ne supportant plus d'en entendre davantage. Moi qui pensais que mon frère serait le plus compréhensif, je me suis peut-être trompé. Je sais que trouver sa place au collège est compliqué mais parler comme il le fait est stupéfiant. Je n'ai pas l'habitude de me mettre en colère mais il faut bien avouer qu'il a réussi avec ses propos de merde. Je suis surtout déçu à vrai dire. Quelle drôle de mentalité à tout juste quatorze ans !

*

— Mon père vient me chercher, salut.

— À demain, Me salue Dan.

Je n'arrive pas à agir normalement avec lui parce que je ne sais pas quoi penser. La situation était déjà assez bizarre avec Noah avant que Dan y participe. Je sors du lycée et pars rejoindre mon père qui m'a donné rendez-vous sur un parking plus loin. Je finis par le trouver puis monte à l'avant du véhicule. Il démarre de suite et me demande :

— Ta matinée s'est bien passée ?

— Normal. Et toi ?

— Ça va, pas mal de choses à régler comme toujours.

— Comment t'as su ce que tu voulais faire ? Je finis par demander, une fois que nous sommes plus loin sur la route.

— Je ne l'ai jamais vraiment su en réalité. J'ai fait des études et les choses se sont enchaînées avec autant de fluidité.

— Je ne sais toujours pas quoi faire l'année prochaine, J'avoue.

— Tu as essayé de te renseigner déjà ?

— Pas trop.

— Commence par là.

Nous descendons du véhicule, une fois arrivés, et mon père prépare le repas tandis que je glande devant la télé avec mes frères.

— J'ai pas compris pourquoi tu t'es énervé comme ça hier, Me lâche assez rapidement Tristan.

— Je ne me suis pas énervé, je ne suis juste pas d'accord avec toi.

— Ça revient au même.

— Il faut bien que quelqu'un te dise que ce tu fais n'est pas bien puisque tu n'as même pas l'air de t'en rendre compte.

— Mais je ne fais rien de mal ! Se défend t-il, agacé.

— Regarde-moi, triple idiot. Est-ce que tu aimerais que tous les gars rejettent Lucas et lui disent d'aller avec seulement des filles parce qu'il fait de la danse classique, et uniquement parce qu'il fait de la danse classique ? Tu ne trouves pas ça stupide maintenant ?

C'est marrant mais mon frère ne porte plus du tout son air insolent sur le visage. C'est moins drôle quand c'est nous ou ceux que nous aimons.

— Ça n'a aucune rapport et c'est complètement con ce que tu dis.

— Je me mets à ton niveau alors.

— T'es sérieux de me saouler pour ça ?

— C'est toi qui a relancé le sujet. Je le préviens, prêt à répliquer.

— J'ai le droit de ne pas aimer les gars efféminés !

— Tu disais plutôt avoir un problème avec les gays en général.

— C'est pareil !

— Même si on suit ta logique, tu n'as pas à t'acharner contre ce garçon sous prétexte que tu n'aimes pas les gays efféminés. Il ne te demande pas de l'être à ce que je sache.

— Tu me fais chier, Édouard.

— J'essaye juste de t'ouvrir l'esprit.

— Ouais, bah tu casses les couilles.

— Me parle pas comme ça.

— Je te parle comme je veux.

— Je ne crois pas, bonhomme.

Mon père intervient avec sa voix plus grave et je lance un sourire victorieux à Tristan. Nous passons ensuite table et mon père commence :

— J'entends ce que vous dites depuis tout à l'heure et j'approuve ce que dit ton frère.

— C'est reparti, Râle mon frère.

— C'est important Tristan alors arrête de parler comme un voyou.

Mon frère me lance un regard blasé et je souris au mot de mon père, « voyou ».

— Essaye de réfléchir de temps en temps au lieu d'agir comme un gamin égocentrique.

J'ai vraiment envie de rire lorsque je vois la tête vexée de Tristan après la remarque de mon père. Vive l'adolescence.

*

— Tu veux qu'on mange où ?

— Je n'en sais rien.

— Un restaurant ? Ça fait longtemps et puis pour te récompenser de tes bons résultats à ce trimestre.

— Ça me va.

C'est ainsi que nous choisissons un restaurant calme et avec bonne allure pour notre repas. Nous choisissons notre menu et l'entamons une fois le plat apporté.

— Tu ne m'en a pas beaucoup parlé mais le changement de ville s'est bien passé ?

— Oui, normal.

Mon père hoche la tête et je me rends compte que je ne suis pas très bavard malgré ses efforts. Je lui retourne alors la question :

— Et toi, l'entreprise marche ici ?

— Il a fallu que je m'adapte mais c'est très enrichissant. Les parents de Charlène travaillent dans quoi ?

Je lève la tête vers mon père et lui avoue :

— Je n'en sais rien. On est plus ensemble au fait, depuis un petit moment.

— D'accord, pas de problème. J'imagine que je ne vais pas trop parler d'elle alors.

— Comme tu veux mais je n'ai pas grand chose à dire.

— Vous n'êtes pas restés longtemps ensemble, non ?

— Je sais.

— Ce n'était pas un reproche. C'est compliqué les relations à votre âge.

— J'avais remarqué.

Je ne peux pas m'empêcher de penser à Noah et je me sens mon pou augmenter. Que dirait mon père s'il savait ? Au fond, j'ai vraiment peur de sa réaction.

— Tu as des problèmes en ce moment ?

— J'ai juste un peu de mal à m'y prendre avec quelqu'un.

— Tu veux dire, à l'aborder ?

— Non, je suis déjà avec la personne. C'est juste que j'ai un peu du mal à la comprendre parfois.

— Parler, c'est le meilleur moyen de se comprendre.

— C'est pas trop mon genre les longs discours.

— Tu devrais un peu plus pourtant.

— Je sais mais j'ai peur de mal m'y prendre.

— Elle s'appelle comment ?

Forcément, il y a un moment où je ne peux plus dire « personne » ou « quelqu'un ». Je sens une vague de stresse m'envahir et je n'arrive pas à répondre à mon père. J'ai peur que ma réponse change tout alors que je suis le même. Je ne veux pas de ce changement parce que je suis le même Édouard. Noah ne me change pas, je suis le même. Je continue de fixer mon père, incapable d'ouvrir la bouche pour le moment.

— Ce n'est pas une fille ?

Je ravale ma salive puis hoche positivement la tête. Je sais que mon père est intelligent et qu'il a vite dû comprendre. Il n'a aucune réaction étrange ou de surprise. Au contraire, il me demande simplement :

— Il s'appelle comment alors ?

— Noah, c'est notre voisin d'en face.

— Oh.

Je tente de comprendre cette onomatopée alors mon père clarifie :

— Je suis juste un peu étonné. Il a l'air, un garçon à problèmes si je peux me permettre.

— J'imagine qu'il l'est un peu dans un sens.

— Il n'y a pas de mal à ça. Sache juste à quoi tu t'en tiens.

Une fois de plus, je hoche la tête. Mon père doit sentir que je suis un peu tendu car il sourit :

— J'ai bien réagi ? Je n'en ai pas fait trop ou pas assez j'espère ?

— C'est ce qu'il faut.

—Je m'en fiche que tu sois avec un garçon ou une fille. L'essentiel, c'est que tu sois heureux.

— Merci, 'Pa.

— Vraiment, Édouard. Je sais que je vous mets la pression avec les études mais c'est parce que je veux que vous ayez un beau futur et que vous ne soyez pas dans ma galère comme j'ai pu l'être enfant. Je ne veux que votre bonheur et si c'est avec un homme pour toi, ça ne change absolument rien.

Je suis touché malgré moi parce qu'il dit. Je n'en reviens pas aussi. J'ai du mal à savoir quoi lui répondre mais je clarifie tout de même :

— Je ne suis pas gay par contre. Personne ne comprend et moi le premier, mais je ne suis pas gay. Je ne sais pas trop ce que je suis ou aime pour l'instant mais je ne crois pas que je sois exclusivement gay.

Comment expliquer à quelqu'un quelque chose que nous ne comprenons pas nous-mêmes ? Quels mots choisir ? C'est confus tout comme mes propos précédents.

— Ça n'a pas d'importance de toute façon.

— C'est juste pour dire que pour l'instant je suis avec un garçon mais peut-être que demain je serai avec une fille, je n'en sais rien.

— Tu as le temps de toute façon. Vous êtes dans la même classe lui et toi ?

— Oui.

— Ça te dérange de parler de lui ? Il s'inquiète face à mon manque d'enthousiasme.

— Non, ça va. C'est juste, un peu étrange.

Effectivement, je n'ai pas l'habitude de parler avec mon père et encore moins d'histoires de cœur.

— En tous les cas, tu devrais lui parler. Tu as trop tendance à te taire alors que tu as plein de choses à dire.

— Justement, j'économise pour dire que l'intéressant.

— Tu sais très bien ce que je veux dire.

Je sais effectivement, papa.

*

Je remarque Noah qui se trouve dans le même bus que moi. Il pleut averse et je n'avais vraiment pas envie de venir en vélo ce matin par conséquent. Antoine me parle de ses parents et j'écoute avec attention, sans pour autant lâcher Noah des yeux. Il paraît, comme souvent, dans sa bulle avec ses écouteurs. Je me demande ce qu'il écoute. Peut-être du Ludovico Einaudi ?

— On se voit demain à l'athlé du coup.

— Ouais, à demain.

Antoine et moi nous sourions puis je descends du bus tout comme Noah. J'en profite pour l'interpeller et il m'entend directement malgré ses écouteurs. Il s'arrête et me fixe, lâchant tout de même un petit sourire.

— Salut.

— Salut, Il répond.

Nous sommes tous les deux mal à l'aise et je me demande ce qu'il pense. Je lui propose alors :

— Ça te dit qu'on parle un peu ?

— Pas de problème. On va chez toi ?

— Ça me va.

Nous nous dirigeons vers ma maison puis y entrons. Je redoute un peu la présence de mes deux frères en ce vendredi de fin d'après-midi. Tristan est avec un ami à jouer à la Xbox et Lucas est avec eux.

— Salut, Je lance à mes frères.

— Salut.

L'ami de Tristan nous sourit tandis que Lucas vient me faire un câlin. Il paraît intimidé face à Noah ce qui me fait sourire. Noah ne semble pas plus à l'aise mais finit par se baisser pour lui faire la bise.

— On monte.

— OK, Répond Tristan.

Je fais signe à Noah puis nous allons à ma chambre. Je dépose mon sac de cours et incite Noah à se mettre à l'aise également.

— C'était bizarre cette semaine, entre nous deux je veux dire. Finit par admettre Noah.

— Ouais, je trouve aussi. J'ai du mal à comprendre certaines choses et je pense que c'est bien si on en parle.

— Faisons ça alors.

Il me lance un sourire simple mais qui me fait chaud au cœur. Je viens m'assoir sur mon lit, tête appuyée contre le mur et lui avoue :

— J'ai un peu de mal déjà à comprendre le truc entre toi et Dan.

Aucune réaction de sa part alors je rajoute :

— Je crois comprendre que vous vous entendez pas super bien puis je te vois dans ses bras un autre jour.

— Quand ça ? ! S'étonne-t-il avant que je ne parle davantage.

— L'autre jour, après le sport.

Le bouclé semble se rappeler du moment car la surprise a quitté son visage.

— C'est pas qu'on ne s'entend pas, c'est lui.

— Lui, quoi ?

— Lui qui ne m'aime pas.

— Il s'est passé quoi ? Enfin, si tu veux bien en parler.

— C'est assez ridicule, enfin complètement même.

— Rien n'est ridicule, Je l'encourage sincèrement.

— J'ai été le cliché du mec qui tombe amoureux de son meilleur pote et puis voilà.

Je ne sais pas trop comment réagir face à ce qu'il me dit. Est-ce qu'il aime toujours Dan ? Est-ce que je suis un second choix ? Le doute s'installe alors en moi sans que je n'ose le dire.

— Et puis voilà ? Je m'intéresse.

— Il est sorti avec Amandine et on s'est éloignés.

— Pourquoi il semble te fuir comme la peste alors et pourquoi Pierre et les autres disent que tu lui courrais après ?

— Les rumeurs. En gros, je suis passé pour une pédale et tout le monde a su que j'étais homosexuel.

— C'est une blague ? ! Je m'écœure tandis que Noah paraît impassible.

— J'aurais bien aimé, oui. Mais c'est pas vraiment important, c'est le genre de chose qui arrive quand on est gay.

Sa phrase fait écho en moi et je réplique immédiatement :

— Ça ne le devrait pas. Dan n'a fait que mentir et enjoliver la situation en fait, Je réalise tristement.

— Il n'a rien fait de mal, Le défend tout de même Noah ce qui ne fait que confirmer mes doutes.

— Un peu quand même.

— Ce n'est plus important.

— Un peu quand même, Je reprends mes termes.

— Pas pour moi. Cette histoire m'a assez fatigué l'année dernière.

Noah vient tranquillement poser sa tête contre mon épaule ce qui me surprend. Je ne bouge pas dans un premier temps puis viens jouer avec les boucles à l'arrière de sa nuque d'une manière naturelle.

— Tu l'aimes toujours ? J'ose demander en repensant à ce que mon père m'a dit deux jours avant et au fait que je devrais plus parler.

— Dan ?

— Oui, Je réponds timidement.

— En fait, je ne crois pas que je l'ai réellement aimé au sens propre du terme. Je pense qu'il était plutôt la représentation de l'homme, de la sécurité et de la confiance. C'est comme si, il m'avait ouvert les yeux sur le fait que j'aimais les hommes et pas les femmes, tu vois ?

— Hum hum.

— C'est bizarre, je sais, mais je ne sais pas comment l'expliquer autrement.

— Je crois que je comprends.

— Mais pour répondre à ta question, évidement que non je ne l'aime plus comme ça. Ça restera juste une sorte de, personne spéciale.

Je crois que j'aurais préféré ne pas savoir la dernière phrase.

— Et puis, je ne me serais pas comporter ainsi envers toi si ce n'était pas le cas.

— Pourtant, tu m'as évité toute la semaine.

Je me sens ridicule cependant je crois que Noah comprend ce qui me tracasse car il me serre la main.

— Je suis désolé de t'avoir fait douter, c'est vraiment pas contre toi.

— Tu sais, si tu n'es pas à l'aise ou quoi que ce soit, je préfère que tu me le dises.

— C'est pas tellement ça. C'est juste que je ne sais pas si c'est une bonne idée nous deux. J'ai l'impression que je vais te tirer vers le bas et je ne veux vraiment pas ça. Je suis désolé d'être aussi chiant et compliqué. Je dois sûrement me poser trop de questions mais je ne peux pas m'en empêcher.

— Tu le sais, c'est déjà pas mal. J'ironise et je le vois esquisser un sourire.

J'admire l'honnêteté et la sincérité avec laquelle parle Noah. J'aimerais pouvoir m'exprimer comme il le fait mais je ne sais pas comment expliquer ce qu'il se passe à l'intérieur de ma tête.

— Plus sérieusement, je pense effectivement que tu te poses trop de questions et que tu devrais laisser naturellement les choses se faire. Et puis, si tu n'essayes rien, tu ne pourras jamais savoir ce que ça aurait pu donner.

— Je sais.

Noah se tourne vers moi et me sourit. Il murmure un « désolé » avant de poser un baiser sur mes lèvres. Je suis un peu fébrile mais Noah arrive à me rassurer. Nous nous séparons ensuite et j'écoute sa respiration flotter dans ma chambre.

— T'écoutais quoi tout à l'heure comme musique ? Je demande.

— Rien.

— Comment ça « rien » ? Je fronce les sourcils. Tes écouteurs ne marchent plus ? Je déduis.

— Non, j'écoute jamais de musique. C'est juste pour qu'on me laisse tranquille.

Noah relève la tête et je croise son regard marron. Il est sérieux et je suis scotché.

— À chaque fois que tu avais tes écouteurs, tu n'avais strictement aucune musique ? J'essaye de comprendre.

— Oui. Je sais, c'est bizarre mais je me sens mieux avec. C'est comme si j'avais une barrière entre moi et les autres. Ils croient que je n'entende rien et je me sens moins seul. Cinquante, cinquante.

— T'es impressionnant.

— Je n'aurais pas dit ça.

— Tu peux venir manger avec nous, tu sais.

— Avec Dan et ses potes ?

— OK, c'est sûrement pas la meilleure idée.

— D'autant plus que Pierre et Baptiste se feront un plaisir de me tailler comme ils le font si bien.

— À ce point ?

— Tu n'imagines même pas.

En fait, si, j'imagine très bien étant donné la mentalité de ces deux là et l'épisode ridicule en sport l'autre jour.

— Tu n'as pas envie que tout ça change ?

— Que, quoi, change ?

— Le fait que tu restes seul ?

— Je n'en sais rien, peut-être un peu. Mais pour aller avec qui ? Tout le monde croit que j'ai tenté de me suicider et que je suis un dépressif qui se mutile.

Ses mots sont tranchants et me provoquent un léger frisson. Comment arrive-t-il à parler de ce genre de sujet avec autant de décontraction ? Vient-il vraiment d'avouer que ce qui est dit est faux ? Mais que s'est-il passé ce soir là ?

— Tu ne veux pas leur donner tord ?

— Je m'en fiche de ça, j'ai plus important à régler pour l'instant.

— Oui, c'est bête ce que je viens de dire. C'est pas la chose la plus importante évidement. Il s'est passé quoi ce soir là ? J'ose l'interroger.

— Lequel ?

— Le soir où les pompiers sont venus, tu saignais beaucoup.

Noah ne répond strictement rien et je me sens horrible de lui demander ça. Je m'empresse de rectifier :

— En fait, on est pas obligés d'en parler. Je ne veux pas être intrusif ou que tu te sentes mal. Désolé, j'ai été bête.

— De toute façon, je ne sais pas trop moi-même ce qu'ils s'est réellement passé. C'est, c'est allé tellement vite. Je n'ai rien eu le temps de comprendre. J'ai du mal à tout me rappeler correctement à vrai dire.

J'ai la gorge serrée en pensant à ce que ma mère m'avait dit. L'ami de ses parents a abusé de Noah, sur le plan sexuel et sûrement psychologique aussi mais surtout sexuellement. C'est horrible. Je n'arrive même pas à l'imaginer quand je vois Noah, contre moi, calme quoique un peu tremblant.

— Je suis désolé de parler de ça, Je m'excuse tout lâchant ma main qui était dans sa nuque.

— Je comprends, tout le monde veut savoir de toute façon.

Je me mets alors à doucement caresser sa peau de cou et je le sens moins trembler.

— Tu en parles quand tu veux de toute façon.

— Merci.

En réalité, je ne sais même pas si je serai un jour prêt à attendre ce qu'il a vécu. Plus je connaîtrais Noah, pire ça sera parce que, plus je l'apprécierais, plus je serais concerné.

— Je, je veux pas en parler maintenant, je me sens pas trop bien là.

Noah gigote un peu et tente de contrôler sa respiration forte. Je le vois fermer les paupières avec dureté et se tripoter les mains. Je m'en veux de l'avoir ouvert, j'aurais mieux fait de me taire.

— C'est pas grave, ne t'inquiète surtout pas. Encore une fois, désolé.

— Ça va, ne t'excuse pas, tu n'as pas à t'excuser. C'est juste trop, récent.

— N'y pense plus. Je lui dis, voyant qu'il tremble un peu plus.

Je le serre doucement contre moi puis mets l'album de Ludovico Einaudi grâce à Spotify. Il revient se coller contre moi et je souris tandis que je lui tends un écouteur. Ainsi, chacun à un écouteur à l'oreille et la première musique commence. Je sens Noah très crispé contre moi et je le rassure du mieux que je peux. Je finis par le sentir avoir des petits spasmes et je comprends qu'il pleure. Ça me fend le cœur qu'il le fasse et ça me fait réaliser à quel point je suis à des années lumières de ce qu'il a vécu.

— Noah, Je murmure doucement.

Il se cache contre mon torse et je viens l'encercler complètement de mes bras comme pour le protéger et c'est peut-être ce que j'essaye de faire même si c'est trop tard.

— Je suis désolé, Je me répète.

— C'est moi qui suis désolé. Je ne peux pas m'empêcher de pleurer, tout le temps, à chaque fois. Je n'y arrive pas. Ça n'a pas pu arriver. Pas à moi. Je ne veux pas y penser.

Il pleure plus fort et je me sens affreusement mal. Il est parcouru de petits tremblements et je tente de le rassurer comme je peux.

— Ça fait du bien de pleurer parfois.

— Sauf que je pleure tout le temps. Je n'arrive pas à m'en remettre, à être comme avant.

— Ça prend du temps mais tu y arriveras.

— Tu ne comprends pas.

Je ne préfère pas prétendre le contraire et choisi l'honnêteté en lui soufflant, impuissant :

— Je sais.

— Personne ne comprend.

— Bien sûr que si, tu n'es pas seul. Tu m'as dit que tu voyais quelqu'un. Ce quelqu'un, il te comprend.

— J'ai arrêté, ça ne servait à rien. J'étais juste un patient de plus de toute façon, une pathologie de plus.

— Bien sûr que non, t'es unique. Personne n'est comme toi, Noah.

Ses larmes sont silencieuses mais je les sens couler contre mon sweat.

— Je suis désolé de pleurer comme un putain de gosse.

— Désolé de quoi ? C'est courageux d'oser le faire devant moi justement.

— C'est faible tu veux dire, tout comme moi. Tu vois, ce n'est pas une bonne idée. Tu es heureux, tu dois le rester.

— Tu le seras aussi.

Noah finit par arrêter de pleurer et je pars lui chercher des mouchoirs dans la salle de bain. Je croise ma mère dans le couloir et elle me salue avant de me demander :

— Noah est là, c'est ça ?

— Oui, il n'y a pas de problème ?

— Non, pas du tout. Il mange ici ?

— Euh, pourquoi pas ?

— Parfait alors, on ne va pas tarder en plus.

Ma mère me sourit puis je retourne à ma chambre. Noah est en train de regarder une étagère avec quelques trophées, médailles et photos de compétition. Je viens derrière lui et regarde également.

— T'as gagné pas mal de choses quand même.

— Ça va. Tiens, Je lui tends le paquet de mouchoirs et il me remercie, Tu veux rester manger ?

— Ça ne dérange pas ?

— Si je te propose, Je lui souris.

— OK, Je préviens mon père.

Il part chercher son téléphone dans sa poche et envoie un SMS. Il se tourne ensuite vers moi et je lui souris doucement.

— Ton père et ton autre frère sont au courant ?

Je comprends tout de suite qu'il fait référence à nous deux et je trouve assez mignon qu'il me pose la question.

— Mon père, oui et mon frère non mais il ne devrait pas y avoir de problème. Enfin, j'espère. Est-ce que tes parents savent que tu es gay ?

— Non, je ne leur ai jamais dit.

— OK, Je hoche la tête.

Il feint un sourire puis réponds à son téléphone qui vibre.

— Mon père me dit qu'il n'y a pas de soucis.

— Parfait alors.

— Oui.

Je lui souris encore une fois puis il vient réduire l'espace entre nous. Il joue timidement avec les cordons de mon sweat tout en me fixant dans les yeux. Je dois bien avouer qu'il me perturbe ainsi. Il est beau, vraiment. Avec ses yeux marrons foncés, ses lèvres gercées, son air enfantin. Tout est beau chez lui j'ai l'impression de toute façon. Je deviens carrément niais et c'est drôle de la constater. Lorsque Noah vient poser ses lèvres sur les miennes, je passe mes mains conte son dos pour le rapprocher encore un peu plus de moi.
Nous finissons par nous décrocher après quelques baisers et nous nous sourions assez niaisement.

— Prêts à manger avec la famille Abels ? Je le taquine.

— Dit comme ça, on dirait une présentation officielle.

— Ça l'est, tu es le premier que je présente.

Il se colle contre mon torse puis nous entendons ma mère crier d'en bas :

—À table !

— Prêts cette fois ?

— Je n'ai plus le choix.

Hey tout le monde ! J'espère que vous allez bien :)
Voici un nouveau chapitre bien rempli avec beaucoup de choses mises en place. Le prochain chapitre sera un bonus sous le point de vu de Noah (l'un des rares dans ce livre d'ailleurs).
Je voulais également prévenir que je pars pendant trois mois et que je n'ai aucune idée du temps que j'aurais pour écrire ni de l'inspiration. J'espère de tout cœur conserver mon rythme tout de même.
Bonne fin de week-end et bisous à tous <3
L

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