Chapitre 9. It's on
Fin 1962, début 1963
Malaïka
Douze mois que je suis en formation. J'ai tout appris je crois. Rodrigue veut me lancer dans l'arène dès demain. J'appréhende, mais j'ai hâte de quitter cette prison dorée. Dehors, je trouverai peut-être un moyen de me sortir de ce guêpier. Je vais sortir! Enfin! Cette pensée me fait sourire, malgré cette âme terne et mourante, j'ai un brin d'espoir, de pouvoir me sortir de ce piège.
Je suis dans ma chambre et dis au revoir à Cathy en la caressant, quand Marie pousse la porte entrouverte.
—Je peux entrer mademoiselle?
—Oui Marie je vous en prie.
Elle entre et me présente ma robe jaune, le dernier cadeau de mon père, ainsi que la chaînette d'Hervé qui était à mon cou ce jour maudit.
—je les ai gardé pour vous. Vous sembliez y tenir.
Je lui saute dans les bras pour la remercier.
—Merci Marie vous ne savez pas à quel point.
—Je dois vous laisser. Bonne nuit mademoiselle.
—Merci, merci beaucoup Marie.
Elle a lavé et repassé la robe. Je souris toute nostalgique en la regardant. J'ai l'impression d'avoir mon père avec moi, ça me redonne de l'espoir, de la force. Je serre fort la robe contre moi et m'allonge sur le lit. Ma main droite, contenant cette chaînette, transpire. Je la serre bien fort, et j'ai l'impression que lui aussi est avec moi.
Cathy vient vers moi. Elle a été d’un grand réconfort pour moi et honnêtement, elle va me manquer. Je m’endors avec elle dans les bras, heureuse de pouvoir enfin revoir l’extérieur de cette propriété.
Le lendemain, je me lève tôt, à bord de la voiture de Mikaïla je dois me rendre à la clinique où se trouve Rachid pour jouer la fille éplorée, ne sachant pas que son père était dans le coma, étant elle même coupée du monde. Je m'apprête à partir. Tous le monde me souhaite bonne chance. Boris pointe son arme sur moi. Je le regarde étonnée.
—Désolé, simple reflexe, dit-il avant de retirer son arme.
Tous le monde éclate de rire sauf moi, qui le regarde toujours aussi étonnée. Il est vraiment incontrôlable et après tout ce temps passé avec eux, il est le seul qui me fait toujours peur. Mes poils se hérissent quand il est près de moi.
Je fini par me reprendre. Vivement dehors !
—Bonne chance Malaïka. On reste en contact, me dit Rodrigue le regard tendre.
—Oui, je lui réponds.
Ils m'ont remis une montre, ayant un dispositif de localisation et un microphone. Je me demande comment cela est possible. Mais ils me font bien comprendre qu'il faut que le la garde toujours sur moi. C'est un moyen pour eux de savoir où je suis et ce qui se dit autour de moi.
Mélanie, qui est aussi la secrétaire particulière de Rachid a tout arrangé. J'arrive à la clinique, on me laisse entrer et on me conduit auprès de Rachid.
Il est dans une chambre privée, allongé, inerte, connecté à des machine. Il est métis, assez grand, peut-être dans le mètre quatre-vingt, les cheveux grisonnant. Il est plutôt bel homme. Il a dû en faire tourner des têtes durant sa jeunesse. En le regardant je peine à croire qu'il ait fait tout ce dont on l'accuse.
—Parlez-lui mademoiselle, il peut vous entendre, me dit le Médecin avant de sortir de la pièce.
Je me penche vers lui, lui parlant comme si j'étais sa fille. Pas le choix, je suis sur écoute. J'ai même feins verser quelques larmes. Pour l'aider à se réveiller. Rodrigue tient à le regarder en face quand il aura réussi à détourner son entreprise.
Une heure plus tard, je dis au revoir à mon pseudo père puis je m'en vais. Mélanie m'emmène à l'entreprise. Tout le monde se montre respectueux et compatissant envers moi. On entre toutes les deux dans ce qui va être mon bureau.
Il est assez simple, une armoire, deux fauteuils, une table basse, des meubles de bureau dont une table et trois chaises, une derrière le bureau et deux pour les visiteurs. Une fenêtre vitrée assez grande. Des toilettes attenantes, avec un petit lavabo et même une douche.
On met au point certains détails et elle me fait faire le tour du propriétaire en le faisant passer pour une inspection des différents services.
L’entreprise est immense et ce n’est que l’administration. Les carrières sont dans une autre ville.
Dès demain je prends mes fonctions.
J'arrive au domicile des Faraji, Ingrid et tout le personnel m'accueillent avec bienveillance. Ingrid me conduit ensuite à la chambre de Mikaïla, pour y discuter. La chambre est sobre, spacieuse, les teintes utilisées sont beige et rosée, encore un travail de maître. Il y a un grand lit, une commode, deux grands vases en porcelaine sur des tabourets en bois excentriques, de part et d’autres de la porte, qui font office de décoration, une garde robe, un bureau, un fauteuil, une grande fenêtre et une salle de bain attenante.
Sur la table de chevet, je remarque deux photos, un portrait de famille dans un joli cadre doré, et une photo de sa mère, Honorine, dans un cadre en bois bien sculpté .
Elle était belle, de teint sombre. On aurait dit un mannequin de vitrine de boutique de luxe. Ce regard qu’elle a sur cette photos est très expressif. Il parle, il parle de bonheur, d’amour, de paix, de joie, mais de tristesse aussi.
Ingrid et moi parlons puis plus tard elle me fait faire le tour du propriétaire. De retour dans ma nouvelle chambre, je m'assieds sur le lit.
—Rodrigue veut te voir ce soir pour peaufiner certains détails, me dit Ingrid.
—Bien, j'irais après m'être reposée.
— Très bien à toute à l'heure, me répond-elle.
Je m'allonge sur le lit de Mikaïla. Mes yeux rivés au plafond. Je repense à tout ce que Mélanie m'a dit sur Rachid. Son père était Belge, sa mère Katangaise mais ce dernier n'a pas voulu assumer la paternité. Alors avant de s'enfuir pour Léopold ville, sa mère a prit tout ce qu'elle pouvait d'argent à son père et a créer une entreprise pour son fils. Elle lui a aussi donné son nom de famille, Faraji. Et avec le temps, son entreprise s’est développée. Il a pu en parallèle créer d’autres entreprises, toujours gravitant autour des mines.
Si j'ai bien compris, cette première entreprise a une valeur sentimentale pour lui. C'est la raison pour laquelle Rodrigue la veut.
Je m'endors très vite, je rêve de mes parents, de cette dernière journée avec eux. On rit et on parle et soudain, une explosion me propulse loin, très loin d’eux. Je sursaute je suis en sueur et haletante. Je me passe les mains sur le visage quand le téléphone de ma chambre sonne. C'est la clinique il paraît que Rachid a bougé. Je leurs dis que je serais là bas dans peu de temps. Je me lève, me change et me dirige vers le salon. La télévision est allumée et les nouvelles passent.
La république du Katanga est tombée et annexée au reste de l'ex Congo Belge. Plusieurs mois de guerre, mais elle quand même tombée. Je suis triste mais je n'y peux rien. Mon pays est une province à présent, ma nationalité a changée en fait elle est redevenue celle d’avant.
Trop de changement en si peu de temps dans ma vie, j'en perds tous mes repères. C'est la mort dans l’âme que je cherche Ingrid dans la maison. Je la trouve dans la cuisine.
Je l’ annonce que Rachid a bougé, que je me rends à la clinique, et que j’irai plus tard à la réunion avec Rodrigue.
Je passe quelques heures à la clinique avec Rachid. Je lui parle puis m'en vais rejoindre Rodrigue et les autres.
Maintenant que j'y pense, les fêtes de fin d'années sont passées il y a quelques jours. Je ne m’en suis même pas rendue compte. Entre la formation et les exigences de Rodrigue et sa bande, je les ai complètement oubliées. De toute façon je n'ai rien à fêter et personne avec qui fêter. Ça me rend triste. Je pense à ma famille, Je verse quelques larmes au volant. On passait toujours les fêtes ensemble.
A chaque fois depuis trois ans, je m’éclipsais un moment pour passer du temps avec Hervé, son cousin Djibril et Stella, une bonne amie. On partait tous quatre de chez nous sans crier gare. On se retrouvait à l’arrière de l’Athénée Royale ou sur les rives du lac des dames pour s’amuser, manger, boire et danser sur la musique de la radio d’Hervé. C’était tellement drôle, surtout quand Stella faisait sa star et que Djibril jouait à imiter tout le monde. On rentrait chez nous comme on était partit, incognito.
Je reviens vite à la réalité, perdant ainsi le sourire qui illuminait mon visage quelques secondes plus tôt. Je continue ma route, la mort dans l’âme.
J'arrive enfin au QG, j'entre et ils sont tous là. Rodrigue du haut de son mètre soixante dix, me lance un de ses regards perturbants. Je sais qu'il ressent quelque chose pour moi mais c'est non. Il m'enlève, me séquestre, me force à prendre une autre identité et à escroquer un homme mourant, et je devrais lui laisser une chance avec tout ça ? Pas question ! Je fais de mon mieux pour me montrer distante avec lui.
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