Malaïka
Je suis toujours enfermée, je n'arrive plus à savoir depuis combien de temps. Je vis constamment dans la peur et dans la colère, je me sens reduite au statut d'animal. J’ai l’impression d’être une bête en cage, de ne plus exister, d'être éffacée, d’être réduite à rien. Ma volonté commence à flancher. Non ! Il ne faut pas que je me soumette, il faut que je resiste.
Ma haine pour tout ce petit monde grandit chaque jour. Je les déteste, à tel point que j'en souffre. J'ai mal à l'âme d'éprouver une telle rancœur. Je n’ai jamais éprouver une haine aussi forte, elle me consume de l’intérieur et c’est atroce.
Ce feu brûle en moi et crie vengeance, il m'embrase tellement que j'en suffoque. Il faut que je sorte d'ici, c'est vital. C'est ça ou devenir mon ombre et disparaître pour devenir leur marionnette. Je suis coupée dans mes pensées par le bruit du pêne. La porte s'ouvre sur Marie, elle récupère le plateau qu'elle a préalablement déposée sur une tablette dans ce couloir, pour lui permettre de débloquer la serrure.
—Vous avez bien dormi mademoiselle ? dit-elle avec le sourire, en déposant le plateau sur le lit.
Mes jambes sont repliées sur moi et mon dos est contre la tête de lit. Je ne répond rien, car les flammes qui embrasent mon cœur et mes entrailles, m’empêchent de parler.
—Voici votre petit déjeuner. Il faut que vous mangiez pour avoir des forces.
Marie n'est pas très grande, mais son corps est bien enrobé. On voit que des enfants sont passés par là. Elle est chaleureuse et m'insite à me nourrir pour prendre des forces. «Tu n'arriveras jamais à partir d'ici sans force», me dit-elle à chaque fois. Alors je mange pour avoir de la force et me sortir d'ici. Et comme à chaque fois, elle me donne les nouvelles de la maison.
—Messieurs Boris et Gaspard sont de sortie aujourd'hui et tout de suite après votre petit déjeuner, j'irai faire quelques courses en ville. Mademoiselle Mélanie est en bas. Emilie pourra s'occuper de vous pendant mon absence. Elle est toujours engouffrée dans la cuisine, mais n’hésitez pas à l’appeler en cas de besoin.
Et mon cerveau tourne, il chauffe. Je sais qur Rodrigue n'est pas là. Il n’y a donc aucun homme en ce moment et Marie sort d'ici quelques minutes. Alors j'avale, j'avale vite ce petit déjeuner et très vite Marie sort de la chambre. Trouve Malaïka ! Trouve ! Trouve un moyen il faut partir d'ici. Ma tête se creuse et elle chauffe tant je réfléchis. Je fais les cent pas dans cette chambre, et j'entends vrombir le moteur d'une voiture. Marie est sans doute en train de partir. Mes yeux tournent dans cette pièce, il faut que je trouve, il le faut. Je cours dans la salle de bain, j'ai besoin de quelque chose de lourd. Mes yeux parcourent la pièce et tombent sur la toilette. Alors, je retire le couvercle de la chasse et en moins d'une minute, je suis dans la chambre.
Une griserie intense s'empare de moi et je sens mon corps se contracter de stress. Je sue et je tremble de peur à l'idée de ce que je m’apprête à faire. Je me precipite vers la porte de la chambre et je cogne dessus comme une folle en criant à l'aide. J'entends Mélanie râler, mais elle s’approche. Je me saisis de mon arme de porcelaine et me positionne derrière la porte. J’entends le son du pêne lâcher. Mélanie ouvre la porte et entre dans la chambre. Je tremble, j'ai peur, je me trouve terrible, sale, horrible, de ce que je m’apprête à faire. Mais je n'ai pas le choix. Alors, avant qu'elle n'ait le temps de dire mon nom, je lui frappe violemment sur la tête et elle s'écroule. Je jette ce gros morceau de porcelaine par terre et je cours dans ce couloir aux plafonds voûté. Vite, je descends les marches, je traverse le salon à toute vitesse, je me retrouve dans un vestibule et la grande porte en bois devant moi est sûrement celle qui me menera dehors. Je l'ouvre et je m'extirpe.
Je cours sur du gravier, je vois au loin un portail et j'accelère, quand ma course s’arrête subitement par une douleur sur mon cuir chevelu. Ça tire, c'est atroce et les cris que libère ma gorge sont à l'image de ce mal. J'essaie de me libérer de cette emprise mais rien n'y fait. Et par les cheveux, je me fait ramener à l’intérieur. Mon corp se fait jeter dans le vestibule et des coups violent me submergent.
Dans mon ventre, dans mon dos, dans mes jambes,… j'hurle, j'hurle de toutes mes forces. J'éclate en sanglots, je supplie mon agresseur d’arrêter, mais mes cris semblent décupler sa rage.
Et ces flammes, oui ces flammes de haine et de colère me brûlent, elle me consument et je crie, je crie encore. La douleur est bien trop forte, je me sens faible, je sens la vie me quitter. J’entends les cris de Mélanie au loins, elle demande à Boris de s’arrêter, mais lui contnue de s'achaner sur mon petit corps. Alors, je ne crie plus, je n’entends plus, je ne vois plus.
Rodrigue
Je suis en route pour le Q.G. il faut que l'on commence à mettre les choses en place. Je sais que j'ai dit à Malaïka qu’elle pouvait prendre son temps, mais il faut démarrer. J'entre dans la propriété, je me gare et les cris affolés de Mélanie parviennent à mes oreilles. Mes poils se herissent et je cours vers la maison. Quand j'ouvre la porte, je vois Boris s'acharner sur Malaïka complètement inconsciente.
—BORIS ! BORIS ! ARRÊTE ! crié-je avec une rage sans précédent.
Rien n'y fait il continu. Alors, je lui donne un coups dans la mâchoire, puis un autre, et encore un autre et je le tiens par le col de sa chemise.
—Tu es fou ou quoi ? Tu veux la tuer ? Va t’end'ici et ne reviens pas avant d'avoir complètement désoulé, lui crié-je en le poussant dehors par le col, suivi d'un coup de pied violent dans son dos.
—Appelle un médecin Mélanie vite !
Elle se rue vers le salon pour appeler. Je m'agenouille devant le corps inerte de Malaïka, je sue, je suis stressé, je suis en colère. Ma poitrine se soulève brutalement à chaque respiration. Je la porte dans le salon et l'allonge sur l'un des fauteuils. Je sens à peine son poul.
—Le médecin Mélanie !
—Il est en route.
Elle tient l’arrière de son crâne et je remarque qu’il saigne.
—Qu’ est-ce qui s'est passé ?
—Elle m'a assommé et elle s'est enfuie. Quand je suis revenu à moi, j'ai entendu des cris. Je suis descendue et j'ai vu Boris la frapper.
—Emilie ! crié-je de toutes mes forces.
Elle accourt et au vu de la scène, elle pousse un cri d'éffroi.
—Occupez-vous de mademoiselle Mélanie, elle saigne.
—Oui monsieur.
Elle cours chercher une trousse de secours e reviens vers Mélanie. Elle la soigne du mieux qu'elle peut en attendant le médecin et moi je ne sais pas quoi faire, par où commencer. Le bruit d'un moteur dans la cours me sort de mes pensées. Je sors du salon en quatrième vitesse pour rejoindre la cours. C'est le médecin, il est accompagné d’une infirmière, qui traine une grosse malette derrière lui.
—Venez ! C'est par ici !
Et on court jusqu’à ce fauteuil où est allongée Malaïka.
—Que s’est-il passé ? demande le médecin.
—Elle a été sauvagement battue.
Le médecin l'ausculte, il tâte certaines parties de son corps. Moi je mord mon pouce anxieux, en observant la scène.
—Alors docteur ?
—Il faut des examens plus approfondis. Je ne peux pas émettre un diagnostique à l'aveugle. Si la patiente était consciente, ça aurait beaucoup aider à en donner un. Il faut l’emmener à l’hôpital.
—Vous ne comprenez pas. Elle ne peut pas sortir d'ici.
—Si vous voulez la sauver, il va bien falloir et vite car il y a peut-être quelque chose de bien grave.
Je plonge mon regard dans celui de Mélanie, elle exécute un petit hochement de tête pour me dire d’obtempérer. Je souffle rageusement en repensant à Boris.
—Nous ne pouvons pas l'exposer docteur. Sa vie est en danger, il y a des hommes à ses trousses. Voyez vous-même ce qu'ils lui ont fait. Elle sera plus vulnérable dans un hôpital.
—Je peux comprendre. Mais si on veut la sauver, nous n'avons pas le choix. Elle doit être sérieusement examinée, dit-il avant de se perdre dans ses pensées, puis il reprend : j'ai un collègue non loin d'ici qui a le matériel nécessaire chez lui. On pourrait y aller.
—Il est digne de confiance ?
—Ne vous inquiétez pas monsieur, j'ai bien compris la situation et elle ne risque rien là bas. Alors s'il vous plaît allons y tout de suite, on perd un temps précieux.
Je porte Malaïka dans mes bras et Mélanie m'aide à l'installer dans la voiture. Je démarre et suis de près la voiture du docteur qui est déjà au niveau du portail. Je conduit la main gauche sur la portière, en cognant rageusement le volant par moment. Boris! Boris!
Nous arrivons vite chez son collègue qui, en bon médecin, nous accueille sans trop poser de question. Rapidement Malaïka est prise en charge. Il lui font des radiographies et des échographies, selon ce que j'ai entendu. Mon seuil de nervosité ne fait que grimper. Je ne tiens plus en place. Je fais les cent pas en priant pour qu'elle s'en sorte. Malaïka, je t'en prie ne t'en vas pas, reste ! Reste !
L’attente me semble interminable. Je suis maintenant assis sur ce fauteuil destiné à l'attente, mes mains sont croisées devant ma bouche. Le médecin sort enfin de cette pièce et je me précipite vers lui.
—Alors docteur ?
—Elle a eu beaucoup de chance. Il n y a pas l’hémorragie interne, pas de fracture, mais d'importantes lésions musculaires. Notamment au niveau des obliques, du biceps fémoral et du fascia lata antérieure gauche. Quant au choc qu'elle a reçut à la tête,..
—Quoi docteur ? demandé-je le cœur crispé d’inquiétude.
—Je ne peut pas émettre de pronostic. Il faut attendre qu’elle se réveille pour savoir si…
—Si quoi docteur ?
—Si sa mémoire sera intacte.
Je suis horrifié, mes mains sur ma bouche. Le médecin poursuit son discours.
—Compte tenu de la situation et pour sa sécurité, nous la garderons cette nuit et dès demain, vous pourrez la ramener. Nous vous donnerons les consignes concernant ses soins. Mais il lui faut beaucoup de repos.
—Merci docteur. Je peux la voir ?
—Oui allez-y.
J'entre dans la pièce où elle est allongée, je m'assieds sur la chaise à côté. Je la regarde. Regarde ce que tu as fais Rodrigue. Regarde ! J’entends les médecins dire que ce choc à la tête pourrait l’emporter. Elle pourrait en mourir. Et mes larmes coulent, des larmes de dégoût. Je me dégoûte, je me sens épouvantable d'en arriver là à cause de ma haine, parce qu’elle ne mérite pas ça, parce que tout ça est de ma faute, parce que mon cœur a besoin d'elle.
—Pardonnes-moi Malaïka ! Pardonnes-moi je t'en prie mais ne pars pas reste, reste avec moi.
Je passe la nuit sur cette chaise et je me demande ce que je vais faire à Boris. Ce n'est pas vraiment de sa faute. Petit, il a été enlevé à ses parents, et ces gens ont faits de lui une machine destructrice, ils l'ont brisé.
Il a perdu son âme, alors il détruit, tout ce qu’ il peut et c'est quand il est soûl qu'il se déchaîne. Mais son courage le quitte à mesure qu’il dessoûle. Je lui ai tendu la main quand personne ne voulais de lui. Alors il m'a offert sa loyauté et ma douleur est devenue sienne, ma quête est devenue sienne et ma vengeance est devenue sienne. Mais il doit apprendre à se tenir et je compte bien le lui faire comprendre.
J’ai peur, pas pour mes plans, mais pour elle. J'ai peur qu'elle ne parte, j'ai peur, j'ai peur de ne plus voir ses yeux, de ne plus entendre sa voix, car oui, j'en ai besoin. Et la voir allongée aussi inerte, reliée à cette perfusion, me fais réaliser que je tiens à elle. Alors s'il te plaît Malaïka ne pars pas ! Reste ! Reste avec moi !
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