Chapitre 22. Qui es-tu?
Malaïka
J’entends quelqu’un frapper à la porte principale, ça tambourine. Stella va ouvrir alors que je descends les marches. La porte s’ouvre, et mon regard s'encre dans celui d'Amani. Deux policiers l'accompagnent. C'est elle messieurs, l'imposteur dont je vous ai parlé. Les hommes en uniforme se saisissent de moi de part et d’autres, et m'emmènent. Nous passons devant Amani, mes yeux sont suppliant.
—Ne fais pas ça Amani je t'en prie ! Mon amour je t'en supplie non !
Il reste de marbre face à mes supplications. J’essaie de me libérer, je m'alourdis pour tenter d'échapper à la poigne virile de ces hommes, mais rien n'y fais. Ils me trainent de force et me jettent dans leurs véhicules.
—Non ! Non ! Non ! Arrêtez je vous en prie ! Amani ! Je t'en prie ne me fais pas ça ! Amani, éclaté-je en sanglots.
—Non, non non, marmonné-je en m'agitant dans mon lit.
Je sursaute en sueur et haletante sur mon lit. Ce n’était qu’un rêve, un mauvais rêve, un cauchemar. Il paraissait tellement réel, tellement que j'en tremble. Je regarde autour de moi et me rends compte que je suis vraiment dans ma chambre. Je pousse un petit soupir de soulagement. J’essuie mon visage et passe mes mains sur mes cheveux. Je sens mon cœur cogner dans ma poitrine.
Calme-toi Malaïka, calme-toi. Ce n'est qu’un cauchemar. Un de plus depuis quelques jours, depuis qu'il m'a demandé de descendre de cette voiture.
Deux semaines, ça fait deux semaines que je ne l'ai pas vu, que je ne l'ai pas entendu, que….. il ne répond plus à mes appels et ne fait aucun signe de vie. Il ne veux peut-être plus de moi ? Ou cherche-t-il à me piéger, me faire arrêter ?
Je n'ai plus trouver la paix depuis ce maudit baiser que m'a voler Rodrigue. Depuis qu'il s'est fait battre par ma faute, tous les autres sont plus dur avec moi. Ils sont pressés, ils veulent en finir avec Rachid, et moi je ne sais plus quoi faire. Je suis à bout. Je devrais tout avouer à Rachid. Il me comprendrait peut-être. Non il est encore fragile, et je ne veux pas avoir sa mort sur la conscience. Mais quoi ? Que faire ?
Je me lève lassivement et me traine dans la salle de bain. Je prends ma douche. Depuis quelques jours mes vêtements, enfin ceux de Mikaïla sont plus grands. J'enfile les moins criards. Je me maquilles pour cacher ma mauvaise mine, et me cache derrière des lunettes de soleil. Je recouvre ma tête d’un large chapeau, pour cacher au maximum les traces que laissent la fatigue, le stresse, et la tristesse. Si seulement l'ombre qu'apporte ce couvre-chef pouvait s'étendre jusqu’à mon cœur désormais desséché, pour l'aider à souffler un peu……
La police ! Je pourrais….. Oui. Je…. Je vais me dénoncer, et eux avec. Ils seront peut-être indulgents envers moi ? Peu m'importe, même si ils me mettent en prison, de toute façon, je n’ai plus rien à perdre. Mais Rachid l'apprendra sûrement, et il en souffrira. Je peux leurs demander de gérer l’affaire en toute confidentialité, et je ferai passer mon absence pour un long voyage d’affaire, le temps que Rachid se remette. Je vais faire ça. C'est décidé ce soir après le service, je vais me livrer.
Je termine de m’apprêter et je sors, pour me rendre au travail. Je n’ai rien avaler, je n'en ai pas la force. Mon cœur est serré. J’ai peur de ce que je m’apprête à faire. Je sue et je peine à déglutir. Je tremble, je fais de mon mieux pour ne pas le montrer. Quand j’arrive, je monte à mon bureau et ferme la porte dernière moi.
Cette bouteille de whisky prend place sur catte table. Ce mélange, miroir de mes pupilles trouve place dans ma gorge. Ça me déstresse, ça me soulage un moment. Je veux oublier alors j'en prends encore. Ça me brûle l'estomac, c'est acide, mais j'en prends encore et encore. Je me sens légère, et quand j’essaie de me lever, je vois tout tourner autour de moi, ce qui me fait tomber lourdement sur mon fauteuil.
J'éclate de rire comme une folle, rien ne m’arrête. Tout dans cette pièce provoque mon hilarité. Des rideaux aux petits bibelots sur l’étagère. Je me sens tout à coup détendue. Je chante en dansant sur mon fauteuil, avant de m'écrouler littéralement sur mon bureau.
Je reviens à moi, mon corps courbaturé me fait comprendre qu'il est resté longtemps dans la même position. J'ouvre doucement mes yeux, qui se font aussitôt agresser par la lumière au centre de la pièce. Je les refermes et tente de les habituer progressivement aux éclats de cette lampe.
Je me redresse progressivement et tourne délicatement mon cou douloureux. Je sens des cognements dans ma tête, je la soutiens de mes mains, et je n'en reviens pas quand mes yeux tombent sur la fenêtre vitrée qui me fait comprendre que le soleil s'est couché depuis au moins deux heures.
Je me réajuste sur mon siège. Combien de temps j'ai dormi ? Ma bouche pâteuse me mène en quête d'eau. Je bois à même le robinet du lavabo de la petite salle de bain attenante. Je me passe de l'eau sur le visage, avant de voir mon reflet sur le miroir juste au dessus. Je soupir, mais ne m'attarde pas dessus. Il faut y aller, c'est le moment. Je dépose sur cette table la montre d'espion que m'a donner Rodrigue et je sors de mon bureau, après avoir éteint la lumière.
Je descends les marches et je me rends compte que j'ai abuser de cet alcool, mes jambes manquent d'équilibre.
Je m'appuis sur le mur à côté pour arriver en bas. J'entames une à une et doucement, chaque marche, comme une voleuse qui a peur de se faire prendre. Ça me fais vraiment rire.
Tous les bureaux sont fermés. Mais quelle heure il est ? Une fois en bas, j'ouvre la porte qui mène à l’extérieur. Je sors et tâtonne pour trouver la bonne clé. Une fois la porte fermée, je me retourne pour monter dans ma voiture quand mes yeux se figent sur cette image, sans doute un mirage, résultat de la présence de l'alcool dans mon sang.
Mon cœur s’emballe, je sens ma gorge sèche, de nombreux petits frissons irradient tout mon être. C’est lui, il est là, adossé à sa voiture, comme à son habitude, il est en survêtement bleu nuit avec des biais gris dépassant des découpes, aux pieds, de belles et simple basket.
Je dois être saoule c'est sûr. Pourquoi maintenant, après m'avoir ignorer tout ce temps ? Mon palpitant se déchaîne dans ma poitrine, respirer me semble être un supplice. Je souffle pour aider mes poumons à évacuer et aspirer, mes yeux s'embuent de larmes. Je crois rêver. Il remarque enfin que je suis là, à quelques mètres de lui.
Son regard rejoint le mien, on se dévisage un bon moment. Je suis comme paralysée. Je le fixe, pendant que mes jouent s'humidifient. Il se redresse et avance vers moi, je peux ressentir son stress, sa respiration se fait profonde.
Mes pieds se meuvent, ils suivent la même trajectoire que lui. Je m’arrête à à peu près un mètres de lui. Une douce chaleur naît dans mon ventre, on se fixe, son regard sur moi est triste, ses yeux me demandent pardon. Il avale l'espace entre nous et me prend dans ses bras. Il me serre fort et me demande pardon.
—Pardon, pardonne-moi de t'avoir laisser sans nouvelles.
J'éclate en sanglots, j'en gémis, je libère tout ce que j'ai pu emmagasiner, je laisse tout sortir, mes larmes s’accompagnent de cri, et lui me serre un peu plus contre lui, il caresse mon dos en me suppliant de lui pardonner. Il pleure aussi, je le sens renifler dans mon dos. Ma respiration se saccade, il passe sa main dans mes cheveux, et resserre ma tête contre lui. Cette étreinte est réparatrice, apaisante, libératrice, elle soigne mes maux et les siens j'en suis sûr. On se sépare après plusieurs minutes. Il me regarde, il scrute chaque parcelle de mon corps.
—Regarde-toi, dit-il d’une voix remplie de douleur, tu as perdu du poids, et tes yeux,….. ils t’ont encore fait du mal ?
J'hoche la tête, et il me reprend dans ses bras.
—Je suis là maintenant. Ça va aller je te le promet.
Je ne dis rien, j'ai l’impression d'avoir perdue ma voix.
—Tu vas bien ?
J'hoche la tête en larmes, la gorge complètement nouée par la joie et la tristesse. Je resserre mon étreinte, et il fait de même.
—Tu as dîné ?
Je secoue négativement la tête. Ça le fait sourire.
—Tu as perdue ta langue ? lance-t-il d’un ton enjoué.
Son sourire a provoqué le mien, ce sourire thérapeutique m'a tellement manqué.
—On va dîner ?
J'hoche la tête et il sourit devant mon mutisme. Il m'invite à monter avec lui dans sa voiture. Je verrouille la mienne et le rejoint. Mes larmes n'ont pas cessé de couler. Il les essuie avec un mouchoir et nous montons dans le véhicule. Nous roulons en silence jusqu’à chez lui. Nous sortons de l'automobile, et je le suis vers son jardin, où nous attend une couverture à même le sol, sur laquelle gît un petit festin.
—Installe-toi, dit-il après m’avoir débarrasser de mon sac, qu'il pose sur cette couverture.
Je m'assieds et lui aussi. Je n’ai pas faim, sa simple présence me comble. On se regarde, ma respiration s'apaise. Il me présente les plats, et m'invite à manger.
Il y a un ragoût de bœuf, du poisson grillé parsemé d'oignons frits, des légumes verte cuites dans une sauce blanche, du riz, du pain, de la chikwangue.
Comme boisson, il y a du vin et de l'eau.
Je me sers et mange timidement du pain et ce bouillon de viande, lui en prend avec de la chikwangue. On se sourit bêtement de temps en temps. J'hydrate ma gorge avec un peu d’eau, ce qui la soulage. Après plusieurs bouchées, je brise le silence.
—Je peux comprendre que tu avais besoin de temps pour réfléchir à tout ce que je t’ai dis, mais tu aurais pu m'appeler, ou répondre à mes appels ? Ce silence m'a laisser imaginer les pires scenarios. Je croyais que tu ne voulais plus de moi, que tu allais me dénoncer.
—Non non non, jamais je ne t’aurai fais une chose pareille. Je t'ai appelé, mais tu n'as jamais décroché. Je n'ai pas eu le choix, j'ai dû partir pour Nairobi. Ma mère y a eu un grave accident de voiture. Zed et moi on y est allé pour prendre soin d’elle et la ramener, confit-il avec tristesse.
—Je suis vraiment désolée, si j’avais su….. Je t'en ai tellement voulu. Comment elle va ?
—Elle va s’en sortir. Les pronostics sont bons. Zed est à son chevet et j'en ai profiter pour venir te voir.
—Je suis vraiment désolée.
—Tu ne pouvais pas savoir. Ne t’inquiètes pas ça va aller.
—Tu m'emmènera la voir hein ?
—Oui, ne t’inquiètes pas. Dès qu’elle pourra recevoir des visites, je t'emmènerai.
Après un long silence à manger en se regardant , Amani reprend.
—Qui es-tu ? Quel est ton nom ? Je… je veux tout savoir de toi, dit-il le regard tendre.
—Je m’appelle Malaïka Jacob's Ibung….
—Malaïka, répète-il avec un sourire. Ça veut dire ange c'est ça ?
—Oui.
—Ça te vas bien, Malaïka, conclut-il avec un sourire. Jacob's ce n'est pas commun ici. Je veux dire ce n'est pas du tout Congolais comme nom.
—Mon père est Belge, enfin était.
—Je suis désolé.
—Il s’appelait Frantz Jacob's, ma mère c’était Eulalie Ibung.
—Une pure Katangaise, dit-il avec sourire triste. Désolé pour tes parents.
—C’était le treize septembre 1961, le jour de l’anniversaire de ma mère, que cette guerre a éclaté, la guerre de fin de sécession. C’est ce jour que je les ai perdue, eux et…. Je soupire, et Hervé c’était mon amoureux, je voulais faire ma vie avec lui. C’est ce même jour qu’ils m’ont enlevé, sans me laisser pleurer les miens, sans me laisser les chercher, les enterrer.
Mes larmes coulent, des larmes de douleur, le regard dans le vide, j'ai l’impression de revivre cette journée. Mon cœur cogne douloureusement dans ma poitrine. Mes mains sont sur mes bras, comme pour me protéger. Amani se rapproche de moi et me prend dans ses bras. Il essuie mes larmes et caresse mes cheveux.
— Ils m'ont emmener ici ensuite, poursuivis-je en reniflant. Ils ont menacé de me tuer si je ne faisais pas ce qu'ils voulaient. Ils voulaient que je devienne Mikaïla, alors ils m'ont appris à être elle, à tout faire comme elle. Je me suis échappée plusieurs fois, mais ils m'ont toujours retrouvée et ils me l'ont bien fait payer à chaque fois…… ils m'ont battu à mort à de nombreuses reprises, et j'ai céder, je suis devenue Mikaïla. Je voulais encore m'enfuir, mais…. je t'ai rencontré…. A vrai dire je suis tombée sous ton charme dès que je t’ai vu, avoué-je avec un petit sourire qu’il me rend aussitôt. J’ai oubliée mes idées de fuite, je les ai enterrées, parce que je ne voulais pas être loin de toi. Rodrigue m'a avoué qu’il m'aimait et n'a pas arrêter de me harceler. Tu ne sais pas ce que j'ai dû endurer, confié-je avec de nouvelles larmes.
—Je suis désolé ma chérie, je suis désolé, s'exprime-t-il avec des larmes silencieuses. Mais où est Mikaïla ? Et pourquoi ils en veulent à Rachid ?
—Ils m'ont dit qu’ elle s’est tuée dans un accident de voiture.
—Oh non mon Dieu !Non !...tu….tu en est sûr ?
—Je n'ai jamais pu vérifier l’information. Et pour Rachid, ils lui reprochent tous quelques chose, de la vente à la décapitation d'un être cher…
—Quoi Rachid ? Il ne ferait pas de mal à une mouche.
—En tout cas, ils sont convaincus que si.
—Rachid est un honnête homme, respecté de tous. Je le connais depuis toujours et je peux t'assurer qu’il n'est pas un assassin. Il sera brisé d’apprendre que sa fille est morte. Il doit être mit au courant de tout ça.
—J'y ai déjà pensée, mais il est encore fragile ça pourrait lui coûter la vie. Il vaut mieux attendre qu'il se rétablisse.
—Et tu continuerais à être leurs jouet ?
—Non, mais il faudrait trouver un autre moyen.
Il souffle et se passe une main dans les cheveux. Il soupire avant de reposer ses yeux sur moi.
—Tu m’as tellement manqué ma chérie.
—Tu m’as manqué aussi, tellement si tu savais.
—Malaïka, Malaïka, comme ça te vas bien, dit-il avec un sourire en prenant mon visage en coupe. Je t'aime tellement, tellement que je ferai n’importe quoi pour toi.
—Moi aussi je t’aime. Je t’aime de toute mon âme.
—Ne me mens plus jamais, sois toujours franche avec moi, même si ça doit me faire souffrir.
—C’est d’accord.
—Promet le moi. Je veux pouvoir te faire confiance, me murmure-t-il en rapprochant nos visages, ses mains toujours sur mes joues, son front contre le mien.
Sa voix se fait sensuelle, et ses murmures me provoquent des frissons, ses mains sur moi sont électriques. Ce que mon corps me fais… oh mon Dieu c'est indescriptible. Ma respiration s’aligne à la sienne, et se saccade délicieusement.
Après m’avoir longtemps dévisagé, ses lèvres prennent possession des miennes, avec une telle force et une telle douceur, que moi,… moi je m'abandonne à lui.
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