- C'est impossible ! s'exclama finalement Dario, brisant le silence pénible qui s'était installé. 

- Mais pourtant... risqua Lana. J'ai une tablette et j'ai vu dessus le message habituel du jeu. Ensuite, il s'est effacé pour afficher une liste de tâches à faire.

- Pareil, ajouta Justine.

- Moi aussi, renchérit Grace.

- Ça veut dire... Ça veut dire que c'est une partie mais que c'est vraiment nous les personnages ? demanda Léa.

- Eh bien, je pense que oui, répondit Maël.

Raphaël déglutit avec difficulté avant de poser la question que tout le monde redoutait :

- Et donc... donc si on se fait tuer… on meurt pour de vrai ?

Un silence de mort s'abattit sur l'assemblée. Lana espérait presque que quelqu'un surgit de nulle part en criant : "Surprise ! C'était une blague !". Elle aurait hésité entre lui sauter au cou ou de l'étrangler. Malheureusement, personne ne vient.
Anh brisa le silence qui s'était installé :

- Alors bonne chance à tous. Dépêchez-vous.

Elle se dirigea vers le couloir d'en face et se retourna sur le pas de la porte.

- Grace, tu viens ?

- Euh… on se rejoint plus tard, d'accord ?

Vexée, Anh tourna les talons. On entendait ses pas résonner dans le vaisseau de plus en plus faiblement.
Mal à l'aise, les élèves restants se dévisagèrent.

- Bon… on devrait aller faire nos quêtes, non ? suggéra Mattéo.

- Je suppose que oui, marmonna Gabriel.

A ces mots, les élèves se dispersèrent en petits groupes.

"Il y a 3 imposteurs", songea Lana. "On est 14, et il y a 3 imposteurs. Ça veut dire qu'une personne sur 4 est un imposteur". Elle tenta de se rassurer, "On est nombreux, ça va leur compliquer la tâche", en vain. Elle se dirigea vers Léa et lui proposa, hésitante :

- Dits Léa, tu veux qu'on reste ensemble ? On pourra faire nos quêtes ensemble et faire le guet pour se protéger.

- Désolée, répondit froidement celle-ci, je suis déjà avec Justine. Ça va nous ralentir si on est trop nombreux. Et en plus, t'es peut-être un imposteur.

- Moi, imposteur ? N'importe quoi, siffla Lana, froissée par l'attitude inhabituelle de son amie. Je vais trouver quelqu'un de confiance avec qui je ferai mes tâches.

Elle décida d'aller voir Méline qui scrutait sa tablette pour lui répéter son échange avec Léa et ajouta :

- Tu me crois, n'est-ce pas ? Je ne peux pas être imposteur.

Méline rangea sa tablette et haussa les épaules.

- Si, c'est possible, mais pour l'instant, je te crois. Tu veux venir avec moi ?

- Oh oui, merci ! s'écria la jeune fille en bleu clair, soulagée. J'ai deux quêtes à l'administration, et toi ?

- Je dois valider ma carte là-bas. Allons-y.

Elles empruntèrent le même couloir que Anh puis tournèrent à gauche dans la salle de l'administration. Une table, de la taille d'un plateau de billard et ornée d'inscriptions digitales d'un vert vif prenait presque toute la place, laissant un étroit passage des quatre côtés. A droite, trois sièges rouges faisaient face à des écrans du même vert que la table. Tout au fond de la salle, dans un angle reculé, se trouvait un digicode à activer en cas de sabotage d'oxygène.

Pendant que Méline validait sa carte, Lana téléchargea les données sur sa tablette. Nerveuse, elle ne cessait de regarder autour d'elle, son regard s'arrêtant à chaque fois sur la trappe de ventilation située dans son dos, d'où pouvait surgir un tout moment un imposteur. 

Une main se posa sur son épaule et elle sursauta vivement. Elle se retourna et poussa un soupir de soulagement en constatant que c'était seulement Méline qui la dévisageait. La jeune fille en jaune désigna la tablette de son amie du menton. 

- T'as fini ? Désolé si j'ai mis du temps, j'ai galéré à passer la carte. 

- Oui... oui, bien sûr, bredouilla son amie, perturbée. Je relis les fils ici et on peut continuer.

Elle dévissa la plaque de métal abritant les fils, connecta rapidement les câbles de couleur les uns aux autres et referma la plaque.
Méline consulta sa tablette et grimaça

- Je dois vider les poubelles dans l'espace de stockage... génial. 

- Moi, je dois reconnecter d'autres fils dans l'espace de stockage. On se retrouve à la porte du couloir de gauche, celui qui mène à la salle de communication ?

Méline acquiesça. Elles sortirent de la salle et se séparèrent.

L'espace de stockage, une vaste salle vaguement rectangulaire, abritait une montagne de caisse en son centre. Quelques bidons rouillés s'alignaient le long d'un mur. Au fond, une plateforme munie d'un levier permettait de vider les poubelles.

Lana répara les fils le plus vite possible, terrifiée à l'idée d'être une cible facile pour un imposteur qui pouvait surgir d'une des trois portes de la salle. Elle cru apercevoir un éclair blanc passer. Elle secoua la tête. Son imagination devait lui jouer des tours. Malgré tout, c'est avec soulagement qu'elle retrouva son amie.

Lana consulta sa liste de tâches.

- Je dois nettoyer le filtre à oxygène dans la salle d'oxygène, tu viens ?

Attends moi, réclama Méline, je dois télécharger des données à la salle de communication et j'ai pas envie de rester seule.

Elles longèrent le couloir et tournèrent à droite pour pénétrer dans la salle. Méline poussa un cri d'horreur. Lana mit quelques secondes à en repérer le cause : un tas de chiffons noirs gisait dans un coin obscur de la pièce, entre deux consoles de contrôle. Lana se précipita à côté et le retourna en priant pour ne pas découvrir ce qu'elle pensait. Le visage blafard d'Anh apparut alors. Un liquide rouge et poisseux lui coula sur les doigts. Du sang. Elle chercha l'origine de cette blessure et parvint à la conclusion suivante : visiblement, Anh avait été poignardée dans le dos à plusieurs reprises. Lana eut un haut le cœur. "Quelle lâcheté !" songea-t-elle, écoeurée. Non seulement tuer quelqu'un, mais en plus dans son dos !

Méline, qui était sortie de sa  stupeur, dit d'une voix tremblante :

- Il faut faire un rapport… Les autres ont peut-être des informations.

Lana hocha la tête et enclencha le bouton "Rapport" sur sa tablette. Aussitôt, les deux jeune filles furent téléportées à la cafétéria pour annoncer leur macabre découverte.