Une sombre vérité
« Loving you was young, and wild, and free
Loving you was cool, and hot, and sweet
Loving you was sunshine, safe and sound
A steady place to let down my defenses
But loving you had consequences »
Consequences - Camilla Cabello
Je n'attendis pas sa réponse pour me remettre sur pied et dévaler l'escalier, le bousculant violemment au passage. À mon grand regret, il me suivit et tenta de me retenir. J'accélérai donc le mouvement, entraînant Alex pour qu'il me conduise à l'appartement de William. Je m'aventurai à jeter un regard au travers de la fenêtre de la voiture et j'eus un haut-le-cœur en apercevant Will sur le perron, abattu, c'est alors que le moteur démarra et que je le perdis de vu.
J'avais passé tant d'années avec lui, je le connaissais par cœur, sans plus vraiment le connaître. Ce que je savais c'est qu'il avait posé une barrière entre nous, une barrière blindée qui m'avait empêché de me souvenir, de lui de nous. Il m'avait abandonnée, menti, trahie, niant connaître la raison de mes rêves, mes visions alors que depuis le début il savait tout.
— Tu te souviens ? demanda timidement mon frère.
— T'étais au courant ?
Comment pouvait-il ne pas l'être ? J'étais dans un tel état de colère qu'il m'était difficile de réfléchir correctement.
— Tout le monde savait Sarah. Tu connais Will depuis presque aussi longtemps que tu me connais moi. Antoine, Noémie, les parents de Will, Kate... seule Julie ne sait rien...
— Attends, tu connais Kate ? Laisse-moi descendre ! Arrête-toi ! Je vais finir à pied !
— Sarah, tu n'es pas consciente de ce que tu fais...
— Ça fait trois années que je n'ai conscience de rien et c'est maintenant que tu t'en soucies ? Trois ans que je ne me souviens pas de mon enfance en me disant que j'étais peut-être juste débile ! Rien, je ne me rappelais quasiment rien depuis cet anniversaire de malheur dont j'ai « rêvé » et sur lequel vous m'avez TOUS menti ! Je me souvenais, mes souvenirs revenaient les uns après les autres, plus douloureux les uns que les autres, et vous ne m'avez rien dit !
J'étais tellement énervée que je tirai sur la portière pour l'ouvrir et pouvoir sortir de cette prison de ferraille sans plus attendre, alors que l'auto avançait de plus en plus vite. Alex essaya de me raisonner, mais n'écoutant rien de ce qu'il me disait, il dut finir par s'arrêter et je sautai de la voiture, courant jusqu'à chez Will le plus rapidement possible.
Une fois là-bas, j'ouvris rapidement la porte avant de me précipiter à l'intérieur. Ma valise se trouvait sous le lit de William... notre lit, je me dépêchai de la sortir et fourrai dans son ventre le plus d'affaires que je pouvais. Une fois prête à partir, je téléphonai à Julie pour lui demander si je pouvais venir chez elle. Même si elle ne comprit pas pourquoi, elle ne broncha pas en remarquant dans ma voix que quelque chose n'allait pas... elle saurait tout bien assez tôt alors que j'avais tout su bien trop tard.
Regardant l'écran de mon téléphone, je remarquai que Will avait essayé de me joindre six fois, six fois en l'espace de dix minutes. J'effaçai immédiatement ses messages et me retins de lancer mon portable à l'autre bout de la pièce. Épuisée par une rage intérieure, je m'assis sur le sol, mon dos calé contre le mur, les mains sur le visage.
Mes parents dont je ne savais quasiment rien me paraissaient dorénavant si familiers... Tous mes souvenirs me revenaient enfin, petit à petit, comme par enchantement. Il n'y avait jamais eu de rêves ou de visions, juste les brides d'une enfance oubliée et une perte dévastatrice, Will, c'est pour ça que j'avais eu si peur pour lui, si peur qu'il meure... simplement peur qu'il ne disparaisse à nouveau.
J'entendis la porte claquer et Will déboula dans le salon, éreinté. Je me redressai et me dépêchai de saisir ma valise tout en me précipitant vers la porte d'entrée. Je me stoppai net devant William qui essayait de me bloquer la route attendant probablement que je dise quelque chose, je l'ignorai et essayai en vain de forcer le passage. Il avait gagné, j'ouvris enfin la bouche sur le point de craquer de nouveau.
— Laisse-moi ! lui criai-je.
Même si la douleur était autant lisible sur son visage que sur le mien je voulais partir loin, très loin, loin de tous ces ennuis qui avaient dirigé ma vie, une vie de trahison et d'oubli qui ne me semblait même plus être la mienne. J'avais peur, j'étais perdue et j'avais mal, tellement mal.
Plusieurs fois d'affilée, je lui demandai de me laisser passer, désespérément, ma voix de moins en moins puissante. Je le poussai encore et encore pour qu'il s'écarte, frappai, de plus en plus loin de la haine, dans une souffrance et une tristesse de plus en plus intense.
Le toucher me faisait mal, le repousser me brûlait chaque fois les mains comme si des flammes les dévoraient, mes yeux étaient aveuglés, noyés.
— Laisse-moi ! le suppliai-je une dernière fois avant de m'effondrer dans ses bras et de le serrer encore et toujours, déversant tous mes sentiments de colère contre lui, sur son T-shirt bientôt souillé par des larmes chaudes et salées.
Mes lèvres se posèrent sur son cou, tremblantes, tandis qu'il m'enlaçait passionnément, comme s'il allait me perdre... une deuxième fois.
— Pourquoi ? Pourquoi, tu m'as abandonnée ? Pourquoi ? J'avais besoin de toi Will, il n'y avait que toi qui aurais pu m'aider ! Il n'y avait que toi, toi et toi !
— Chut, calme-toi, me répondit-il simplement, caressant lentement mes cheveux, son souffle à mon oreille.
— Comment veux-tu que je me calme ! J'en ai marre que tu me répondes ça à chaque fois que j'ai besoin d'une réponse ! Pourquoi t'es parti ? Et pourquoi j'ai perdu la mémoire ? Comment j'ai pu t'oublier ? Pourquoi t'as rien dis ? Tu étais mon meilleur ami Will ! J'avais besoin de toi, murmurai-je.
Son odeur m'enivrait, je n'avais plus le courage de partir, plus le courage de l'écouter. Je voulais juste qu'il me tienne encore, je voulais tout oublier. Il m'avait tellement manqué pendant ces trois années, trois années de solitude durant lesquelles je n'avais même pas pu compter sur moi ne sachant plus qui j'étais.
Pourtant il n'avait pas été là, il m'avait laissée seule pendant la mort de mes parents, m'obligeant à faire le deuil d'une troisième personne et m'empêchant de me souvenir d'eux.
Violemment, je m'échappai de ses bras, comme il l'avait fait, trois ans plus tôt. Je le regardai avec haine, il avait laissé Antoine me détruire en s'éloignant... j'avais laissé Antoine m'atteindre perdue dans le noir.
— Avant toute chose mon ange : tu n'as pas besoin de moi, crois-moi. Tu es la personne la plus forte que je connaisse, même si tu ne le vois pas. Tu as surmonté des épreuves qui auraient détruit le plus courageux d'entre nous. Et toi tu es là, toujours aussi souriante et belle qu'autrefois. Pour ce qui est du reste... même si ça me tue de le dire... c'est toi qui m'as demandé de partir...
— Arrête !
— C'est toi qui m'as oublié, pas moi ! Le rêve que tu m'as raconté, celui où il y avait mon frère. Ce n'était pas un rêve.
Je me bouchai les oreilles ne supportant pas le message qu'il essayait de me faire passer. Il saisit mes mains pour que je l'écoute, je rendis les armes, mais n'osai pas le regarder.
— Ce jour-là, Antoine nous a poussé dans un ravin et tu t'es cognée la tête sur un rocher... Il savait ce qui était en train de se passer entre toi et moi et il ne le supportait pas. C'est moi qu'il visait, mais je t'ai entraînée dans ma chute. T'as raison, tout ce qui est arrivé est de ma faute, pas de la tienne.
— Arrête, je ne veux plus savoir, murmurai-je.
Je me souvenais de la douleur, de ses cris, de son regard terrifié pendant que ma vue se voilait, un liquide rouge et chaud coulant dans mes cheveux. Je revoyais les lumières de l'hôpital, blanches comme le paradis. Je me souvins avoir cru que j'étais morte, puis plus rien. Je me souvins du néant pendant une durée indéfinie et, enfin, de mon retour à la vie, comme si Will n'avait jamais existé, après la mort de mes parents... non pas après ?
— J'ai rien pu faire Sarah ! Ta main glissait, je n'ai pas réussi à la saisir et tu as heurté ce rocher et... Le temps que je descende, tu avais perdu connaissance et j'ignorais si je pouvais te bouger sans aggraver les choses. J'ai voulu te rattraper, je te le jure, je voulais pas te lâcher, j'aurais voulu tout arrêter, échanger nos places, mais... je n'ai rien pu faire. Il n'y avait que toi, moi, Antoine, mon frère et le tien : un groupe de gamins. J'étais perdu... on n'avait pas les clefs de la voiture et même si on les avait eues celle-ci se trouvait à des kilomètres et je ne savais pas si tu tiendrais jusque-là. Les parents avaient insisté pour qu'on laisse nos portables dans la bagnole pour nous éviter de rester dessus toute l'après-midi, on était perdu au milieu de nulle part et tu perdais tout ton sang. J'ai fini par réussir à te remonter, mais j'étais terrifié, j'avais peur que le déplacement ne finisse de te tuer.
Le William Lewis serein et sûr de lui que je connaissais si bien avait complètement disparu, enveloppé dans un manteau d'angoisse, de panique et d'anxiété. Les yeux dans le vide, il tremblait, se repassant la cassette des événements en boucle dans la tête, si bien que j'arrivais presque à en voir les images défiler dans le lagon de ses yeux, des images perdues dans une immensité bleue. Je me voyais tomber dans son regard, tomber dans une longue chute douloureuse sans qu'il ne puisse me retenir, instinctivement je passai ma main dans mes cheveux, comme pour calmer une douleur lointaine.
— Antoine est allé chercher nos frères. Le tien est immédiatement parti à la recherche de tes parents. Je l'avais jamais vu courir aussi vite... Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé, j'ai eu l'impression de passer des heures à te tenir contre moi, à te sentir mourir sans pouvoir l'empêcher. Personne n'a jamais su ce qui s'était vraiment passé, ce n'est pas toi qui aurais dû être dans cet état et je m'en voulais énormément pour ça. On a fait croire à un accident : moi n'ayant pas la force d'admettre que mon égoïsme avait failli te tuer, l'autre préférant éviter tout conflit avec ta famille pour mieux te récupérer après.
— Moi j'étais au courant, alors pourquoi m'as-tu fait croire à un rêve ?
Il s'arrêta un instant comme troublé par ma question. Il détourna le regard et continua son histoire sans prendre le temps de me répondre. Soit ce mensonge n'avait pas d'importance à ses yeux, soit ma question le gênait d'une certaine façon.
— Quand on est arrivé à l'hôpital, ton état était critique. Ils t'ont fait entrer d'urgence. J'avais l'impression que tout était en train de s'effondrer. Ta mère n'arrêtait pas de pleurer dans les bras de ton père et je me sentais tellement mal, tellement coupable... On t'a vu t'éloigner sur une civière sans même savoir si on te reverrait un jour. T'as mis des jours et des jours avant de reprendre connaissance. Et, même si les médecins étaient confiants, j'avais tellement peur que tu meures, j'étais terrifié à l'idée de te perdre, ça me rongeait de l'intérieur... J'ai patienté longtemps à ton chevet, je te le promets sur tout ce que j'ai, mais ma mère me suppliait de rentrer en Angleterre. Je ne pouvais pas partir, je n'aurais jamais dû partir, mais les cours avaient repris et ils m'ont fait la promesse de me laisser prendre le premier avion si tu te réveillais... je ne supportais plus de te voir comme ça.
Sa voix se brisa sur ses derniers mots. Comme si la douleur qu'il avait ressentie réapparaissait au fil du récit, comme si ses anciennes cicatrices se réveillaient.
Je me souvenais de sa voix dans le noir, mais cette voix me faisait mal, j'avais mal de cette absence qui m'avait tant pesé sans même le savoir.
Pendant trois ans j'avais cru perdre les deux personnes les plus chères à mon cœur, aujourd'hui je me rendais compte que j'en avais perdu trois, les trois piliers de ma vie, mes trois raisons de vivre. À une différence près : mes parents m'avaient été arrachés, Will était parti sans se retourner. Il avait souffert lui aussi, autant que moi, il avait passé des semaines, des années, avec l'idée d'avoir failli me tuer, sans pouvoir changer quoi que ce soit.
Mais la seule chose qui me revenait été qu'il m'avait abandonnée.
— Tu veux savoir ce qui me fait le plus mal Will ? Ce n'était pas de ta faute, tu n'as rien pu faire et je le sais. Je ne veux pas que tu culpabilises pour ça, plus jamais.
Il attendait la suite patiemment, s'attendant au pire comme au meilleur.
— Ce qui fait mal c'est de me dire que je suis tombée dans le coma en vous laissant tous les trois dans la salle d'attente et que quand je me suis réveillée vous aviez tous disparu. Tu m'as laissé dans un lit d'hôpital sans souvenirs, sans toi et tu n'es jamais revenu.
Pour simple réponse il baissa les yeux, m'empêchant de voir l'émotion qu'il ressentait. De la colère ? Calmement, il recula et cala son dos contre le mur, ferma les yeux, bras croisés, afin de se contenir. Après avoir soufflé un bon coup il ouvrit les yeux et me fixa, faussement indifférent.
— Il y a encore quelque chose que je ne t'ai pas dit Sarah.
— Alors, dis-moi, répondis-je simplement, d'une voix sans vie.
— Je... c'est compliqué.
Il soupira, se passant la main dans les cheveux, cherchant des réponses que je ne pouvais certainement pas lui donner.
— Avant que je rentre en Angleterre, il s'est passé pas mal de choses, c'est aussi pour ça que j'ai dû partir... On t'a menti sur tout...
— Je sais.
— Mais là c'est différent. Je... tes parents ne sont pas vraiment morts dans un accident de voiture... enfin si, mais pas de la façon dont tu le crois...
Une voix se mit à hurler dans ma tête, m'ordonnant de ne pas l'écouter et de m'éloigner le plus loin possible. De toutes mes forces, je m'empêchai de l'interrompre. Refoulant toute la haine et la douleur qui ne demandaient qu'à être libérées.
— Ils ont été tués à ta sortie du coma, quand tu étais instable. Tu n'as jamais vu de flash info parlant de leur mort à la télé parce qu'il n'y en a pas eu. La police a d'abord étouffé toute l'affaire puis a déduit qu'il s'agissait d'un accident. Je sais que ça n'en était pas un et je suis en quelque sorte le seul témoin qu'il reste.
Je secouai la tête pour montrer mon désaccord, je n'arrivais pas à le croire, je ne voulais pas le croire malgré ma confiance en lui. Ses paroles s'embrouillaient dans ma tête, de plus en plus incompréhensible. Il mentait !
— Tes parents sont rentrés dans un mur afin d'éviter un obstacle, un animal d'après la police. Leur voiture a pris feu et ils n'ont pas réussi à sortir avant que les flammes n'atteignent le réservoir d'essence, assommés par l'impact, le temps que les secours arrivent il était trop tard. On a tous cru à un accident, mais je sais que c'était faux.
— Et comment tu peux le savoir ! éclatai-je.
— Je... écoute, Antoine t'a manipulée, il voulait m'évincer du paysage. Il t'a raconté que j'avais tué tes parents. Ta mémoire était instable et tu ne te souvenais que vaguement de moi, il t'a dit que si tu reconnaissais mon visage c'était à cause de ce que j'avais fait. Quand je suis revenu te voir à l'hôpital, peu après la mort de tes parents, tu m'as hurlé dessus, tu es devenue complètement hystérique... je t'ai laissé m'insulter pendant je ne sais combien de temps, tu voulais que je parte, tu me détestais. Je n'ai pas su quoi faire, je suis désolé. Tu étais littéralement détruite, ce n'était plus toi qui étais en face de moi, tu n'étais plus que le pantin d'Antoine. Il avait également mis ta tante dans sa poche : on ne s'est jamais trop apprécié et elle était obsédée par l'autre crétin, du coup il a facilement réussi à la convaincre que je ne ferais que te rappeler tes parents, qu'il valait mieux pour toi que je fasse partie du passé. J'ai été obligé de partir... mais avant, même si tu ne voulais plus entendre parler de moi, je suis allé voir les médecins pour savoir comment se déroulait ta guérison. Ils m'ont dit que tu avais encore des troubles de la mémoire, que ton état n'était pas stable et que si des souvenirs allaient revenir, tu oublierais sûrement ton passage à l'hôpital. C'est aussi pour ça que je suis parti, pour que tu puisses oublier tout ça, tout ce qu'il t'avait mis dans la tête, pour que tu puisses repartir sur de bonnes bases et avec un peu de chance pour que tu puisses enfin te souvenir de la vérité, de tes parents et de ce qu'on était. Ça a été horrible d'accepter l'idée que tu m'aies oublié, je ne pouvais pas croire que tu me prennes pour l'assassin de tes parents. Je les aimais Sarah, et je t'aimais toi aussi.
Une partie de moi voulait le rejoindre, le serrer contre moi, oublier tout ce qui venait de se passer, effacer sa douleur en même temps que la mienne, empêcher d'autres larmes de couler. L'autre partie m'ordonnait de partir, de m'éloigner, de ne pas me retourner. Je finis quand même par m'avancer vers lui, ce fut lui qui recula d'un pas.
— Laisse-moi finir, s'il te plait, murmura-t-il. À cette époque, mon frère était encore vivant, peu de temps avant que je rentre en Angleterre. Une fin d'après-midi, il m'a avoué que la mort de tes parents n'était pas accidentelle. Ils revenaient de l'hôpital quand c'est arrivé. Ils seraient passés par un chemin un peu isolé, sur la route en bordure de la forêt qui longe la plage. Antoine connaissait parfaitement ta famille, ils savaient que tes parents passeraient par là, il avait tout planifié. Il les a attendus deux bonnes heures, assis, le regard fixé sur le mur de la maison abandonnée : celle près de la plage.
Après une courte pause, il leva les yeux pour accrocher mon regard dans lequel baignaient le doute, la colère, la tristesse, la peur et l'amour, puis il continua son récit, calmement.
— Lorsque tes parents sont arrivés, Antoine s'est posté, au dernier moment, au milieu de la route. Surpris, ils ont voulu l'éviter, mais ils n'ont pas pu rater la façade de la maison. Antoine a couru jusqu'à leur voiture accidentée. Tes parents étaient inconscients quand il a mis le feu à leur voiture.
Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi il essayait de me faire souffrir, comment il avait osé baratiner tout ça, alors qu'apparemment il n'avait aucune preuve. J'attendais donc qu'il s'explique, ne pouvant pas croire, malgré tout, qu'il ait tout inventé.
— Si je sais tout ça, c'est parce que mon frère était là. Il était toujours fourré avec Antoine, mais ce jour-là il ne savait pas que les choses allaient si mal tourner. C'est lui qui a appelé les secours, mais il a également, et secrètement, filmé toute la scène. Il m'a montré l'enregistrement. Je lui ai tout de suite ordonné d'aller faire une déposition chez les flics. Antoine aurait dû crever en prison. Mais, je ne savais pas que je voyais Andrew pour la dernière fois. Il m'a laissé pour se rendre au commissariat. Quelques heures plus tard, les gendarmes étaient à notre porte pour nous annoncer qu'il s'était tiré une balle dans la tête. Tout ce qu'ils ont retrouvé autour de lui, en plus du flingue, c'est un smartphone explosé. Je savais qu'il tenait à Antoine comme à un frère, mais pas au point de se suicider pour le laisser vivre tranquillement sa vie...
Il secoua la tête, comme s'il ne comprenait toujours pas ce qu'il s'était vraiment passé pour lui, moi, Antoine et surtout son frère. Pour moi, tout commençait à devenir plus clair.
— Pourquoi tu ne l'as pas dénoncé ? Pourquoi tu m'as laissée seule avec lui ? hurlai-je.
— Je n'avais aucune preuve Sarah, et tout le monde savait que je le haïssais, la police avait conclu à un suicide. Tu voulais que je fasse quoi ? Que je le tue ? À quoi ça t'aurait servi ?
— T'aurais dû l'empêcher de détruire ma vie. Si ce que tu viens de dire est vrai, t'aurais dû revenir plus tôt ! Avant qu'il me tabasse, avant qu'il essaye de me violer, avant qu'il m'empêche de vivre !
— C'est toi qui m'as demandé de me casser ! s'énerva-t-il. Tu n'en avais plus rien à faire de moi, tu ne savais même plus mon nom !
— T'aurais dû persister, pleurai-je, c'est toi qui aurais dû être là à la mort de mes parents. Parce que si je n'arrive pas à croire qu'Antoine ait fait tout ça, c'est parce qu'il m'a aidé la première année de leur disparition... même s'il est devenu un monstre, un connard, même s'il m'a fait souffrir et que je le déteste : il m'a aidé. Il a passé des soirées chez Noémie à m'écouter pleurer pendant des heures et des heures. Il a fait du mieux qu'il pouvait à cette époque... pour « être lui » le moins possible. Alors non, je n'arrive pas à croire qu'il ait pu faire une chose pareille, même si je le déteste ! Prouve-le-moi !
William me regardait bouche bée. À la fois stupéfait et irrité.
— Mais je ne peux pas Sarah ! Mon frère est mort à cause de ça ! Tu crois que ça me fait plaisir ? Ouvre les yeux, si ce n'est pas lui qui ça peut être ?
— C'était un accident ! insistai-je.
William se retourna et fit valser le cadre photo qui se trouvait derrière lui. Le verre se brisa au sol, en mille morceaux, laissant tomber une photo de lui et moi. Surprise par son geste, j'esquissai un mouvement de recul qu'il interpréta comme de la peur.
— Quand vas-tu comprendre que je ne suis pas Antoine ? Est-ce que tu crois vraiment que je lèverai un jour la main sur toi Sarah ? Tu te souviens au moins assez de ton passé pour savoir que jamais ça n'arrivera !
— Mais bien sûr que je le sais Will ! Malheureusement ce que je sais également c'est que tu détestes Antoine encore plus que je ne le déteste moi.
— Tu n'as pas confiance en moi ? me demanda-t-il froidement. Je suis revenu pour toi Sarah ! Arrête de croire que je t'ai abandonnée, je t'aime et tu le sais. On dirait que tu essayes de te persuader de je ne sais quoi !
Je ne répondis pas, perdue dans mes pensées. Pendant quelques secondes, je vis de l'incompréhension se dessiner dans ses yeux de la colère aussi, puis ceux-ci s'inondèrent de larmes. Il avait toujours essayé de me cacher sa tristesse, et pour la première fois depuis des années je le vis s'effondrer devant moi. Pourtant, malgré tout l'amour qui m'enveloppait, menaçant de renverser toute la foule de sentiments qui se bousculaient dans mon cœur, je ne bougeai pas. J'étais paralysée.
— J'aurais mieux fait de crever en Angleterre, lâcha-t-il à la fois haineux, accablé, détruit, la voix tremblante et recouverte par ses larmes.
Ce fut la phrase de trop. Alors que les questions fusaient dans mon esprit je m'avançai de quelques pas, la colère et l'amour se faisant la guerre, ce fut la colère qui gagna ce combat lorsque ma main partit s'écraser sur sa joue. En un mouvement, toute cette colère fut vidée, mais lorsque je compris que je venais de le gifler je me mis à me détester.
Comment avais-je pu lui faire une chose pareille ?
Will me regarda, sans rien dire, il n'avait pas bougé d'un millimètre, mais intérieurement il bouillonnait.
— Will je...
— Ne t'inquiète pas, j'ai compris. Il a gagné et il n'y a rien à ajouter. Tu peux partir, lâcha-t-il glacial.
Je m'approchai une dernière fois de lui, mais devant son mouvement de recul c'est ma valise que je saisis avant de m'enfuir en courant.
Je ne sais pas quelle partie du mobilier fut détruite par la main de Will ce soir-là, mais vu le fracas que j'entendis une fois à l'extérieur je ne pouvais imaginer qu'une chose : si un jour je revenais, l'appartement devrait être entièrement redécoré. Perdue dans ces pensées incongrues, je frappai chez Julie. À la minute où la porte s'ouvrit, je me rendis vraiment compte de ce qui venait de se passer, c'est alors que je m'effondrai sur le perron de ma meilleure amie, une douleur insupportable dans la poitrine comme si l'on venait de m'arracher le cœur.
********************
Je vous laisse monter dans mes montagnes russes,
Avec tout mon amour,
Lily <3
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