Toutes les histoires ont une fin
« You do shit on purpose
You get mad and you break things
Feel bad, try to fix things, but you're perfect
Poorly wired circuit
And got hands like an ocean
Push you out, pull you back in. »
Issues - Julia Michaels
Julie me soutint jusqu'à son salon et m'aida à m'asseoir sur son canapé. Elle attendit patiemment à côté de moi, sans dire un mot. Les minutes s'écoulèrent sans que ne je puisse bouger, infiniment longues. Au fil du tic tac de l'horloge du salon de Julie, de plus en plus assourdissant, je prenais conscience de ce que je venais de faire.
Et si Will n'avait pas menti ? Pourquoi aurait-il menti ? Pourquoi...
— Sarah ?
Il n'avait aucune raison de faire ça, sauf s'il ne tenait pas à moi... et si c'était ça ? Non, impossible. Mais alors pourquoi ?
Peut-être que, troublé par ce que je lui avais balancé à la figure quelques années plus tôt, il s'était imaginé cette histoire... pour noyer la douleur ?
C'est de ma faute, quelle conne j'avais été. Maintenant, il ne restait de notre histoire qu'un souvenir brûlé et de notre amour que du verre brisé...
— Sarah ? Tu m'entends ?
J'avais tout gâché, sans exception, et je ne pourrais plus jamais le regarder en face désormais.
Mais Antoine n'aurait jamais pu faire une chose pareille, c'était impossible, un crétin, voilà ce qu'il était, un type violent et irréfléchi, mais pas un meurtrier.
Will, pourquoi ? Et si tu avais raison, si Antoine avait gagné ? Qu'est-ce que ça signifiait ? Que je n'étais qu'un pion que s'échangeaient violemment Antoine et William ? Et si leur haine les avait menés tous les deux à des extrêmes incontrôlables ? Will était parti, même s'il disait le contraire il avait choisi de m'oublier, Antoine m'avait salie, noyée, humiliée, détruite... Will m'avait anéantie... Tous m'avaient menti, au fond je n'avais plus que Julie. C'était finalement la seule personne en qui je pouvais avoir confiance. La seule qui ait toujours été honnête avec moi.
« C'est bien la seule », pensai-je.
Kate s'était elle aussi bien foutue de ma gueule à jouer les inconnues, avec ses histoires à la con... depuis le début tout ce qu'elle voulait c'était le champ libre pour se taper William, et ça sonnait d'autant plus vrai que je me souvenais maintenant parfaitement de comment elle l'avait toujours regardé.
J'étais restée trois ans dans un semi-coma pendant que Will passait du bon temps avec Mademoiselle England, trois ans où j'avais souffert dans le noir sans lui pendant qu'il avait profité de mon absence pour s'amuser... tu parles d'amour.
Je me giflai mentalement. Comment pouvais-je penser ça ? C'est moi qui l'avais fait fuir, ça avait dû être horrible pour lui, tout était de ma faute.
Julie me sortit de mes songes en secouant frénétiquement mon épaule. Alors je tournai doucement la tête dans sa direction pour la regarder. Maintenant, elle avait l'air vraiment inquiète, si elle avait réussi à garder son calme depuis mon arrivée ce n'était plus le cas.
— Je peux dormir chez toi, demandai-je doucement.
Pour toute réponse, elle hocha la tête avant de me prendre dans ses bras. Puis je sentis des larmes chaudes sur mon T-shirt. Pourtant mes yeux restaient secs, sans vie... plus rien n'avait d'importance désormais... sans lui. Ces larmes n'étaient pas les miennes, mais celles de ma meilleure amie. Julie se redressa et prit mon visage entre ses mains.
— Je t'en supplie, dis-moi ce qui se passe, j'en peux plus de te voir comme ça !
Ma bouche resta fermée, aucun son n'en sortit. Julie avait besoin de savoir et j'avais besoin de parler, mais si je disais mes pensées à haute voix, elles risquaient de me paraître beaucoup plus concrètes.
Je n'arrivais toujours pas à avaler ce qui venait de se passer, j'avais l'impression d'être une autre personne, d'avoir volé les souvenirs de quelqu'un, ces souvenirs qui ne pouvaient être les miens, ceux de l'ancienne moi, de mon ancienne vie.
J'avais blessé la personne qui avait le plus compté pour moi pendant des années, elle avait fui pour mieux accepter ce que j'avais fait, voilà tout ce que je savais. Tout était terminé.
— Tu avais l'air d'aller bien, tu avais enfin commencé une nouvelle vie. Je ne t'avais jamais vue aussi heureuse. Pendant une seconde, j'ai réussi à me dire que tu pourrais enfin avoir une vie normale, que le drame était terminé. J'ai plus envie de te voir te détruire, tu dois me dire ce qui s'est passé Sarah. Je suis là, c'est moi, tu peux tout me dire.
— Je connaissais William, réussis-je enfin à articuler. Je le connaissais depuis des années et je l'ai oublié. J'ai détruit tout ce qu'on avait.
Julie me fixa incrédule, s'attendant à ce que je continue, mais comme je ne disais rien elle chuchota.
— Je ne comprends rien, ça n'a pas de sens...
— J'étais amnésique.
Alors je commençai mon récit, je lui racontai mon enfance, lui parlai de mes parents comme je ne l'avais jamais fait auparavant, comme si j'apprenais à me connaître au fil de mon récit.
Julie ne m'interrompit pas une fois, écoutant en silence mon histoire de petite fille, l'histoire de Will, notre histoire. Toutes ces années de bonheur où j'attendais les vacances pour pouvoir jouer avec mon meilleur ami, les étés à la plage, les hivers en Angleterre, les anniversaires et les Noëls, tous ces moments qui nous liaient à jamais, tous ces moments que j'avais oubliés.
Je lui parlai de maman, de sa douceur, des chansons qu'elle me chantait pour m'endormir, des disputes et des gâteaux au chocolat, de son parfum et de ses habitudes.
Je lui parlai de papa, de son sourire qui ressemblait tant à celui d'Alex, des matches de foot sans règles dans le jardin et du pop-corn devant la télé.
De Will et la tête boudeuse qu'il prenait quand sa mère lui reprochait quelque chose pour mieux la mener par le bout du nez, du fou rire que je m'étais pris quand il s'était coupé les cheveux tout seul à l'âge de sept ans et que sa mère avait été obligée de tout tailler pour corriger le massacre.
De son frère avec qui j'avais tant rigolé plus jeune et de la crise de jalousie que William avait faite à dix ans parce que j'étais allée à la plage avec Andrew pendant qu'il faisait la sieste.
Tous ces détails que je n'aurais jamais pu imaginer et qui me revenaient en mémoire tel un film.
Puis je lui parlai de l'anniversaire de mes quatorze ans, celui où tout avait basculé, je lui expliquai comment le conflit perpétuel entre Will et Antoine avait tout détruit, ma chute, l'hôpital, le départ de William. La mort de mes parents qui selon lui n'avait rien d'accidentel, notre dispute.
— Il m'a abandonnée, affirmai-je pour la vingtième fois, il m'a abandonnée parce que je l'ai blessé.
Je baissai la tête, honteuse. Maintenant que tout était sorti et que ma haine et ma tristesse avaient disparu, je ne ressentais plus que de la mélancolie et de l'amour.
Will et moi c'était fini, jamais il ne voudrait me revoir. Comme pour répondre à mes pensées, mon téléphone vibra et un texto s'afficha à l'écran : « J'ai pris un billet de train, je rentre en Angleterre dans deux jours. Je pensais que tu voudrais le savoir ». Il n'avait pas besoin d'expliquer qu'il ne reviendrait pas. Il n'avait pas besoin de préciser que tout était terminé.
Julie se pencha au-dessus de mon épaule avant que je ne puisse cacher le message. Elle soupira.
— Ne le laisse pas partir Sarah.
Ne le laisse pas partir, mais si c'est ce qu'il voulait ?
— Selon toi, qui est le plus digne de confiance : Antoine ou William ?
*
* *
Je regardai mon portable pour voir l'heure : trois heures du matin et je n'avais pas fermé l'œil. Julie avait sûrement raison, William m'avait dit la vérité, il avait tout fait pour me protéger. Mais une partie de moi n'arrivait toujours pas à le croire. « Je rentre en Angleterre », ces mots bruissaient en boucle dans ma tête, ils claquaient comme un coup de fouet s'abattant sur mon dos, de plus en plus fort. Alors je sautai du lit de Julie endormie à côté de moi, et enfilai rapidement mes vêtements.
Je ne pouvais pas le laisser partir ! Comment aurais-je pu le laisser partir sans lui parler une dernière fois ?
Julie me retint par le poignet. Je ne l'avais même pas entendu se lever.
— Tu iras demain matin, il est tard.
— Tu ne comprends pas, soupirai-je.
— C'est vrai, je n'ai jamais vécu ce que tu traverses en ce moment, mais ça ne veut pas dire que je ne tiens pas à toi. Vu tout ce qui t'est arrivé, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de faire une excursion à trois heures du matin. Et puis t'as besoin de te reposer. William sera encore là demain. Laisse-le tranquille ce soir. Je suis sûre qu'il a besoin de réfléchir lui aussi.
— T'as sûrement raison, acquiesçai-je.
Je pris à peine le temps de retirer mon jean avant de me reglisser sous la couette. La chaleur des draps me réconforta, en revanche elle n'arriva pas à remettre de l'ordre dans ma tête en vrac.
— Julie...
— Oui ? demanda-t-elle en me rejoignant rapidement.
— Tout mon monde est en train de s'écrouler de nouveau.
— Ton monde ne fait que commencer, m'affirma-t-elle souriante.
— Et si Will avait raison, si Antoine avait vraiment tué mes parents ?
Ma voix tremblait comme elle ne l'avait jamais fait. Si Antoine avait commis cette abomination, il devrait payer, et cette fois je ne le laisserai pas s'échapper. Mais s'il les avait tués... qu'est-ce qui le retiendrait de recommencer ?
— J'ai un mauvais pressentiment.
Julie s'était endormie, je ne pouvais pas lui en vouloir : elle devait être épuisée.
Sa poitrine se soulevait lentement au rythme de sa respiration, calme. Trop calme, cette nuit était trop calme, comme si quelque chose se tramait.
S'il arrivait quelque chose de plus je ne me le pardonnerais jamais. Mes vieilles craintes ressurgirent d'un coup. Alors je composai le numéro de William, en inconnu, juste pour entendre sa voix. Son portable était éteint et je tombai sur sa messagerie, sa voix résonna à mon oreille, mélodieuse, comme si rien ne s'était passé.
« Je t'aime », murmurai-je. Mais le temps d'enregistrement du message était écoulé et ces mots il ne les entendrait jamais.
******************
Les familles de cœurs sont souvent plus fortes que celles de sang, parfois les deux se mêlent. N'oubliez jamais : le vrai amour ne s'impose pas, il se ressent, il se choisit.
Avec tout mon coeur,
Lily <3
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