Les répercussions de la haine

Aux âmes sensibles : attention aux avertissements au cours de ce chapitre. Si vous craignez la violence je vous conseille de passer votre chemin.

« As a child, you would wait
And watch from far away.

But you always knew that you'll be
The one that work while they all play.

And you, you lay, awake at night and scheme
Of all the things you that would change,
But it was just a dream ! »

Warriors - 2WEI feat. Edda Hayes

William Lewis.

           Je sentais encore la chaleur de sa main sur ma joue, je sentais encore la colère qui m'avait subjugué, indomptable. Mais bizarrement quand elle a saisi sa valise, quand elle a claqué cette maudite porte, j'ai cru que j'allais mourir.

Incapable de contrôler ma rage et ma peine, j'avais massacré tout ce qui se trouvait sur mon chemin pour calmer mes nerfs. Le regard perdu dans le vide j'observais la vaisselle brisée, les meubles fracassés sans rien ressentir.

Je restai dos au mur pendant une heure, puis deux, le temps passa sans que je ne m'en rende compte et la nuit finit par tomber.

Me barrer, voilà ce que je voulais, je ne voyais même plus ce que j'étais venu faire en France. Tout ça, c'était des conneries, c'était du passé et je ne sais pas ce que j'avais espéré. Qu'elle comprenne ? Je connaissais assez Sarah pour savoir qu'elle n'en ferait qu'à sa tête, mais là ?

La soirée s'écoula sans que je ne puisse l'empêcher, j'achetai un billet de train sur un coup de tête et commençai à accepter l'idée de rentrer, assis face à un cadre complètement éclaté. Je pris ma tête entre mes mains laissant la souffrance m'envahir.

Je décidai finalement de prévenir Sarah de mon futur départ, et je me demande encore pourquoi je l'ai fait. Tout ce que je sais c'est qu'elle ne m'a pas répondu et que mon portable s'est retrouvé explosé en mille morceaux à l'autre bout de la pièce. Après ça, je me suis senti serein, comme si rien de pire ne pouvait désormais arriver. Alors lentement j'arrêtai de lutter et finis par sombrer, complètement épuisé.

            Le lendemain, rien n'avait changé, la noirceur de la nuit avait simplement laissé place au soleil de l'aurore. Je me rendis alors compte que je m'étais endormi contre le mur, par terre, dans le salon.

Les conséquences désagréables de la dureté du sol commençaient à se faire sentir. Sans réfléchir à ce que je faisais, tel un automate, je me levai pour me faire un café. La boisson me fit un bien fou et effaça une partie de la fatigue qui ne cessait de m'enfoncer. C'est là que le téléphone fixe de l'appart sonna.

            Je me dirigeai avec une infinie lenteur vers le combiné avec l'envie d'envoyer bouler sans réfléchir la personne qui serait de l'autre côté de l'appareil. J'essayai de me calmer en reconnaissant la voix de Katty. Elle parlait vite et sans articuler, me donnant mal au crâne, m'obligeant à me concentrer pour la comprendre.

Elle se faisait du souci pour moi à cause de notre départ précipité. Ce qui d'habitude m'aurait touché m'agaça encore un peu plus : je n'avais vraiment pas envie de penser à tout le bordel de la veille, je n'avais pas envie qu'elle s'en mêle.

— Je ne vois pas pourquoi tu t'inquiètes Kate, on est plus ensemble, lui rappelai-je froidement dans ma langue natale, on ne l'a jamais vraiment été...

— Je ne vois pas le rapport, écoute...

— Non, toi écoute ! Je n'en ai jamais rien eu à faire de toi, alors arrête de t'accrocher pour rien !

            Je n'aurais jamais du dire ça, me venger sur elle, et je le savais. Et je savais que mes paroles étaient fausses. Je tenais à Katty, profondément, pas de la manière dont elle l'aurait souhaité, mais je tenais à elle. Et sans elle, je n'aurais pas survécu à l'absence de Sarah. Mais je réagissais instinctivement, sans réfléchir. Je n'étais plus capable de réfléchir. J'avais besoin de me justifier, sans même savoir pourquoi.

Je crois que je me sentais coupable, tellement coupable de ce que j'avais pu faire avec elle à une époque, et les paroles de Sarah martelant ma tête me donnaient envie de vomir.

— Stop ! C'est toi qui vas m'écouter Will, tu vas te calmer : tout de suite. Je te connais d'accord, je sais très bien ce que tu essayes de faire et tu peux bien vider tes nerfs sur moi autant que tu veux : ça ne changera rien. Arrête de faire celui qui n'en a rien à foutre ! Ça ne marche pas ! Tu n'as pas envie de parler ? Très bien, ne parle pas, mais agis. Je te préviens, je refuse de te retrouver dans le même état qu'il y a trois ans. Tu te comportes comme un gamin !

— Je ne te permets pas de...

— Maintenant que tu as tout avoué à Sarah... enfin vue ton humeur exécrable je suppose que tu l'as fait, me coupa-t-elle, le plus dur est fait alors arrête de reculer, tu m'as comprise ?

— Tu te prends pour ma mère ? demandai-je agacé. Tu ne sais rien de ce qui s'est passé, tu connais à peine Sarah ! Elle a toujours été un obstacle pour toi. Alors, arrête de faire comme si tu t'en souciais !

           Pourtant je savais qu'elle avait raison. Mais sa façon de parler m'irritait sans parler de cette fichue manière de faire comme si tout était simple...

— On ne parle pas de toi et moi William ! Oui, je l'avoue : je tiens énormément à toi. Mais je n'ai jamais douté de ce que tu ressentais pour elle, et crois moi j'aurais fait tout ce qui était en mon pouvoir pour que tu la retrouves. Je sais qu'elle a besoin de toi, tu m'entends ? Pour une fois, écoute-moi, je sais que t'essayes de te planquer derrière des excuses minables afin de te persuader que j'ai tort. Mais je te le répète, tu fais une connerie. Alors, arrête de faire ta tête de mule ! Oublie tes plans foireux et va la retrouver, tout de suite !

           Je ne répondis rien, mais les paroles de Katty ne me laissèrent pas indifférent pour autant, même si j'eus une irrésistible envie de détruire ce satané téléphone pour ne plus rien entendre.

— La laisse pas tomber, OK ? soupira-t-elle.

           Mais je ne l'écoutais plus et gardais le regard fixé sur le bas de la porte d'entrée où gisait une lettre.

— Will, tu es là ? William ?

           Bizarrement, ce morceau de papier ne m'inspirait rien de bon...

— Tu le fais exprès, s'écria Katty de l'autre côté de l'appareil. T'es vraiment con des fois ! Tu le sais ça ?

— Je dois te laisser, répondis-je machinalement, je te rappelle plus tard, OK ? Désolé pour tout à l'heure je ne pensais pas ce que je disais.

— Je le sais, ne fais pas de bêtise, hein ?

— À plus, dis-je seulement avant de raccrocher.

            Je reposai le téléphone à sa place habituelle et me dirigeai vers l'entrée pour saisir la missive. Je restai un instant accroupi le papier dans les mains, sans oser le déplier.

Je ne sais pas pourquoi j'attendais, mais je n'osais pas bouger comme si cette idiotie de lettre représentait une menace. Puis tout à coup, je me sentis si stupide d'attendre bêtement que je m'attelai à la lire.

Il s'avérait que j'avais raison de m'inquiéter...

*

*          *

*** Avertissement violence ***

Sarah Cartier.

           Pourquoi tout est noir ? Pourquoi suis-je si confuse ? Est-ce que cette fois tout est vraiment terminé ? Je suis morte ? Mes membres ne répondaient plus. « Je veux bouger », criai-je intérieurement. Mais rien n'y fit. Je me trouvais dans le noir total sans arriver à revenir à la réalité.

           Ma tête, pourquoi cette douleur ? Je m'imaginais flottant sur un fleuve, la fraicheur de l'eau calmant ma douleur, cette douleur stridente émanant du sommet de mon crâne. Est-ce ça l'au-delà, existe-t-il vraiment ? Les flots me portèrent un peu plus loin, j'écoutai calmement la musique du courant avant d'atterrir sur une rive.

Le sol était dur comme de la pierre, dur comme du béton, pourtant je sentais encore l'eau sur mon visage.

— Réveille-toi, m'ordonna une voix lointaine.

          Je sentis alors des lèvres se déposer sur les miennes. Will ? Non, il ne s'agissait pas de lui, le baiser était trop brutal.

— Tu te souviens du plan Jason ? Si tout se déroule comme prévu tu gagneras ton fric.

— T'inquiète pas mec, je te suis !

           Mais dans quel foutoir étais-je encore tombée ? Je retrouvai doucement l'usage de mes membres et tentai de soulever mon bras pour toucher le sommet de ma tête. Mes cheveux collaient, alors je me forçai à ouvrir les yeux afin de regarder mes doigts, rouges, ils étaient rouge sang. J'avais dû recevoir un sacré coup !

Je jetai alors un œil autour de moi, toujours allongée, et je vis deux personnes de dos qui discutaient avidement. La première était Antoine, je le reconnus aussitôt, l'autre ne pouvait être que Jason, le meilleur ami d'Antoine.

Il me restait deux choses à comprendre : qu'est-ce qu'il s'était passé, et surtout qu'est-ce que je foutais là ?

« Souviens-toi », pensai-je.

Je me rappelais m'être disputé avec Will et... c'est alors que tout me revint : ma nuit chez Julie, mon départ de chez elle, j'avais voulu rattraper Will et Antoine m'était tombé dessus.

Je me mis instantanément à paniquer, tout en essayant de retenir ma respiration qui s'accélérait pour ne pas me faire remarquer. Il ne fallait surtout pas que je les alarme, il fallait que je m'enfuie au plus vite.

           Je me redressai sur mes jambes encore flageolantes et commençai à avancer, un pied devant l'autre, le plus silencieusement possible. Malheureusement, le tournis me fit trébucher.

— Antoine, ton otage est en train de se carapater, signala Jason derrière moi.

           Il ne me restait alors qu'une chose à faire. Je ne pouvais pas courir plus vite qu'eux dans cet état, crier à l'aide dans un coin aussi paumé ne servait absolument à rien et je ne devais entraîner personne d'autre dans cette tornade infernale.

Sentant le courage que me donnait la bague de William pendant sur sa chaîne, autour de mon cou, je me préparai à affronter mon destin la tête haute.

            Antoine frôla doucement mon dos et tout mon corps se hérissa à ce contact. Il essaya de me relever, mais je le repoussai violemment afin de me remettre debout toute seule.

— De la résistance, j'aime ça, scanda Antoine. Le spectacle promet d'être amusant.

          J'étais encore sonnée à cause du coup que j'avais reçu sur la tête et mes jambes vacillèrent sous l'effet de mon poids. En un instant, je retrouvai le contact de ce cher goudron qui m'égratigna fortement les jambes.

Je croyais rêver, ça faisait des mois que je m'attendais à ce qu'arrive ce jour et pourtant j'avais fini par croire William quand il me disait qu'il n'y avait plus de soucis à se faire.

Comment avais-je pu perdre de vue que le pire était à venir ? Comment avais-je pu me le permettre ?

          Je me retournai pour faire face à Antoine qui rigolait encore de ma chute. Prenant mon courage à deux mains je lui lançai alors le regard le plus noir que mes yeux le permettaient. Il ne flancha pas une seconde, ce qui n'avait rien d'étonnant, mais ne me découragea pas le moins du monde.

Je finis par me dire que ce qui devait arriver arriverait et que personne ne l'empêcherait, quoi qu'il se passe, quoi qu'Antoine me fasse subir je ne souffrirais pas, car je savais que mes proches ne subiraient pas de représailles comme j'avais pu le rêver.

Tant qu'ils allaient bien, je pourrais être écrasée par une montagne et poignardée par mille lames sans rien ressentir.

Quoiqu'il arrive, je les retrouverais. Si Will était parti, j'irais le chercher.

— Lève-toi ! m'ordonna Antoine.

            Je détournai mes yeux de sa personne sans l'écouter un instant et me concentrai plutôt sur Jason, son meilleur ami. Je n'arrivais pas à croire qu'il suive la magouille d'Antoine, mais après tout il lui était fidèle à en devenir aveugle et avait besoin d'un max de fric pour soulager ses besoins de drogué.

Jason, ce n'était même pas la peine de le supplier pour qu'il raisonne Antoine, il était probablement plus désespéré que lui... Il tenait une batte de baseball dans sa main droite et la faisait tourner comme un bâton de majorette. Jason n'était pas un sportif, c'est pour cela que la batte en bois me parut si menaçante et meurtrière dans ses mains... il ne s'en servirait sûrement pas pour jouer.

— Je t'ai dit de te lever, répéta mon ex en me tirant violemment par le bras.

          Je me sentis trainée sur le sol. Les genoux en sang complètement douloureux. Je forçai alors sur mes bras pour me rapprocher au maximum de la main d'Antoine et n'hésitai pas un instant à planter mes dents dans celle-ci. Il me lâcha subitement en secouant violemment sa main endolorie.

— Tu vas me le payer sale...

— Ne me touche pas ! le coupai-je d'une voix que je voulais menaçante.

          Un sourire narquois s'afficha alors sur son visage. Face à son air machiavélique, je ne pus m'empêcher de perdre le temps d'une seconde mon assurance, et reculai pour mettre de la distance entre moi et cette espèce de fou.

Le trouble se sema à nouveau dans mon esprit : et si Will ne m'avait dit que la stricte vérité ?

Antoine éclata de rire.

— Mais qu'est-ce qui t'est arrivé ? chuchotai-je. Je sais que tu as toujours été impulsif, mais comment tu as pu en arriver à ce point ? me demandai-je d'une voix qui commençait à trembler, une voix tremblante, mais pas de peur : de déception et presque de tristesse.

           Je connaissais Antoine depuis des années, je le détestais : ça, je n'en doutais toujours pas. Mais malgré tout, une toute petite part de moi s'était attachée à lui, à ce qu'il avait fait pour moi à certains moments de ma vie, aussi courts fussent-ils.

Aujourd'hui, je ne voyais plus que cette haine, tout espoir que j'avais pu avoir de le voir changer s'envola. Il n'y avait que violence et sadisme sans aucune compassion dans son regard.

Dire que j'avais refusé de voir la vérité en face. Dire que j'avais défendu ce malade face à la personne en qui j'avais le plus confiance... mais de là à l'assimiler à un meurtrier...

           Antoine regarda sa montre avec un sourire espiègle.

— Tic-tac, chuchota-t-il en m'observant.

            J'attendais étendue sur le sol que l'heure sonne. Je ne voyais pas pourquoi il patientait, je ne comprenais toujours pas ce qu'il cherchait. Pourquoi regarder l'heure ? Plus il trainait et plus il avait de chances de se faire prendre. Au bout d'un quart d'heure environ il s'approcha de nouveau de moi et m'obligea à me redresser. Il se tint face à moi le regard sombre.

— On n'avait pas à en arriver là mon cœur.

          Le ton de sa voix m'étonna, il y régnait rancœur et culpabilité... Antoine se sentait-il coupable de ses actes ? Peut-être avais-je encore une carte à jouer ? C'est alors que j'entendis des pas un peu plus loin dans la rue, des pas calmes et mesurés.

— Pile à l'heure, murmura Antoine. Tu aurais pu le sauver, susurra-t-il au creux de mon oreille tout en y déposant un baiser.

          Je compris enfin ce qu'Antoine attendait et une nausée affreuse me prit à l'instant même. Je ne pouvais pas le laisser faire ça, mais avant que je n'aie eu le temps de réagir mon assaillant se posta derrière moi et plaça un couteau de cuisine sur ma gorge. J'étouffai un cri lorsqu'il me saisit les bras pour les coincer dans mon dos m'empêchant de faire le moindre geste.

— Cher William, je suis au regret de t'annoncer une si funeste nouvelle. Je m'ennuyais la nuit dernière et comme tu avais cessé de t'amuser avec ton jouet je me suis permis de te l'emprunter pour la matinée. J'espère que ça ne te dérange pas ? Je m'arrangerai pour te le rapporter avant ton départ, mais je m'excuse d'avance pour les éventuelles dégradations qu'il risque de subir... je ne suis pas très soigneux. Si jamais tu désires le récupérer à l'avance je te propose de me rejoindre devant l'hôtel désaffecté de la vieille ville aux alentours de onze heures ce matin. Mes sincères salutations - ­et celles de Sarah. Antoine.

           Il récita la lettre qu'il avait envoyée à son ennemi avec soin, articulant chaque mot dans un plaisir malsain. Je retins mon souffle afin d'éviter de vomir.

— Il ne viendra pas, chuchotai-je l'estomac retourné. Il n'en a plus rien à faire de moi Antoine, tu l'as déjà vaincu.

            J'essayais de me convaincre, je souhaitais que ça s'avère exact, plus que tout. Malheureusement, les pas s'approchaient et Antoine les entendait aussi bien que moi.

Il colla un peu plus la lame sur mon cou et je sentis une douleur cuisante lorsque le métal froid effleura ma peau. Je savais qu'il voulait m'effrayer pour m'empêcher de bouger. Il avait besoin de moi, il avait besoin de moi pour atteindre William.

Tout mon courage s'évanouit lorsque je l'aperçus de l'autre côté de la rue. Je ne l'avais jamais vu dans cet état, son regard foudroyant donnait froid dans le dos, déjà à cette distance je sentis la colère qui l'animait. Lorsqu'il arriva à notre hauteur Antoine lui ordonna de s'arrêter me retenant comme otage. Will obéit et posa son regard sur l'arme blanche qui me tenait captive : l'affliction de son regard me brûla toute entière.

Je ne voulais pas pleurer, je ne voulais pas lui montrer que j'étais terrifiée, je voulais seulement lui crier de s'en aller, mais ma voix se brisa à ces paroles et toutes mes résolutions s'effondrèrent. Je partis dans un sanglot incontrôlable.

— Chut, me dit tranquillement Antoine en déposant un baiser sur ma joue.

           Will se contint et serra les poings. Je savais qu'il se sentait impuissant, qu'il voulait agir sans savoir comment et je m'imaginais l'horreur de sa position.

Je voulais qu'il parte, mais dans la situation inverse j'aurais tout fait pour qu'il ne lui arrive rien et je craignais qu'il fasse de même pour moi.

Antoine resserra son étreinte passant sa main non armée le long de ma taille. Mes mains enfin libres je tentai de m'échapper, en vain cela ne m'apporta qu'une douleur lancinante le long de mon cou. Une goutte pourpre et chaude s'écoula le long de ma peau et je compris alors que je n'avais plus intérêt à bouger.

— William, William, William... si loyal que c'en est écœurant, ricana Antoine.

— Qu'est-ce que tu veux ? lâcha froidement le concerné.

           Antoine taquina ma joue avec sa lame légèrement rougie accélérant ainsi mon pouls et ma respiration.

— Ravissante, murmura Antoine, tu ne trouves pas ?

           Devant la provocation Will commença à perdre son sang-froid et fit un pas en avant, un pas de trop. Antoine s'empressa d'entailler ma joue et je m'efforçai de serrer les dents. Je n'avais rien de grave, il s'agissait seulement d'un ultime avertissement.

— Je te conseille de rester où tu es et de te laisser faire Lewis ! ricana mon agresseur.

— Si je fais ce que tu me dis, tu la laisseras tranquille ?

— Tu as ma parole, chuchota Antoine en retenant un rire de victoire.

           Il avait toutes les cartes en main et Will en était conscient alors, à mon grand regret, il ne broncha pas. Antoine jeta un coup d'œil à Jason qui se tenait en retrait et celui-ci acquiesça, il commença à s'avancer en direction du blond.

— Will ! appelai-je.

           Celui-ci releva automatiquement le regard, je pouvais encore y lire de la rancœur, mais surtout de l'amour.

— Pars, je t'en prie, écoute-moi pour une fois et pars !

           Il secoua la tête lentement et attendit que Jason arrive à sa hauteur. Ce dernier tenait une chaîne dans les mains. Il prit Will par le bras l'emmenant près d'un lampadaire en face de moi. Il ne tenta pas de resister lorsque Jason commença à l'enchaîner à l'éclairage.

Je ne pouvais pas regarder ce spectacle, je n'arrivais pas à le regarder sachant que le pire était à venir. Je me mordis si fort les lèvres pour retenir un sanglot que mes dents les entaillèrent.

— Si seulement ton frère avait fait preuve d'autant de loyauté envers moi...

— Qu'est-ce que tu entends par là ? demanda Will au bord de la crise de rage.

— Disons qu'il m'était aussi cher qu'un frère, et il en était de même pour lui vu qu'il considérait son véritable frangin comme un crétin et un lâche, annonça calmement Antoine. Malheureusement, si je l'aurais protégé contre tout, il n'en était pas de même pour lui. Après le malheureux accident qui tua les parents de ma chère et tendre, il est devenu un peu trop dangereux pour moi. Il m'a dit qu'il avait enregistré toute la scène et qu'il était venu t'en parler. Je ne l'aurais jamais pensé capable d'aller me dénoncer. Malheureusement, un petit parasite lui a monté la tête. Andrew m'a donné rendez-vous, après votre dernière petite discussion en tête à tête. Il voulait que je me rende, tu imagines ?

           Antoine explosa littéralement de rire avant de continuer.

— J'ai bien évidemment refusé, mais au lieu de laisser tomber il a commencé à me menacer. Je ne pouvais pas le laisser me balancer. Ne t'en fais pas, il n'a pas souffert, je tenais trop à lui pour faire durer les choses : une balle dans la tête a fait l'affaire. J'avais la police dans la poche grâce à l'influence de mon père et ça a été facile de faire passer ces trois petits décès pour des accidents. Les gens sont si naïfs, rajouta-t-il en éclatant de rire.

          William fut dévasté par la nouvelle. Il n'avait jamais réellement compris ce qui était arrivé à son frère, il n'avait jamais réellement pu accepter son suicide. Aujourd'hui, il apprenait la vérité de la pire des manières, réjouissant Antoine au passage. Ce dernier triomphait enfin : son ennemi était accablé.

Je profitai de son hilarité pour lui donner un grand coup de coude dans le thorax ce qui lui coupa le souffle. Sur l'instant, il lâcha prise et je me précipitai sur Will. J'essayai de lui enlever ses chaînes de malheur, mais déjà Jason m'éloigna de lui.

Antoine s'était redressé et me tordit le bras. Une fois à terre, il me plaqua le dos contre le béton et se plaça au-dessus de moi. Je m'empressai de lui cracher au visage ce qui ne fit qu'empirer sa rage.

— Tu as fait du mal à Andy, putain... à ANDREW ! C'était la personne qui tenait à toi le plus au monde ! Comment tu as pu lui faire ça ? Et tu as tué mes parents espèce de...

           Les mots ne voulaient pas sortir de ma bouche tellement j'étais choquée, j'avais refusé d'y croire jusqu'au bout. Le poids d'Antoine contre mon corps ne faisait rien pour me faciliter la tâche.

— Dire que tu m'as répété et répété être désolé. Tu as osé me dire, en me regardant droit dans les yeux, que tu ferais tout pour qu'ils reviennent espèce d'enflure...

— Tout ça, c'est de sa faute ! s'écria-t-il en désignant William qui le fixait d'un regard meurtrier ! Il m'a forcé à le faire, il m'a poussé à bout. Vous commenciez à vous exposer devant moi, au grand jour, sans aucune gêne alors que tu savais très bien ce que JE ressentais pour toi ! Le seul moyen de te récupérer était qu'il disparaisse : c'est alors que tu as perdu la mémoire, je n'allais pas cracher sur cette chance ! Mais si ta tante était heureuse que tu l'aies oublié, tu sais aussi bien que moi que tes parents allaient tout faire pour que tu te souviennes de lui ! Alors je me suis débarrassé d'eux, ensuite je n'avais plus qu'à te monter la tête. Ta mémoire était si fragile à l'époque bébé, c'était un jeu d'enfant. Mais s'il y a bien une chose que je peux te promettre, c'est que j'ai fait ça pour NOUS !

— Si je me détache de là tu es mort ! affirma haineusement Will sans plus une once de mensonge.

          Antoine, piqué au vif se redressa, et Jason se précipita sur moi pour m'empêcher de partir. Il s'empressa de me bloquer les bras et les jambes pour m'empêcher de bouger. Antoine rejoignit William et plaqua l'arme blanche contre son torse.

— Tu comptes encore faire le malin longtemps ? le menaça-t-il. Sache une chose : je veux te voir au sol, je veux t'entendre me supplier et te voir chialer toutes les larmes de ton corps comme une petite fille de trois ans et je ne me gênerai pas pour faire en sorte que mes désirs soient mis à exécution.

         Je vis la lame scintiller dans les mains d'Antoine et lâchai un cri de panique. Il la fit glisser sur le T-shirt de William qui se déchira largement, laissant apparaître une fine ligne rouge vif qui tacha le tissu.

— Si tu crois que tu arriveras à quelque chose en me menaçant avec un couteau c'est que tu es encore plus con que je le croyais ! ironisa mon petit ami.

          À mon grand étonnement, Antoine partit dans un grand éclat de rire sadique.

— Le couteau c'est juste pour la mise en scène et le final Lewis. Quand je t'aurai suffisamment humilié, je verrai peut-être combien de temps tu tiens la torture, mais pour le moment j'ai mieux à faire. Je connais tes faiblesses et, comme je le disais dans ma lettre, j'ai une irrésistible envie de m'amuser ce matin ! Jas', tu veux bien faire en sorte qu'il soit obligé de regarder dans ma direction s'il te plait ?

           Ce dernier me relâcha et je me préparai à passer à l'action, mais les paroles d'Antoine me retinrent.

— Si tu t'enfuis ou que tu tentes quoi que ce soit, je lui plante ce putain de couteau dans le bide !

            Pour la première fois depuis que je le connaissais je n'avais plus aucun doute, il n'hésiterait pas une seconde à mettre ses menaces à exécution. Je restai donc à ma place, statique, attendant qu'il s'éloigne de lui.

— On va voir jusqu'où va ta fierté mon cher Lewis !

           Antoine jubilait, ça se voyait. Alors il me rejoignit avec la démarche d'un prédateur. Par réflexe, je m'éloignai de lui aussi rapidement que possible.

— Cours, s'écria William, je t'en prie cours.

           Il fallait que je trouve un moyen de dégager de là, de prévenir la police, de l'aide, n'importe quoi qui pourrait le sauver.

Antoine me rattrapa en pleine réflexion et me plaqua contre un des murs de l'hôtel sinistre qui nous servait de décors. Je fermai les yeux tandis que mon corps se mit à trembler de toute part.

J'étais morte de peur, j'avais peur pour William et peur d'Antoine qui se tenait devant moi, j'avais peur de ce qu'il allait me faire et je savais que Jason faisait en sorte que William n'en perde pas une miette.

Je sentis les lèvres d'Antoine se poser sur mon cou et se main se balader le long de mes hanches. J'essayai de l'éviter, de le repousser, de le mordre, mais plus je montrais de résistance, plus il s'en donnait à cœur joie.

Antoine passa ses mains sur mon chemisier et commença à le déboutonner tout en pressant ses lèvres sur ma peau à découvert. Je me mis à hurler, à lui ordonner de me lâcher.

En face de moi William serrait les dents, impuissant face à la scène. Je le savais autant qu'Antoine, c'était pour lui la pire des tortures tout comme le voir souffrir était pour moi pire que tout.

Antoine me plaqua au sol contre lui, sans aucune délicatesse. Je ne voyais plus rien, aveuglée par les larmes et la douleur. Mes souvenirs tournaient en boucle dans ma tête, celui de cette soirée qui avait mal tourné, une des pires soirées de ma vie. Je ressentais cette même sensation, celle d'être humiliée et crasseuse, sauf que cette fois mon petit ami assistait au spectacle attaché à une saloperie de poutre. S'il craquait, Antoine obtiendrait ce qu'il voulait, mais une fois qu'il aurait fini de s'attaquer moralement à William, il risquait de s'en prendre à lui physiquement. L'orgueil d'Antoine avait été blessé à maintes reprises, et le taré qui était en lui n'allait sûrement pas laisser Will en pleine santé.

Je sentais les mains d'Antoine sur mon visage, ma poitrine et le reste de mon corps. Il me répugnait, tout chez lui me répugnait. Ses lèvres dévoraient littéralement ma peau sans aucune pudeur comme s'il assouvissait une soif trop longtemps contenue.

Il s'attaqua alors à ma ceinture s'attardant lentement sur les boutons de mon short, m'offrant des caresses indésirables. Alors qu'à bout de force je commençais à perdre conscience, j'entendis au loin la voix de Will.

— Lâche-la tout de suite connard ! Attaque-toi à quelqu'un de ta taille !

           Antoine s'arrêta un instant, haletant encore d'excitation et regarda son ennemi avec le sourire au visage.

— Et qu'est-ce que tu vas faire ?

           Will parut déstabilisé par la question. Insulter Antoine ne le mènerait nulle part, il le savait bien, mais il était perdu, il ne savait plus quoi faire. Son visage pâlissait à vue d'œil et des larmes perlaient au coin de ses yeux qui nous fixaient avec une intensité assassine.

Ne craque pas, ne craque pas, ne craque pas, le suppliai-je du regard.

— Non, Will s'il te plait non, chuchotai-je, ne pleure surtout pas, ça va aller je te le promets, ferme les yeux ça va aller.

          Je préférais me voir salie et humiliée que de le savoir blessé, je préférais perdre tout ce qu'il me restait que de le voir craquer. Ce n'était pas qu'une question de fierté, je savais qu'une fois à genoux Antoine lui porterait le coup fatal et s'il disparaissait une fois de plus je ne le supporterais pas.

Je devais le protéger.

Antoine se pencha à nouveau sur moi, laissant peser son corps sur le mien. Ses mains s'attardèrent sur ma bouche caressant sa pulpe et son contour. Il laissa glisser ses yeux sur toute ma personne sans se gêner.

— J'ai envie de toi Sarah.

          Sa voix me fit si peur que je lâchai un cri involontaire. Antoine laissa glisser ses mains lentement sur mes hanches et saisit mon short qu'il commença à faire glisser. William avait l'air de réfléchir à cent à l'heure, il refoulait sa haine, refoulait sa peur pour trouver une solution au plus vite.

Je sentis Antoine taquiner le tissu de mon sous-vêtement tandis que je fermai les yeux le plus fort possible retenant une envie de vomir.

— Je t'en supplie Antoine, laisse-la tranquille. C'est à moi que tu dois t'en prendre, pas à elle. Je ferai tout ce que tu veux, mais laisse-la.

           Antoine releva un instant la tête avant de continuer sa tâche comme si de rien n'était. Je vis William tirer sur ses chaînes pour s'avancer au maximum.

— Arrête ça, je t'en supplie ! Arrête ça !

          Des larmes se mirent à couler sur le long de son visage épuisé alors qu'il essayait de contrôler ses tremblements.

Je voulais me précipiter vers lui, lui dire que j'allais bien. Je refusais de le voir dans cet état pour moi, je savais où ça allait le conduire, je refusais de voir William se faire laminer, s'il lui arrivait quelque chose j'en crèverais.

Antoine, content de lui, choisit enfin de se relever me laissant étendue sur le sol crasseux. Je ne sentais plus mon dos, je ne sentais plus mes bras, mais m'empressai pourtant de ragrafer mon soutien-gorge et de reboutonner mon chemisier, comme pour me protéger. Je rattachai alors mon short et ramenai mes jambes endolories contre mon corps pour me cacher toute entière.

Je sentais encore ses mains et son sourire. J'étais meurtrie de douleur, mais il fallait que je reprenne mes esprits, vite, et que je me relève. La tête me tournait et je perdais l'équilibre encore et encore.

Il fallait que j'atteigne William.

— Tu me fais pitié, dit Antoine en arrivant au niveau de Will.

           Ce dernier le défia regard et je le vis tirer sur ses chaînes qui commençaient sérieusement à entamer ses poignets.

À cet instant précis, une chose était certaine : s'il n'avait pas été retenu, il aurait tué Antoine, il n'y avait plus aucun doute là-dessus.

— Baisse les yeux !

— Va crever ! cracha mon petit ami le regard aussi glacial qu'un océan ténébreux.

               Il n'y avait plus rien de jovial dans sa voix méconnaissable. Il avait peur pour moi, je le sentais dans ses tressaillements, et il enrageait intérieurement.

— Je t'ai dit de baisser les yeux ! s'écria Antoine avant de lui décocher une droite.

             Retrouvant ma lucidité je poussai un cri. Jason me retint avant que je ne saute à la gorge d'Antoine. Redressant la tête William me chercha automatiquement des yeux. Alors ce que je craignais arriva.

*** Fin de l'avertissement ***

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Après le beau temps, vient l'ouragan...

Vous êtes toujours là ? Ne vous en faites pas, je tiendrai votre main jusqu'au bout du chemin,

Avec tout mon amour,

Lily <3

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