Le pays de son enfance
« Hello old friend
Here's the misery that knows no end
So I am doing everything I can
To make sure I never love again »
Diamond Heart - Alan Walker
J'ouvris mes yeux le lendemain matin en frissonnant. Sentant un vide à côté de moi, je me retournai sur la gauche. Will était déjà levé et la pièce où j'avais dormi me sembla tout à coup complètement étrangère.
Je repoussai la couette qui m'avait bien servi durant cette fraîche matinée sans ma bouillotte personnelle.
Je fis un tour en salle de bain et me dépêchai d'enfiler des vêtements propres. Je me souvenais à peu près de l'endroit où se trouvait la cuisine et m'y dirigeai donc lentement pensant y trouver mon petit ami.
- Sarah ? Tu es levée ma chérie ? Viens, je t'en prie, n'aie pas peur, m'appela une voix émanant de la pièce voisine qui devait être la salle à manger, si mes souvenirs de la veille étaient bons. William ne va pas tarder à arriver, il est en train de préparer le petit déjeuner.
Je rejoignis Marie Lewis qui tira une chaise près d'elle pour que je m'asseye. Je pris place à table après l'avoir timidement saluée.
- Qu'est-ce qui te ferait plaisir ? Du thé, du café, des toasts ?
- Ne t'inquiètes pas maman, dit Will en entrant dans la salle à manger les bras chargés, je connais parfaitement Sarah. Je t'ai apporté ton thé vert angel.
William m'embrassa sur le front au passage, déposant un thé vert du Japon devant moi.
- J'ai déjà eu l'occasion de lui apporter son petit déjeuner, tu sais ?
Il quitta la pièce devant les yeux admiratifs de sa mère qui devait le trouver bien changé depuis son départ. De mon côté, je profitai du fait qu'il ait abordé indirectement le sujet de notre collocation pour en discuter avec sa mère.
Qu'elle m'apprécie était une chose, qu'elle accepte que je vive sous leur toit avec lui en était une autre et ça m'avait toujours perturbé de ne pas pouvoir lui demander son consentement en direct.
- Ne t'en fais pas pour ça, je suis au courant de tout : ce gamin ne peut rien me cacher. Ça ne me dérange pas. À vrai dire, ça me rassure même un peu de savoir qu'il n'est pas tout seul là-bas, que vous pouvez veiller l'un sur l'autre. Et au moins, je suis sûre de retrouver mon appartement en ordre, s'il était seul ce serait certainement un sacré bazar ! dit-elle un peu plus fort.
- Je t'ai entendue, répondit son fils en arrivant avec un plateau de boissons et de toasts chauds.
- William ! Tu es déjà de retour ? demanda-t-elle faussement surprise.
Je rigolai face à la provocation facile de sa maman qui marchait parfaitement bien. Elle paraissait très contente de pouvoir à nouveau taquiner son fils.
- J'avais peur de vous voir mourir de faim, dit-il avant de poser délicatement ses lèvres sur ma joue.
- Dire qu'il ne veut même plus embrasser sa vieille mère, soupira Marie Lewis en laissant échapper un grand sourire qu'elle aurait sûrement préféré garder pour elle.
Levant les yeux au ciel il fit le tour de la table pour la serrer contre lui.
- Sarah ? me demanda-t-il sans lâcher sa mère. Ça te dirait de commencer la visite de Londres ce matin ? Il ne devrait pas faire trop mauvais, ça serait l'occasion pour toi de prendre deux trois photos.
Je hochai la tête d'excitation, un oui très franc et direct. J'avais hâte de me retrouver à Londres et je n'avais cessé de me contenir à ce sujet ne sachant pas exactement quand il comptait m'y conduire.
- Tu viens à peine d'arriver et tu nous quittes déjà ? se désola sa mère.
- Je te promets qu'on sera à la maison ce soir avant le dîner !
- Je dis simplement ça pour t'embêter mon chéri. Je pense que tes amis seront ravis de te retrouver. Et puis, Sarah n'a pas dû avoir l'occasion de se rendre à Londres depuis longtemps, ça lui rappellera certainement de bons souvenirs : après tout c'est une ville qui ne s'oublie pas, me dit-elle avec un clin d'œil.
Will échappa un petit rire nerveux qui me fit sourire et se passa la main dans les cheveux évitant mon regard.
- Je ne suis jamais allée à Londres, Madame Lewis, dis-je gentiment.
- Oh, excuse-moi ! J'étais persuadée que tu étais déjà venue. Mais tu me diras, c'est encore mieux : une première visite de Londres en amoureux c'est quelque chose ! Et appelle-moi Marie, me dit-elle en souriant.
William sembla se détendre, comme s'il avait eu peur que sa mère ne me vexe. Il haussa les épaules avant de s'asseoir avec nous pour petit déjeuner.
Le père de Will choisit cet instant pour nous saluer en coup de vent avant de partir au travail. Madame Lewis, qui avait pris sa journée pour faire des courses de dernière minute afin de remplir le réfrigérateur pour quatre personnes, resta à table avec nous pour profiter au maximum de la présence de son fils.
Nous parlâmes de la France, des cours, de notre rencontre avant de basculer sur la jeunesse de William.
Malgré tout ce qu'il avait pu m'affirmer jusqu'ici, Marie m'annonça que William avait été en admiration devant son frère. Étant le plus jeune des deux il avait tendance à l'imiter, à apprendre de lui les pires des bêtises.
La discussion prit une tournure assez désagréable quand Marie m'expliqua qu'Andrew avait soudainement changé, qu'il s'était renfermé sur lui-même et qu'il avait commencé à ignorer son frère. Cette crise d'adolescence avait apparemment été très compliquée à gérer.
Marie avait beaucoup souffert de voir son fils fuguer, parfois pendant des semaines, délaisser les cours, trainer avec des gens peu fréquentables, devenir insultant. Marie s'en voulait de ne pas avoir su l'aider avant qu'il soit trop tard.
Je sais qu'il en était de même pour William, même s'il ne me l'avait jamais directement avoué. Il ne cessait de se reprocher la mort de son frère.
Will glissa sa main dans celle de sa mère comme s'il voulait la protéger de quelque chose. Marie regarda son fils avec fierté et inquiétude, je compris alors que toutes les petites piques qu'elle lui lançait sur le fait qu'il la « délaissait » n'étaient qu'une extériorisation de sa peur.
Elle avait peur qu'un jour William suive le même chemin qu'Andrew. Elle avait peur de le perdre comme elle avait déjà perdu son fils aîné, même si, comme Will, elle le cachait derrière des blagues et un sourire pétillant.
Je m'en voulus alors un peu, car j'étais la seule ici à attirer des ennuis à son fils unique.
Ce dernier commença à sentir mon malaise et changea immédiatement de sujet pour parler de quelque chose de beaucoup plus léger et distrayant à savoir : mes prouesses en cours de sport. Même s'il se moquait un peu, je savais que c'était gentil et stratégique.
Je rigolai avec eux et le remerciai silencieusement d'avoir changé l'atmosphère.
Après ce petit déjeuner aussi intéressant que perturbant, nous souhaitâmes une bonne journée à Marie Lewis avant de nous rendre à la « Great Western Railway » pour prendre un train direction Londres.
J'étais tellement excitée que je sautai sur mon siège durant tout le trajet et parlai à toute allure, sans laisser le temps à William d'en placer une.
Nous arrivâmes à Londres à onze heures. Après être descendus à la station de Paddington, nous marchâmes jusqu'au métro pour rejoindre la station Waterloo qui se trouvait à quelques minutes du London Eye.
Will avait réservé deux billets, quelques jours plus tôt, pour nous éviter de trop attendre avant de pouvoir y monter. Après une trentaine de minutes de queue, je profitai de mon cadeau comme un enfant à Noël.
La grande roue s'éleva vers les cieux, toujours plus haut, offrant une vue panoramique sur l'ensemble de la ville aujourd'hui ensoleillée. Je regardai le Big Ben, émerveillée, me croyant dans un film, j'aperçus au loin le Buckingham Palace et le quartier des affaires. J'en aurais pleuré de bonheur.
Une fois le tour des merveilles terminé, il m'entraîna dans un « fish and chips » à deux pas d'ici parce qu'on ne pouvait pas, selon lui, aller en Angleterre sans manger de fish and chips. Pour ma part, je n'en avais jamais entendu parler alors je me laissai trainer par mon guide.
Après avoir pris quelques photos de mon assiette pour la poster tout sourire sur Instagram, je goûtai le plat pour la première fois de ma vie. « Fish & Chips : check ! » lui dis-je. Une fois le ventre plein, il me traina en centre-ville, me laissant m'arrêter toutes les deux secondes pour faire la touriste : prendre des photos de bus à deux étages, de cabines téléphoniques, de boites aux lettres, de voitures de police, des écritures « left and right » sur le sol goudronné... Je le suivais dans les bouches de métro, j'écoutais les gens parler anglais pour m'immerger, et je laissais mon cœur battre à toute allure. Le temps, lui, sans que je le laisse faire, ne se gêna pas pour aller aussi vite que l'organe menaçant de s'échapper de ma cage thoracique.
Aussi rapidement qu'elle avait commencé, la journée toucha à sa fin et il fut l'heure de regagner la gare pour rentrer à Reading avant que Marie ne s'inquiète.
En arrivant chez les Lewis nous nous dépêchâmes de prendre une douche. Nous descendîmes ensuite en cuisine pour filer un coup de main aux parents de Will qui commençaient déjà à s'y afférer.
En redescendant, j'eus la bonne ou mauvaise surprise de découvrir Kate. Ne sachant pas trop comment je devais l'appréhender, je lui fis un signe de la main accompagné d'un « Hi ! » assez réservé.
Elle avait une requête à nous faire. Les amis de William voulaient le voir avant qu'il ne rentre en France. Ils auraient souhaité, entre autres, faire ma connaissance. Kate se doutait que les garçons auraient probablement pas mal de choses à se dire et me demanda si, après les avoir rencontrés, j'accepterais de passer l'après-midi en sa compagnie.
Je me tournai vers William, peu enthousiaste à l'idée de passer une après-midi complète avec cette inconnue qui me semblait à la fois vouloir être mon amie et ma rivale. Mais, je me dis qu'il voudrait, peut-être, passer un moment tranquille avec ses amis qu'il n'avait pas vus depuis presque un an.
Alors, sans qu'il ait le temps de répondre, j'acceptais la proposition de Kate.
- J'ai l'intention de t'emmener à Oxford Street, me dit-elle malicieuse, je suis sûre que ça va te plaire.
Après tout, c'était un bon moyen d'allier l'utile à l'agréable : en apprendre plus sur elle et sa relation avec William tout en faisant du shopping dans une des rues les plus connues du monde. Satisfaite, Kate s'éclipsa pour nous laisser profiter de notre soirée en « famille ». Sa remarque me fit sourire et je l'appréciai un peu plus.
Après un repas ponctué d'agréables conversations, nous décidâmes qu'il était temps pour nous de monter nous coucher. Nous saluâmes les parents de William avant de regagner notre chambre.
- Tu es certaine que ça ne te dérange pas de passer une après-midi avec Katty ? me demanda-t-il.
- Non, ne t'en fais pas, je comprends que tu aies besoin de voir tes potes et puis je suis sûre qu'on aura plein de choses à se dire toutes les deux. C'est ton amie après tout. J'espère juste que je ne vais pas me perdre sans toi. Cette ville est juste immense.
- Oh ne t'inquiète pas pour ça, rigola William, tu seras entre de bonnes mains. Katty passe plus de temps à Oxford Street que je ne passe de temps à dormir. C'est pour te dire !
Elle devait effectivement connaître le quartier comme sa poche, car mon chéri était capable de faire de longues, très longes siestes.
- C'est vrai que tu es un gros flemmard ! le taquinai-je.
- Et c'est toi qui dis ça, madame la marmotte ?
- Si la sieste était un sport national tu serais médaille d'or, répondis-je du tac au tac hyper fière de ma vanne de beauf.
- Tu vas voir !
Il me porta sur son dos et me « déposa » sur son lit ! M'attendant à un supplice agréable, je ne me défendis pas ! Ce n'est que lorsqu'il se mit à me chatouiller que j'essayai de le repousser, rigolant sans pouvoir m'arrêter.
- Arrête s'il te plait, réussis-je à dire.
- Je gagne quoi si j'arrête ?
- Eh ! C'est du chantage !
Je réussis enfin à pousser ses mains et m'éloignai vite de William qui en profita pour s'allonger sur le lit de tout son long
- J'adore le chantage, répondit-il en fermant les yeux.
Il s'attendait à ce que je le rejoigne d'une minute à l'autre. Ce que, trop méfiante, je ne fis pas. Il finit alors par se redresser et me fixa droit dans les yeux.
- Viens me voir, me supplia-t-il presque.
- Pour que tu me martyrises ? Certainement pas !
- S'il te plait !
Il m'offrit son regard le plus craquant, celui qui voulait dire « tu vas te faire avoir dans pas moins de dix secondes ».
Je cherchai la porte à tâtons pour m'échapper au plus vite de la pièce avant qu'il ne me prenne pour un punching ball de guilis vivant.
Voyant ce que je m'apprêtais à faire, son sourire carnassier s'accentua encore plus. Il porta alors sa main droite à sa poche pour en sortir une grosse clef en métal.
- J'ai fermé la porte ma chérie, tu ne pourras pas sortir !
Cette réflexion me figea sur place. Je ne riais plus. Une migraine commença à poindre au niveau de mes sinus. Je cessai tout mouvement et sentis mes poiles se hérisser le long de mon échine. Tout ça à cause d'une simple phrase...
- Tu me fais peur !
Mon petit ami, qui n'avait pas tout suivi, cru que ça faisait partie du jeu. Parce que, techniquement, je n'avais à ce moment aucune raison d'avoir peur, la seule menace étant celle de me faire chatouiller à mort.
- Et ce n'est que le début, me répondit-il donc.
Il se leva du lit et s'approcha de moi, ne quittant pas mes yeux. Il me fixait d'un air faussement menaçant qui me poussa encore plus dans mes retranchements.
Ce n'était pas contre lui, ce n'était pas de lui que j'avais peur. Mais sa façon de s'exprimer à l'instant, certes pour rigoler, était en train de faire remonter au seuil de ma mémoire un des pires souvenirs de mon existence.
Ma vue diminua soudain et je me laissai presque tomber au sol, les mains sur mes tempes.
- Arrête ça tout de suite ! lui ordonnai-je.
Confus, il continua d'avancer cette fois beaucoup plus calmement. Je me mis à paniquer.
Ma vue recommença à se brouiller, laissant apparaître Antoine devant moi. Je me remémorai son visage et un immense sentiment de honte m'envahit. Je revis son sourire qui se mélangea à celui de mon petit ami, réellement présent dans la pièce.
Perdant complètement le contrôle comme ça ne m'était plus arrivé depuis longtemps je laissai mon souvenir, qui pour le coup en était vraiment un, remonter à la surface et prendre possession de mon esprit.
*
* *
*** Avertissement violence ***
Je me retrouvai seule chez Noémie, pas tout à fait consciente d'être au cœur d'une « vision ».
Noémie et Alex étaient partis pour la soirée me laissant seule avec un placard rempli de DVD. J'allais attaquer mon troisième film quand quelqu'un frappa à la porte.
Je mis le lecteur en pause et me levai pour aller voir de qui il pouvait s'agir. Julie m'avait dit qu'elle passerait peut-être dans la soirée, ce fut donc à elle que je songeai en premier. C'est sans crainte que je me dirigeai vers la porte pour l'ouvrir.
J'eus du mal à me rappeler quand ça s'était passé, ça faisait plus d'un an, avant que William ne débarque en ville ça c'était certain.
Tout ça me paraissait une éternité.
J'assistais impuissante à la scène durant laquelle mon "moi du passé" avait perdu tout contrôle face à Antoine et j'eus l'impression de perdre une nouvelle fois mes moyens quand elle décida, insouciante, d'ouvrir la porte.
Je savais qui se trouvait derrière, le souvenir que j'avais refoulé refaisant surface au moment même où la "moi du passé" le découvrait.
J'avais été surprise de le trouver derrière la porte, surprise et quelque peu désappointée. Je n'avais pas vraiment peur de lui à l'époque, il n'avait encore jamais dépassé les limites et je n'hésitais pas à le remettre à sa place quand il le fallait, même si ses paroles parfois très violentes commençaient déjà à me déstabiliser.
C'est à partir de ce soir-là qu'il avait arrêté d'essayer de me « dompter » à la loyale.
Antoine me demanda s'il pouvait entrer, je refusai d'abord alors il insista prétextant qu'il avait soif. Je finis par le laisser passer, lui demandant de ne pas trop s'attarder car j'attendais Julie. Il avait bien évidemment acquiescé sans en penser un mot et avait refermé la porte derrière lui. Une fois son verre d'eau terminé, il s'était collé un peu plus à moi sur le canapé et m'avait, de but en blanc, demandé de coucher avec lui. J'en étais absolument incapable, je n'étais pas amoureuse, pire il commençait déjà à me dégoûter à cause de certains comportements qu'il pouvait avoir envers moi, sans encore trop savoir comment me dépêtrer de tout ça. Alors je refusai, tout simplement, lui disant que je n'étais pas prête, même si je ne l'aurais probablement jamais été. « Ça fait six mois qu'on est ensemble et je te vois presque tous les jours depuis que tes vieux sont morts ! Je pense qu'on a déjà assez attendu ! s'énerva-t-il.
- Je suis désolée, mais pour l'instant c'est non, je ne me sens vraiment pas de sauter le pas. On en reparlera plus tard, mais là il faut vraiment que tu t'en ailles, lui intimai-je gentiment, mais fermement.
Je le ramenai à la sortie sans qu'il montre la moindre résistance. Du moins pendant un temps. Il cessa de marcher à quelques mètres de la porte d'entrée, comme s'il réfléchissait. Il se retourna alors brusquement et me saisit par les épaules.
- En fait, j'en ai marre d'attendre ! me dit-il froidement.
Je crois que le pire à ce moment fut son absence effrayante d'émotion, comme si la personne en face de moi avait perdu toute trace humanité. Il me montra son vrai visage pour la toute, toute, première fois. Je mis une microseconde à comprendre où il voulait en venir, mais restai figée tel un chat pris au piège au milieu de la route. La situation n'avait, pour moi, aucun sens. Qui pouvait faire ça ? Ça n'arrivait pas dans le monde réel, n'est-ce pas ? Pas comme ça ? Pas avec quelqu'un que je connaissais ? Il m'entraîna alors de force dans le salon, sans prêter attention à mes protestations. Il me poussa violemment sur le canapé, manquant presque de m'assommer. Ma tête heurta lourdement l'accoudoir et la pièce commença à tourner. Dans un moment de conscience, je lui donnai un grand coup dans l'entrejambe. Antoine se replia sur lui-même pestant contre moi. Je n'y prêtai pas attention et profitai de ce court moment pour me précipiter vers la sortie. Je me ruai sur la poignée de la porte et forçai de toutes mes forces pour ouvrir le passage qui refusait de bouger. Je restai au moins trente secondes, trente secondes de perdues, à secouer la poignée comme une malade espérant que la porte s'ouvre par magie.
- J'ai fermé la porte, poupée, tu ne pourras pas sortir ! m'avait-il annoncé tout simplement.
Je lâchai la poignée et planifiai de sortir par la porte arrière. Je fus surprise de trouver Antoine, juste derrière moi, qui me gifla si fort que ma tête faillit se décrocher du reste de mon corps. Mon cerveau fonctionnait à plein régime sans trouver de solution. Profitant de mes doutes, Antoine reprit aussitôt le dessus et m'immobilisa douloureusement.
- Je vais vraiment te faire payer ta petite rébellion cette fois. J'en ai marre de ton manque de respect. Je mérite du respect, OK ?
Il me ramena là où je l'avais frappé quelques minutes plus tôt. Ses gestes de plus en plus virulents. J'avais peur, non j'étais terrifiée, incapable de réfléchir et donc de me défendre, j'étais épuisée. Antoine se plaça à cheval sur mes cuisses limitant le plus possible mes mouvements. Je criai, je pleurai le plus fort possible, mais rien n'y faisait. Il entreprit alors d'ouvrir mon chemisier, de simples et stupides boutons faisant barrage entre mon corps et sa face de raclure. Il commença à embrasser ma peau mise à nue tout en détachant sa ceinture d'une main tremblante d'excitation.
- Je t'en supplie, arrête ça, s'il te plait, s'il te plait.
- Ne t'inquiète pas Sarah, je n'ai pas l'intention de t'oublier : tu vas adorer !
Ses gestes étaient marqués d'une fausse délicatesse comme pour corroborer ses paroles, comme pour se dédouaner de ce qu'il était en train de faire, comme s'il pensait à moi et pas à lui alors que de nous deux un seul tremblait de plaisir. Je me sentis complètement honteuse de ne pas pouvoir le repousser, de ne rien pouvoir faire pour l'arrêter. J'avais l'impression qu'il était trop tard alors, la petite athée que j'étais pria la providence pour qu'elle déclenche un miracle. J'avais envie de mourir, tout simplement, à cet instant je préférais clairement mourir. Antoine dirigea ses mains vers le haut de mes cuisses, se frayant sans pudeur un chemin sous ma jupe. Il commença à tirer sur le dernier bout de tissu qui me séparait de la perte complète de ma dignité quand on entendit une clef dans la serrure. Antoine stoppa immédiatement ce qu'il était en train de faire, recouvrant un visage plus humain, et me demanda de me rhabiller.
- Tu n'en parles à personne, OK ? J'ai déconné, je suis désolé. Si tu en parles ça pourrait très, très, mal se passer. Ça ne se produira plus jamais, je te le promets, cette fois je t'attendrai.
La porte s'ouvrit tandis que j'acquiesçai, sous le choc, en remettant maladroitement mon chemisier, les mains prises de soubresauts incontrôlables. Antoine traina mon enveloppe charnelle robotisée jusqu'à la montée d'escalier conduisant à ma chambre et m'ordonna sèchement de monter, pour ne pas que le nouvel arrivant me voie dans cet état. Qui que ce soit, il aurait compris que quelque chose n'allait pas et, au bruit des pas dans le hall d'entrée, il y avait de grandes chances pour que cette personne soit mon frère. J'eus un instant l'envie folle de crier à l'aide, mais le regard d'Antoine plein de représailles m'en découragea immédiatement. Je remontai donc l'escalier, docile, et m'enfermai à double tour dans ma chambre. Fantomatique, je rejoignis mon lit et commençai à me balancer d'avant en arrière, une peluche contre moi, enfermant de toutes mes forces ce qui venait de se passer dans un des coins les plus inaccessibles de ma tête. Après tout, Antoine n'avait pas menti : il n'avait jamais réessayé de me violer.
*** Fin de l'avertissement ***
Quand je repris conscience, je commençai par me précipiter dans la salle de bain de la chambre pour vomir dans les toilettes. William accourut et me tint les cheveux pendant que je me vidais, que j'évacuais ce moment horrible que j'avais toujours gardé pour moi réussissant presque à me persuader qu'il n'avait jamais existé. Livide, je rejoignis le lavabo pour me nettoyer sanglotant sans m'en rendre compte. Nous finîmes par regagner la chambre et je savais qu'il allait falloir que je lui explique ce qui venait de se passer. William attendait, désemparé, que je lui parle, alors je partageai avec lui le plus douloureux de mes secrets. Il ne fit aucun commentaire, mais ses yeux et sa posture en disaient long. « Je suis vraiment désolé de t'avoir fait peur.
Il me prit dans ses bras pour éviter que je ne lise un peu plus dans ses yeux qui n'avaient plus rien de pétillant. Il savait que s'énerver maintenant ne changerait pas le passé. Ça n'arrangerait pas les choses, bien au contraire, car il me connaissait suffisamment pour comprendre que je n'avais absolument pas envie de m'attarder sur le sujet même si oui, il faudrait bien que l'on finisse par en parler et oui il faudrait que je finisse par admettre et accepter ce qui avait failli se passer. Il allait bien falloir que j'arrête de faire l'autruche et que je trouve le moyen d'agir. Mais pour l'instant, j'avais juste envie de profiter de mon premier grand voyage et de mon petit ami.
- Je voulais pas réagir comme ça Will, je suis vraiment désolée, je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai tout gâché...
- Je t'interdis de dire ça, me dit-il en passant sa main dans mes cheveux. Ne dis plus jamais ça, d'accord ? Ce n'est pas grave, on a eu une journée fatigante et il faut vraiment que tu arrives à parler, à moi ou à quelqu'un d'autre, de ce genre de choses. C'est important. Tu ne peux pas garder des souvenirs d'une telle ampleur pour toi, ça va finir par vraiment te bouffer de l'intérieur.
Je hochai la tête, laissant une dernière larme rouler sur ma joue qu'il attrapa au vol.
- On n'en parle plus pour l'instant, d'accord ? demandai-je.
- On n'en parle plus pour l'instant, confirma-t-il. Et je te promets de t'offrir le plus beau voyage de toute ta vie. »
********************
3919 - Violences Femmes Info : Numéro d'écoute national destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Appel anonyme et gratuit 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
A toutes les victimes, nous vous croyons, nous vous écoutons.
A tous, n'hésitez jamais à tendre la main, à offrir un sourire, à écouter même en silence, à respecter les silences...
Et n'oubliez jamais : un petit rien, c'est mieux qu'un rien du tout.
Lily <3
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