Le lieu de mon enfance
« Take pictures in your mind of your childhood room
Memorize what it sounded like when your dad gets home
Remember the footsteps, remember the words said »
Never Grow Up — Taylor Swift
La voiture se stoppa devant un lieu que j'avais cru disparu à jamais. La maison et ses environs semblaient déserts.
J'avais quitté cet endroit des années auparavant, le cœur en pièces, et j'avais pensé ne plus jamais revenir.
Tel un fantôme, je rejoignis la porte d'entrée et insérai, hésitante, la clef dans la serrure. Je déverrouillai minutieusement le mécanisme, effrayée de voir la porte s'ouvrir sur mes souvenirs douloureux. J'abaissai délicatement la poignée et glissai la moitié de mon corps dans l'entrebâillement de la porte. Je scrutai alors les lieux, dans la pénombre.
Je sentis une présence lointaine me pousser à l'intérieur.
Je franchis le cap de l'entrée et visitai silencieusement chaque recoin.
L'odeur du renfermé me piqua le nez, salissant la mémoire pétillante de l'endroit. Pourtant, rien n'avait changé, tout était à sa place, comme auparavant.
J'arrivai devant la porte de la chambre de mes parents et m'arrêtai pour en regarder le bois. Je posai mes mains contre cette dernière pour sentir leur présence. Ils étaient là, je le savais.
Je n'entrerais plus jamais dans cette chambre, elle resterait pour toujours sacrée, ancrée dans mon esprit, avec mes parents souriants sur le lit, bouquinant, se taquinant, riant.
Je rejoignis alors ma chambre. La retrouver me fit un électrochoc. C'était inexplicable... comme... comme si je n'étais jamais partie.
Je m'assis sur le lit qui n'avait pas changé de place. J'avais oublié beaucoup de choses de ces années passées, mais le logement m'était familier.
Un bibelot était posé sur ma table de chevet. Je le saisis pour l'admirer. Il s'agissait d'une boule à neige. Le Big-Ben se trouvait à l'intérieur, entouré de flocons. La coïncidence me fit sourire.
Je me tournai vers Will qui attendait patiemment que je m'acclimate.
— Tu vois, murmurai-je, tu as toujours été là pour moi.
C'est au moment de reposer la boule que je me rendis compte de l'étonnante propreté des lieux. Alex m'expliqua que quelqu'un était venu faire le ménage, toutes les deux semaines, pour éviter que la maison ne se dégrade.
Sans demander plus d'explications, je posai ma valise sur le sol prête à reprendre ma vie là où je l'avais laissée. Certes, ma mère ne viendrait plus me border, je ne sentirai plus ses lèvres chaudes se poser sur mon front, mais d'une certaine manière je l'avais retrouvée en ces lieux, je les avais retrouvés, et je m'étais retrouvée un peu par la même occasion.
Je sentis poindre une force dans tout mon organisme, heureuse de retrouver un sens à mon existence. Je savais que de nombreux souvenirs perdus allaient enfin me revenir en ces lieux.
Ce n'était qu'une question de temps.
Je finis par rejoindre le salon. Je ne pus supporter la vue de notre vieux téléphone. Je revis Alex s'effondrer au sol, le faisant tomber par terre. Il venait d'apprendre la terrible nouvelle. Je la connaissais moi aussi, mais ne pouvais lâcher l'écran de télévision des yeux.
Sans un mot, je débranchai l'appareil et le jetai à la poubelle. Je m'assis alors là où s'était trouvé mon frère trois ans auparavant pour exorciser les lieux.
Je ne me battis pas quand les visions m'assaillirent, préparée à les accueillir. Je tentai de ne rien laisser paraître quand je revécus la mort de mes parents, je me forçai à ne pas pleurer quand ce fut le tour de William.
Ce dernier s'agenouilla invisible devant moi sachant ce qui se passait. Je l'entendis murmurer que j'étais courageuse. Je laissai son parfum m'envahir pour éloigner mes cauchemars. Et, naturellement, tout redevint normal.
Quand je me relevai, les lieux semblaient avoir changé, comme si tous les mauvais souvenirs avaient été effacés. Une ambiance reposante avait envahi l'atmosphère et j'en fus soulagée.
Alex me rejoignit, un ours en peluche dans les bras. Il me le tendit en souriant.
— Tu t'en souviens ? murmura-t-il.
Je regardai l'ours sans comprendre, le retournai, l'observai sous tous ses angles, puis plongeai mes yeux dans ses prunelles de verre.
— Snow, il s'appelle Snow, il s'appelait Snow.
Mon père m'avait offert cet ourson, je m'endormais avec lui chaque soir.
— Tu vois petit compagnon, je ne t'ai pas oublié.
*
* *
Les garçons restèrent une petite heure avec moi, curieux de découvrir ce manoir fantôme. Alex fut le premier à nous quitter, puis sentant que je m'étais familiarisée avec mon nouveau chez moi, Will me murmura qu'il allait devoir rentrer.
— Tu ne vas quand même pas rentrer à pied, il fait nuit noire !
Mon amour se dirigea vers le porte-manteau à l'entrée et saisit son blouson. Il l'enfila avec dextérité avant de me répondre.
— Ne t'en fais pas, j'en ai à peine pour quinze minutes. Et encore, si je marche lentement.
— Quinze minutes seulement, chuchotai-je.
Je ne m'étais pas rendue compte de la proximité de son appartement.
— Oui, tu vois : on ne sera jamais loin. Et ne t'en fais pas, je t'aiderai à t'installer dans la semaine.
Je le remerciai sincèrement et enfilai mon manteau pour l'accompagner à l'extérieur. Il m'arracha un baiser, un éclat malicieux pétillant dans ses iris.
— Je te vois demain ? souffla-t-il à mon oreille.
— Bien sûr et dans mes rêves aussi !
Je savais qu'il me testait et je ne voulais pas lui montrer que notre nouvelle proximité me perturbait.
— C'est sûr qu'avec moi dans tes rêves tu ne peux que bien dormir, susurra-t-il.
— J'appellerais plutôt ça des cauchemars, me moquai-je.
Je lui tournai le dos, faisant semblant de bouder, et fis mine de regagner mon logement.
— Ne t'inquiète pas, je m'en vais, comme ça tu ne cauchemarderas pas éveillée.
Son ton piquant me força à faire volte face. Il me tira la langue avant de tourner les talons. Il allait vraiment s'en aller le bougre. Par peur de l'avoir blessé, je partis à sa poursuite au pas de course. De ses grandes enjambées, il avait déjà pris pas mal d'avance. Je l'attrapai au vol, me collant contre son dos pour l'empêcher de s'évader.
— Tu as oublié quelque chose, m'écriai-je.
Il attendit, patiemment, curieux.
— J'aime bien cauchemarder quand il s'agit de toi, je crois même que je pourrai cauchemarder toute la vie.
— Ce n'est pas ce que je te souhaite.
Mais quelle mouche pouvait bien l'avoir piquée ! Il ne voyait donc pas que je plaisantais.
— Je ne comprends pas ta réaction William.
Je ne savais plus s'il me taquinait ou si quelque chose le tracassait. Il semblait impénétrable.
— Tu es la première personne à m'avouer fantasmer sur ses cauchemars ! Je trouve ça bizarre. D'un autre côté, tu es bizarre.
Derrière son ton moqueur se masquait autre chose de suspect. J'avais donc vu juste. Quelque chose lui trottait dans la tête. Une idée stupide qu'il s'était implantée dans le crâne et que j'allais devoir retirer à coup de marteau bisous. Je le pris dans mes bras pour lui chuchoter à l'oreille.
— Je n'ai pas peur de toi, et c'est toi que je veux. Sache que même dans le pire des cauchemars je te voudrais encore, toi et toi seul. L'éternité est trop courte pour exprimer ce que je ressens, mais sens moi contre toi et comprends. Je n'ai pas peur de nous.
Sans mal, il se dégagea de mon étreinte pour embrasser le bout de mon nez. Son souffle chaud et magique le dégela instantanément. J'enfouis mes doigts dans sa tignasse dorée et portai mes lèvres à sa joue. Je sentis dans la douceur de ses gestes qu'il avait compris le message. Je ne savais pas s'il arriverait à l'assimiler, mais j'étais là pour le lui répéter.
— Il faut que j'y aille !
Je m'éloignai de lui et gravis les marches de mon perron. Je le regardai s'éloigner dans l'encadrement de la porte. Je restai là, à le scruter dans le noir jusqu'à ce que son image disparaisse dans la nuit.
*
* *
Je refermai alors la porte de mon nouveau chez moi dans mon dos. Le silence pesant sur ma personne, je cherchai à tâtons mon portable dans ma veste. Ce dernier en main je rejoignis ma chambre et m'avachis sur le lit. Je composai alors le numéro de Julie qui répondit au bout de trois tonalités.
— Tu ne sais pas ce qui vient de m'arriver, murmurai-je.
Tout, je lui racontai tout.
********************
Il y a des lieux qui nous sont plus familiers que nous même,
Des endroits emplis de bonheur et de souvenirs.
N'est-ce pas magique ? Que des murs puissent être imprégnés d'une telle énergie ?
Vous l'avez déjà ressenti, cette sorcellerie ?
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
Lily <3
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