J'ai besoin de lui...
So pull me up from down below
'Cause I'm underneath the undertow
Come dry me off and hold me close
I need you now I need you most
Head Above Water — Avril Lavigne
Je les regardais s'acharner sur sa poitrine à l'aide d'un défibrillateur. Je n'aurais pas dû rester là, mais personne ne me prêtait attention.
La tension, elle, était palpable.
Je voyais de la transpiration perler sur le front du personnel hospitalier. L'infirmière de la veille se trouvait également dans la pièce, mais tout comme moi elle n'osait pas bouger.
Pourtant, au bout de quelques minutes elle tourna lentement son regard vers moi et se rendit compte de ma présence.
Elle me rejoignit d'un pas rythmé et me sortit de force de la chambre, cette chambre que je refusais de quitter, cette chambre qui représentait mon dernier espoir.
Je me débattis un moment pour rester auprès de lui, mais finis par me raccrocher à la raison en la suivant à l'extérieur. J'entendis alors un médecin parler doucement dans la chambre trois cent quarante et une.
— Heure du décès ? scanda cette voix.
La femme qui m'avait conduite dehors m'offrit son plus beau sourire, comme pour me redonner courage. J'eus alors envie de crier mon désespoir à plein poumon sans que rien ne sorte de ma bouche. Au lieu de ça, je baissai le regard et aperçus sa plaque professionnelle : elle s'appelait Gaëlle Martins.
— C'est de votre faute, me dit l'infirmière, vous auriez dû le croire depuis le début et rien de tout ça ne serait arrivé. C'est vous qui l'avez tué, m'accusa-t-elle d'une voix ironiquement douce.
— Il m'a promis qu'il ne me laisserait pas, sanglotai-je en me laissant tomber au sol, il a promis...
— Après ce que vous avez fait, je ne vois pas pourquoi il devrait tenir sa promesse, vous avez déjà tout brisé, ricana-t-elle ! N'est-ce pas mademoiselle ?
La tête me tournait tellement que je sentis de la bile remonter jusqu'à ma bouche. Pourtant je ne vomis pas, j'eus seulement envie de mourir, de mourir le plus rapidement possible et de laisser tout ça derrière moi. Elle me fixait, les yeux emplis d'une bonté sadique. Sa voix se fit alors plus douce, plus calme et mesurée comme pour ravaler ses dernières paroles...
— Mademoiselle ? Mademoiselle Cartier ? Réveillez-vous mademoiselle !
Je sentis une main se poser sur mon bras et me secouer doucement. Je pus reprendre connaissance, lentement, revenir à la réalité.
La première chose que j'entendis fut le bruit de l'électrocardiographe, régulier, régulier, régulier.
*
* *
J'ouvris précipitamment les yeux et me redressai en un sursaut involontaire. L'infirmière Martins me regardait avec une mine inquiète. Je me trouvais encore dans le lit de William et celui-ci reposait calmement à côté de moi. Sa poitrine se soulevait doucement et je posai ma main encore tremblante sur son cœur.
— J'ai... j'ai rêvé qu'il mourrait, murmurai-je... je, j'ai besoin de lui. Il ne doit pas... il ne peut pas... sanglotai-je doucement.
Madame Martins s'approcha de moi et me prit la main qu'elle serra gentiment.
— Il est hors de danger, assura-t-elle d'une voix pleine d'assurance. Votre frère est intervenu à temps. Il ne peut plus rien lui arriver.
Je levai la tête pour immiscer mes yeux dans son regard azur. Elle me sourit calmement et avec compassion.
— Vous devriez parler à quelqu'un, affirma-t-elle d'une voix qui se voulait professionnelle, nous sommes dans un hôpital, vous devriez discuter avec l'un de nos psychiatres. Je pense que cela vous ferait le plus grand bien. Vous avez subi un choc émotionnel. Prenez le temps d'en parler, de vous vider l'esprit : Monsieur Lewis sera toujours là quand vous reviendrez.
— Je dois rester avec lui, prendre soin de lui, affirmai-je en ignorant ses paroles, les événements qui se sont produits la veille je... je les avais prévus... en quelque sorte. Je sais que c'est difficile à avaler, mais je ne veux pas prendre le risque que ça recommence. Je ne voudrais pas qu'il lui arrive quelque chose... je... je ne suis pas folle. Il pourrait revenir, il ne le laissera jamais s'en sortir.
Je soupirai comprenant que mes paroles n'avaient aucun sens pour elle. Tant pis si elle ne me croyait pas. Une chose était sûre : je resterais ici jusqu'à ce que William se réveille.
Je souris timidement à l'infirmière, un sourire d'excuse qu'elle me rendit avant de hocher simplement la tête. Je lâchai alors sa main pour saisir celle de William.
« Plus jamais, pensai-je, plus jamais je ne te trahirai ».
*
* *
Une semaine et demie s'écoula sans que Will ne réagisse. Je me relayai avec Julie et Alex pour veiller sur lui. J'avais tout d'abord obstinément refusé de sortir de la chambre, mais ils avaient fini, à l'usure, par m'en persuader.
Marie et Jack Lewis étaient arrivés deux jours plus tôt, accompagnés de Katty. Ils m'avaient demandé de rester chez eux, m'affirmant à plusieurs reprises que ça ne posait aucun problème.
Pourtant, je refusai poliment leur proposition : je me sentirais mal à l'aise dans cet appartement sans William. J'y avais laissé trop de souvenirs plus forts les uns que les autres. Me rappeler ces moments sans l'avoir avec moi me brisait littéralement le cœur. Je préférais passer mes nuits à l'hôpital avec lui plutôt que de prendre le risque qu'il ne lui arrive quelque chose.
L'infirmière Martins, qui s'était bizarrement prise d'affection pour moi, avait accepté de me faire installer un lit de camp dans la chambre sous les regards critiques de mes proches qui voyaient ça d'un mauvais œil.
— Tu devrais te reposer, m'affirmait Alex.
Kate et Julie étaient celles qui me comprenaient le mieux, l'une connaissant la relation que j'entretenais avec William sur le bout des doigts et ayant supporté l'effet dévastateur de notre éloignement pendant trois années, l'autre m'ayant toujours soutenu du mieux qu'elle pouvait.
Comme chaque soir, je me couchais dans mon lit improvisé, enfin seule avec mon petit ami.
Toute la journée, des gens défilaient, chacun espérant apercevoir un signe prouvant que Will nous entendait. Certains lui demandaient de bouger les doigts, d'autres de leur serrer la main les yeux pétillants d'espoirs.
Si ce n'était pas la famille, c'étaient les infirmières... au final ils voulaient tous que je me repose ou que je parle et je n'attendais qu'une chose : le soir pour me retrouver seule avec lui et l'entendre respirer, encore et toujours comme un poème sans fin.
Juste lui, moi et le silence.
Lui, moi et ce doux bercement qui me menait rapidement au sommeil, me permettant de le rejoindre dans un autre monde, un univers parallèle, celui où il semblait enfermé depuis des jours.
Pourtant, j'eus du mal à m'endormir ce soir-là. Je m'efforçai malgré tout de garder les yeux fermés pour rejoindre Morphée.
C'est là que j'entendis la voix rauque de Will prononcer mon prénom.
Je crus tout d'abord que je m'étais enfin assoupie et que je rêvais. Ce n'est qu'en l'entendant bouger et grincer des dents de douleur que je compris qu'il s'était enfin réveillé.
Je repoussai machinalement les draps de mon lit et allumai une faible lumière. Ce fut la première fois que je vis ses yeux, la première fois depuis une semaine, quatre jours et douze heures, un signe de vie qui m'avait terriblement manqué.
Je le regardai fixement pendant quelques secondes sans pouvoir faire un seul geste puis je clignai des yeux à trois reprises pour m'assurer que j'étais bien réveillée. Lui ne bougea pas d'un pouce comme pour se ménager.
— Will..., murmurai-je.
Il m'offrit un sourire éblouissant avant de grimacer parce qu'il avait bougé trop rapidement. Je le vis chercher quelque chose du regard avant de tendre le bras, d'une lenteur infinie, vers le pot à eau posée sur sa table de nuit.
Reprenant mes esprits je le rejoignis en moins de deux, saisis la carafe au passage et lui servis de l'eau alors qu'il me regardait boudeur. Je lui tendis le verre qu'il saisit avec difficulté, au ralenti, comme si le moindre mouvement lui coûtait un terrible effort : je voyais clairement que ça l'agaçait, ce pour quoi je n'insistai pas pour l'aider, me préparant simplement à rattraper son verre en vol en cas de besoin.
Une fois sa soif étanchée il reposa son verre avec un sourire victorieux. En ramenant son bras vers lui, le fil de sa perfusion se prit sur le pourtour de son lit, je l'entendis alors lâcher un « shit » qui m'arracha un sourire tandis qu'il se débattait avec le fil.
Je me retins de ne pas rire pour ne pas le vexer, mais, lorsqu'il dégagea enfin, lâchant un « that's fucking drip »(1), ce fut lui qui éclata de rire.
Je me demandais alors d'où il tirait cette énergie soudaine qui me réchauffa instantanément le cœur. À cet instant j'étais totalement soulagée.
Son fou rire s'arrêta assez rapidement, car il relançait la douleur émanant de ses blessures. Il tâtonna avec difficulté le bord de son lit à la recherche de quelque chose. Semblant connaître les hôpitaux comme sa poche, il finit par trouver ce qu'il cherchait : une télécommande qui lui permit de redresser son lit pour le mettre en position assise.
Je m'installai à côté de lui et baissai les yeux sentant les larmes me monter, une fois de plus. Il s'en aperçut automatiquement et s'efforça de prendre mon visage entre ses mains. La douceur de sa peau m'avait tellement manqué, il m'avait tellement manqué.
Il essuya avec tendresse l'eau salée perlant aux coins de mes yeux glissant ses doigts sur ma joue.
— Tu vas bien ? réussit-il à murmurer la voix rauque.
Ses yeux brillaient d'inquiétude. Il avait pris mes larmes pour de la tristesse alors qu'en fait j'étais soulagée, tellement soulagée. On venait de retirer une montagne de mes épaules : c'était simplement mes nerfs, à bout depuis une semaine et demie, qui craquaient. Je lui souris et me serrai contre lui, en prenant soin de ne pas le heurter. Enfin, je calai visage au creux de son cou.
— Tu m'as tellement manqué Will, j'ai bien cru que j'allais te perdre, murmurai-je tout contre lui.
— Je t'ai fait une promesse. Non ?
Il tenta du mieux qu'il pouvait de resserrer l'étreinte qui nous unissait. Je savais pertinemment qu'il allait se faire mal, mais je n'arrivais pas à le repousser, j'en avais tellement besoin.
— Tu ne me perdras jamais, confirma-t-il une seconde fois en caressant mon bras.
Il passa sa main en haut de mon buste faisant glisser ses doigts sur la chaîne qui n'avait pas quitté mon cou, la chaîne où pendait sa bague. Son geste était simple, délicat, mais plein de sens : il voulait me dire qu'il ne me quitterait jamais, que nous étions liés et que rien ni personne ne pourrait changer ça.
J'embrassai son cou avant de m'éloigner un peu de lui pour le laisser respirer.
— Il faut que tu te reposes, dis-je sur un ton qui se voulait autoritaire.
Je repoussai doucement ses bras afin de rejoindre mon lit et de le laisser dormir, mais je le sentis s'accrocher à moi.
— Toi aussi tu m'as manqué, dit-il sur un ton d'excuse.
Une moue boudeuse se dessinant sur son visage.
— Sarah, reprit-il dans un murmure, tu n'as rien à te faire pardonner, d'accord ?
Je le regardai interloquée avant de comprendre qu'il avait entendu tout ce que je lui avais dit pendant ces derniers jours où il ne m'avait finalement pas laissée un instant. Je rougis à cette pensée, mais il n'eut pas l'air de le remarquer.
Il me retint une seconde fois alors que je me dégageais de notre étreinte. Il voulait simplement que je reste, et je voulais rester près de lui... « À quoi bon être sage ? » songeai-je avant de rejoindre ses bras, cédant ainsi à sa demande silencieuse.
Quelques secondes plus tard, je m'étais endormie et cette fois sans aucune difficulté.
(1) Angl. Trad. Cette putain de perfusion
*******************
Parce qu'une guerrière mérite un guerrier,
Et parce que je les aimais trop pour les séparer.
Après tout... je suis là pour vous donner de l'espoir,
Pour que vous me croyez quand je vous dis qu'on s'en sort toujours,
Qu'il y a toujours un soleil planqué derrière les nuages.
Et je pense qu'ils ont mérité de l'atteindre cette fois.
On approche de la fin de voyage,
Mais vous restez encore un peu avec moi ?
Avec tout mon amour,
Lily <3
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