Essayer pour mieux se planter
« Oh, I hope some day I'll make it out of here
Even if it takes all night or a hundred years
Need a place to hide, but I can't find one near
Wanna feel alive, outside I can't fight my fear »
Lovely — Billie Eilish et Khalid
Une fois qu'il eut disparu, la lumière éblouissante mais éphémère qui m'éclairait lorsque Will était près de moi fut rapidement remplacée par mon angoisse presque maladive.
« Pourquoi as-tu promis un truc pareil ? » ne cessais-je de me demander.
Parler à ma tante, mais quelle idée débile ! Sincèrement, avais-je réellement envie de me foutre un peu plus dans la merde ? Avais-je vraiment envie de passer pour une folle hystérique ? Parce que c'est clairement ce qu'elle allait penser ! Parce qu'elle était parfaitement incapable de voir qui se cachait dans le for intérieur de son petit protégé.
Le combat était perdu d'avance, et si Will ne pouvait pas le savoir Alex lui était bien au courant alors pourquoi diable m'avait-il incité à parler ?
La voix de ma tante résonna derrière la porte d'entrée me faisant sursauter. Elle n'allait pas tarder à entrer dans le salon et je ne savais toujours pas comment j'allais pouvoir la convaincre.
Les antidouleurs étant plutôt efficaces je n'avais plus vraiment mal, mais j'essayais de paraître plus souffrante que je ne l'étais réellement pour mettre toutes les chances de mon côté. Je puisai toutes mes forces dans ma peur, qui pourrait être traduite en douleur, je pensai à Antoine, au regard qu'il avait eu quand j'étais descendue de cette voiture. Il ne fallut pas longtemps pour que des larmes s'écoulent de mes yeux.
Le salon s'ouvrit sur ma tante qui venait déposer ses affaires. Quand elle m'aperçut, elle s'arrêta de bouger et m'analysa.
— Qu'est-ce que tu as encore inventé ? soupira-t-elle.
Elle leva les yeux au ciel, confirmant ainsi toutes mes craintes : elle m'avait déjà désignée coupable sans même m'avoir écoutée.
— Tu vas te décider à répondre ? marmonna Noémie la voix pleine d'accusations.
— Je n'ai rien à dire, rien du tout, me dégonflai-je.
Ma voix tremblait horriblement. Je devais lui parler, mais je n'en trouverai jamais le courage. Noémie était incapable de me croire.
— Sarah, tu as promis !
Alex m'avait parlé sèchement, les bras croisés, calé contre le pan de la porte. Son intonation ne me laissait pas le choix et c'est exactement ce dont j'avais besoin.
— Tu lui as promis.
— Oui.
Alex me sourit, satisfait d'avoir fait son petit effet. Je le remerciai intérieurement de m'avoir un peu secouée, de m'avoir soutenue pour ne pas que je baisse les bras. Je savais qu'il avait été brusque pour que je ne lâche pas.
— Qu'est-ce que vous complotez tous les deux ?
Étrangement, Noémie semblait inquiète. Elle s'approcha de moi et m'observa de plus près. Je lui laissai quelques instants pour qu'elle prenne conscience de l'ampleur des dégâts et pris enfin la parole.
— C'est Antoine qui m'a fait ça.
Ma tante s'écroula sur le canapé, les yeux exorbités par la surprise. Elle me demanda alors s'il m'avait fait tomber par accident, s'il avait pris le temps de s'excuser et de s'occuper de moi. Elle ne semblait pas pouvoir concevoir qu'Antoine ait pu volontairement me faire du mal.
— Antoine est violent avec moi.
Je lui laissai digérer l'information et priai de toutes mes forces pour qu'elle me croie, pour qu'elle se réveille enfin. Mais Noémie se leva et partit dans un grand éclat de rire.
— Je ne sais pas ce que vous manigancez tous les deux, mais c'est très grave. Vous vous rendez compte de l'impact que pourraient avoir ce genre de fausses accusations sur sa vie ? Me mentir ainsi, à moi ? Ce pauvre petit, tu ne peux pas simplement le laisser tranquille ?
J'eus l'impression de tomber de dix étages et de m'écraser violemment sur le sol. Je n'avais jamais ressenti une si grande déception. Je crois qu'au fond, l'espace d'un instant, j'avais cru qu'elle m'écouterait.
L'enthousiasme de Will et Alex avait eu raison de moi. Mais nous n'étions pas dans un conte de fée.
C'était un putain de thriller.
— C'est tout ce que tu trouves à dire ? répondis-je d'une voix étrangement calme. Ton protégé était à deux doigts de m'envoyer à l'hôpital et c'est tout ce que tu trouves à dire ?
— Tu veux vraiment savoir ce que j'en pense Sarah ? Je vais te dire ce que j'en pense : tu t'es bien servie d'Antoine quand tu avais besoin de lui et aujourd'hui, maintenant qu'il ne t'est plus d'aucune utilité, car tu t'es trouvé des « amis », tu voudrais pouvoir t'en débarrasser comme on jette un mouchoir. La prochaine fois que tu as besoin d'une excuse trouve quelque chose de plus crédible. Tout le monde sait ici qu'Antoine est un amour. Tout le monde peut compter sur lui. Son père a de bonnes relations et est un homme respectable. Sa mère est une femme des plus dignes.
Je n'écoutais même plus son discours, abasourdie par les conneries qu'elle pouvait déblatérer et le ton pompeux qu'elle employait.
— Tu crois vraiment que je cherche une excuse ?
J'avais parlé de manière mécanique complètement choquée par le tournant que prenait cette conversation.
— Bien entendu ! Tu as toujours aimé te faire passer pour la victime.
— Mais c'est la vérité, c'est absurde, pourquoi ferais-je une chose pareille sinon ?
— Pour lui attirer des ennuis peut-être. Pour faire ton intéressante ?
Sa voix claqua plus fort qu'une gifle. Trop c'est trop. Qu'elle ne me croie pas était une chose, qu'elle me traite de manipulatrice en était une autre.
— Un jour, tu me remercieras, continua-t-elle, car vous êtes fait l'un pour l'autre.
— Je sors prendre l'air.
Ma blessure s'était remise à saigner et sortir était probablement la pire chose à faire, mais si je restais dans cette pièce une seconde de plus je risquais de lui sauter dessus pour l'étrangler. Ce n'était absolument pas le moment de péter les plombs. Je me levai d'une traite et marchai vers la porte. Une main me retint.
— Sarah, tu risques d'empirer ta blessure.
— Je croyais que tu étais de mon côté ! hurlai-je
— Bien sûr que oui, mais le stress t'a fait ressaigner et...
— Ça lui apprendra à se blesser pour attirer l'attention ! scanda ma tante à l'autre bout de la pièce.
J'amorçai un mouvement dans sa direction prête à lui rentrer dedans, mais le contact d'Alex me retint.
— Il faut que je sorte, si je ne sors pas je vais, je vais...
— Sarah ? Ça va ? Tu es toute blanche.
— Retiens-moi... je... je ne me sens pas bien...
Des bourdonnements envahirent l'ensemble de ma boite crânienne et tout devint flou. Une envie de vomir monta dans ma gorge sans que rien n'en sorte.
En quelques secondes à peine mes jambes cédèrent sous mon poids et je m'effondrai sur le sol.
Je sentis alors mon frère me soulever, pris de panique, et me déposer sur le canapé.
Je recommençai doucement à flotter bercée par sa voix. Il pensait probablement que je ne l'entendais pas.
— Quand vas-tu arrêter de la faire souffrir ?
— Je ne la fais pas souffrir : je la remets sur le droit chemin ! Il faut bien que quelqu'un la guide.
— C'est en lui parlant comme ça que tu penses la guider ? Tu devrais l'empêcher de voir Antoine et la laisser voir William !
— Et pourquoi donc ?
— Parce que c'est ce que ta sœur aurait voulu Noémie !
— Ma sœur n'est plus là Alex, ce n'est pas à elle d'assurer votre avenir. Qui s'est occupé de Sarah quand tout s'est effondré pour elle ? Qui ? Ton William ou Antoine ?
— Ce que tu dis n'a aucun sens et tu le sais très bien !
— J'aime Antoine comme mon propre fils et je ne vous permettrai plus de parler en mal de lui. Et il est temps que vous arrêtiez de lui mettre tout le mal du monde sur le dos !
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Ce n'est pas parce qu'une personne à des liens de sang avec vous que vous êtes dans l'obligation de l'aimer et que vous devez tout accepter.
La violence psychologique reste de la violence, aussi grave que la violence physique, même si elle ne se voit pas. Elle n'est pas excusable.
Pour rappel : Si vous êtes victime ou si vous avez connaissance d'une situation de maltraitance d'un enfant, vous devez : appeler le 119.
Vous n'êtes pas seul.e.s
Lily <3
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