77.2-Me bello
-4 Janvier 2062-
[PDV Connor]
Ackim soulève mon poids et m'excentre du champ de bataille.
- Ça va ? Retourne dans le van si c'est trop pour toi, je peux faire le tour de la zone tout seul.
- Non, c'est trop dangereux, on continue ensemble.
- Comme tu veux.
Je crache pour diminuer le goût de vomi dans ma bouche. Nous reprenons notre balade mortuaire. Je lève le genoux et enjambe corps après corps. Combien y a-t-il de personnes ? Une dizaine ? Une trentaine ? Non, une bonne centaine.
Nous progressons jusqu'au bout du vaste espace. La lumière y est moins forte mais nous arrivons tout de même à distinguer des éléments. Dans le fond, un grand bureau disparait sous un amas de chair et d'os.
A mes pieds, je shoote dans des assiettes remplit de nourriture. La choucroute, froide, s'écrase trois mètres plus loin dans un vacarme assourdissant. Les première fois, Ackim m'a fusillé du regard mais maintenant, il ne se donne plus la peine de me réprimer.
Partout, les ailes de mouches bourdonnent et couvre notre souffle décuplé par notre respiration. Inspirer par le nez nous vaudrez une asphyxie.
Ackim se dirige vers le bureau tandis que je me contente du bar. Obnubilé par ces insupportables insectes, je les repousse loin de mon visage mais je finis à terre avant de l'avoir réaliser. Cette évidence me pendait au nez, éviter un corps, ok, deux, aussi, mais une demi-centaine ...
L'homme sur lequel je viens de butter frémit. Sa poitrine se soulève et emmagasine un maximum d'air. Il repousse la lumière qui se rapproche de plus en plus de lui. Son âme le quittera d'un instant à l'autre.
- De ... L'eau, s'éraille-t-il.
Je lui dois au moins bien ça. Je décroche la gourde dans mon dos et la lui porte. Il place sa bouche contre le goulot et boit de longue gorgée. Rassasié, je range le récipient à ma ceinture.
- Qui vous a fait ça ?
Mon optimisme dépasse la barrière de mes lèvres. Comment cet homme pourrait me répondre ?
Avec le restant de ses forces, son doigts s'étend et pointe dans le vide la direction d'Ackim. Ce geste lui coûte la vie. Son torse s'abaisse pour ne plus jamais se relever. Ses iris vitreuse orienté vers les miennes, j'avance ma main et les ferment.
- Que Dieu te guide. Ton combat prend fin, part le cœur léger, récité-je.
Cet homme n'est pas des notre mais il mérite de mourir dans les règles. Enfin ... Dans les miennes. Ma prière sort de mon imagination, je trouve que nos propre mots son plus fort que ces impersonnels rituels.
Je regagne le monde sensible et réduit l'espace qui me sépare de mon compagnon.
- Tu as remarqué quelque chose ?
- Non sauf un homme qui m'a montré ta direction quand je lui ai demandé ce qu'il s'était passé.
Ackim, l'archéologue en herbe, fouille le moindre recoins humain. Le noir vident les poches alors que moi, je m'attaque au tiroir du bureau.
Les rangements sont comme je m'y attendais. Remplis de stylo, de feuille et de cartouche, je ne trouve rien. Cependant, quand j'ouvre le dernier tiroir, je découvre un vieil ouvrage. Sa couverture, corné, tient grâce à du scotch. Le titre, déteint à cause du soleil, m'empêche de découvrir de quel livre il s'agit.
Des pas, lourd, rompt notre cocon silencieux. Tel des suricates, nous redressons la tête. Une personne approche, c'est indéniable. Mon sang se glace et s'immobilise. Un instant, je crois défaillir.
Ackim, paré, porte l'arme à son épaule. Il évolue le long du chemin de fer créer à base de chair humaine et de sang. L'effet de surprise se brise en raison du liquide chaud qui colle à ses semelles.
La course folle de l'inconnu se rapproche de nous. Qui est-ce ? Les doigts tremblants, j'imite le brun même si je sais que je serais incapable de tirer.
Je juge par les bruits la distance qui nous sépare son arrivée. Il est seul à dix mètres. Cinq. Trois ...
Le visage qui apparaît allège mon cœur. Loïs débarque, fusil contre le torse et essoufflé devant nous.
- Ackim, ne tire pas. C'est un ami.
Soulagé, il baisse son arme. L'ami de Vi nous rejoint.
- Que fais-tu là ? Il y a deux jours, tu étais de l'avis que cette mission était du suicide.
- J'ai changé d'avis.
A deux mètres de nous, je remarque ses yeux cernés.
- Comment nous as-tu rejoint ?
- J'ai mes petits secrets mais je ne savez pas que marcher nuit et jour épuisait autant.
Il prend appuie sur ses genoux et tente de retrouver une respiration normale.
- D'où tu sors ce bouquin ?, me demande Loïs.
- Il était dans le bureau, tu sais ce que c'est ?
Il prend le livre et le retourne pour le voir sous toutes les coutures. Ackim retourne à sa fouille.
- C'est bien ce que je me disais. Ce torchon n'est autre que Mein Kampf.
Dégouté, je le reprend et le balance à l'autre bout de la salle. Il termine sa course dans une flaque écarlate.
- Comment connais-tu cet horreur ?
- J'ai des origines allemandes, ma famille a baigné suffisamment longtemps dans ces trucs pour que je connaisse leur dangerosité.
Mon regard appuyé le pousse à développer.
- J'ai des ancêtres ariens qui eux-même ont eu des enfants. L'idéologie est passé de descendants en descendants jusqu'à moi. D'où mes yeux bleu et mes cheveux blond.
- Et tu crois au nazisme ?, hésité-je.
- Non, bien sûr que non. Je suis parti de chez moi à cause de ça. Au moins une fois par semaine, mon père réunissait un séminaire pour échanger autour de leur cher idole. Quand ils étaient là, j'allais dans ma chambre et mettait le son de mes écouteurs à fond. La plupart du temps, la musique couvrait leur voix mais pas tout le temps. Le débat pouvait devenir enflammé et alors le volume augmentait.
Un grincement de chaussure noie sa voix de moins en moins forte. Elle se transforme en murmure. La honte.
- Jamais je ne cautionnerai de telles choses, je t'en fais ma parole.
Rassuré par ses mots, je lui offre une petite frappe amicale sur l'épaule.
- A quoi ça aurait pût leur servir ?
Mes questions regorgent d'une terreur profonde. Si je pouvais revenir plus d'un siècle en arrière, je ne serais plus là pour parler. Les juifs, les tziganes, les handicapés, les noirs, tous prenez la même direction : le camp.
Je frissonne à l'idée d'une mort lente. Un jour, elle viendra m'emmener vers un chemin que tant d'autres ont pris et j'espère que, quand ce jour viendra, il sera rapide et indolore. Une simple euthanasie.
- Les gars, venez voir, nous intime Ackim.
Nous nous regroupons autour d'un corps. Je mets un moment avant de le reconnaître. Ses joues boursoufflées, son œil au bord noir, sa lèvre contusionné et sa gorge fraichement découpé déforme sa véritable personnalité.
Du bout de ma chaussure, je fais pivoter la tête sur son axe. Un filet de sang se fixe sur toute la moitié gauche de son visage. Renan, garçon d'une vingtaine d'année, ressemble à un bibendum. Cet effet est dû à son visage mais à ses vêtements gonflés par un mélange de globules rouges et de veste entassé.
Dommage, on m'a retiré ma vengeance ...
Ackim s'agenouille pour récupérer un carnet. Couvert de cuir, il ressemble à un journal intime -rectification, c'est un journal intime- et pas n'importe lequel. Le sien.
Mon camarade nous devance et feuillette le carnet, les sourcils froncés.
Je dévisage le visage de l'homme qui m'a concurrencé. Qui a fait ça ? Aurions-nous était les premiers ou les suivant si l'Implosion n'avait pas été déclaré morte ?
- Je crois savoir à qui appartenait ce livre ?
Il désigne un point inconnu derrière nous.
- Renan ce servait de lui pour créer son propre Mein Kampf. Ce journal est bourré de rapprochement et d'idée plus ou moins jetées en vrac. Il avait pour but de finir à la tête du pays, pas pour le libérer mais pour l'assiéger encore plus.
Un frisson parcourt ma colonne vertébrale. Loïs continue avec une question qui me semble désuette :
- Le journal à un nom.
- "Me bello", ça veut dire "Mon combat" en latin, traduit Ackim. Il s'est servie de cette pourriture allemande jusqu'au titre. Ça me donne envie de vomir.
D'une expression dégoutée, il fait semblant de régurgiter sur le mort. Pas qu'il ne le mérite pas, mais quand même ... Son âme a été entaché par de sombres courants, à nous de garder la notre en état.
Je me tourne vers le bureau et récupère un briqué. Posé à côté de cigarettes, je doute fort que le propriétaire revienne le chercher.
- Que vas-tu faire ?, s'inquiète Ackim.
- Le brûler. Personne ne doit tomber dessus et encore moins le lire. C'est trop risqué.
J'empoigne le livres par les pages sans ménagement et l'installe au-dessus du corps de son propriétaire. La roulette actionne le briquet et une flemme, majestueuse, s'élève dans l'air froid.
Le chaud et le froid. Deux opposé que nous pouvons appliquer à notre principale inconnue. La vie et la mort. Elles ne seront jamais élucidé et c'est mieux ainsi. Pour que la vie garde de son piquant, il faut laisser quelques étincelles qui raviveront la flamme.
Les senteur si particulière du feu viennent chasser l'odeur putride de la décomposition et du sang séché. C'est fou comme cette minuscule source de chaleur vous insuffle une force indestructible.
La chaleur cajole les pages jaunis par le temps. Elles noircissent puis rougissent. La flamme grossit et s'accroit. Une pluie de cendre volent devant mes yeux. Je pose avec précaution le carnet sur Renan, pour ne pas éteindre les flemmes, et recule.
Le feu prend vie et grignotent sa nourriture.
- Connor, rentrons, je n'aime pas cet endroit et les autres nous attendent chez Noa. Nous avons accomplit notre devoir. Renan n'est plus.
Ackim a raison mais j'ai un besoin ardent de voir cette endroit brûler tout comme le Hangar à brûlé. J'ai enfin rendu la monnaie de ma pièce. Nous sommes libre, indépendant de cette corde qui lié nos deux destins. Je vivrais dans le brasier de la vie tandis que lui mourra dans les flammes de l'enfer.
- Nous y allons, décrétai-je.
Petits pouces que nous sommes, nous remontons la trace de nos pas, encrés dans le sang séchés. Dans mon dos le crépitement du feu hérisse mes poils mais mes oreilles captent un son. C'est plus un bruit.
Des chuchotements et des bruits de pas.
- On n'est pas seuls, conclut Ackim.
Sa rapidité et son instinct de soldat me dépasse. Tous les trois, nous armons nos fusils. Notre assaut arrive.
Nous sommes canardés avant de voir deux silhouettes. Une femme et un homme.
- A terre !
Ackim plonge mais moi j'en suis incapable. La stupeur me paralyse.
Néanmoins ma nouvelle recrue réagit. Ma petite voix m'enjoint de le pousser loin de moi et de le coucher au sol, or, je le laisse faire. Ackim riposte et abat l'homme. La femme se défend plutôt bien et nous prends pour cible. Le corps de Loïs s'improvise bouclier.
Le métal crible ses vêtements et ses traits se fanent.
Un hurlement résonne dans mes oreilles. Je crois que c'est le mien mais je suis si loin.
Loïs tombe sur les genoux puis s'allonge sur le sol. Des spasmes le traversent.
Mon compagnon, touche la femme au bras et à la jambe droite. Les tires cessent.
Je me précipite sur mon ami, touché mortellement.
- Loïs regarde-moi ! Regarde-moi !, bégayé-je.
Mes mains, couvertes de son sang, ne savent pas où faire pression. Il y a trop de trou, trop de sang.
Ses pupilles se dilatent et se fondent dans l'océan.
- Non, non, non.
Un goût salé s'insinue dans ma bouche. Mes larmes coulent et se mélange à son sang.
Ces derniers mots fuitent entre ses lèvres. Les derniers d'une courte vie.
- Merci ...
Mon sang ne fait qu'un tour. Je me lève et pointe le bout de mon fusil sur le visage de la femme. Un coup de pied l'écarte du sien. Elle est blessée et désarmée.
- Qui a fait ça ?
L'amalgame de tout ses évènement transforme ma voix. Elle fait vibrer les murs d'acier.
- Les nôtres. Un sympathisant à découvert ce que prévoyait Renan. Ils se sont vengé en jurant de suivre leur cœur. Plus rien ne peut arrêter l'implosion ...
Ma balle se loge dans son crâne quand le mot franchit sa bouche. Plus personne n'utilisera ce mot. Il est mien. Il m'appartient.
Une minute s'écoule et Ackim agrippe mon bras.
- Il faut qu'on y aille. Ils ne doivent pas être seuls.
Je le suis à l'extérieur. En effet, à une dizaine de mètre derrière nous, des individus arrivent, les bras lourdement armé. Une balle se libère de son étui et m'atteint aux bras. Des gouttes de sang suivent le tracé du métal qui transperce mon muscle.
- Ah !
Contraint de m'arrêter, je remarque la blessure qui manque de me faire tourner de l'œil.
Ackim, pressé de rejoindre le véhicule, vide son chargeur en me trainant.
Main plaqué contre mon bras, je grimace comme si la douleur pouvait s'atténuer. Dans notre dos, les cris se multiplient et nous ordonnent de nous rendre.
Ni aujourd'hui. Ni jamais. A l'Implosion ! ...
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