58-Cinquante millions

-20 Décembre 2061-

La douceur et l'odeur du coton neuf embaume la pièce. Mes mains saisissent le tissu à la recherche de quelque chose de familier. J'ouvre les yeux mais le regrette aussitôt, la lumière artificielle les agressent le temps qu'ils s'habituent. Le blanc, toujours du blanc, du sol au plafond, il n'y a que cette couleur. C'est à ce demander s'ils ne connaissent pas autre chose, ici.

L'air qui entre dans mes poumons se trouve être un mélange de produit hydroalcoolique et de savon de Marseille, il entre et sort sans n'émettre aucun bruit. Je me redresse et me palpe le corps. Suis-je mort ?

Ma gène thoracique a disparu. Un seau d'eau bien froide a éteint le feu qui me consumait. Mes muscles s'articulent dans tous les sens et ne me font plus mal. Je déglutis.

Encore un peu sonné, je me décale du lit pour laisser mes pieds penduler dans le vide. Mon pantalon et mon tee-shirt bleu s'accroche au tissu de la couette d'un vert léger. J'approche deux doigts de mon avant bras et le pince. Aïe !

Si ça ce n'est pas la preuve que je suis en vie et soigné, je ne sais pas ce qu'il me faut. Quel jour sommes-nous ? Où suis-je ? Pardon, je retire cette dernière question. Je sais exactement où je me trouve. Cette pièce m'a plus servit de chambre que ne la fait mon lit dans les étages au-dessus.

Ce laboratoire remplit de bidules scientifiques, de machines, de microscopes est resté le même. Je le trouve toujours aussi triste. Je me propulse sur mes deux jambes, mes pieds s'électrisent au contact du carrelage marbré frigorifié. Rien n'a bougé mis à part l'ajout d'un lit une place sur lequel je dormais. Il ajoute une touche de confort à cet espace de travail. A l'époque, je dormais assis, la tête posée sur l'une des trois paillasses. La pièce de trente mètres carrés s'avère le plus grand laboratoire de l'étage, son agencement est tel que nous avons tout à porté de main. Les deux murs donnent sur quatre chambres stériles réservées à des sujets. Au centre de la pièce,  trois ilots s'accordent pour regrouper tout le matériel dont, nous autres scientifiques, avons besoin.

Je m'approche de la palliasse la plus à gauche. Mes doigts parcourent cette surface lisse tachetée de petits pigments de couleurs issues de multiples expériences foireuses. Je me penche sur le microscope où une lamelle a été oublié.

Une tâche verte pomme s'attaque à des molécules violettes. Je reconnais tout de suite le message derrière cette forme aux couleurs printanières : l'Epidémie. Pourquoi l'a-t-on laissé là sachant le danger qu'elle représente ? En plus, cela fait bien longtemps que je n'ai pas travaillé sur ce virus. J'étais en charge de l'équipe missionné pour trouver l'antidote avant ma fuite. 

Je me détourne vers l'écran de l'ordinateur qui affiche les images d'une caméras de surveillance. L'endroit, d'une propreté à couper le souffle, ressemble à un grand salon avec son canapé, son écran intégré au mur, sa cuisine toute équipée ...

A ma droite, la seule porte de la pièce s'ouvre. Un homme d'une cinquantaine d'année rentre. Ses cheveux blanc, ses yeux dorés, cette carrure ... J'en oublis de respirer.

- Nikola, s'enjôle-t-il, je vois que tu refais connaissance avec ton laboratoire.

Je ne lui accorde aucune attention et reste fixé sur cet écran, il donne sur un endroit que j'ai particulièrement étudié : le Bunker.

- Après t'avoir sauvé, la moindre des choses serait de m'accorder un peu d'attention.

Sa voix se cantonne à des sonorités bien connu. La colère s'empare peu de lui.

- Alors nous sommes débarrassé de votre poison ?

Que dire de mieux ? 

Son visage ridé se déforme dans un sourire formel. Il s'avance vers un tabouret encastré dans l'îlot et croise ses mains sur ses jambes.

- J'ai respecté ma parole, toi et tes amis êtes en vie et personne n'a été blessée.

- Tous ? Dans quel état est Alix ?

- Elle ne souffrait pas de la même pathologie que vous quatre. Son mal est différent de tout ce que nos scientifiques connaissent. Pour sa sécurité, nous l'avons enfermé dans un endroit sûr qu'elle connait bien.

Son bras droit désigne l'ordinateur qui a changé de point de vue. Un flash noir laisse place à une chambre blanche. Alix, ses cheveux roux tirés entre ses doigts, pleure, recroquevillée au pied de la porte.

Je retiens mon envie soudaine de l'étrangler. Comment ose-t-il ? Cloitrer Alix dans l'endroit qu'elle déteste le plus ! Cela aggravera sa folie.

Ses points viennent à marteler le sol en accord parfait avec mon rythme cardiaque.

- Depuis quand sommes-nous ici ?

- Six jours.

Je me retourne, apercevoir ce visage familier me fait bouillonner de rage et de terreur. En une pichenette Leferts vous ferez défaillir.

L'écran se divise en quatre carrés, une caméras pour chaque chambre. Léni tournoie sur lui-même, Sibylle et Arthur dorment encore. Quelle vont-être leur réaction quand ils comprendront ? Mes sentiments ressassés depuis bien longtemps reviennent à la hâte, je vois en mes camarades les adolescents de l'Expansion enfermés contre leur grès.

- Cela va de soit, tous on accès à l'intégralité du Bunker hormis Alix.

Sa voix de serpent rougie mes joues. Le sang me monte à la tête.

- Relâchez-les.

Pourquoi ma voix est-elle si basse ?

Ma requête, inaudible, me transforme en un Nick que je ne suis plus. Mes amis, mes pertes et mon engagement m'ont rendu plus fort et plus déterminé qu'autre fois. Ma volonté de nourrir ma famille à disparu, à quelques détails près, pour laisser une place plus importante à un bonheur moins personnel.

Aujourd'hui, le chacun pour soit doit prendre fin. Nous ne pouvons vivre heureux dans un monde à l'individualisme croissant.

- Je pourrais mais non. J'ai besoin de toi et d'un engagement total.

- Il le sera s'ils sont libres.

Son chef désapprouve.

- Je te connais assez bien Nikola pour savoir certaines choses sur toi. S'ils partent, tu ne réaliseras pas ce que je veux de toi, alors qu'ici, ils sont un moyen de pression fantastique.

- Pourquoi vous suis-je si indispensable ?

- Tu es brillant et un grand nom de demain, enfin, si tu acceptes ma proposition.

Il sort de sa poche un petit clapet munie d'un bouton rouge. La pulpe de son doigt frôle la diode.

- Je pense savoir que tu as identifié l'organisme sous le microscope ?

- Oui et alors ?

Je me tourne, Leferts titille ma curiosité. Que veut-ils faire de l'Epidémie ? La relancer ?

- Je veux que tu me trouves l'évolution de ce virus et un antidote.

- Une sorte d'Epidémie 2.0 ?

La malice découle de son regard.

- Exactement.

- Dans quel but ? Nous n'avons même pas la souche du virus.

Il me stoppe avec un bruit de bouche.

- Je suis ravie de t'apprendre que tu nous as amené ici même une branche du C3-151 de Nytron.

Alix ... La stupidité m'aveugle.

- Imaginons que j'accepte votre magouille, qu'ai-je en échange ? 

- Tes amis resteront en vie que ce soit ceux là, montre-t-il du doigt l'écran, ou ceux de  l'Implosion et je t'offrirai un nom, un asile et une seconde chance.

- Je ne vous crois pas. Les Exilé subissent le même sort : la mort sans procès.

Il se lève et entame sa traversé du laboratoire, dans un sens, puis dans un autre.

- Dans le cas contraire, j'ai ici un bouton qui, une fois pressé, donnera le signal à une décente. Elle ouvrira le feu sur votre hangar. Cette fois-ci, je ne laisserai personne en vie.

L'image de la première fusillade provoque une suée froide entre mes deux omoplates. Je suis face à une impasse, je ne peux refuser sa proposition au risque de voir tous mes amis périr.Que dirait Alix ? Elle est la première concernée et la première oubliée. Mes recherches grâce à sa moelle osseuse pourraient atteindre à sa vie.

J'ingurgite avec difficulté alors qu'il entame un décompte.

- 3 ...

Je passe ma main dans mes cheveux.

- 2 ...

Je saisis mon courage à deux mains.

- 1 ...

Peut importe les conséquences, je vaincrai.

- Ok, ok, me précipité-je une main en avant, j'accepte.

Je crache les mots.

- Sans savoir quel est le but de notre accord.

- J'en ai rien à faire la survie de mes amis passa avant tout.

Ma phrase sort avant que je ne la pense. Leferts s'engage vers la porte mais je l'arrête à temps. Fichu curiosité !

- Dites.

- La France a besoin de renouveau, d'un souffle qui nous permettra de redémarrer à zéros. Pour ça, nous devrons, malheureusement, nous séparer d'un bonne partie de notre chère population.

- Combien précisément ?

Je savais que je n'aurais pas dû m'engager. Pourquoi ne me suis-je pas enfoncé cette scalpel, en face de moi, dans le cœur ?

Inconsciemment, je devienne ce nombre. Il est immense, terrifiant ...

- Cinquante millions ...

Bonjour à tous,

L'Implosion revient après une semaine de pause. Les chapitres reprendront leur publications régulière le Mercredi et le Samedi si ce n'est plus. A voir. Je vous tiens au courant sur mon profil.

D'après-vous que représente les cinquante millions de victimes ? Qu'aurez-vous fait à la place de Nick ?

Merci pour votre soutient.

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