54-Mon essence, ma vie, mon avenir

-13 Décembre 2061-

Assis au chevet d'Alix, tel un tétraplégique, nous attendons son réveil. Suite au consentement d'Amanda, elle a débranché sa fille avant de partir prendre l'air.

Ayden pianote sur la tablette et la repose sur la table, il essaie de redresser son dos courbé, sans succès. En quatre mois, nous sommes devenus comme les cinq doigts de la main. Nous parlons, discutons et rions quand on se surprend à avoir la même idée. Je pourrais presque concevoir, je dis bien presque, que son génie dépasse le mien. Numériquement parlant bien sûr. Je le considère comme un frère, au même titre que Snow.

Ce petit homme a beau avoir dix ans de moins que moi, cela ne nous empêche pas de rire à s'en déboiter la mâchoire. Ces deux là sont exceptionnels.

Je me penche pour vomir dans la bassine coincée entre mes jambes. L'acide sort de mon corps entaillé à vif. Vi me tend un verre d'eau que je bois sans rechigner. Elle essuie un coin de ma bouche.

Je ne supporte pas cet état de quasi mort cérébrale.

- C'est une mauvaise idée, dit-elle si bas que j'ai du mal à l'entendre.

Elle essaie de rester forte et je lui en suis reconnaissant.

Ayden se lève.

- Le message a été envoyé, Leferts a immédiatement répondu favorable. Vous partirez quand la lune sera à son zénith.

Vi reporte son attention sur mon visage tendu par la douleur.

- Si ça ce n'est pas une preuve du piège qui vous attend alors je ne sais pas ce qu'il vous faut !

Son ton est plus sec qu'elle ne l'aurait souhaité. Elle plaque sa main contre sa bouche mais je lui enlève. A bas, cette idée sordide de recouvrer ses forces pour tout à l'heure ! Dans tout les cas, le tranquillisant d'Ayden décroit, dans mon organisme, à une vitesse folle.

- Je vais vous laisser.

Ma faiblesse m'empêche de retenir Ayden qui ferme la porte derrière lui. Il ne reste plus que nous trois dans le ronron des machines.

- Vi, regarde moi, ses yeux repoussent les miens, ne crois pas que j'y vais par plaisir, loin de là. Je connais assez bien Leferts pour savoir qu'il avait préparé son coup. Il savait qu'on était là et que son frère allez mourir. Lui a préféré se cacher dans son terrier, me rendis-je à l'évidence.

- Qu'est-ce-qui te dit que là encore il n'a rien en tête ?

Je me mange un mur. Moi qui ne voulais plus lui mentir ... Si Leferts ne nous a pas tué c'est qu'il attend quelque chose de nous et je tourne et retourne toutes les possibilités dans ma tête, elles vont d'un chantage à une exécution publique, comme pour Alix. Une fois entre ses griffes, nous seront ses otages et il fera de nous ce que bon lui semble. Nous tuer ? Nous laisser vivre ? Telle est la question.

- Rien ... Mais je n'ai pas envie de mourir ici sans avoir essayé. Les autres penseront pareils.

Elle renifle et ce son me brise au plus profond de mon âme. Je l'aime et elle n'a pas à pleurer pour moi. Tout deux nous avons commis une magnifique erreur, celle de défier le malheur qui nous entour. Nous avons joué le feu en allumant ce cierge qui nous consume. Je ne veux pas partir d'ici avec le sentiment que plus jamais je ne la reverrai, que plus jamais mes lèvres se noieront dans les siennes, que plus jamais je ne toucherai sa peau.

Ma main se lève et se pose sur la joue dans un dernier effort qui me coûte ce qu'il me reste de courage. Mes muscles s'engourdissent comme mes poumons alors que mon cœur continue sa cavale mourante. Ma poitrine se resserre quand mes mots glissent sur ma langue.

- S'il te plaît, ne pleure pas. Je ne mérite pas tant de pitié.

- Mais qu'est ...

- Je promets que je reviendrai. Deux années d'exil ne sont rien face à l'Enceinte. J'endurerais tout le malheur du monde pour revoir ce sourire sur tes lèvres, je lutterais pour nous garder tous en vie et je vaincrai ce démon qui m'effraie. En plus, je pense avoir battu le recors de longévité d'un Exilé.

Un rire inaudible chantonne entre ses lèvres. Mon pouce caresse sa pommette ce qui provoque un millier de frisson dans tout mon corps. Ce touché me transfère un fragment de sa vitalité. Je bois ses forces qui donne naissance à un pansement sur mon cœur : un espoir.

- Pendant ce temps ou je ne serais plus avec toi, je veux que tu te rappelles de nos moments ensemble. Ces fois où j'ai ronchonné car tu étais trop perdue dans tes livres. Quand, je t'ai sauvé la vie. Ou encore, de nos rires entremêlés. Car moi, à n'importe quel instant loin de toi, je me souviendrai de toi. De nos nuits. De nos sourires. De nos blagues ...

Telle une guerrière qui combat une armée, une goutte d'eau salé se mélange à mes lèvres. Je goûte à cette sensation amer qui ravive mon feu mortel. J'avale, la gorge détruite, et ma main retombe sur mes jambes.

- Je ne veux pas que cet instant soit un adieu. Je t'aime, marmonne-t-elle.

- Moi aussi mais ce n'en est pas un, ce n'est qu'un au revoir de courte durée. Je serai de retour le plus vite possible.

Elle se penche et pose ses lèvres sur ma bouche. Vi ignore le goût infecte qui les a traversé. Elle m'embrasse comme si c'était la dernière fois et je ne supporte pas cette perceptive.

Elle est mon essence, ma vie, mon avenir.

Ses larmes, les miennes, s'harmonisent et murmuret une promesse silencieuse.

A nos côtés, Alix commence à s'agiter ce qui rompt notre union. La rousse se redresse et grogne. Ses cheveux sont emmêlés et forme un touffe uniforme.

- Ma tête, se plaint-elle.

Elle frotte son front et fixe Vi.

- Je ... Désolé, j'avais pas l'intention de t'attaquer.

Ses excuses sont d'une sincérité qui me coupe le souffle. Une joie temporaire s'empare de moi quand je m'aperçois que sa folie l'a quitté pour le moment.

Vi lui envoie un sourire aimable.

- Je ne sais pas ce qui m'arrive, depuis des mois et apparemment des années, je deviens folle.

Elle détaille le matériel qui l'entoure. Le matelas, les couverture et la seringue dans son bras droit l'avertissent de nos préparatifs. Je me sens dans l'obligation de lui fournir des explications.

- On t'a endormi le temps qu'on sache ce que tu as.

Ma voix fragile par ses sonorités douces attire son attention sur mon état.

- Tu ne vas pas bien, soulève-t-elle avec une pointe d'inquiétude.

J'attends pour lui répondre, je cherche les mots justes qui permettront de ne pas réveiller sa fougue. Un regard vers Viviane m'alerte que le soleil n'est plus des nôtres.

Le moment est venu et je dois l'avouer, je souffle de soulagement, la douleur s'arrêtera d'une façon ou d'une autre, je serai libre.

- Oui et je ne suis pas le seul. Arthur, Léni et Sibylle nous attendent dans la voiture.

- Nous ? Pour aller où ?

Elle recule et colle son dos au mur.

- A la Section Scientifique.

- Quelle mouche t'a piqué !, s'écrit-elle.

- On a été empoisonné Alix, à l'heure où je te parle je suis en train de mourir sous tes yeux.

- Moi je vais très bien.

Je soulève un sourcil pour lui montrer la bêtise de ses paroles. Une part d'elle nie, alors que, l'autre prie pour trouver un remède à sa folie.

- Bon, c'est vrai que ..., se rend-t-elle à l'évidence. Mais il est hors de questions que je retourne là-bas et tu sais pourquoi. Si tu m'obliges à y aller ...

Sa voix se brise sous la surprise et la peur. Pour elle, Section Scientifique rime avec Bunker.

- Alix, il faut qu'on parte. Ce n'est que là-bas que je pourrais t'aider.

Mes mots l'angoissent. Elle se redresse et court vers la porte. A bout de force, je la regarde partir. Vi, plus rapide et en meilleur santé, se lève et attrape une seringue dans le sac avant de lui enfoncer dans le bras.

- Désolé mais entre elle et toi, tu passes avant.

Je sourie mais fini la tête dans la bassine.

Elle revient vers moi avec une nouvelle aiguille. J'hoche du chef pour la rassurer et elle l'enfonce. Mes paupières se closent et je plonge dans un sommeil artificiel pendant qu'elle appelle un nom ...

Une petite tape sur la joue me réveille. Je saisis la main de Vi qui me traine dehors, alors que deux gardes soulèvent le corps endormi d'Alix. Ses pieds et ses jambes pendent dans le vide alors que mes amis sont menés jusqu'à un autre van.

Dans le regard déterminé de Viviane se cache un autre sentiment, plus profond, que ma fatigue ignore.

Les rues sont désertes comparé à l'autre fois, une boule de paille pourrait rouler de long en large de la rue baigné par les spot lumineux du Mur, comme dans un western. Mon simple pull me frigorifie dans ce froid.

Le rideau opaque de la pluie couvre les zébrures d'un orage lointain. Les grondements viennent jusqu'à nous et en quelques minutes, je suis trempé jusqu'au os.

Mes jambes, atrophiées, me retiennent à peine dans une longue agonie. Mon corps s'embrase et meurt morceaux par morceau. Les calmants atténuent ma douleur mentale mais pas physique.

A dix mètres de notre van, elle me retourne vers elle et me murmure :

- Ce n'est qu'un au revoir.

Son visage tangue comme un navire dans une tempête. Il se double, triple ...

- Lâchez-le et reculez.

- Au revoir, articulé-je.

Vi m'aide à amortir ma chute qui écorche mes genoux. Ses mains dans les miennes seront le dernier contact que j'ai d'elle.

- Reculez !, recommence le garde.

Ma copine le mitraille et recule d'un pas et me laisse seul dans cet hiver glacial. Je la connais assez bien pour savoir qu'elle restera à cette distance.

- Les mains sur la tête !

D'une lenteur exagéré, je dresse mes mains au-dessus de ma tête. Mes iris s'impriment dans les siennes.

Une main massive les intercepte avant leur arrivée et les noue dans mon dos. Il palpe mon corps et l'arrache du sol. Je trébuche à plusieurs reprises puis rentre la tête la première dans le van.

Le rouge me monte au yeux. Un larme coule, une autre la suit. Une partie de moi vient de me quitter, je tombe dans un trou noir froid et hostile. Elle était ma chaleur, mon souffle.

Une portière claque et je me tourne pour observer Viviane. Ses larmes se mélangent à la pluie, une main à mis hauteur, elle prie pour que la mienne la rejoigne. Sa bouche, déformée par ses pleures, me vident complétement.

Un coup, brusque, s'abat sur mon cou mais je ne détourne pas mon regard. Elle sera la dernière vision que j'aurais des Rejetés, ma dernière vision de mon exil. Je l'aime ...

Hey !

Un chapitre un peu triste qui développe un peu plus le lien qui lie Vi à Nick.

Qu'en avez-vous pensé ? Que prépare Leferts ?

La suite sera postée Mercredi. ^^

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