50-Océan d'émotions
-29 Mars 2059-
Ma tête s'enlise dans un interminable tourbillon de réflexions. La fatigue cède sa place à la faiblesse et aux milliers de remords qui s'y ajoutent. Pourquoi ai-je aidé Alix à s'enfuir ? Leferts était clair : étudie les sujets de l'Expansion. Pourtant, deux à trois semaines après son arrivée, me voilà le chevalier sur son cheval blanc. J'ai délivré la princesse rousse de sa cage de diamants.
Je suis fou. Fou de l'avoir aidé. Fou d'avoir enfin compris.
A l'heure qu'il est, elle doit parcourir les rues de l'Enceinte, poursuivie, par une horde de soldats impatients de revenir victorieux de leur chasse. Ils la garderont en vie, j'en suis certain, personne n'oserait abimer l'un des trésors de l'Expansion. Fruit de millions d'heures de recherche.
Revenu de l'infirmerie, un bandage sur le front, je m'assois sur le matelas de mon lit. Des doigts survolent l'entaille qui rougit le tissu blanc. D'où vient-elle ? Du sol, de la chaise, d'un pistolet ? Je remercie le black out pour le répit qu'il m'offre.
Je recalcule les derniers évènements. Alix emmenée dans le laboratoire. Moi occupé à préparer son injection. Les indications passés sur la tablette. Et vient le trou noir ...
Deux coups succins m'alertent de la venue d'un inconnu. Un soldat paré de son perpétuel uniforme m'informe d'une requête imminente :
- Leferts vous demande.
Bien sûr, je ne pouvais pas y couper.
- Deux minutes, s'il vous plait.
Mon cerveau, plus qu'ankylosé, demande deux fois plus d'attention pour commander mon corps.
Je m'appuie contre le moelleux du coussin et laisse, par sécurité, une main contre le mur. Le soldat, quelques pas devant moi, m'escorte au dernier étage ou se trouve le bureau de notre supérieur.
Plus nous montons dans le bâtiment et plus les couloirs se couvrent de leurs plus beaux atouts. Le simple ciment, troué comme un fromage, se recouvre d'un crépie lisse, blanc, les tuyaux rétrécissent et disparaissent dans le mur. Des cadres portes des visages qui ont vécu jusqu'à l'apogée de leurs carrières.
Mon visage se tourne vers un cadre noirci, brisé, pour supprimer une personnalité que je connais bien. Le père d'Alix. Je m'incline face à une rafale de souvenirs. Dans peu de temps, je vais me mettre dans sa peau et devenir l'ennemi publique numéros un : un Exilé. J'assume les conséquences de mes choix, Alix a déchiré ce voile qui brouillait ma vue, à présent, je vois clair et je vais l'aider. Je vais les aider tous, au lieu de rester là, terré comme un chien, et pourfendre de pauvres adolescents qui ont mon âge. Ils sont comme moi et je suis comme eux. Moi aussi, pendant très peu de temps, je l'admets, j'étais dans ce bunker, enfermé.
Cependant, le gouvernement n'a pas approuvé mon idée de faire parti de leur troupe. Ils avaient besoin de moi en haut, pas en bas.
Le garde me laisse devant la porte et je le remercie. La porte s'ouvre et Leferts se serre un verre de whisky. Comme à mon habitude, je reste sur le tapis d'entré et attend son signal pour avancer.
- Nikolas, assis toi, je t'en pris.
Cette homme, vieillit par le travail, sirote son verre. J'obéis à sa requête et réprime un grimace, quand comprendra-t-il que Nikolas n'existe plus ? Ça fait dix ans non d'un chien !
- Que c'est-il passé avec 6 ? Comment as-tu pût la laisser t'avoir ?
Mes épaules rejoignent le mouvement de descente de ma tête.
- Je suis désolé, elle m'a surpris, je ne m'y attendais pas. Je vous jure que j'allais faire les tests demandés mais elle m'a sauté dessus. Je n'ai rien pût faire. En plus ...
Sa main, posé sur son bureau acajou, se soulève pour me demander le silence. Une goute de sueur se mélange à mon sang frais ce qui provoque une nué de petits aiguilles.
- J'ai vu et revu les enregistrements de la caméras mais quelque chose m'échappe. Deux minutes après son réveil, on te voit lui jeter des regards étranges.
Mes mains moites s'essuient sur mon pantalon. Merde.
- Vous savez comment elle est, 6 aime parler, elle a juste attirer mon attention sur un point.
- Lequel ?
Trouve une solution au plus vite, Nick. Vite !
- La trappe, elle a voulu faire la maline en me disant qu'elle y était presque, je me suis alors questionné sur l'exactitude de ses propos.
Dans une grande rasade, il finit son verre.
- Nous vérifierons ça dès ce soir, quand les sujets seront dans leur chambre.
- Très bien.
Je ne me risque pas à croiser son regard.
- Vous l'avez retrouvé ?, interrogé-je d'une voix monotone.
- Non, les soldats sont toujours à sa poursuite.
Mon regard cherche, au milieu de cette forêt de bâtiments, un petite agitation ou un signe qui pourrait m'avertir de la réussite d'Alix.
- Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais vous laisser.
Je me lève mais sa voix m'arrête à quelques pas de la sortie.
- Nick ?
- Oui.
- Tu te souviens de ce qui est advenu de son père ?
Il essaie de m'avertir d'un danger, celui d'Exilé. Il sait, il le cache, mais, il est au courant. Le temps presse, je dois partir dans la soirée.
- Oui.
Je contrôle le frétillement de ma voix.
- Tu me dirais si l'un d'entre nous avez tourné sa chemise ?
- Bien évidement.
J'appuie ma réponse avec ma tête et pars.
En dix minutes, mes appartements étaient vides. Il ne restait plus rien, mis à part, mon parfum ...
-11 Décembre 2061-
Je me réveille en sueur. Il y a bien un moment que ces terreurs n'étaient pas venu me hanter. Sept jours avant mon départ, mes nuits se résumaient à une multitude de cauchemars. Ils tournaient tous autour d'un seul mot : Exilé.
Je me voyais courir, fuir, torturé mais, certainement pas, dans les bras de l'Implosion. Elles ont duré jusqu'à ce que mon frère me trouve dans ce laboratoire.
Ma combinaison, trempée, m'étouffe. Je la retire et échange avec les vêtements attrapés à la va vite hier. Le soleil commence son ascension dans le ciel. A défaut de ne pas savoir où sont les douches, j'enfile mon haut et mon bas pour descendre au rez-de-chaussé, boire.
Ma respiration ne se calme pas, elle est laborieuse et sifflante. Peut-être le serait-elle moins si j'avais dormi dans un meilleur lit, dans les bras de Vi.
Je prends mes précautions et dévale les escaliers, appuyé contre la rambarde pour faire le moins de bruit passible. Un verre est posé sur le bar. Je le prends et le remplis avant d'engloutir son contenu. Une quinte de toux me prend alors qu'il ne reste qu'une dernière gorgé. Je manque de m'étouffer. Pourquoi ma poitrine est-elle si lourde ?
- Tout va bien ?
Noa fait irruption d'une chambre, un voile noir autour d'elle.
-Oui, oui. La nuit a été difficile, c'est tout.
Elle s'assoie sur l'une des tables pour être dans la position la plus confortable possible.
- Je voulais te remercier pour ton discours au 7. Il était magnifique.
- Merci.
- Quand je pense au premier jour de notre rencontre, j'ai rie quand Vi m'a dit que tu étais l'Exilé que tout le monde cherchait.
- Pourquoi ?
- Tu n'as pas la carrure d'Alix, elle le portait beaucoup mieux.
Mes lèvres esquissent un faible rictus qui s'éteint au fur et à mesure que ma défaite ressurgit. Je n'ai rien fait pour aider Alix.
- Elle était comment ?
Elle me regarde, interrogative. Mon besoin de se raccrocher au passé croit, je veux revenir à une époque plus simple. Où Alix n'était pas folle. Juste déterminé, animé par le besoin vital de liberté.
- Plus souriante que toi en tout cas.
Un sourire traverse mes lèvres.
- Non, était-elle heureuse ?
- Quelle question ? Elle était libre comme le vent, une vrai tornade qui a tout balayé dans son sillage.
Au moins, tous mes actes ne foiraient pas.
- Qu'est-ce-qui ne va pas ? Tu sais, parler ça libère et les autres n'ont pas l'air de pointer le bout de leur nez avant un moment.
Mes dernières barrières cèdent, mon besoin de me confier surpasse tous mes sens.
- Elle est là, Alix est au Hangar. Malade mais en vie. Je comptais sur notre viré pour trouver comment l'aider mais le temps n'était pas de notre côté.
- Tu arriveras à l'aider, ne t'inquiète pas, je suis sûre que tu y parviendras bien plus tôt que tu ne le crois.
- Mais j'ai peur que chaque minute lui soit fatale.
Je tire une chaise et m'installe.
- Elle est plus robuste que tu ne le crois.
Je la remercie de ne pas chercher plus loin, elle se contente des faits.
Mes yeux suivent les pas chaotiques d'un sans abris à la recherche d'un lieu où il pourra passer la nuit au calme.
- Vous avez réussit ?, s'empresse-t-elle d'ajouter.
- Quoi ?
Mon cerveau, lent, n'assimile plus les informations comme il le devrait. Il me faut du repos mais le sommeil ne semble pas vouloir revenir.
- Votre mission, pardi. Léni n'a rien voulu me dire, il était trop fatigué.
- Oui, le président n'est plus.
Un ange passe au-dessus de nos têtes. Je veux croire que je suis calme mais c'est faux, tant d'émotions me traversent, la joie, le regret, la colère, la rage ... Une bile grossit dans ma gorge et mes yeux me brûlent. Je ne peux retenir ces larmes silencieuses qui attirent la compation de la blonde, percée d'un anneau au nez, qui m'attrape. Je pleure, loin de Vi, loin d'une fin qui semble s'éloigner et revenir tel un boomerang ...
Hey !
Avoir des responsabilités n'est pas de tout repos !
Retrouvez l'Implosion Mercredi ^^ J'attends vos avis avec impatience.
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