16-Retour aux sources
-6 Juin 2054-
Mes pas, hésitant, se questionnent sur ma venue. Je ne pense pas avoir fait le bon choix mais depuis cinq ans, je n'ai eux aucune réponse de mes parents. L'argent que je récoltais tous les mois pour leur envoyer dans une enveloppe tout les mois disparaissait dans le néant. Jamais un merci.
A dix mètres du mobil-home, je constate qu'il n'a pas changé. La mousse progresse toujours autant sur cette surface lisse que je déteste. Son blanc cassé est camouflé sous une couche de pollution de plus en plus épaisse avec le temps et le tapis, au pied de la marche, ne sert plus à grand chose.
S'ils m'avaient écouté, ma famille aurait tant gagné. Un nouveau logement, une nouvelle vie, un nouveau départ ... Or, ils ont préféré me mettre à la porte en criant tout haut leur déception de m'avoir.
- Oh ! Kevin, je te cherchais, tu n'oublieras pas de m'apporter ce que tu m'as promis, me surprend une femme d'âge avancé à la porte du mobile-home à côté du notre qui lui ressemble comme deux goutes d'eau.
Je mets un peu de temps avant de la reconnaitre. Ses cheveux ont blanchi et disparaissent peu à peu de son crâne, ses mains, amaigries, ressemblent à des baguettes chinoises tout comme ses jambes. Cette pauvre dame, qui n'est autre que notre voisine passait le plus clair de son temps à me confondre avec mon frère, mais, aujourd'hui, comme je m'en doutais, mon existence s'est éclipsée de sa mémoire.
- Oui, oui, ne vous inquiétez pas, je passe dans la soirée, l'avertis-je en me faisant passer pour quelqu'un que je ne suis pas.
A l'aide de sa canne, elle rentre dans son abris précaire qui ressemble à s'y méprendre à notre vieux mobil-home récupéré peu de temps après la mort de son ancien propriétaire.
Cinq années ont suffit pour que je m'envole, tel un nuage de fumée, de leurs souvenirs. Kevin est le présent, alors que, je ne suis plus qu'un vague souvenir qui se tarit de seconde en seconde.
J'avance, fébrile, jusqu'à la porte et assène deux coups qui ébranlent le matériau fragile. Mon cœur bat à chamade.
- Oui, madame Lefroski, je n'ai pas oublié de vous ..., la phrase perd de sa force pour devenir poussière en me voyant, Nick ...
Sa voix n'est plus qu'un souffle doublé d'incompréhension. Dans les yeux de Kevin passent un mélange de peur et de joie.
- Je ... Si le moment est mal choisi, je peux encore partir, bégayé-je.
Je ne sais plus sur quel pied me reposer. Mes mains se froissent, moites et chaudes.
Du haut de mes douze ans, mon frère, de onze ans, me dépasse déjà de taille.
- Deux minutes, m'avertit-il.
La porte se referme et se rouvre aussitôt. Il ne me laisse pas le temps de poser la moindre question qu'il m'enfile une casquette et m'entraîne loin des habitations.
Les rues sentent les déchets à l'abandon dans les poubelles exposées en plein soleil. J'avais oublié l'odeur de l'extérieur. L'Enceinte à sa propre odeur et ses mimiques bien à elle. En France, deux mondes s'opposent partagés par un seul et même édifice : le Mur.
Nous bifurquons dans un buisson jusqu'à un coin que mon frère juge assez éloigné des autres Rejetés.
- Je pensais que tu ne reviendrais jamais.
Il s'approche et me serre promptement.
- Je me suis dit que ça serait peut-être pas mal de vous revoir.
J'esquisse un sourire dans l'espoir de voir que ces cinq années loin de ma famille ne m'ont pas effacé de leur mémoire.
- Il ne faut pas que les parents te voient, lance-t-il de bout en blanc.
La joie quitte progressivement son visage.
- Pourquoi ?
- Tu es sérieux ? Tu es parti sans un au-revoir pour te pavaner dans les bras du gouvernement. A la maison, on a interdiction de parler de toi. Ça a été difficile au début à un point que tu ne peux imaginer. Quand tu es parti, j'ai perdu mon frère, ma boussole, celui qui était censé me porter. La plus touchée par ton départ c'était maman. Elle a pleuré pendant des jours, jusqu'à aujourd'hui, tout comme papa, nier ton existence. Je n'ose imaginer leurs réactions s'ils venaient à te voir ...
Il prend mon épaule dans sa main, bien plus grande depuis la dernière fois que je l'ai vu. Kevin a bien changé. Il est plus grand, plus large et diffère de ma carrure frêle.
- Nick, garde en tête ces mots : ne reviens pas, ça vaut mieux pour toi et pour nous tous.
Pourtant, je ne peux m'empêcher de déceler de l'amour dans cette phrase ...
-15 Septembre 2061-
Je me réveille progressivement, accompagné des murmures des deux frères qui se disputent un paquet de gâteaux. Je me redresse et me contorsionne la colonne vertébrale qui craque. Certes, ce fauteuil est confortable mais une nuit passée dessus me laisse dubitatif.
Je jette un rapide coup d'œil aux deux frères qui se sont stoppés net.
- Il faut qu'on y aille, les prévené-je en écoutant le bruit des gouttes d'eau ruisselantes dans les gouttières.
Je pars vers la chambre qu'ils ont occupé et fouille les tiroirs à la recherche de vêtements propres et d'un sac. Manque de pot, les habits sont dix fois trop grand et me découvre plus qu'il ne me couvre. En bat de l'armoire, d'un gris foncé, je déniche un sac à dos, beige, que je prends.
Plus les minutes qui me séparent de mon sommeil s'allongent plus mon rêve s'évanouit.
- Où va-t-on ?, me demande Ayden à mon retour.
J'ouvre le sac en grand et y refourgue tout ce que je peux trouver d'utile et de comestible comme un couteau, une paire de ciseaux, des allumettes et quelques bougies.
- Chez mes parents.
Je retrousse la fermeture éclair et l'enfile sur mon dos, fin prêt à partir.
- Tu veux qu'on aille squatter chez eux ?
- Non, j'ai des comptes à régler avec eux. Après, il faudra nous trouver un nouvel abris.
Aujourd'hui, je vais enfin pouvoir vider mon sac et essayer de comprendre ce que je fuis depuis plus de dix ans.
- On est obligé de l'accompagner ? On est bien ici, il y la télé, conteste Snow d'une moue boudeuse.
- C'est vrai si vous préférez rester, je reviendrai une fois que j'en aurai fini.
- Non, on t'accompagne. Il vaut mieux que nous restions groupé surtout si les soldats viennent à te trouver. Tu fais parti des nôtres maintenant.
Je suis touché par l'attention et l'acceptation qu'il me porte. Elle est tellement plus significative que celle que me portait mon frère.
Nous ne nous éternisons pas plus et empruntons le chemin de mes souvenirs. Je ne mets pas longtemps à me repérer au milieu de toutes ses rues pleines de crasses. Nous avançons, toujours aux aguets, jusqu'au mobile-home de mon enfance, toujours en si bonne état. Mes deux années d'exil m'ont permise de m'habituer à la puanteur environnante.
J'observe Snow et Ayden qui hochent la tête et restent en retrait. Je m'avance, un pas après l'autre. Ma poitrine se compresse et provoque fameux sifflement, presque habituel ces temps-ci, de mes poumons.
Je grimpe les deux marches en métal grinçantes, la main dans le vide. J'inspire une dernière fois, prends mon courage à deux mains et abats deux bons coups sur la porte ...
Hey,
Comment va ce passer ces retrouvailles ? Que pensez-vous de ce fragment du passé des deux frères ?
Merci pour les 100 vues, vous êtes extraordinaires. A Samedi.
N'hésitez pas à commenter et partager, je réponds toujours avec autant de plaisir ^^
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