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La sentence de Seokjin était tombée : l'exil. 

Pris d'un chagrin incontrôlé depuis la mort de Namjoon, l'ancien Empereur de Baekje en était venu même à avouer leur relation. Une honte à ses yeux d'aimer un homme, mais le décès de celui-ci le poussait à sortir des phrases incohérentes. Presque comme s'il cherchait à ce qu'on le condamne pour cet amour jugé infâme.

Malheureusement, ses paroles étaient arrivées dans les oreilles de Taehyung, qui se refusait d'agir de manière égale à son père.

Enfermé dans les cachots principaux, Seokjin attendait qu'on l'autorise à s'en aller. L'ensemble des trois royaumes ne voulaient plus de lui. Trop risqué que de garder un des coupables de la dernière guerre. 

Il n'avait pas tenté de se défendre, acceptant le choix qui avait été pris à sa place sans qu'on lui en pose la question. Seokjin n'avait fait que suivre les ordres de Namjoon. Seokjin n'avait, finalement, fait que tomber amoureux de Namjoon. Mais comment être certain qu'il ne déciderait pas, à son tour, de venger la mort de son amant ? Il savait que c'était perdu d'avance : personne ne le croirait, même s'il prouvait sa bonne volonté de servir le Palais.

Taehyung lui avait bien dit, c'était déjà une chance qu'il ne soit pas exécuté.

Jimin l'avait trouvé clément, le conseillant plutôt de revenir aux traditions et de montrer à tous ce qu'un traître mérite, mais le regard que l'Empereur lui avait envoyé l'avait rendu muet. 

Glacial et rempli de sous-entendus. 

La Chine attendait donc Seokjin. Une troupe nominative de cinq personnes s'était emparée de ce rôle. Le but étant de l'escorter jusqu'à la frontière et le laisser aux mains du peuple chinois. Après cela, il pourra recommencer une vie. Une vie que Jungkook supposait maussade et monotone. Le garde n'était pas certain que Seokjin puisse sourire à nouveau un jour.

Sûrement que le plus horrible dans cette fin tragique pour Namjoon, c'était que Jungkook ne regrettait en aucun cas son acte. Taehyung l'avait rassuré durant de longs jours suivant la guerre : il avait bien fait. Car seule la mort aurait pu le raisonner. Namjoon avait été aveuglé, et malheureusement, la vue ne peut être recouvrée quand il s'agit d'un passé aussi rouge. On reste à tout jamais dans le noir.

Plus d'une semaine s'était écoulée, et mis à part cette décision prise, peu d'événements s'étaient produits. 

Les corps des soldats décédés lors des combats commençaient à être rendus aux familles. Les enterrements allaient s'enchaîner, tandis qu'un nouveau nom pour l'ensemble des royaumes se discutait. 

"On pourrait simplement garder Goguryeo ? Après tout... nous avons gagné, proposa Hoseok.

– Non. Il pourrait donner un sentiment de domination, comme si nous nous vantions de la victoire.  Ce doit être unique, et ne doit contenir aucun signe d'appartenance aux Kim". réfuta Taehyung.

Au sein de la bibliothèque principale du Palais, l'Empereur avait fait venir son oncle, Jimin et Jungkook dans le but de converser sur l'avenir. Entouré de livres, l'espace paraissait plus formel et intellectuel que dans son salon. Peut-être qu'au fond, Taehyung espérait que les mots gravés sur les pages blanches lui soufflent une idée. Assis dans quatre sofas respectifs, une table basse en bois avait posé sur elle des tasses et une théière encore pleine. L'heure n'était pas à la délectation, plutôt à la réflexion. Cependant, les femmes de chambre n'étaient pas de cet avis. Toujours prête à rendre chaque réunion plus agréable, sans savoir ce qui la rendait agréable était les coups d'œil amoureux que se partageaient le garde et son Empereur. 

Jimin l'avait remarqué. Il camouflait sous son air pensif une douleur qu'il était maintenant le seul à connaître. Bien qu'il n'eût pas risqué sa vie pour recevoir en retour des sentiments réciproques, il devait avouer que l'hématome dans son cœur brûlait atrocement. L'ancien Conseiller avait servi d'intermédiaire entre Hoseok et les Kim, permettant de se préparer aux batailles et de s'armer convenablement. Sans lui, ils n'auraient pas su la taille des troupes ennemies, ni les techniques qu'ils leur apprenaient, et encore moins leur relation avec les Jung. En d'autres termes, Jimin avait agi dans l'ombre, mais avait ramené la lumière. Le corbeau qu'il avait réussi à dompter lui donnait l'opportunité de surveiller Jungkook. Si le jeune garçon mourait, alors l'oiseau devait rentrer auprès de Jimin, chose qui ne s'est finalement jamais produite.

Tous avaient survécu.

Au plus grand plaisir de Taehyung qui se sentait libéré d'un poids qu'il n'avait que peu apprécié porter. 

Ce n'était peut-être pas grand-chose, mais Jimin avait également apporté la sérénité pour Jungkook, lui ayant permis de renouer un lien avec un membre de sa famille. Sa grand-mère séjournait dans son village éloigné dont il n'avait même pas pris la peine de demander le nom. Il n'en avait pas besoin pour appeler cela un "chez soi". Yuna lui manquait, il aspirait à la retrouver, un jour. Pas tout de suite. Il fallait d'abord laisser leurs émotions intimes et personnelles disparaître. Jungkook supposait que dans quelques années, ils arriveraient à se côtoyer en tant qu'amis. Après tout, leur relation ressemblait plus à de l'amitié qu'à du charnel. Ils avaient juste dérapé, désirant se perdre dans un amour qu'ils n'avaient pu goûter. Faire naître l'illusion que l'incontrôlable était contrôlable. Que le cœur ne pouvait décider. Que nier était plus simple qu'accepter. 

Ignare. 

Au premier regard, Jungkook était retombé pour l'Empereur. La chute, lourde et écrasante, avait fini par lui faire comprendre qu'au damne des Dieux, il serait éternellement amoureux de Taehyung. 

Ils s'adoraient par-delà les interdictions. 

"Le Pays du matin frais." déclara Taehyung, les yeux figés sur Jungkook.

Parce que Jungkook lui rappelait ce que la brise pouvait créer. Un courant d'air matinal, une brume humidifiant les peaux découvertes, une douceur pour les esprits, un léger rayon de soleil dans le ciel orangé. Une odeur de printemps à la fraîcheur de l'automne. De la blancheur de l'hiver aux vagues de l'été. Jungkook était les quatre saisons à lui tout seul, une fusion idyllique d'un être aux mille couleurs. 

"Je veux que les trois royaumes ne forment plus qu'un, sous ce nom. Le Pays du matin frais."

Les iris du garde s'embrumèrent. Pour la première fois, ce n'était pas de tristesse ou de peine qu'il avait envie de pleurer.

Jimin se racla la gorge et se pencha en avant pour se servir à boire. Il avait vraiment besoin de s'hydrater. 

"Ce n'est pas un nom, Taehyung, c'est trop long et poétique."

L'Empereur haussa les épaules. 

"Qu'importe. Au pire, le prochain sur le trône pourra le changer s'il n'est pas satisfait."

Jimin roula des yeux. C'était puéril. 

"D'ailleurs Jimin, à ton propos... J'ai réfléchi."

Taehyung se passa une main dans les cheveux et redressa sa couronne. La jambe droite par-dessus la gauche, son pantalon noir moulait ses formes. Chemise blanche rentrée à l'intérieur, des bijoux décoraient son torse légèrement découvert. Sur ses phalanges, ses bagues préférées sublimaient ses longs doigts fins que Jungkook rêvait d'entrelacer. 

Jimin déglutit. Non seulement l'Empereur lui provoquait des picotements dans l'estomac, mais en plus de cela, il angoissait de ce qui allait maintenant lui arriver. 

"Mon oncle, cette information ne va pas vous plaire. Vous qui êtes intransigeant sur les traditions, je vais devoir malheureusement en détruire une nouvelle."

Hoseok fronça durant un court instant ses sourcils, surpris de la tournure de la conversation. 

"Je pensais que nous allions en discuter ensemble avant de le déclarer à plus grand nombre de personnes, s'inquiéta l'oncle. 

– En effet, c'était ce qui était prévu à l'origine. Mais les plans ont changé, je n'ai besoin d'aucun autre avis, car le mien est fixe. 

– Taehyung, tu... tenta Jimin.

– Je vais abandonner ma couronne

– QUOI ?!"

L'Empereur lança un regard noir à son ancien Conseiller. 

"Vous ne pouvez pas faire ça, Taehyung, répliqua Hoseok. Vous n'avez encore aucun descendant capable de prendre votre place.

– Pour l'instant."

Jungkook, muet, sentait son cœur palpiter plus que de raison. Taehyung faisait tout ça pour lui, pour eux. C'était la plus belle des déclarations à ses yeux. Le garde était heureux, et parfois les mots n'étaient pas suffisants pour extérioriser toute la gratitude et l'amour qui explose à l'intérieur. Cela se produisait indistinctement pour les autres. Violemment pour le corps concerné.

"Quand mon fils sera prêt, il montera sur le trône. Il n'aura pas à attendre ma mort pour ce fait, je lui laisserai lorsqu'il se jugera apte à prendre cette responsabilité. En revanche, si à sa majorité il ne s'est toujours pas décidé, elle lui reviendra à ce moment-là. Également, j'avais déjà exprimé mon refus d'imposer mon pouvoir sur les trois royaumes. L'équilibre à maintenir est trop compliqué, et même si je suis quelqu'un de lucide, je ne pense pas être fait pour ça. Les risques de guerres ou de conflits intérieurs sont élevés si une seule personne porte le rôle d'Empereur.

– Même séparées en trois, les hostilités se produisent... souffla Jimin.

– C'est vrai, tu as raison, mais la cause est différente. La rancœur provenait du passé de nos noms, pas d'une révolte de la part des civils. En tant qu'ancien souverain de Goguryeo, j'étais monté sur le trône avec comme objectif d'agir autrement que mon père. J'ai tout donné à mon peuple, je les ai écoutés, je me suis marié pour les aider à lutter contre le terrible hiver dernier. Je me suis sacrifié pour leur donner un meilleur quotidien. J'ai taxé plus fortement les nobles pour augmenter le salaire des paysans... Il faut instaurer le même rythme de vie partout, maintenant, mais impossible de surveiller le bon déroulement sans être sur place. Les trajets sont longs et difficiles d'accès à certains coins, il serait donc pertinent de garder cette organisation en trois parties distinctes. Le Palais, ici, représentera la Cour Suprême, la capitale, l'endroit stratégique. Jimin, tu connais sûrement bien le précédent royaume de Silla, que dirais-tu de résider là-bas ? 

– Taehyung, je... Je ne veux pas être-

– Tu ne seras pas Empereur, loin de là. Tu surveilleras juste que tout se passe comme il faut. Tu pourras écouter le peuple et me faire parvenir leurs ressentis, leurs maux, leurs désaccords. Namjoon est mort et Seokjin part demain pour la Chine. Leur Manoir n'appartient à plus personne, il me revient donc de droit, et je te l'offre. Prends ça comme mon excuse de t'avoir jugé en tant que traître alors que sans toi, nous aurions certainement échoué durant cette bataille. 

– Alors... Tu ne veux plus de moi ici ?"

Taehyung soupira.

"Jimin, nous avons passé beaucoup de temps ensemble et malgré tout, j'ai fini par apprécier ta présence. Tu es un excellent ami, un bon Conseiller, et je suis très reconnaissant de tout ce que tu as fait pour le royaume. Je te fais confiance. Je te fais à nouveau confiance. Et j'ai besoin de toi, une dernière fois, pour rendre maintenant l'union du pays la plus belle création que le peuple ait connue. Le Manoir est à toi, tu peux en faire ce que tu désires : le rénover, y emmener qui tu veux, organiser des événements... Libre à toi d'agir selon ta façon d'être et de penser. Libre à toi de ne plus obéir aux ordres de quelqu'un. Libre à toi de ne plus te cacher d'être ce que tu es."

Jimin, dont le parfum enivrait la pièce, ne commenta pas. La dernière phrase l'avait frappé comme un jet d'encre expulsé de sa plume. 

"Hoseok, mon oncle, j'aurai besoin de vous également sur l'ancien royaume de Baekje jusqu'à ce que ma fille, à son tour, décide de prendre votre place. Pareil que pour Jimin, vous contrôlerez et surveillerez la zone. Je veux un rapport toutes les deux semaines, c'est la seule condition.

– Taehyung, sauf votre respect, mais j'ai déjà un endroit pour vivre qui n'est pas loin d'ici et-

– Wooyoung est d'accord pour vous accompagner, je lui en ai parlé. Il compte inaugurer sa boutique d'art là-bas et même de donner des cours aux enfants - qui pourront aussi s'entraîner avec lui dans le secret le plus total des parents."

La bouche de Hoseok s'entrouvrit et se referma sans un son. 

Taehyung avait toujours un coup d'avance, c'était un fait irréfutable.

"Une fille n'est jamais montée sur le trône. Ça va faire parler et jaser les bourgeois...

– Elle aura un garde du corps puissant et fort pour la protéger. Jungkook l'entraînera lui-même. Et je ferai l'annonce en personne au moment voulu afin de répondre aux questions et rassurer la population. L'inconnu effraie, c'est normal. Mais une fois habitué, personne n'y trouvera à redire."

À son tour, l'Empereur s'empara de sa tasse pour boire le thé presque froid. Après une longue gorgée, il déclara finalement en souriant légèrement en coin : 

"Nous avons plus ou moins dix ans devant nous. Notre objectif sera de rendre l'avenir meilleur pour les générations à venir. Bonne chance à tous."

"Monsieur Jeon !"

En entrant dans le Dojo, Jungkook fut immédiatement interpellé. Rares étaient encore les soldats qui venaient s'entraîner, maintenant. La plupart étaient retournés auprès de leurs proches, d'autres avaient rendu l'âme. Chan était un des seuls à persister, à vouloir s'améliorer, à souhaiter devenir aussi fort que Jungkook.

"Vous venez vous battre contre moi ? demanda-t-il, heureux de revoir le garde.

– Pas aujourd'hui, Chan. Je suis là pour discuter."

Chan quitta les tapis pour se rapprocher du garde. Vêtements fluides sur le corps, il avait les tempes transpirantes, signe de sa présence depuis un petit moment déjà.

"Discuter ... ?" 

Jungkook poussa un soupir et baissa légèrement la tête. 

"Chan, qu'as-tu envie de devenir ? 

– Vous êtes mon modèle, Monsieur Jeon. Je rêverai d'être comme vous. Je suis conscient que vos responsabilités sont importantes, mais ne trouvez-vous pas cela merveilleux d'être utile auprès de quelqu'un ? Les gens vous respectent, ils vous voient comme la plus grande fierté du royaume avec l'Empereur. Vous êtes un fidèle combattant qui, quoi qu'il arrive, saura faire preuve d'intelligence pour déjouer les plans ennemis, pour protéger monsieur Kim du danger. Vous êtes le meilleur garde de l'histoire. 

– Mais sais-tu combien de sacrifices cela m'a coûté ?"

Jungkook, dont le katana frottait éternellement sa cuisse camouflée sous un large pantalon noir, posa ses mains sur les épaules du plus jeune, le regard brillant. 

"Je t'avais promis de te rendre ta liberté si je survivais à cette guerre. Tu peux partir, si tu le désires. Tu peux prendre un nouveau chemin."

Les yeux écarquillés, Chan buvait les paroles du garde. Mais soudain, ses sourcils se froncèrent. 

"Je ne comprends pas très bien, monsieur Jeon... Y a-t-il un problème ? Mon rôle de messager me convient, j'aime énormément voyager et je rencontre, à chaque fois, des personnes me guidant sur la route. Toutes sont bienveillantes et agréables. Je partage des moments merveilleux tout en accomplissant la tâche que l'on m'a ordonné d'effectuer."

Jungkook se recula, retirant ses mains du corps de son élève, la mine anéantie. 

"Un jour ils te forceront à prendre ma place, Chan. Tu es le plus expérimenté de tous, et le plus jeune. 

– Ce serait un honneur pour moi ! répondit-il rapidement.

– C'est peut-être un honneur, mais te rends-tu compte de ce que cela engendre ? De ce que tu vas perdre ?"

Chan se courba poliment.

"Je continue de penser que cela serait pour moi une très grande opportunité. J'aimerais être comme vous, et je prendrai ce changement comme un moyen d'y parvenir. 

– Tu n'auras plus le droit de sortir ou de faire ce dont tu as envie, quand tu en auras envie. Tu devras surveiller jour et nuit le prochain Empereur, quitte à ne plus dormir. Tu devras protéger la personne détenteur de la couronne au péril de ta vie, privant ta raison de son instinct de survie. Si elle épouse quelqu'un, tu auras deux individus à ta charge. Si elle a des enfants, cela s'ajoute sur le contrat. Tu ne pourras rien refuser. Un ordre est un ordre. Si tu dois te tenir debout pendant six heures, alors tu devras te tenir debout pendant six heures. Si tu dois assister à des réunions qui durent plusieurs jours, alors tu devras assister à ces réunions. Ta vie ne t'appartiendra plus, elle sera à l'Empereur, à son épouse, à ses progénitures."

La jeune recrue déglutit et se gratta le cou. 

"Merci de me prévenir, monsieur Jeon. Mais vous savez, monsieur Kim touche à peine à sa vingtaine, j'ai encore le double du temps pour faire le tour du pays. À présent que les trois royaumes ne forment plus qu'un, les destinations seront d'autant plus intéressantes ! Et je suppose qu'ensuite, moi-même plus âgé, désirerai me poser quelque part et ne plus partir pendant des semaines entières.

– Te trouver une compagne sera difficile en étant à ma place.

– Difficile, mais pas impossible. Je suis prêt à relever le défi."

Le garde humidifia ses lèvres d'un coup bref de langue avant de se les mordiller.

"Cependant, Chan... Il faut que tu saches une dernière chose. Tu n'auras peut-être pas vingt ans devant toi. Ni trente. Ni autant d'années que tu le penses.

– Comment ça ? questionna-t-il, intrigué.

– Taehyung... va abandonner la couronne dès que son fils voudra la récupérer. Mon contrat sera rompu, je ne resterai pas non plus au Palais. 

– Et s'il ne veut jamais la récupérer ?

– Ce n'est pas dans les plans de Taehyung. 

– Et s'il veut la récupérer à la mort de monsieur Kim ?

– Ce n'est pas non plus dans ses plans. 

– Combien de temps, alors ... ?"

Jungkook posa ses doigts contre le manche de son katana. 

"Seize ans ans maximum. Mais il me faut une réponse aujourd'hui, afin que je puisse commencer à t'entraîner correctement. Nous avons plus ou moins seize ans pour que tu arrives à mon niveau. Plus ou moins seize ans pour que tu me dépasses, même. Alors... quel est ton choix ?"

Chan ébouriffa ses cheveux, la paume de sa main contre son front pour mieux réfléchir. Puis, sans que Jungkook comprenne pourquoi, il se mit à genoux, le visage orienté vers le sol. 

"Seize ans de liberté me semblent raisonnables, monsieur Jeon. Je prendrai votre place, et ferai perdurer l'histoire de votre nom."

Jungkook se revit dans l'exacte même position quelques années auparavant. Son cœur s'arrêta un instant de battre.

"Quoi qu'il arrive, Chan, soit fier de toi. N'oublie pas que tu restes un humain malgré tout. Un humain avec des sentiments. Un humain avec des faiblesses."

Et lui souffla les mots qu'il aurait tant voulu entendre à ce moment-là. 

Au repas du soir, Jungkook avait rapporté cette nouvelle. 

Dans la grande salle où se passaient les plus importants dîners, les quatre hommes accompagnés de Hayoon dégustaient des mets délicats aux goûts de victoire et de soulagement. Les lustres, ornés de cristaux, scintillaient dans le reflet des miroirs faisant office de murs porteurs. La pièce était épurée. À part cette table dont la longueur prenait l'ensemble de l'espace disponible, les trois luminaires accrochés au plafond, et le tableau d'un paysage rural réalisé par un artiste déposé sur son trépied au fond, près d'une porte menant à un énième salon, elle était vide.

Les voix résonnaient par le manque de meubles et de décorations. Le moindre bruit se répercutait contre les miroirs, formant par la suite un écho difforme. 

"Voilà au moins un premier détail de réglé, sourit Hoseok. 

– Est-ce que j'aurai droit à un garde, moi aussi ? demanda Jimin.

– Tu feras ce que tu veux, Jimin. Ce Manoir est maintenant le tien, et comme je te l'ai dit, tu peux emmener qui tu as envie." clama Taehyung.

Jimin reprit un morceau de viande dans son assiette et le macha, satisfait de la réponse. 

Finalement, la seule qui restait silencieuse était Hayoon, rétablie depuis l'accouchement. Assise sur le côté gauche de la table, Taehyung, lui, était au bout comme à son habitude. Jungkook, en revanche, était sur le flanc droit. Ainsi, l'Impératrice et le garde se faisaient face. Hoseok était installé à côté de ce dernier, tandis que l'ancien Conseiller mangeait à proximité de l'unique femme présente dans la salle. 

L'Impératrice avait le regard fixé dans son assiette. Hayoon ne s'en préoccupa pas. Et la fin du repas sonna une demi-heure plus tard. 

Les servantes s'activèrent pour débarrasser le plus rapidement possible la table, remettre de l'ordre afin de rendre le Palais à nouveau parfait. 

Les hommes la saluèrent avant de se séparer au cours d'un couloir. L'Empereur embrassa sa femme pour lui souhaiter bonne nuit, et il reprit sa marche auprès de Jungkook.

"Tu ne veux pas aller voir tes enfants ?

– Non."

Le ton froid avec lequel il venait de s'adresser à son garde lui provoqua des picotements dans le dos. Avait-il fait quelque chose de mal ? 

"Taehyung, je...

– Jungkook."

Le plus jeune déglutit. L'expression de son prénom à voix haute était signe de ne pas insister. De ne pas parler du tout. 

Obligé d'obéir, le garde suivit son Empereur dans le mutisme. 

Le Palais semblait avoir perdu de sa couleur. 

En montant les escaliers qui donnaient à leurs appartements respectifs, Jungkook se pinça les lèvres, tendu et angoissé de devoir dire au revoir à l'Empereur alors que son comportement indiquait bel et bien un problème. Il hésita à reprendre la parole, mais se ravisa au moment où Taehyung traversa le couloir et ouvrit la porte de sa chambre sans se retourner. 

Jungkook n'ajouta rien, et fit de même de son côté. 

Cependant, la main encore déposée sur la poignée, Taehyung se racla la gorge, arrêtant net les mouvements de son garde. 

"Viens." déclara-t-il sèchement en laissant le battant ouvert derrière lui.

Et le garde crut mal comprendre. 

Parce qu'il n'était jamais rentré à l'intérieur de cette pièce. 

La seule et unique qu'il ne connaissait pas. 

La seule et unique qui l'avait tant rendu curieux. 

Dans des pas timides et inquiets, Jungkook rompit la distance entre lui et la porte qui laissait la lumière s'échapper jusque dans le couloir. De là, le garde pouvait déjà apercevoir ce que Taehyung avait refusé de montrer aux autres. À tout le monde. Sauf à lui. 

Jungkook franchit le pas de la porte et une immense pièce aux teintes de rouges, de jaunes et de marrons lui fit rester de marbre. Devant lui, un lit king size aux draperies de soie vermillon dont les tables de chevet reposaient en leur centre une lampe en flanelle. Un tapis aux motifs linéaires et à différentes courbures décorait le sol tout comme un coffre appuyé contre sa largeur. Un buffet en bois était disposé à la gauche du garde. Dessus, des bijoux en bazar, et une photo de famille : Taehyung et ses parents. Jungkook était également sur celle-ci. Au mur du fond, un miroir y était mis en équilibre. Sa taille était si grande qu'ils auraient pu être trois à se regarder en même temps. Une chaise était positionnée près de l'immense fenêtre.

Est-ce que Taehyung parlait aussi aux étoiles ? 

"Ferme la porte." 

Jungkook s'exécuta, ne prenant pas le soin d'admirer plus longtemps la chambre alors que, comme la sienne, une salle de bain s'y trouvait à sa droite. 

Et soudain, sans prévenir, Taehyung prit la main de son garde et se pencha vers lui pour commencer à le dévorer. Des baisers se glissaient d'une vivace délicatesse sur le visage de Jungkook, retombant parfois dans son cou, jusqu'à ce que les lèvres s'attaquent à ses clavicules. 

Elles étaient partout, faisant rougir ses joues et réchauffer son corps. 

Des bruits humides se fondaient dans les murs, et ils lui étaient entièrement destinés. 

"Taehyung... soupira le garde, p-pas les-

– Je sais, mon ange. Je ne les toucherai pas" promit-il.

Il l'embrassait sur chaque parcelle de peau mise à découverte, sauf là où régnait la dernière interdiction. Mais ils n'avaient pas besoin de ça pour exprimer ce qu'ils ressentaient. 

"Je t'aime."

L'Empereur n'avait pas peur de le dire.

"Hayoon a accepté notre relation, mon ange, avoua-t-il entre deux inspirations. Elle ne la comprend pas, mais elle l'accepte."

Jungkook avait son cœur qui lui brûlait la cage thoracique. Il écoutait d'une oreille attentive, mais n'arrivait pas à répondre. Il était déjà envahi par un trop plein d'émotions qui l'empêchait de réfléchir correctement. 

Sentir Taehyung contre lui, avoir son parfum aussi proche, ses lèvres contre sa peau était un bonheur inestimable. 

Jungkook était aimé.

"Je t'aime, Jungkook. Je t'aime."

Il ne pourrait jamais se lasser de ces mots. C'était comme une mélodie qui le transcendait. Une mélodie qui lui hurlait de se laisser aller. 

Une main dans les cheveux de l'Empereur, Jungkook décida à son tour de l'embrasser. Les lippes si tentatrices étaient évitées. Aucun d'eux ne voulait franchir cette étape pour l'instant. Elles représentaient une liberté qu'ils ne possédaient pas encore totalement. 

Taehyung retira son haut, le garde en fit de même sans prendre en considération qu'à présent, il n'y avait plus de retour en arrière possible. Balancés sur le sol, les habits finirent par tous s'y retrouver, ne laissant que les sous-vêtements toujours accrochés à leurs corps. Les doigts de chacun parcouraient les chairs, ils apprenaient à connaître ce qui leur avait été réprimé pendant toutes ces années. Les courbes fines et musclées de Jungkook. Le torse fort et puissant de Taehyung. Les baisers ne cessaient de descendre. Le visage penché en arrière, Jungkook soupirait au fil de l'amour qui se dirigeait vers son bassin encore couvert par le tissu. 

"Mon ange... est-ce que ça va ? Est-ce que tu es d'accord pour que je te le retire ?

– Oui !" hocha-t-il frénétiquement. 

L'Empereur prit tout de même des précautions, emmenant son garde jusqu'au lit pour l'y faire asseoir. Ses jambes tremblaient dangereusement. 

Lentement, il glissa son sous-vêtement, laissant Jungkook dénudé face à lui. Pour éviter un quelconque sentiment de malaise, Taehyung enleva également le sien. Toujours égaux, dans n'importe quelle situation. 

Comme dans un appel silencieux, Jungkook s'allongea tout en appuyant contre la tête de son Empereur pour l'inciter à reprendre ce qu'ils étaient en train de faire. Remontant à son visage, celui-ci lui chuchota quelques mots dans le creux de son cou : 

"Je vais y aller en douceur, bébé. Promets-moi de me le dire si, peu importe le moment et la situation, tu n'as plus envie.

– Je te le promets, Tae..." 

Dans un dernier baiser sur sa peau, l'Empereur fit descendre sa main sur le sexe tendu de Jungkook et commença à faire des vas et-viens régulier. Le concerné se mit à gémir. D'abord discrètement, puis plus fortement. 

Jungkook avait déjà eu des partenaires dans le passé. Entre Yuna et une fine poignée de servantes, il avait eu pas mal d'expériences. Mais avec un homme... Jamais. Il avait l'impression de revivre sa première fois. 

Le garde suffoquait, appelait Taehyung par son prénom dans un mantra. 

Et ce fut encore pire quand son sexe se fit amoureusement recouvert par la bouche de l'Empereur. Jungkook frappait violemment contre le fond de sa gorge comme si son amant interdit avait fait ça toute sa vie. Pas de réflexe nauséeux, c'était pour rendre fou le garde qui ne savait pas où poser ses mains. Au final, il décida de les laisser contre le matelas pour s'agripper aux draps. 

"Taehyung..." 

Il espérait que personne ne vienne, que personne ne les entende. 

L'Empereur se retira, ne pouvant supporter sa propre montée d'excitation qui était facilement visible. En douceur, il écarta les jambes de son garde, humidifia ses doigts pendant que Jungkook ne le quittait pas des yeux. Et dans cet échange visuel qu'eux seuls comprenaient, Taehyung finit par enfoncer son index dans les chairs internes du garde. 

La sensation fut désagréable, obligeant Jungkook  à modifier son expression de plaisir à celle de la douleur. Ses muscles se crispèrent immédiatement. 

"C'est normal que ça fasse mal, mon ange. C'est provisoire, je te le jure.

– Hmm... râla-t-il de perdre cette effusion d'émotions, remplacée maintenant par un vide immense. 

– Essaye de te détendre pour moi, bébé. Je vais faire en sorte de rendre cette nuit inoubliable."

Entre deux soupirs difficiles, Jungkook arriva à faire abstraction de ce qu'il ressentait, permettant à l'Empereur de glisser un second doigt et de mieux préparer le garde. Il leur fallut bien une dizaine de minutes avant que leur échange ne revienne au plaisir et à la douce satisfaction de gémir le nom de l'autre. Une fois prêt, et avec son accord, Taehyung put enfin s'insérer. La chaleur que dégageaient leurs corps leur provoquait un début de gouttes perlantes le long des tempes. Le stress de mal faire, mais aussi l'expression du cœur qui hurlait en étaient la raison. Ils avaient l'impression d'exploser, comme si, finalement, ils avaient été écrits pour cette simple scène d'amour.

Parce que c'était ce qu'il était en train de faire. 

L'amour. 

"Je crois que je ne pourrais plus jamais me passer de la sensation de ton corps autour du mien, mon ange...

– P-putain, Tae... C'est...

– Le plus beau moment de notre vie."

Les jambes du garde entouraient ses hanches, lui donnant un meilleur accès à ses parties intimes. Il pouvait mouvoir son bassin à sa guise, les amenant tous deux au paradis. 

Contrairement à la faucheuse, la vie après la mort paraissait futile face à ce qui se produisait actuellement. 

Dans une énième fusion de leurs chairs, Jungkook poussa un cri qu'il ne put retenir. Puis, tout s'enchaîna. Les coups furent plus intenses, plus violents, plus forts, tout en restant doux et attentionné. Taehyung s'enfonçait toujours plus profondément, embrassait toujours plus langoureusement.

"Jungkook, putain, je- je n'ai toujours aimé que toi. Dans le silence de mes responsabilités, je n'avais que toi à l'esprit. Pitié, mon ange, est-ce que tu me c-crois, maintenant ? Je t'ai promis la mer, je ne brise jamais mes promesses. Je t'aime. Je t'aime plus que ma propre existence, je- putain."

Une larme roula sur la joue du garde que l'Empereur vint récupérer de la pulpe de son pouce. 

Dans son estomac se forma une boule qui menaçait d'éclater, tandis qu'il ne pouvait que gémir.

Encore. 

Encore. 

Encore.

Et encore. 

"Je suis proche, mon ange... 

– M-moi aussi..."

Puisque chaque chose positive ou non possède une fin, cette fameuse pression interne ressentie dans le ventre se perça, et Jungkook vint en même temps que son Empereur dans une symbiose désordonnée. 

Taehyung se retira après quelques derniers mouvements, déposa un baiser sur le front suant du garde et se leva sans attendre, récupérant une serviette dans la salle de bain. Il le nettoya et en profita pour essuyer lentement son visage avec la partie propre du tissu. Ainsi, Jungkook ressemblait à une poupée que l'on venait de malmener. Ses yeux étaient vitreux, humides, les joues rouges, les lèvres gonflées à force de se les mordre et les cheveux ébouriffés. Mais il était sublime. Le plus bel homme que Taehyung avait vu de sa vie.

"Comment te sens-tu ? murmura l'Empereur en se recouchant auprès de lui. 

– Perdu..."

Taehyung caressa ses mèches brunes et en profita pour se glisser dans ses bras. Bras qui se refermèrent instantanément, l'encerclant dans le dos. 

Leurs respirations se calmèrent alors que le garde clôturait les paupières pour la première fois depuis qu'ils avaient commencé. Il avait voulu regarder l'Empereur chaque seconde, comme pour s'assurer que ce qui se réalisait était bien réel, que ce n'était pas un rêve. 

"Je te crois, Taehyung." finit par clamer Jungkook après un long moment à ne plus bouger. 

Il avait même pensé que son amant s'était endormi, mais impossible. Comment dormir après cela ? 

"Je te crois..."

Une main dans les cheveux, l'autre sur son corps qu'il effleurait, Jungkook avait le cœur qui battait à la sonorité de son amour envers lui. 

"Taehyung..."

Dehors, la lune scintillait. Les flocons de neige se couchaient finement sur le sol de la cour du Palais, comme une plume s'envolant au gré du vent. L'hiver était bien présent, mais Jungkook n'avait aucunement froid. 

Il n'aurait, d'ailleurs, plus jamais froid. 

Cette saison n'était plus celle qu'il détestait, mais celle qu'il préférait. 

Taehyung y était même né. 

Alors les raisons y étaient suffisantes pour éteindre l'incendie restant. 

"... Moi aussi, je t'aime."


Car en hiver, le feu ne peut pas survivre.


*****

Hello !
J'espère que vous allez bien :)

Il ne reste plus qu'un chapitre ㅜ_ㅜ
Je le post dimanche à 12h, soyez à l'affût !!!

J'ai tellement hâte et en même temps, voir le mot « fin » brûle mon cœur.

J'aime tellement l'évolution de Jungkook :(
J'espère que la scène « plus intime » vous a plu. Je n'écris jamais ce genre de scènes, ça me gêne un peu mais je la trouve bien placée dans l'histoire ! L'écrire avant n'aurait pas eu de sens... si ?

Et Jungkook qui avoue enfin ses sentiments, aaaaaaah. Je hurle.

Bref ! On se retrouve dimanche <3

Des bisous !

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