𝟸𝟾. 𝐴𝑛𝑜𝑡𝘩𝑒𝑟 𝐶𝘩𝑖𝑙𝑑
Jungkook marchait sans se retourner, la chaleur s'éloignait de son corps, reprenant sa température normale. Son esprit se calmait enfin, et son cœur, lui, ne battait que dans l'idée de le faire respirer.
La maison brûlait. Au loin, les voisins reculés s'agitaient. Il n'était pas encore très tard, sûrement aux alentours de vingt-deux heures. Le garde était resté quelques minutes supplémentaires entre ces murs, s'assurant que rien n'y survive, que seules les cendres perdurent. Cela n'avait même pas été une question de vengeance, cette pensée ne l'avait pas traversé. Aucune ne l'avait parcouru. Il avait suivi ses pulsions. Pulsions sans sentiment. Corps sans âme. Mort à jamais. Détruit, inconsolable, irréparable.
Devant chez Wooyoung, Jungkook récupéra son cheval, grimpa sur la selle et reprit sa course.
Mentalement, il raya ce premier objectif. Le deuxième, un nouveau qui venait d'apparaître, était de retrouver Taehyung. De le retrouver pour un tout autre motif que celui qu'il avait prévu à l'origine. Peut-être que Namjoon avait raison, finalement.
"Je pourrais vous dire toute la vérité, il n'est pas celui que vous croyez."
Taehyung n'était que mensonge et supercherie. Il lui avait menti, depuis toutes ces années, feignant l'ignorance. L'Empereur avait osé le regarder dans les yeux, le toucher, frôler ses lèvres alors qu'il savait. Il savait que Jungkook crevait du manque de sa famille, il crevait pour ce manque d'amour qui l'avait poursuivi sans jamais s'arrêter. Taehyung était comme les autres. Ils étaient tous pareils.
Menteur.
Avide.
Hypocrite.
Il vivait dans un monde de merde. Un monde qui ne voulait pas de lui. Un monde qu'il espérait saccager.
La lune guidait son chemin, comme à l'aller, en revanche elle était dans son dos, cette fois-ci. Il valait mieux avoir toute la lumière dans cette orientation, Jungkook n'aurait pas supporté que la pâleur de son visage soit visible. Il préférait rester dans le noir.
Il n'y avait pas de vent. Aucune brise, le temps était lourd. Ses cheveux bougeaient à peine sous l'effet de la vitesse. Le bruit de son katana frappant contre sa cuisse ainsi que les sabots de sa monture contre le sol, rompaient la solitude de la nuit.
Après avoir franchi la colline où le Palais se trouvait, Jungkook se fit arrêter par deux gardes face à la herse - un portail de fer aux pointes tranchantes à chaque extrémité. Sourire figé sur ses lippes.
"Halte-là ! Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire ici ?" demanda l'un d'eux en position de défense, la main droite tenant déjà l'épée.
Trop prévoyant.
"Je voudrais rentrer chez moi. Quelqu'un m'attend à l'intérieur."
Encore des nouvelles recrues. Jungkook pouffa. Heureusement qu'il revenait, il allait pouvoir effectuer un tri parmi les plus faiblards.
Il était hors de question qu'il se laisse traîner sous les ordres d'un menteur. Le garde, le vrai, allait réorganiser la cacophonie qu'était devenu le royaume en son absence. Et cela commencerai par mettre à mort tous les incapables. Il voulait les entendre hurler jusqu'à ce que des supplications en sortent de leurs bouches.
Jungkook serait un connard avec ceux qui sont des connards. Le pire cauchemar des soldats.
"N'approchez pas ! Ou la mort coulera au bout de mon épée, menaça le deuxième en voyant le brun s'avancer.
– Ah oui ? s'amusa-t-il. Et quelle serait la réaction de l'Empereur s'il apprenait que tu avais tué son garde préféré, hm ? Je doute que tu arrives à me toucher, mais je pourrais toujours faire semblant."
Sous sa veste, il reprit le même couteau qui avait servi à mutiler le vieillard en milieu de journée, souleva sa manche et pointa la lame vers son bras, prêt à se tailler la peau.
"Mais qui êtes-vous, bordel ?!
– Jeon Jungkook, alors ferme ta gueule et ouvre-moi ce portail avant que mon couteau ne se plante dans ton cou. Il serait plus intéressant de voir ton sang couler, plutôt que le mien, tu ne trouves pas ?"
Jungkook les contempla déglutir, tous les deux. Cela avait été une parfaite synchronisation et il se délectait du pouvoir qu'il pouvait avoir. Enfin, il avait la tête haute. Enfin, il avait confiance en ce qu'il représentait.
Dans un hochement de tête fébrile, les soldats lui ouvrirent la voie et il passa devant eux sans leur jeter un regard.
"Emmenez mon cheval dans l'écurie et donnez-lui de quoi se ressourcer. La route a été longue, ordonna-t-il au passage.
– M-Monsieur... nous ne pouvons pas quitter nos positions !"
Jungkook s'arrêta de marcher et laissa trois interminables secondes s'écouler avant de reprendre la parole :
"Ces positions ne devraient pas être tenues par des personnes comme vous. À deux, qui plus est. Une suffirait pour donner l'alerte en cas d'attaque, et tout le monde sait que frapper par devant est inutile. C'est trop simple, et les archées sur les rambardes protègent bien mieux que vos maigres épées sans valeur."
Il fit un pas en avant, puis se figea à nouveau.
"Pour faire court, votre poste ne sert à rien. Estimez-vous heureux de n'être qu'une poussière parmi les autres. Au moins, vous ne risquez pas votre vie, sauf si, évidemment, des débiles viennent s'acharner sur cette face du Palais. Dans ce cas-là, vous n'êtes qu'une distraction pendant que les gardes véritablement entraînés et armés anéantissent l'ennemi. Un gain de temps. Alors... j'imagine que vous occuper de mon cheval sera bien plus intéressant que de rester debout à attendre le déluge."
Un deuxième pas, et un rire rauque s'essouffla dans l'air.
"Je viendrai vérifier demain que tout ce que j'ai demandé soit effectué. Si c'est mal fait, je vous conseille de vous cacher et de prier que je ne vous retrouve jamais."
Une main dans les cheveux, Jungkook se remit à ricaner. Il avait le sentiment que quelque chose clochait dans sa tête, mais il n'avait pas envie d'y réfléchir. Il devenait certainement fou, et c'était sûrement mieux ainsi.
Les fous n'avaient pas conscience de leurs actes, et il rêvait de n'être plus qu'un corps sans âme. Oublier son passé, son présent, et ne pas saisir le sens de son futur.
Il avait tentation à se foutre en l'air, mais il y avait encore trop de choses à régler ici.
Dans l'allée, il remarqua que les arbres et la végétation ne portaient plus de neige. Tant de mois s'étaient écoulés, rien n'avait changé. Ou si, justement. Tout avait changé.
Lui, premièrement.
Tellement différent d'avant qu'il ne ressentait aucune culpabilité face à Jimin. Face à ses parents. Face à Taehyung. L'ancien Conseiller lui avait donné un lieu de rendez-vous ainsi qu'une heure, sauf que le garde n'irait pas. Il n'avait pas envie d'écouter ce qu'il avait à dire, plus maintenant en tout cas. Qu'il se débrouille tout seul. C'était lui qui avait provoqué cette merde avec les Kim, Jungkook n'était pas responsable.
Il n'était responsable de rien, uniquement du sang présent sur ses mains. Son père l'avait taché.
Jungkook empêcha ses yeux de regarder vers le labyrinthe. D'ici, il n'était pas entièrement visible, mais assez pour en remarquer sa forme.
Le gravier roulait sous ses souliers avant de franchir les fines marches d'escalier qui séparaient l'entrée du perron. Des hommes habillés de noir se courbèrent tandis que leurs pupilles s'agrandir.
L'effet de surprise était réussi.
Le battant fut poussé et il put poser ses pieds sur le sol de marbre toujours aussi proche, toujours aussi riche, toujours aussi putain de luxueux.
"Bon retour, Monsieur Jeon." Saluèrent deux différents soldats, cette fois-ci de l'autre côté de la porte en bois, avec cette même tenue désobligeante.
La lumière s'alluma, Jungkook en fut ébloui. Ici l'électricité était présente dans presque toutes les pièces, là où dehors personne ne la possédait.
Sans prendre le temps de redécouvrir les lieux, le garde s'activa. Il n'avait rien oublié : ni l'odeur des strass et de l'or entre ces murs ni le bruit claquant de ses chaussures contre la pierre polie.
Il était tôt dans la soirée, mais la plupart des gouvernantes étaient parties se coucher. Restait seulement les hommes de noirs, probablement le pianiste qui devait observer comme à son habitude, Hayoon en train de - il l'espérait - pleurer dans sa chambre, et Taehyung.
Taehyung.
Ce nom lui paraissait si simple à prononcer et pourtant il était si difficile à apprécier. Encore plus depuis ce soir. Et Jungkook savait parfaitement où le trouver, puisque l'Empereur avait sans arrêt un coup d'avance. L'information de l'incendie dans sa maison d'enfance avait déjà dû arriver à ses oreilles, et il n'avait pas été discret en riant devant le portail.
Il n'avait pas voulu réduire son retour au silence.
Jungkook aimait le bruit. Ainsi ses pensées pouvaient se taire entre elles, car incompréhensibles. Insaisissables.
Face à la salle du trône, le garde soupira, redressa ses épaules, passa un coup de langue sur ses lèvres, se racla la gorge, cligna des yeux, une fois, deux fois, trois fois. Il soupira à nouveau, sourit dans le vide, laissa un cri intérieur se dissiper puis, il toqua. La porte s'ouvrit grâce aux marionnettes armées qui se courbèrent, l'exacte même expression en voyant le visage de Jungkook couvert de rouge, en symbiose avec ses mains teintées aussi de vermillon.
Il était là.
Perché sur le haut de son estrade.
Les bras allongés sur les accoudoirs de son trône puissant et dominateur. Ses cheveux châtains n'avaient pas poussé, on aurait dit qu'il venait de les couper. Son parfum tua Jungkook à l'instant où il s'était approché. Les yeux sombres, cernés, se fermaient pratiquement tout seuls, mais il était là.
Et plus Jungkook franchissait des centimètres, plus l'écho de leurs âmes vibrait. La sienne était pourtant morte. Elles s'aimaient, mais ne pouvaient se suffire. Elles s'attiraient, mais ne pouvaient s'affranchir.
L'amour était une illusion. Une illusion créée par notre cerveau qui nous poussait à espérer que l'on pouvait trouver réconfort et satisfaction dans l'autre. Que ce sentiment était éternel, que la faucheuse ne pouvait pas retirer. Que le paradis signifiait se donner entièrement à un corps, à un esprit extérieur au nôtre.
Jungkook n'avait plus rien. Juste sa dépouille amorphe qui ne demandait qu'à s'allonger et ne plus se relever. L'âme éteinte. Décès imminent.
Devant le trône, le garde plongea ses iris dans ceux de l'Empereur qui n'avait pas bougé, mais dont le torse se soulevait avec force et rapidité. Différent du plus jeune dont les mains ne tremblaient pas, dont la respiration restait comme telle. Une minute passa. Deux. Trois. Cinq. Dix.
Immobile.
Avant que Jungkook ne plie le genou et que sa tête ne se baisse jusqu'à s'en faire mal à la nuque. Cette position le rendait malade. Pour autant, il prit sur lui, ravala les mots qui menaçaient de s'échapper pour au final réciter cette même politesse apprise par cœur :
"Empereur du royaume de Goguryeo, Kim Taehyung, je me présente à toi le genou à terre. Moi, ton garde attitré, jure par mon entière dévotion te servir jusqu'à ce que mon corps se déchire. C'est ainsi qu'est mon nom, Jeon Jungkook, dévoué à protéger ta chair et ta famille au péril de ma vie. L'honneur de ce devoir vous revient. Merci pour cette bénédiction."
♔
L'eau perlait sur ses muscles tendus. La fraîcheur du liquide ne l'aidait en rien à calmer le volcan qui fumait à l'intérieur de lui. Dans sa tête régnait l'image de Taehyung sur son trône, le fixant sans aucune expression bien que son corps montrait le contraire. La différence entre les deux hommes était telle que Jungkook ressentait trop, Taehyung pas assez.
Les rôles étaient en train de s'inverser.
L'Empereur ne s'était pas levé. À aucun moment. Il avait simplement demandé au garde de se relever, de le regarder, et peut-être qu'au fond de ses yeux il avait pu voir la noirceur qui y coulait. Ou bien était-ce du rouge qui y était imbibé ?
Noir de rancœur. Rouge de douleur.
Détresse insondée, car obligeance d'oublier, certitude d'être en paix.
Ils s'étaient fixés sans réellement comprendre ce que l'autre pensait, complexité de deux âmes fuyantes. Parfois acceptable, souvent rejetable, toujours réceptive.
Et puis sans un mot, Taehyung avait levé son doigt pour lui indiquer d'approcher.
Sa couronne brillait grâce à la réflexion des lumières sur les pierres. Sa cape était parfaitement alignée sur ses épaules, glorifiant sa suprématie. De là où il était, de l'aspect auquel il ressemblait, seul un aveugle aurait pu juger de l'inverse : Taehyung était un Empereur né. Le sang royal à l'intérieur de ses veines lui donnait cette prestance innée. Il était d'une beauté intimidante, parsemant l'envie de s'agenouiller sans effort ; la puissance de son aura dégageait une odeur de soumission. Et son regard... Son regard était le pire de tous. Il pouvait faire monter les larmes de détresse comme rassurer en un faible écart de seconde. Avec Taehyung c'était toujours tout, jamais rien. Il n'accomplissait pas les choses à moitié, éternelle possessivité de rendre les actions parfaites.
Son image était elle aussi parfaite.
Visage parfait. Profil parfait. Corps parfait. Parfum parfait. Voix parfaite.
Il était intelligent, réfléchi. Saisissait ses sentiments et les extériorisait au lieu de les taire dans l'inconscient. Il savait faire la part des choses, ne mélangeait pas le travail à la vie privée, le village à sa famille, les contrats à ses pulsions. Taehyung contrôlait l'incontrôlable. Le temps était l'unique éphémérité qu'il ne pouvait attraper.
Les aiguilles tournaient bien trop vite à son goût.
Et revenir ici donnait la même impression à Jungkook.
Jungkook avait exécuté ses parents. Et un enfant innocent.
C'était pire que de la méchanceté, c'était de la pure cruauté pleinement consciente des dommages irréversibles sur l'esprit. Encore et à jamais bousillé par son impulsivité.
Mais l'heure n'était pas aux regrets. Le deuil n'existait pas. Pas de peine visible, seulement cette ébullition constante qui lui donnait chaud. Si chaud. Terriblement chaud. Une trentaine de minutes à gifler sa peau d'eau glaciale, à se nettoyer des saletés qui résidaient sans relâche sur celle-ci malgré les cinq passages du gel douche. Elle était tachetée de rouge, tachetée de noir, tachetée de roux.
La serviette autour de la taille, Jungkook ne voyait que lui dans le miroir. Lui et l'ombre dans ses yeux. Les étoiles à l'intérieur s'étaient éteintes. Elles n'apercevront plus la lumière. La nuit était trop couverte pour pouvoir les observer.
Sans prévenir, le garde se mit à rire. Ce même rire qu'il n'arrivait plus à arrêter. Il était effrayant, rauque, guttural. Il venait du tréfonds de l'âme, rongé par ce qu'il refusait de ressentir. Jungkook était bloqué dans un cercle où la sortie la plus évidente était de sauter par la fenêtre de sa chambre.
Les mains à présent sur le rebord de la rambarde, ses vêtements propres enfilés, il regardait le sol sans grande motivation, cela serait une trop forte satisfaction que la mort le récupère ainsi.
Dans les draps, Jungkook se plongea dans l'obscurité. Le lustre n'était plus utile, puisque même les ampoules n'étaient pas assez violentes pour illuminer la pièce. Et juste avant qu'il ne rabaisse ses paupières, il entendit des pas s'arrêter devant sa porte. Immédiatement, il se braqua, agrippant à une vitesse affolante le katana resté sur l'extrémité du lit. Il attendit, les sourcils froncés, espérant que la personne ose ouvrir le battant pour lui exploser la tronche, mais rien ne se passa. Les bruits s'éloignèrent et continuèrent leur course vers la pièce du fond, la chambre de Taehyung.
Une main sur le visage, le garde se détendit et il ignora son cœur pleurant à chaudes larmes.
L'organe hurlait, mais personne ne l'entendait. Pas même son propriétaire.
♔
"Donc comme tu as pu sûrement l'observer, la sécurité a été renforcée. Depuis le mariage, les Kim ont disparu, mais il vaut mieux être prudent, on ne sait pas ce qu'ils préparent, même si je commence à avoir une petite idée. Mon oncle m'a pas mal guidé, ainsi que Wooyoung durant ton absence. C'est un fin stratège, j'aime bien ce genre de personne. Merci de l'avoir envoyé, ton choix était bon.
– Où est-il ? Je ne l'ai pas vu hier en arrivant.
– Je lui avais accordé sa soirée et au matin je lui ai annoncé la nouvelle de ton retour. Il est reparti chez lui, là où est sa véritable place."
Les deux hommes étaient en train de déjeuner dans une pièce à part. Isolé. Jungkook devait rattraper son retard de quatre mois, se remettre à jour sur les informations récentes du Palais, et l'Empereur n'avait cessé de parler depuis le début du repas.
Comme si le silence ne devait pas exister.
"Comment était-il ? A-t-il maintenu son rôle comme je lui avais demandé ?
– Oui, il est doué. Je n'avais pas peur avec lui, je savais qu'il avait des réflexes et une observation au-dessus des autres grâce à son passif.
– As-tu peur avec moi ?" questionna Jungkook sèchement sans le regarder, fixant un point dans son assiette..
Taehyung coupa un morceau de sa viande et l'enfouit dans sa bouche.
"Non."
Clair et précis. Aucun doute dans la voix. La réponse était honnête.
"Tu devrais pourtant.
– Je ne vois pas pourquoi."
Jungkook osa un coup d'œil furtif vers le cou de son Dirigeant, celui-là même qu'il n'était plus caché par un foulard et dont la fine cicatrice apparaissait aux éclats du soleil. Taehyung le remarqua.
"Ce n'est pas grand-chose comparé à ce qui aurait pu se passer."
Le garde poussa un soupir.
"Je ne parlais pas forcément de ça.
– Alors de quoi ?
– Tu devrais avoir peur. C'est tout.
– De qui ? De toi ?"
Sourire de travers. Goût amer entre les lèvres.
"Oui, de moi."
♔
Une musique au piano résonnait dans le couloir, mais Jungkook n'était pas d'humeur à aller écouter. Il marchait, seul, rejoignant le salon où l'Empereur l'avait ordonné de le retrouver, il y a de cela une quinzaine de minutes. En vérité, cela avait été Hyunae qui s'était déplacée et la revoir après tout ce temps l'avait quelque peu soulagé. Cette vieille femme était d'une bienveillance sans égard, et sans doute que lorsque son heure viendra, Jungkook en serait peiné. Elle était attachante par sa manière de consoler, d'aider. Elle était toujours pleine de complaisance et de délicatesse, apte à répondre à chaque demande sans rechigner. Hyunae était une dame dévouée, et les épreuves de la vie n'avaient aucunement retiré cet éclat de douceur déposé entre ses rides et ses cheveux gris.
Pour autant, le garde se méfiait. Il n'avait confiance en personne et remettait en cause toutes paroles et expressions. Il ne serait pas étonné d'apprendre que celle-là aussi était au courant pour le contrat, pour l'argent. Pour la vente.
Le plus méprisant dans cette histoire était que le plus jeune était invité à séjourner dans le salon de celui qui lui avait menti depuis cette drôle d'adoption. L'incendie n'avait même pas été évoqué, comme un sujet que l'on souhaitait éviter par crainte de la réaction de l'autre face à la vérité.
Jungkook était patient. Il allait continuer de faire languir Taehyung, de lui faire croire que tout était normal, que ses parents étaient morts, mais que ce n'était pas grave, que la nouvelle ne lui avait pas été faite part, qu'il n'était en rien responsable. Seuls les Dieux savaient à quel point il rêvait de ce moment, de cracher à la figure de l'Empereur son dégoût jusqu'à ce que ses tympans en saignent, jusqu'à ce que la couronne se brise, jusqu'à ce que les livres se déchirent, jusqu'à ce que le monde se détruise.
Devant la porte, le garde toqua et quand la voix de son Supérieur glissa dans ses oreilles, il entra, la refermant derrière lui.
Il retint un rire en voyant la scène qui se jouait devant ses yeux sombres.
Taehyung était assis sur le canapé, Hayoon à ses côtés. Sur la table basse étaient déposés des gâteaux et du thé. Il avait la sensation de revivre des moments en boucle, sur des airs de déjà-vu ayant juste quelques changements pour ne pas se répéter ennuyeusement. La femme portait une robe violette, les cheveux ondulés, attachés dans différentes tresses sur le dessus de sa tête, un ruban autour de son cou, de la même couleur que ses vêtements. Le diadème sur le haut de son crâne broya l'intériorité du garde. Ils s'accordaient à merveille, les deux. Leurs tenues marquaient la richesse et leur appartenance. Et Jungkook était simplement Jungkook, de ses habits noirs, aux pantalons de cuirs, au-delà de ses chaussures. Il n'était rien comparé à eux, et pourtant il était tout.
Plus fort que tous les hommes réunis entre ces murs.
"Assieds-toi, Jungkook. Prends du thé, il a été fait pour toi.
– Je n'ai pas soif."
Quoi de plus écœurant que d'accepter un cadeau de la part d'un hypocrite dans son genre. Le sourire niais sur les lèvres maquillées de son épouse aurait aussi pu le faire vomir sur place, mais il se retint par charité.
Tant d'humilité !
"Bien."
L'Empereur se racla la gorge pendant que le garde s'asseyait sur le sofa en face, les jambes écartées et l'échine penchée vers l'arrière pour le reposer contre le dossier.
L'odeur boisée et vanillée du Dirigeant se mélangeait à celle de Jungkook, unique. Faite sur mesure. Représentant sa personne dans le moindre centimètre de peau, dans le moindre passage d'émotion dans son âme.
Sombre et fleuri. Le musc permettait ce contraste.
"Il y a quelque chose d'important que tu dois savoir avant que l'on poursuive nos discussions. Nous devons nous préparer à une riposte lorsque le moment de l'attaque des Kim tombera, mais ce sujet viendra demain. Je pense que je t'ai balancé assez de changement dans la figure pour aujourd'hui, je n'ai pas désir que cela te hante toute la nuit. Pour être opérationnel, tu dois suffisamment te reposer et-
– Taehyung, je sais ce qui est bien pour ma santé ou non, je n'ai pas besoin que l'on me rappelle. Je suis un adulte, je n'ai pas envie que l'on me materne. Tu n'es pas ma mère, mais... ah, c'est vrai, j'oubliais : je n'en ai jamais eu, puisqu'on me l'a arraché de force."
L'Empereur fronça les sourcils durant une seconde. Une seule et faible seconde. Mais suffisamment longtemps pour que Jungkook le remarque et se mette à rire en penchant sa tête en arrière. Il se calma d'un coup, et sans s'excuser de son comportement, il ajouta :
"Continue, je suis tout ouïe."
Hayoon posa sa main sur la cuisse de Taehyung, et le garde hésita à dégainer son arme pour lui trancher, mais encore une fois, il ne le fit pas.
Il était un garçon aimable.
Contrairement au Dirigeant qui répondit immédiatement à l'étreinte.
"Jungkook... ton contrat indique que tu dois me protéger ainsi que mon épouse à partir du moment où la bague de ma mère se trouve autour du doigt de la personne qui partage ma vie. Malgré ce que tu penses, tu t'es bien débrouillé jusqu'à aujourd'hui, et je suis reconnaissant de ton travail. Le respect que j'éprouve envers toi est bien plus fort que la raison. Il n'est pas mesurable et aucun mot ne sera suffisant pour le décrire."
Trop de belle parole, vide de sens.
"Malheureusement, ou peut-être heureusement, le contrat indique une troisième condition. Si de cette union naît un enfant, alors tu en as pour conviction de le protéger à son tour. Un poids supplémentaire s'ajoute sur tes épaules, mais s'en retire des nôtres."
Jungkook avait envie de s'arracher la peau à main nue.
"Merci de ta dévotion, Jungkook. Grâce à toi, l'héritier que porte Hayoon sera en sécurité."
Le monde devait brûler.
Entièrement.
Jungkook s'en chargerait. Il se le promit.
Parce que, putain, il avait chaud. Tellement chaud.
Et dans sa tête résonnait en boucle cette pensée, celle qu'ils méritaient tous de crever.
****
Hello !!! Purée j'étais certaine de pas réussir à poster aujourd'hui...
Pas de blabla inutile en cette fin de chapitre, je dois partir dans 5 minutes et j'ai préféré corriger plutôt que me préparer.
Bref...
Merci pour les 13k <3
On se retrouve la semaine prochaine pour la suite !!
Ps : ma prochaine histoire sort le 1er décembre et plus le 10 février :)
Oui j'ai changé la date, je suis trop impatiente.
Bisous ^.^
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