CHAPITRE 6 : Vaisseau étranger

TRIGGER WARNING : Wattpad étant codé avec le cul par des manchots qui se sont probablement arrêtés à la version 98 de Windows, mes tirets cadratins sont devenus des tirets simples sur tout le chapitre malgré mes nombreuses tentatives de correction

L'intérieur du gros-porteur Prométhéen était plongé dans une obscurité à l'odeur ferreuse.

Les murs bruns de rouille étaient entièrement nus, exposant leurs jointures à la corrosion de l'air. Le métal oxydé s'effritait au moindre effleurement, couvrant les alentours d'une mince croûte volatile.

L'humidité, se mêlant à une substance plus sombre, suintait de certaines parois, emplissant l'air d'une telle odeur de pourri qu'Aélig dut enfiler son masque NRBC pour ne pas suffoquer.

Respirer dans le groin filtrant lui fut difficile durant les premières minutes, car elle n'y était guère habituée.

- Ne vous perdez pas de vue, résonna la voix d'Auster quelque part devant.

- Reste à côté de moi, lui dit son père.

Elle s'exécuta.

Dans son bombers et ses impeccables chaussures montantes, il dégageait une solidité rassurante, entouré qu'il était de tous ces miliciens en exosquelette intégral, leurs fusils d'assaut en bandoulière.

Le Thanyxte, lui, était à sa gauche, Aélig apercevait sa grande silhouette nimbée du halo des lampes-torches de facture militaire que les gardes tenaient à la main.

- Allons-y, commanda Lindstradt.

Leur progression dans la coursive fut lente et minutieuse, car le sol y était légèrement incliné.

Aélig glissa à plusieurs reprises, rattrapée à chaque fois par la poigne ferme de son père.

Les rais de lumière blanche balayaient un environnement dévasté, des murs froissés par la pression et un dallage jonché de dizaines de débris.

- Bah putain, commenta Cooper à voix haute. Le choc a dû être sacrément rude. Incroyable que ce monceau de ferraille ne se soit pas complètement disloqué.

- Tant mieux pour nous, dit le directeur.

Après une marche pénible, ils débouchèrent sur une section beaucoup plus large.

Un véritable cratère s'était creusé dans le sol, chaotique bouillie de plaques d'aluminium terne hérissé de bouts de métal décrépit et à moitié fondu.

Quelque chose de lourd semblait avoir traversé le plafond, crevant la coque pour s'écraser six mètres plus bas en un impact violent.

Une véritable forêt de tuyaux fins comme des phalanges avait dégringolé par la trouée en hauteur, se perdant dans les ténèbres et leur barrant le chemin.

Les câbles tressés étaient enduits d'une huile iodée et visqueuse, gouttant lentement par terre.

- C'est du gel structurel, constata Vol'Zan en s'emparant d'un des fils gainés. Il est inerte.

Il ne portait pas de gants, si bien qu'il s'en mit plein les doigts.

Grimaçant de dégoût, Aélig le vit s'essuyer sur sa blouse sombre.

- Ce qui veut dire ? demanda Lindstradt, perplexe.

- Que l'alimentation principale ne fonctionne plus, répondit l'alien.

Ils s'étaient arrêtés au bord du cratère. Celui-ci était profond de plusieurs mètres, exhalant des miasmes d'humus retourné et de sel grillé. La coque du transport avait labouré la terre, la faisant gicler jusqu'aux murs.

- À votre avis, est-ce que ce truc possède un poste de pilotage ? interrogea le directeur.

- Comme tous les vaisseaux, non ? supposa Auster en éclairant les moindres recoins de l'espace encombré d'un mouvement circulaire.

- Cet endroit me fout la chair de poule, marmonna Aélig pour elle-même, mais son père l'entendit.

- T'as voulu venir, commenta-t-il sans animosité.

- Ce truc mesure plus d'un kilomètre, poursuivit Cooper. Ça va être foutrement long à fouiller.

- Séparons-nous, proposa alors le chef de la sécurité. Ça sera plus...

- Hors de question, l'interrompit Lindstradt d'un ton sans appel. Nous allons chercher pendant deux ou trois heures, et si nous ne trouvons rien, nous enverrons d'autres équipes, décida-t-il.

Personne ne protesta.

- Il faut contourner, soupira Auster.

Ils firent demi-tour, s'appuyant aux parois pour garder un équilibre précaire, les pas des armures résonnant lourdement dans l'air saturé de particules blanchâtres.

Aucune conversation ne naissait, chacun communiquant que quand cela était nécessaire, entretenant une tension presque palpable.

Partout où ils les pointaient, les lampes montraient des espaces envahis de saleté, de panneaux éventrés et de disjoncteurs cassés par l'usure, le choc et le temps.

- Qu'est-ce que c'est que cette merde ? s'exclama Auster d'un ton inquiet.

Tout le monde s'arrêta.

Dans un pur réflexe, Aélig saisit le poignet de son père.

À moitié fusionnée à la paroi humide dans l'angle, une hideuse machinerie palpitait dans un ronflement maladif.

Vampirisant les alentours, des nodules filandreux et des excroissances en forme de carapace de nautile avaient envahi le sol et les murs ternes, frissonnant d'une lueur verdâtre.

Une odeur capiteuse d'essence chaude crépitait autour de l'odieuse tumeur.

Cela semblait respirer.

- Aucune idée de ce que c'est, dit Vol'Zan en s'avançant. On dirait un Substitut, mais...

- Mais quoi ? prononça Aélig, tendue.

- Je n'en suis pas sûr, conclut le Thanyxte. Je vous déconseille toutefois de vous en approcher.

- Sans déconner, lança aigrement Cooper. On n'aurait pas deviné tout seuls.

- Est-ce que c'est... vivant ? demanda Aélig en observant l'amas gélatineux qui serpentait sur plusieurs mètres.

La vue des nodosités malsaines qui parsemaient les tuyaux plantés dans la chose comme des perfusions lui donnait la nausée. Elle encombrait une bonne moitié de la coursive.

- Tout dépend de ce qu'on entend par « vivant », répondit Vol'Zan, énigmatique.

- Et ça sert à quoi ? dit Lindstradt, tout aussi dégoûté que son escorte.

- Je ne sais pas, avoua l'alien.

Ils contournèrent donc soigneusement la masse tremblotante en longeant le mur opposé, plongés dans le silence et évitant de trop regarder l'étrange tas tressautant au rythme d'une soufflerie défaillante.

Leur plongée à l'intérieur des entrailles du vaisseau devenait de plus en plus inquiétante.

Aélig ne savait pas si c'était un effet de son imagination, mais elle avait la pesante impression que l'air se raréfiait au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les profondeurs ; à moins que ce ne fusse qu'un effet du masque filtrant, mais elle n'avait aucun moyen de s'en assurer.

Ils devaient régulièrement se baisser pour passer en-dessous d'une gaine effondrée, enjambant débris et mousse alvéolée répandue au sol.

Totalement désorientée par ce décor labyrinthique, la jeune femme fut néanmoins rassurée de voir qu'Auster tapotait régulièrement l'interface simplifiée qu'il portait autour du poignet, enregistrant leur position, traçant ainsi leur itinéraire depuis le début. Ils croisèrent plusieurs escaliers démembrés, ainsi que des élévateurs hors d'usage depuis longtemps, les portes condamnées par de grotesques lignes de soudures.

Une passerelle s'était écroulée, répandant ses restes en une pluie de barreaux tordus.

- Où peut bien être leur foutu centre de contrôle ? lança Lindstradt au bout d'un moment, alors qu'ils empruntaient un énième virage au hasard.

Il n'attendait pas vraiment de réponse.

Chercher le pont principal à l'intérieur de ce mastodonte antique, sans aucune connaissance des lieux, était aussi frustrant que hasardeux. Nul repère n'était là pour les guider.

Ils ignoraient même si le poste de commandes se trouvait à la proue où à la poupe, car ce transport n'avait pas vraiment de tête ou de queue, se résumant à un rectangle démesuré et aveugle, et bien sûr, il ne fallait pas compter sur les Prométhéens pour coller un plan quelconque dans les environs.

Le transporteur étant énorme et Lindstradt n'ayant que peu de monde à sa disposition, il leur faudrait des jours ou même des semaines pour le fouiller en entier.

- Regardez ça, s'écria soudain Auster en tête de file, à une dizaine de mètres devant eux.

Le couloir débouchait sur une espèce de place circulaire aux dalles démises.

Tout au fond de celle-ci se découpait une arche asymétrique, comme taillée dans le revêtement isolant après qu'il eut été posé sur la structure en treillis de la paroi.

Se figeant dans l'encadrement cassé, Auster scrutait l'intérieur à l'aide de sa torche, n'osant de toute évidence pas en franchir le seuil.

Chacun pressa l'allure afin de le rejoindre, faisant dangereusement crisser le sol inégal sous leurs semelles renforcées.

- Nom de Dieu, souffla Lindstradt.

L'espace qui s'étendait désormais devant eux était semblable au chœur d'une cathédrale infecte. Plusieurs rangées de canalisations épaisses formaient des colonnes latérales, montant jusqu'au plafond et se perdant dans les hauteurs indistinctes.

Un immense orgue inversé, ou quelque chose qui s'y rapportait, dégoulinant de sucs, pendait du plafond sombre.

Cette grappe visqueuse était cernée d'une lueur diffuse, boueuse, probablement d'origine biologique, et dissipait les ténèbres environnantes avec une douceur marécageuse.

Une odeur de décomposition sucrée flottait dans l'air humide à l'instar d'une traînée d'encens.

Le sol était mouillé, sirupeux, recouvert d'une fine couche de mouise dans laquelle leurs pieds s'enfonçaient en clapotant.

Révélée par les pinceaux crus des lampes-torches, l'entièreté de l'environnement semblait se composer de filins, de câbles et de tuyères dégorgeant de pus, épais comme de la sève, coulant en stalactites de pétrole liquide jusqu'au sol gluant.

Les sons de ruissellement emplissaient l'atmosphère de leur murmure obsédant, ponctués par le goutte à goutte et les borborygmes qui parcouraient les canalisations, faisant gémir et craquer tout le réseau, le tordant dans un processus de digestion invisible et incompréhensible.

- Je n'ai jamais rien vu de tel, prononça le Thanyxte alors qu'ils avançaient vers le milieu de cette pseudo-grotte creusée à même la chair inerte du transporteur.

Le visage tordu par une moue révulsée, qu'on devinait même sous le masque, Lindstradt pointa sa lampe sur le fantastique couperet de tubes et de bouches aveugles suspendu à environ trois mètres des dalles boueuses.

Certains câbles pendant dans le vide se terminaient par des ventouses horriblement dentues.

- Ça ressemble à un foutu nid, commenta Légion, la voix pleine d'une fausse assurance.

- Un nid de quoi ? reprit un des miliciens du groupe.

- Silence, ordonna Auster, et tout le monde se tût.

Ils s'arrêtèrent à une distance respectable de l'orgue inversé, les semelles collantes.

La vision de cette structure illogique plantée en plein milieu de la grande pièce était viscéralement dérangeante, mais Aélig n'aurait su déterminer exactement pourquoi.

C'était peut-être dû à ce liquide huileux qui suintait du moindre interstice, ou bien au fait que le nœud formé par les tuyères ressemblait plus à des intestins luisants qu'à des canalisations normales.

- En tout cas, c'est pas le poste de pilotage, dit enfin Lindstradt, se tournant lentement vers les miliciens, sa fille et l'alien.

Ce dernier regardait ses propres pieds, ou plutôt, ce qui se trouvait en dessous avec un intérêt lointain.

Aélig le vit tracer un court arc de cercle dans la mouise granuleuse, provoquant un bruit glissant qui lui fit penser à un poisson qu'on évidait.

- C'est du gel structurel, encore, déclara-t-il en secouant sa botte pour la débarrasser des éclaboussures. Complètement corrompu et pollué. C'est la première fois que je vois une telle concentration au même endroit.

- Et ça leur sert à quoi ? s'intéressa distraitement le directeur, pointant sa torche électrique sur le plafond invisible.

Le rai de lumière se perdit dans les ténèbres.

Cette salle devait être immense, mais ils n'en apercevaient qu'une infime portion.

- J'imagine qu'ils s'en nourrissent, supposa Vol'Zan.

Cooper eut une exclamation répugnée.

- Super ! Donc on a les pieds dans de la compote pour Prométhéens.

- Compote ou pas, ça ne nous en dit pas plus sur le contre de commandes, soupira bruyamment Auster. Qu'est-ce que vous voulez faire, monsieur ? reprit-il à l'adresse de Lindstradt.

Celui-ci continuait à balayer les murs de sa lampe, à la recherche d'un indice, d'un signe quelconque qui les aurait mis sur la bonne voie.

Mais il n'y avait rien, à part des sorties d'évacuation, des grilles sales et des canalisations suintantes.

- Nous n'avons plus rien à faire ici, décida-t-il.

À cette annonce, Aélig sentit le soulagement l'envahir.

Cette pièce bizarre, la sensation d'oppression qu'elle faisait peser sur sa cage thoracique et les ténèbres qui l'entouraient la mettaient mal à l'aise.

Elle regrettait d'avoir autant insisté auprès de son père pour qu'il accepte sa présence aux côtés de sa garde prétorienne.

Resserrant leurs rangs autour de son père et d'elle, les miliciens les menèrent vers la sortie.

- Attendez, s'alarma soudain Auster.

Dans la semi-obscurité, Aélig se cogna involontairement contre l'exo noire la plus proche. Ils se figèrent. Le silence était total, troublé seulement par la fine pluie que déversaient les murs.

Personne n'osait parler, retenant sa respiration alors que le sergent et les siens dardaient leurs lampes portables aux alentours, illuminant brièvement les angles et les torsions impossibles peuplant l'espace bleuté de la salle.

Au fond, l'assemblage entremêlé continuait à luire de ce vert glauque et toxique, tel un champignon hideux au fond d'une cave radioactive.

- Quoi ? murmura Lindstradt, inquiet.

- J'ai cru voir... juste une ombre, j'imagine, répondit Auster.

Un craquement humide, celui d'une moelle brisée, résonna dans les profondeurs de la pièce.

Aélig sentit une poigne lourde et froide lui saisir l'épaule, la contraignant à reculer et elle comprit que Cooper cherchait ainsi à l'abriter derrière le rempart de l'armure qu'il portait.

Plus loin, Auster en avait fait de même avec Lindstradt.

Les miliciens avaient instinctivement formé un demi-cercle protecteur.

- Éteignez, siffla Auster.

Les ténèbres se firent dans une série de déclics.

Aélig ferma les yeux.

- Rien à la nocturne, signala un des gardes.

Même si elle ne les voyait pas, la jeune femme savait que chacun d'entre eux pointait désormais son fusil d'assaut vers l'origine du son.

Dans le noir, son père lui prit la main.

- À la thermique, dit Cooper, la voix déformée par la tension. Trente mètres devant.

- Bordel, lâcha le sergent.

- C'est gros. Ça bouge. Ça vient vers nous.

- Ne tirez pas, prévint le Thanyxte. Les conduites vont sauter.

Lindstradt inspira profondément.

- Lumière, dit-il.

Une quinzaine de lampes-torches illuminèrent à nouveau les alentours.

Le sentant sur ses paupières, Aélig les réouvrit, risquant un coup d'œil par-dessus le bras blindé de Cooper.

La respiration vint à lui manquer, la suffoquant.

Immobile à vingt mètres devant eux se tenait une grande silhouette recouverte de tissu rapiécé.

Elle mesurait plus de sept pieds de haut.

Ce qui l'habillait était une toile rêche, recousue et déchirée, dissimulant ses traits et la forme générale de son corps. Elle semblait porter quelque chose de volumineux contre elle.

Une loupiote électrique était accrochée à sa ceinture, à l'aide d'un vulgaire câble dénudé. Sans visage, sans membres, elle était épaisse et terrifiante.

Les doigts étaient crispés près des détentes, prêts à ouvrir le feu au moindre mouvement. Mais l'apparition ne bougeait pas, les fixant de ses yeux invisibles.

Puis, lentement, elle plia les genoux, s'abaissant pour déposer à ses pieds ce qu'elle portait.

Elle se releva ensuite tout aussi doucement et, dans un froissement de capes sales, elle tendit les mains devant elle.

La chose encapuchonnée avait cinq doigts, tout comme eux, mais ses bras étaient recouverts d'une courte fourrure totalement blanche, décolorée.

Avec mille précautions, la figure informe leva ses pattes d'aspirine à hauteur de sa tête, paumes rosâtres tournées vers eux.

Un geste universel, incroyablement humain, qui ne signifiait qu'une chose.

Aucune arme ne se baissa.

Saisissant les pans de toile qui lui ceignaient le crâne, la créature les rabattit en arrière, découvrant ce qui lui servait de visage.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top