CHAPITRE 6 : Circular System Watch
Encadré par le contingent de la milice en tenue légère et accompagné par Ahmal Karavindra et le Dr Azaan, Nicholas Lindstradt regarda le vaisseau de l'armée atterrir à une centaine de mètres du Lance.
D'un gabarit moyen, presque ridicule en comparaison du navire de la compagnie, l'engin était trapu, robuste et disgracieux, privilégiant l'efficacité à l'esthétisme, même si les deux n'étaient pas incompatibles.
Mais la gente militaire n'avait que de vagues notions de l'harmonie et de la beauté, il n'y avait qu'à jeter une oreille à leur musique ou à leur vocabulaire.
Enduit d'un revêtement isolant vert, strié de bleu, le croiseur de classe Aurore portait sur son flanc obèse le blason stylisé de la coalition du Circulaire.
Le regard du directeur tomba sur le symbole éraflé, représentant une créature ailée triangulaire, refermant en son sein un cercle d'étoiles sur un fond bichrome carmin et noir. Cette vision ne l'enchanta guère.
Ses relations avec le CSW s'étaient toujours limitées au strict nécessaire, l'armée ayant presque toujours refusé d'acheter sa production, jugée beaucoup trop onéreuse. Bien qu'il équipât parfois les forces spéciales, Lindstradt n'aimait pas vraiment marchander avec les soldats.
Il n'avait fait appel à la grande muette que par absolue nécessité ; la perspective de s'y confronter le mettait de sombre humeur.
Le sas du croiseur interstellaire s'abaissa dans un chuintement hydraulique, laissant échapper d'épais panaches de vapeur résiduelle imbibée d'humidité.
Sous le regard expectatif de la petite foule de curieux qui s'était amassée aux pieds du Lance, la passerelle du second vaisseau se planta dans la terre pour ensuite vomir son contenu à l'air libre.
Une trentaine de soldats se déversa donc sur le béton de la piste.
À leur tête se trouvait une femme assez jeune, le chignon aussi serré que son uniforme et le visage hautain.
La peau tannée par le soleil, elle avait la démarche et les mains de quelqu'un qui était habitué à la vie simple, presque campagnarde ; impression aussitôt démentie par son regard intelligent, brillant malicieusement dans la lumière fade de la matinée emplie de grisaille.
Basique et fonctionnelle, sa tenue de treillis mâtinée de marine au col mao soulignait sa sveltesse soigneusement entretenue et son teint mat.
Les barrettes sur ses épaulières ainsi que son képi aux fioritures sévères indiquaient qu'elle était lieutenant-colonel.
Sa haute stature s'effaçait pourtant aux côtés de l'être qui suivait le moindre de ses pas.
Mince et quelque peu ramassé sur lui-même, le Limrah qui l'accompagnait avait, comme tous ses semblables, un peu trop de membres pour être réellement agréable à regarder.
Son corps en forme de cône asymétrique était juché sur six pattes de crabe ou d'araignée, solides et osseuses, se terminant par une pointe de kératine recourbée qui frottait le sol dans un claquement sec.
Pratiquement dépourvu de nuque, l'alien avait une tête engoncée dans des replis de chair, étrangement grasse, qui venait se perdre dans les excroissances des plaques osseuses qui lui mangeaient le dos, presque assimilables à une carapace de mollusque difforme.
Sa gueule triangulaire, au mufle écrasé, surmontée de deux mandibules immobiles, révélait une bouche large et luisante, ainsi que trois yeux globuleux, brillant d'un jaune venimeux, acide.
Pour ne rien arranger, quatre bras maigrelets étaient pressés contre son torse, lui conférant une apparence de mante religieuse patibulaire.
Malgré leur physique peu engageant, les Limrah étaient des alliés de longue date de l'espèce humaine. Privés de leur monde d'origine depuis des millénaires, ils avaient traversé plusieurs siècles de nomadisme avant de s'installer sur Carrière, y accueillant ensuite pacifiquement l'Humanité.
Très portés sur le commerce et l'extraction des matières premières, ils s'étaient vite avérés être des partenaires précieux.
Bien que peu versés dans l'art de la guerre, il n'était pas rare d'en rencontrer au sein du CSW, à l'intérieur duquel ils occupaient généralement des fonctions administratives.
La petite procession de la soldatesque sagement alignée, menée par la gradée et l'extraterrestre s'arrêta à la hauteur de Lindstradt et de ses subordonnés.
— Lieutenant-colonel Apkar, se présenta solennellement la femme en tendant une main pleine d'assurance au directeur. Et voici mon second, le commandant Savu-Arath, ajouta-t-elle en indiquant le Limrah. Nous dirigeons le contingent de Varesj. Nous avons fait aussi vite que possible.
Essayant tant bien que mal de cacher son air méfiant, Lindstradt lui rendit son salut d'une poigne ferme.
Dans son dos, les miliciens d'Hélion, Auster en tête, dévisageaient les militaires avec des regards mitigés.
La concurrence caquetante entre l'armée régulière et le privé ne datait pas d'hier, et les salutations entre hommes de rang et contractuels furent donc d'une froideur formelle.
— Nous sommes ici pour évaluer la situation et prendre les mesures nécessaires, expliqua la lieutenant-colonel Apkar, entrant dans le vif du sujet sans s'embarrasser de cérémonies supplémentaires.
S'étant attendu à des salmigondis interminables et protocolaires, Lindstradt ne put s'empêcher d'arborer un mince rictus de soulagement.
Enlevant son képi pour se donner l'air moins officiel, la grande femme brune se composa une moue pleine de sollicitude.
— Je viens de passer quatre jours enfermée, affirma-t-elle en inclinant la tête. J'espère que cela ne vous gêne pas si nous procédons aux auditions à l'extérieur ?
Lindstradt accepta de bonne grâce.
La lieutenant-colonel Apkar décida d'envoyer ses propres hommes inspecter l'unité de production silencieuse afin de collecter les preuves qui auraient pu échapper à la vigilance de la compagnie.
Menés par un caporal-chef taciturne, une quinzaine de soldats se dirigea vers l'usine. Ils portaient tous l'armure assistée Sokoviev, une exo de deuxième génération, désormais vieillissante quoique efficace ; les batteries au sodium-ion incrustées dans ses flancs avaient l'inconvénient d'être rechargeables, ne disposant que d'une douzaine d'heures d'autonomie.
Lindstradt savait que cette contrainte posait de gros soucis à l'armée et que cette dernière cherchait activement une alternative viable aux accumulateurs au sodium ; peut-être les militaires reviendraient-ils sur leur refus d'acheter à Hélion, il faudrait qu'il pose la question à Apkar si jamais l'occasion se présentait, un peu plus tard.
Tout en réfléchissant vaguement à un accord commercial solide qu'il pourrait conclure, le directeur regarda les troufions restants débarquer leur matériel du vaisseau.
Ils commencèrent à dresser une grande et longue tente en tissu intelligent épais, alors qu'une bruine morne s'abattait sur la bande de gazon sauvage qui délimitait les espaces de béton.
Le crachin s'intensifia très vite, se transformant en une pluie battante qui traça des zébras dans l'air saturé d'humidité.
Se lassant du spectacle des militaires qui s'activaient à dresser leur centre d'opérations provisoire, et chassés par l'intempérie, les employés d'Hélion se dispersèrent comme des mouches, disparaissant dans les entrailles du Lance en files indiennes disparates.
Ne restèrent que Lindstradt, Karavindra, le Dr Azaan et l'envoyée du Kohltso, ainsi que son assistant extraterrestre.
Tous les cinq cherchèrent refuge sous le ventre gargantuesque de l'esquif de la compagnie, traversant le rideau humide qui cascadait le long de son flanc irrégulier.
— C'est la première fois qu'on nous signale un raid Prométhéen dans ce système, avoua la lieutenant-colonel, essuyant son visage humide du plat de la main.
Elle avait des yeux d'un vert de gris qui contrastait agréablement avec son teint très mat, presque brun.
Apkar avait probablement dans les trente-six ou trente-sept ans et était le pur produit du rêve assumé par l'armée régulière : jeune, avenante, sérieuse et gradée, le genre qu'on mettait en avant pour se donner une excellente image et la bonne conscience qui allait avec.
— Sur Varesj, ils ont dévasté le Temple de la Descendance, dit le Limrah, ouvrant la bouche pour la première fois depuis son arrivée.
Il avait une voix claire et s'exprimait dans un anglais conventionnel parfaitement articulé ; un effort louable, vu la différence astronomique qu'il y avait entre sa langue natale et celle, officielle, qu'avaient imposé les humains dans tout le système.
— Je sais, répondit Lindstradt en se tournant vers les deux représentants du CSW.
À leur droite, Karavindra et Azaan s'étaient lancés dans une conversation discrète, étouffée par le tambourinement pluvieux.
— Ma propre fille était à l'intérieur, poursuivit le directeur. Nous avons pu la récupérer en vie, fort heureusement.
— J'imagine qu'elle ne verrait pas d'inconvénient à nous raconter ce qu'il s'est exactement passé là-bas ? interrogea Apkar, croisant les mains dans le dos.
Lindstradt se contenta de hausser les épaules sans répondre.
— D'après votre pilote, les Prométhéens ont débarqué sur votre site, et...
— Ce ne sont que des hypothèses, la coupa Lindstradt sans sécheresse. Le circuit de vidéosurveillance a été mis hors service et nous n'avons qu'un seul témoin, que nous n'avons pas encore eu le temps d'interroger.
— La personne en question est une jeune femme de Green Edge, intervint froidement le Dr Azaan. Elle est accro au shedim. Si j'étais vous, je considérerais sa parole avec la plus grande des prudences.
— Je n'y manquerais pas, lui assura Apkar avec une expression crispée.
Marquant une courte pause, elle indiqua les soldats, toujours affairés à mettre sur pieds leur QG aux bâches imperméables.
L'eau que déversaient les cieux faisait luire leur armure kaki d'un éclat terne, brouillant les silhouettes dans un flou d'artiste.
— Je vais commencer les interrogatoires dès que possible, ajouta la militaire d'un ton sans appel. Il est dans votre intérêt que ce dossier soit instruit au plus vite auprès du Concile de Carrière.
— Vous aurez notre entière collaboration, affirma Lindstradt, reprenant ensuite : certains éléments portent à croire que les Prométhéens sont sous le commandement de quelque chose de bien plus redoutable. Mais le Thanyxte vous expliquera bien mieux que moi...
— Vous employez un Stygien ? s'étonna sincèrement Apkar, mais se remettant vite de sa surprise. Je l'entendrais dans les premiers, décida-t-elle. Avec la fille de Green Edge...
Lindstradt ne trouva rien à redire. La lieutenant-colonel semblait déborder de professionnalisme. Il s'en sentit légèrement plus serein, ce qui ne lui était pas arrivé depuis plusieurs jours.
Comme l'avait prophétisé Lindstradt, le CSW leur confisqua le monolithe déchu de son socle, l'enfermant dans un de leurs containers sécurisés, qui finit rangé dans la soute du croiseur trapu.
Apkar leur assura qu'il serait soumis à des analyses très poussées dans les meilleurs laboratoires du Kohltso, mais le directeur ne la crut qu'à moitié.
Les restes du Substitut et le caisson qui contenait le bouillon cérébral de ce malheureux Samuel Hammerfield finirent également sous scellés, à l'abri des parois blindées du vaisseau militaire.
La lieutenant-colonel connaissait bien son affaire, et elle commença les auditions alors que les soldats achevaient de transporter les rares cadavres entreposés au centre médical pour les mettre à l'abri dans la morgue de leur croiseur.
La grande maison de toile ayant été emménagée en quelques heures seulement le matin-même, le ballet fastidieux des témoignages commença dès treize heures.
Les militaires, aussi soigneux que ponctuels, avaient tout prévu : des dizaines d'appareils enregistreurs pour les dépositions orales et écrites, des petits box aux allures de confessionnaux austères dans lesquels on s'occupait des formalités secondaires, et même une grosse batterie de distributeurs de boissons portatifs pour meubler l'attente qui se formait près de la tente principale.
Le Dr Azaan préférant se retirer après avoir le peu d'informations dont elle disposait, Lindstradt se retrouva vite seul avec l'administrateur réseau Karavindra face au contingent d'Apkar à l'intérieur de leur centre d'opérations à l'armature solide.
Assis sur des chaises rigides et peu confortables, la tête bourdonnante à cause de l'atmosphère fébrile et confinée qui régnait entre les murs de toile, ils écoutèrent tout d'abord Aélig raconter les événements sur Varesj d'une voix qui manquait d'assurance.
Installée au bord de son siège, légèrement nerveuse et emmitouflée dans une vieille veste en treillis noir de la compagnie qu'elle avait déniché on ne sait où, la jeune femme n'hésitait cependant pas à soutenir le regard d'Apkar.
Accompagnée par son second, celle-ci prenait quelques notes éparses tout en posant des questions très précises.
Quand Aélig eut fini de répondre, elle hésita à partir immédiatement mais, emportée par sa curiosité, elle décida de s'installer près de son père.
Avec un mince sourire, Lindstradt lui prit la main pour la tenir dans la sienne durant une poignée de secondes, comme s'il voulait la rassurer : un geste d'affection qu'il ne se permettait que rarement en public mais qui fit beaucoup de bien à Aélig.
Non loin de là, Ahmal Karavindra s'était penché vers le seul secrétaire administratif d'Hélion présent dans la salle.
Le directeur avait dû lourdement insister auprès d'Apkar pour qu'elle laisse un de ses employés enregistrer les entretiens officiels. La lieutenant-colonel, après avoir argué la confidentialité du protocole, avait fini par céder de mauvaise grâce.
Un silence quasi-religieux s'abattit sur la tablée quand le Thanyxte fit son entrée.
L'alien dut se baisser pour franchir l'ouverture molle de la tente, laissant passer un appel d'air d'une fraîcheur bienvenue qui réveilla Lindstradt. Aélig fit racler sa chaise en reculant.
Ignorant le siège qu'on avait mis à sa disposition, il préféra rester debout, dominant la petite assemblée du haut de ses deux mètres.
Près d'Apkar, le Limrah nommé Savu-Arath le fixait avec une répulsion haineuse.
Son espèce avait un passif complexe avec les résidents du Styx : les deux races s'étaient fait la guerre durant de nombreux siècles, les Thanyxtes ayant fini par réduire un grand nombre de Limrah en esclavage.
Cette malheureuse époque était révolue depuis des lustres, mais les créatures à quatre bras en avaient conservé une profonde inimitié à leur encontre.
S'il avait remarqué la présence de Savu-Arath, l'alien n'en laissa rien paraître, focalisant son attention sur Apkar et son uniforme tiré à quatre épingles.
— Veuillez-vous présenter, exigea poliment la lieutenant-colonel, alors que les personnes présentes dans la tente, qui, pour la plupart, n'avait jamais vu de Stygien, le fixaient avec un intérêt craintif.
— Haïdès Vol'Zan, lâcha-t-il.
— Quelle race ? prononça soudain Savu-Arath, et sa patronne lui jeta un regard désapprobateur en l'entendant insister sur le deuxième mot.
— Je suis un Sobekien, répondit froidement l'intéressé. Quel rapport avec ma convocation ici ?
— Aucun, affirma Apkar. Veuillez excuser mon assistant.
— Les vôtres sont responsables du plus grand génocide de l'histoire, l'interrompit le Limrah, se levant avec difficulté de son siège, peu adapté à ses nombreuses jambes.
— Je pensais qu'on questionnait mes employés en vue du rapport sur les événements récents, déclara Lindstradt d'une voix forte.
— Il a raison, appuya la lieutenant-colonel en foudroyant son second du regard une nouvelle fois. Veuillez modérer vos propos...
— Je n'étais pas né lors de votre soi-disant génocide, se défendit le Thanyxte, flegmatique.
— On ne m'imposera pas cet entretien, cracha Savu-Arath en se faufilant le long de la table.
Échangeant des commentaires étouffés, les militaires le regardèrent clopiner jusqu'à la sortie avant de disparaître dans un claquement osseux désagréable.
Dissimulant son expression effarée avec une certaine latence, Apkar se rejeta sur le dossier en soufflant doucement.
— Il aura un avertissement, clarifia-t-elle avec fermeté.
Imposant le silence en tapant sur la surface de la table, elle s'adressa de nouveau au Thanyxte :
— Monsieur Lindstradt affirme que vous détenez des informations capitales pour notre enquête.
Vol'Zan se contenta de hocher de la tête.
— Vous ne voulez pas vous asseoir ?
— Non merci, refusa-t-il sans bouger d'un millimètre. Je serais bref.
Son récit, bien que dénué de détails et synthétique au possible, fit forte impression sur Apkar.
Bien qu'il eût déjà entendu toutes les explications sur le Collectif Cephene, la dégénérescence de l'IA et la cybernécrose, Lindstradt écouta néanmoins avec attention.
Alors que l'alien livrait ses dernières impressions, la petite salle devint soudain très bruyante et la déléguée du CSW lutta quelques instants pour y ramener un calme relatif.
— Vous affirmez qu'au moins un Cephene a survécu et dirigerait désormais les Prométhéens restants, si j'ai bien tout suivi, résuma enfin Apkar, répugnant à croire ce qu'elle prononçait.
— Une, plus exactement, précisa le Thanyxte. Vexaria Jin'Agni faisait partie des premiers sujets de tests du Collectif.
— Et cela, vous l'avez appris, euh... par le monolithe, ajouta la militaire, de plus en plus perplexe.
Elle marqua une pause pour boire un verre d'eau, qu'elle reposa dans un cliquetis discret. L'alien la regarda faire, parfaitement immobile.
— Ce n'est pas vraiment un monolithe, expliqua-t-il. C'est, disons, une grosse radio alimentée par une source que je n'ai pas eu le temps de déterminer, vu que vous vous êtes empressés de le prendre.
— Nous allons le soumettre à nos meilleurs labos, répondit Apkar avec une voix qui se voulait conciliante.
— Ils découvriront en deux ans ce que je mettrais deux semaines à trouver, commenta Vol'Zan.
— Ce n'est pas le sujet, trancha la représentante de l'armée d'un ton sans réplique. Selon vous, quel intérêt ont les Prométhéens à suivre cette Cephene ?
— Je ne sais pas si c'est elle qu'ils suivent véritablement.
— Spécifiez, exigea Apkar.
Près de Lindstradt, Karavindra avait croisé les bras sur la poitrine et fixait le Thanyxte comme s'il le voyait pour la première fois.
— Et bien, si ce que le monolithe a dit est avéré, les Prométhéens œuvrent pour une entité qu'ils considèrent comme supérieure et dont Vex Jin'Agni est la porte-parole. Selon moi, il s'agit d'un délire religieux, symptôme caractéristique d'une espèce encore peu développée.
Il marqua une courte pause avant d'ajouter d'un ton condescendant :
— D'après ce que j'ai pu observer, vous connaissez bien ce genre de choses depuis le début de votre civilisation.
Apkar laissa passer la remarque sans sourciller.
— Dans quel but feraient-ils ça ? s'étonna-t-elle, la bouche pincée.
— Strictement aucune idée, répondit l'autre.
La lieutenant-colonel marmonna quelque chose d'indistinct en pianotant nerveusement sur son datapad, avant de se pencher vers un autre homme, qui se mit à lui parler tout bas.
Lindstradt s'éclaircit bruyamment la gorge, les interrompant dans leur conciliabule.
— Vous pouvez disposer, annonça Apkar à l'adresse de Vol'Zan. Nous avons besoin d'analyser tout ça plus longuement.
Inclinant brièvement son affreuse tête de caïman en guise d'aurevoir, l'alien quitta la tente surchauffée sans un regard en arrière.
En sortant, il faillit bousculer une humaine blondasse d'une maigreur désolante, qui fit un bond en arrière ponctué d'un cri apeuré en le voyant. Elle était encadrée par deux gardes Hélion à l'air passablement morose.
Se remettant bien vite de sa surprise, Alicia Hines se faufila à son tour à l'intérieur.
Apercevant le directeur de l'entreprise assis non loin de la pléthore militaire, puis reportant son attention sur la femme qui semblait présider ce petit comité, elle annonça :
— Je voudrais vous parler en privé, s'il vous plaît.
Ce soir-là, incapable de trouver le sommeil et seule dans sa couchette, Aélig veilla jusqu'à minuit passé, malgré la fatigue qui la faisait régulièrement bailler.
Depuis que le CSW avait débarqué sur le sol de la planète, Cooper avait disparu.
Cela ne l'inquiétait pas outre mesure, car le mercenaire devait se terrer quelque part dans les tréfonds du vaisseau, en attendant que les militaires s'en aillent.
Une précaution superflue selon elle, car son père avait formellement interdit l'entrée du Lance à Apkar et ses hommes en invoquant le sacro-saint secret industriel ; la lieutenant-colonel n'avait pas moufté à cette annonce sans appel.
Comme la plupart des gens bien informés, elle savait à quel point Hélion GmbH jalousait le moindre de ses brevets. Les soldats ne se privaient cependant pas de fouiner près des trains d'atterrissage colossaux de l'engin et ce ballet incessant avait amené Lindstradt au bord de la crise de nerfs qui le menaçait depuis leur arrivée ici.
Elle-même se sentait anxieuse pour une raison obscure, même si elle essayait de se rassurer comme elle le pouvait en se disant que l'intervention de l'armée sonnait leur départ prochain de cette terre primitive et maudite.
Aélig finit par s'endormir vers une heure et demie du matin, sombrant dans un sommeil agité, peuplé de cauchemars indistincts.
Quand un bruit assourdissant la réveilla quatre heures plus tard, elle crut nager en plein mauvais rêve.
On était en train de forcer le sas de sa cabine.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top