CHAPITRE 2 : Pyramides
Haïdès n'eut pas le temps d'observer la surface de la planète aussi attentivement qu'il l'aurait voulu, car la navette plongea très vite, noyant la verrière sous une pluie de particules.
Cela ne dura qu'un court laps de temps, et l'engin amorça bientôt son entrée dans l'atmosphère sombre. Un horizon irrégulier, noirci par des formes étirées et gigantesques se présenta alors à lui, et il lui fallut un instant pour comprendre ce qui clochait exactement sur cette planète. Ou plutôt, dans son ciel. Il s'en était rendu compte au moment-même où le transport avait franchi la membrane du faux trou noir, mais cela lui avait paru si absurde, si improbable, qu'il avait cru à une illusion supplémentaire.
Il n'y avait pas de soleil près de Thelxinoe. La planète baignait dans les abysses spatiales les plus profondes, seulement auréolée de l'éclat des étoiles lointaines.
Pourtant, le monde obscur n'était pas gelé. Physiquement, c'était impossible.
La navette perdait de l'altitude, lui permettant de mieux percevoir l'environnement. La distance faussait sa perception des proportions, qu'il savait pourtant démesurées. Le sol de Thelxinoe était entièrement parasité par des constructions monolithiques sans aucune logique architecturale apparente.
D'aussi haut, les bâtiments, amas aux arrêtes acérées, dessinaient un labyrinthe empli de culs de sac. L'agencement des canyons et des gorges ainsi formées lui rappelait une version décolorée de Carrière.
Aussi loin que portait son regard, il ne voyait que des pics, des tours tordues en doigts sclérotiques et une infinité de blocs empilés les uns sur les autres en une sorte de jeu de construction dément.
Silvir inclina les commandes, et la coquerie descendit encore, les amenant plus près, filant désormais entre les hautes cimes cubiques. Les détails se révélèrent enfin, et Haïdès eut du mal à y croire. De nombreuses trouées, passerelles et toitures installées sur les terrassements étaient la preuve que cet étrange assemblage sans fin visible était habité.
Une grande partie des degrés, larges de plusieurs centaines de mètres étaient même occupés par une végétation luxuriante, parfois si abondante qu'elle en débordait par-dessus les parapets. Cela aussi était impossible. Les seules sources de lumière de ce monde, visibles par saccades à cause de la vive allure de la navette, étaient artificielles, et elles n'illuminaient même pas les jardins. Le transport s'engagea dans un couloir aérien vide, longeant une esplanade immense aux dalles d'une largeur de paquebot.
Cernée de toutes parts par les hautes murailles aux fondations inclinées, c'était un caniveau de géant traversé d'un canal scintillant.
La navette se posa enfin, faisant naître un choc mat dans le plancher. Ne plus entendre ou sentir les vibrations sourdes des propulseurs fut un soulagement pour lui. La verrière inerte montrait un espace peuplé de formes monstrueuses tant elles étaient hautes et étirées, couvertes par un firmament fantôme. Tout était nuances d'ombres et contours cyclopéens.
Cela lui faisait penser à une ancienne cité depuis longtemps engloutie. Il ne distingua aucun signe de vie par le hublot blindé, mais n'eut guère le temps de s'en assurer.
Déjà, Koschei ouvrait le vantail coulissant, dénudant le flanc de l'engin pour l'exposer à l'atmosphère extérieure. Un air humide, riche et imprégné de la luxuriance nocturne, s'engouffra dans le cockpit.
— Sortez, lui intima Silvir en s'approchant, et Haïdès n'eut d'autre choix.
Comme il n'avait plus Aresh, il dut pousser le containeur à la main après avoir réactivé le coussin de microgravité. Le lourd caisson plana au sol avec lenteur et il l'immobilisa tout en regardant autour de lui. À part Silvir et Koschei, il n'y avait personne aux alentours.
Les parois immenses dressées de part en part de la rambla jetaient leurs angles incompréhensibles dans toutes les directions. Situé à une centaine de mètres, un promontoire parfaitement rectangulaire, tout sauf naturel, surplombait l'esplanade d'une bouche hiéroglyphique complexe large comme une cheminée d'usine.
La trouée hexagonale laissait cascader un épais filet d'une couleur de perle aux reflets si laiteux qu'on aurait pu croire l'eau fluorescente.
Le spectacle de ce rideau aquatique s'écrasant sur le dallage dépouillé en un crépitement pluvieux était sinistre.
— Qu'est-ce qu'on attend ? interrogea-t-il les deux autres, s'arrachant de la vision hypnotique de la chute d'eau artificielle.
Pas de réponse. Silvir et son acolyte aux yeux blanchâtres fixaient un point indéfini au bout de la perspective. Le temps s'écoula lentement, et Haïdès fit de son mieux pour lutter contre le sentiment d'oppression généré par le cauchemar d'imbrications escheriennes au-dessus de lui.
Enfin, surgissant d'un recoin obscur et éloigné de la muraille inégale, une étrange procession fendit l'un des pans de la cascade pour se diriger vers eux d'une démarche de pénitents. Il compta six individus à la carnation sombre, groupés en deux lignes parfaites autour d'un septième, plus petit. Il y avait dans ce monde une géométrie qui lui échappait.
Tous étaient peu ou prou vêtus de la même manière que Silvir et Koschei, et leurs umbrarmures jetaient des reflets chromés sous la faible lueur des étoiles.
Contrairement aux deux Stygiens lui servant de géôliers, ceux-ci portaient des armes à feu traditionnelles, bien qu'Haïdès ne reconnusse pas le modèle.
Celui du milieu avait les mains libres. Lui arborait une combinaison plus simple, bien moins martiale, agrémentée de breloques et de pièces de tissu fluides, voilages légers rendant ses mouvements flous et son allure difficile à deviner.
Cette procession funèbre ne lui inspirait aucune sorte de confiance. Insensible à son malaise, cette dernière se délita, cernant la navette isolée d'un cordon silencieux aux yeux étincelants dont il n'était jamais sûr de la couleur. Le Stygien désarmé se retrouva ainsi en première ligne, le scrutant avec acuité et s'attardant à peine sur le containeur près duquel il avait automatiquement cherché refuge. C'était, après tout, son seul élément familier dans cette cité à l'abandon.
Il n'y eut pas de salutations, ni même un hochement de tête.
Personne ne prit la parole, et Haïdès n'eut pas l'audace de briser ce silence froid, car il n'était qu'un intrus, un indésirable dans cette société cachée et adepte de codes incompréhensibles.
— Ellyx ? finit par lâcher celui du centre à l'adresse de Silvir et Koschei.
— Récupérable, répondit cette dernière avec indifférence. Mais cela prendra du temps, elle est dans un sale état.
— Notre ami naturel ici présent ne l'a pas ratée, ajouta Silvir.
Haïdès ne dit rien. Il n'était pas sûr d'être leur ami.
— Je vois, dit le chef de la procession sans trace de colère dans la voix. Est-ce qu'on a pris la peine de vous expliquer ? reprit-il dans sa direction.
— Non, grogna-t-il. Mais ce n'est pas important. Je ne compte pas rester très longtemps.
Le Stygien cilla lentement, marquant sa surprise d'une manière subtile.
— Ce n'est pas aussi simple, prononça-t-il enfin.
Haïdès resta impassible au prix d'un grand effort. Malgré tout, il n'était pas étonné. Depuis sa montrée dans la navette d'ébène, il s'était embarqué dans un voyage sans retour, il le savait.
L'autre continuait de le fixer en silence.
Indifférents à leur face à face, ses sbires, accompagnés de Koschei et de Silvir, avaient déchargé le cocon mortuaire d'Iktara et l'amenaient désormais au loin sans un bruit.
— Mais vous allez m'aider quand même, n'est-ce pas ? reprit Haïdès, suivant la procession du coin de l'œil.
Le Stygien eut un bref hochement de tête mais ne bougea pas. Son attitude était encore plus étrange que celle des deux spécimens qui l'avaient abandonné là.
— Suivez-moi, déclara-t-il.
Haïdès ne dit rien. Il n'y avait rien à répondre, et de toute façon, il avait épuisé toutes ses ressources en manière en repartie.
Emboîtant le pas au Stygien, il se mit en route comme un jouet téléguidé. L'étrange beauté de son environnement ne le perturbait plus, se confinant à des murs humides et un ciel mort à la périphérie de sa vision.
Ce simulacre de ville antique était désert depuis longtemps, et il déambulait dans les entrailles remplies d'eau de ce cachalot échoué.
Le patriarche anonyme – ou la matriarche, c'était dur à déterminer seulement par la voix – de cette société recluse le menait sur un chemin connu de lui seul, empruntant moults détours et longeant nombre d'anfractuosités géométriques.
Les flaques clapotaient sous ses bottes et parfois, les trouées aqueuses étaient si larges qu'il y apercevait son propre reflet sans s'y reconnaître.
Ils franchirent un mince rideau liquide, plus bruine que cascade, et débouchèrent face à une deuxième esplanade couronnée par une pyramide bâtie pour résister aux siècles.
Masse noire et cendreuse posée sur des fondations épaisses de plusieurs milliers de mètres, la construction triangulaire s'enracinait à l'horizon. Une brume de haute montagne dissimulait sa pointe, si tant est qu'elle en possédât une.
Les lueurs anorexiques baignant la place laissaient les contours de la pyramide dans le flou, et Haïdès devait se contenter d'une vague idée de sa silhouette.
Il s'arrêta néanmoins, intrigué par cette apparition archaïque surgie au bout du labyrinthe synthétique dans lequel il avait erré.
— Le Sommet Delta, dit le Stygien sans se retourner.
Connaître le nom de cette brutale aberration ne changea en rien l'indicible impression de malaise qu'il ressentait en la fixant.
— Je me nomme Kharôn, au fait, ajouta son compagnon forcé.
— Quel matricule ? demanda Haïdès, ravi d'avoir un prétexte pour s'arracher à la vision titanesque dressée devant lui.
— Nous n'avons pas de matricule, nous autres, répondit Kharôn dans un froissement de toge. Juste des désignations. Va falloir vous y habituer.
Haïdès fixa les étoiles en silence. Sous le firmament immobile, le delta de la pyramide se détachait en tâche d'encre profonde. Ce n'est qu'en regardant à nouveau la mégastructure qu'il y devina enfin un accès en entonnoir paré de colonnes.
Cela n'avait aucun sens. Tous les bâtiments de ce monde décharné étaient un hideux croisement entre le fonctionnalisme brutal d'une unité de production industrielle et la grandiloquence futile de lieux de culte.
Le résultat était une chimère dadaïste dégénérée tentant de griffer le ciel de ses phalanges à l'alignement incertain.
Il y avait fort à parier que ses habitants invisibles y vénéraient la géométrie non-euclidienne et la machine. Dans quel merdier avait-il encore fourré les pattes était une question qui restait en suspens.
— Par ici, l'invita poliment Kharôn. Ils nous attendent.
Haïdès s'abstint de demander de quels « ils » voulait-il parler.
Un brouillard filandreux flottait aux pieds du Sommet Delta, s'enroulant autour du tunnel d'entrée à l'instar de serpentins en dentelle.
Se découpant dans cette purée poisseuse en silhouettes immobiles, tout un groupe de Stygiens sombres encadrait un sarcophage éteint, containeur d'Hélion arrivé là par un miracle qu'il ne saisissait pas. Il était pourtant persuadé de l'avoir laissé près de la navette.
Peu importe.
Dans un instant, peut-être, il se réveillerait de ce cauchemar où les murs d'une station d'épuration géante ouvraient une rangée d'yeux rouges et se mettaient à parler par la bouche d'un pantin désarticulé.
— Tout droit, indiqua placidement Kharôn.
Haïdès n'eut pas besoin de se retourner pour deviner que, conduit par la mystérieuse escorte, le cercueil blindé le suivait de peu.
Le tunnel de jonction avec le Sommet Delta était en fait composé d'arches peu espacées, dessinant un semblant de cage thoracique aux reflets bleutés.
L'air y était confiné, rempli d'effluves minérales, de moisi et de rouille. Recouvert d'une couche spongieuse, le sol cliquetait au moindre de ses mouvements et les excroissances affleurant parfois des parois lui faisaient songer à des dents émoussées par des années de mastication.
Une brise tropicale troublait l'atmosphère par intermittence.
Malgré tout, Haïdès devinait le métal caché sous le lichen, l'ossature artificielle dissimulée par les couches de mousse et de crasse, il lui aurait suffi de gratter afin de révéler la nature originelle de cette planète, qui n'était qu'un agglomérat industriel greffé à une terre morte de froid depuis longtemps.
Le Sommet Delta avait la même puanteur sous-marine que la chose dissimulée au cœur de K-Centauri, et Haïdès n'aimait pas ça du tout.
Poussé par l'appréhension, il se laissa volontairement doubler par Kharôn, le sarcophage et les quatre individus lui servant de gardiens.
Il aurait voulu partir, mais il était trop tard pour faire demi-tour.
Ils débouchèrent dans une antichambre au plafond bouché par les ténèbres. Les fresques tâchées de vieillesse taillées dans les murs lui évoquaient un malaise diffus.
Il y voyait des foules barbouillées par la bioluminescence, courbées devant le Sommet Delta aux vrilles étendues dans le firmament.
Creusée dans le sol recouvert d'asphalte brillant, une tranchée s'enfonçait dans le noir.
— J'ai cru qu'on allait monter, dit Haïdès pour lui-même.
— Il n'y a rien au sommet, lui fit écho Khâron.
Il descendit donc. Après tout, il était logique d'amener un sarcophage à l'intérieur d'une crypte. Au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les profondeurs du tombeau, l'humidité se fit pesante. L'obscurité visqueuse céda peu à peu sa place à une pénombre diluée, et Haïdès put mieux distinguer son environnement.
La vision cyclopéenne de murs infestés de cubes et d'arrêtes formant des concrétions cristallines au-dessus de sa tête lui fit cependant regretter le noir. Les parois avaient poussé ici sans aucune logique, comme mues par une volonté tectonique plutôt que par un esprit intelligent. Ce chaos géologique était oppressant, et même s'il ne craignait aucune claustrophobie, il évita de le regarder avec trop d'insistance sous peine d'avoir le vertige.
Ouverte au milieu de la caverne en forme de tourbillon béait une plaie noirâtre. Surplombant la fosse de jais parsemée de blocs taillés, une pyramide inversée jaillissait du plafond.
La pointe aigue du triangle s'arrêtait à quelques mètres du champ de débris d'aniline.
Le fond de l'excavation était recouvert d'un sable satiné, brillant et cendreux comme l'étaient les terres sur lesquelles plus rien ne pousse.
— Le Sommet Delta, dit doucement son guide.
Haïdès ne pouvait s'arracher de cette vision stérile. L'endroit était un subtil mélange entre un lieu de fouilles abandonné et un atelier de taille de pierre troglodyte.
Surplombés par le delta obscur, les lieux étaient silencieux.
— Qu'est-ce que c'est, au juste ? interrogea-t-il en indiquant le Sommet d'un geste retenu.
— Un passage, répondit Khâron.
Il n'ajouta rien d'autre. Le cortège ceignant le cercueil s'était également immobilisé sur la pente douce servant de seuil à la fosse, mais Haïdès n'y prêta aucune attention.
Le Sommet Delta était magnétique, hypnotisant. Ses contours flous perçaient l'espace de la caverne à l'instar d'une massive aiguille triangulaire, nimbés d'un halo mystérieux.
Aucune lumière ne se dégageait pourtant de la structure, dépourvue de la moindre strie ou aspérité.
— Vous êtes sûr de le vouloir ? s'enquit alors Khâron, insensible à la beauté antique de l'environnement. Ce n'est pas un acte anodin. Il y aura des conséquences.
— Expliquez-moi, demanda Haïdès sans grand enthousiasme.
Khâron s'exécuta. Il l'écouta sans l'interrompre une seule fois. Connaître le pris à payer pour son entreprise désespérée ne provoqua qu'une maigre contrariété dans son esprit.
Il avait déjà pactisé avec la pire des créatures auparavant, alors passer un accord faustien de plus le laissait insensible. Pourtant, il s'agissait cette fois-ci de sa propre existence, qu'il chérissait pourtant, de la même manière que toutes les créatures douées de raison.
Plus tard, peut-être, le regretterait-il.
— C'est d'accord. Faites ce que vous avez à faire, soupira-t-il.
— C'est dit, acquiesça son compagnon. Procédez, lança-t-il ensuite à l'adresse du cortège.
Pris d'un vertige soudain, Haïdès dut s'asseoir à même la terre. Épuisés, son corps et son esprit criaient grâce, et le manque de repos l'empêchait de penser correctement.
Le voyage avait été long. Il avait besoin de dormir.
Comme dans un cauchemar brumeux, il regarda le cercueil artisanal descendre vers la pointe du Sommet Delta, propulsé par la suspension magnétique.
La poussée soulevait un voile de poussière d'une finesse microscopique. Les quatre Stygiens composant l'escorte soulevèrent le containeur pour le positionner sur une stèle plate d'environ un mètre de hauteur.
Ainsi, le sarcophage se retrouva parfaitement aligné avec la pointe de l'entonnoir.
Cette conjonction à la symétrie parfaite était irréelle. Elle ne pouvait avoir lieu dans le monde physique qui lui était si familier. Peut-être que le Sommet Delta était situé ailleurs, à la frontière d'un endroit aussi vieux que l'univers, ou alors son esprit commençait à délirer.
C'était impossible à déterminer, alors Haïdès ne se posa pas plus de questions.
— Vous n'êtes pas obligé de rester, prononça une voix au-dessus de lui.
— Peu importe, marmonna-t-il.
L'extrémité de la pyramide à l'envers était un siphon, réalisa-t-il.
Ce dernier s'ouvrait lentement, s'épanouissant en une corolle fractale élégante.
Il ne voulait pas voir, mais se lever était impensable.
Le couvercle du containeur sauta dans un bruit sourd, flottant à plusieurs mètres de la boîte qu'il scellait autrefois, et s'échoua sur le sable sombre.
Puis le cercueil éclata dans une pluie de pétrole, libérant son contenu dans une lévitation langoureuse emplie de gouttelettes de gel et Haïdès ferma enfin les yeux.
Oui bon j'ai menti, j'ai pas mis six mois à publier la suite, gneheh. Entre temps, cette histoire a gagné un Watty et tout ça, et j'avoue que ça m'a mis la pression, donc ce chapitre traînait dans la section brouillon de l'appli depuis un bail. Voilà.
Donc concrètement je ne sais pas quand je vais mettre les chapitres suivants, parce que décembre arrive, et que dans mon secteur d'activité ça va être la foire aux bonobos avec des semaines de 1200h environ (ui) (on adore travailler le dimanche)
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