CHAPITRE 18 : Ereshkigal


Cette nuit-là, Aélig dormit très mal, se réveillant à de multiples reprises, la peau couverte d'une sueur malsaine, la gorge sèche comme si elle avait la fièvre.

— Vous n'avez pas touché à votre plateau, déclara une voix sévère tandis qu'elle ouvrait les yeux.

Elle se frotta les paupières, émergeant difficilement.

— Vous devriez manger, poursuivit l'infirmier Buckett, debout derrière la table basse.

— Mouais, bailla la jeune femme. Est-ce que vous venez me débarrasser du crocodile ? s'intéressa-t-elle ensuite à voix haute.

— En quelque sorte, confirma-t-il.

Elle s'étira avec un râle fatigué. Quand elle se retourna, l'amas d'Iblis semblait avoir grossi derrière la vitre de la baie d'observation. 

Sa lumière pastel se mêlait à l'éclairage artificiel qui régnait dans la cabine en une palette aux nuances pâles.

 Elle n'était retournée sur le vaisseau que depuis soixante-dix heures et le système circadien lui tapait déjà sur les nerfs.

— J'irais déjeuner au mess, promit-elle à Buckett pour le rassurer, puis elle se leva.

Après avoir sorti des affaires propres du petit placard incrusté dans une des parois, elle voulut filer à la douche, se souvint de l'état de la cabine et se ravisa en jurant intérieurement. 

Elle se rassit donc sur le canapé, encore pâteuse, et regarda l'infirmier examiner les points de suture du Thanyxte. 

Il avait l'air effaré.

— Votre capacité de résilience est incroyable, dit-il en pointant son flanc mutilé du doigt. Les tissus superficiels... le sang forme un espèce de cataplasme naturel, c'est très curieux.

— Je ne suis pas fragile, grogna Vol'Zan.

Se baissant pour ramasser quelque chose à ses pieds, Buckett déposa ensuite une espèce de mallette couleur cobalt mat sur le matelas tâché de sang très sombre.

— Vous étiez au bord de la mort il y a moins de deux jours, rappela l'infirmier. Je n'arrive pas à croire que vous vous en remettiez aussi vite. Je vous ai amené des affaires, poursuivit-il en indiquant le petit caisson.

Le Thanyxte s'était assis au bord du lit, qu'il pliait et écrasait sous son poids. Aélig, s'étant rapprochée pour constater l'étendue des dégâts, soupira mentalement en voyant que le matelas, qui n'avait guère résisté à la masse de Vol'Zan, était bon pour la poubelle.

— J'ai un patrimoine génétique exceptionnel, même pour ma lignée, expliqua-t-il en tendant une main pour rapprocher la mallette.

La jeune femme toussota pour masquer un ricanement.

— Je vais traduire, glissa-t-elle à un Buckett déboussolé. Cela veut dire : c'est de la science qu'on ne peut pas comprendre. Espèce supérieure, tout ça.

— J'avais saisi, répondit l'infirmier en secouant la tête. Je suis arrivé à un stade où plus rien ne m'étonne, ces derniers jours.

Aélig sourit sans joie aucune. 

Elle connaissait parfaitement ce sentiment. 

Embarquant sa table en inox et la perfusion désormais vide, Buckett finit par prendre congé, marmonnant des paroles que lui seul pouvait entendre.

À bonne distance de son ancien lit, la jeune femme regarda le Thanyxte sortir un rectangle épais de la mallette mate. 

Ce dernier se révéla être une combinaison qu'elle ne l'avait jamais vue porter. Vol'Zan eut un claquement de langue agacé en la dépliant.

— Quoi ? s'enquit Aélig, qui commençait à avoir très faim et qui avait hâte qu'il quitte enfin les lieux.

— Je ne suis pas sensé porter ça, dit le Thanyxte en l'enfilant quand même.

Il se redressa, tirant la matière sombre jusqu'à sa taille.

— C'est celle du Syra.

La tenue était inhabituelle. Elle devinait sans peine les croisillons tressés qui courraient sur les côtés, se mêlant à la surface de jais. 

Le vêtement semblait boire la lumière qui l'entourait, l'emmagasinant à l'instar d'une déchirure noire. 

Un renforcement courbe, légèrement abîmé, courrait de l'épaule droite jusqu'au plexus solaire.

— Du.. ? répéta Aélig.

— Du Syra. Notre branche armée.

Il indiqua le curieux tétraèdre cousu sur un de ses bras. 

Le symbole, blanc et vert, tranchait vivement sur le tissu couleur charbon.

— Porteur d'umbrarmure, dit-il. Troupe d'assaut au contact. Je n'aime pas qu'on me voie avec, termina Vol'Zan en tirant l'épaisse fermeture jusqu'au col.

— Je vous prête un t-shirt, si vous voulez, se moqua-t-elle.

Le Thanyxte ouvrit la gueule, se préparant à répliquer quand toutes les lumières s'éteignirent brusquement, plongeant la pièce dans l'obscurité.

— D'accord ! s'exclama Aélig, se figeant sur place.

Les panneaux se rallumèrent presque immédiatement, délivrant désormais une lueur d'un rouge dramatique. 

Elle crut pendant un instant qu'une pluie sanglante avait recouvert ses membres. 

Il y eut un bruit de pas pressés et puis quelqu'un se mit à courir lourdement derrière la porte de son module.

— Alerte, lança une voix préenregistrée. Tout le personnel essentiel à son poste. Alerte. Arrêt moteur détecté. Tout le personnel essentiel à son poste. Alerte.

Comme tous les messages automatiques, celui-ci était inhumain, transpirant la panique contrôlée et annonçant la fin du monde, ou tout autre événement traumatisant. 

Dans la pénombre rougeâtre infernale, elle devina que Vol'Zan se glissait jusqu'au sas, sa silhouette démoniaque s'apprêtant à franchir le seuil de l'Érèbe métallique qu'était devenue la cabine.

— Alerte...

La paroi coulissa, révélant une coursive tout aussi péniblement éclairée par l'écarlate angoissant. 

Le système sonore émit un larsen suraigu et grimaçant, la jeune femme se plaqua les mains contre les oreilles pour atténuer la vrille qui s'enfonçait désormais dans ses tympans.

— ... ta gueule ! Ferme ta... Ah ! se répercuta la voix d'Akoulov à travers tout le vaisseau, mettant la sonorisation à rude épreuve. Allô oui ? Bonjour, bonsoir Hélion ! Nous avons un léger problème d'ordre prioritaire ! Comme vous pouvez le constater, j'ai été contraint de mettre le Lance en pan-pan, reprit-il, usant du terme radiotéléphonique pour indiquer un état d'arrêt moteur d'urgence. Monsieur le directeur exécutif est donc prié de se présenter immédiatement à la passerelle de pilotage ! Les autres, retournez à vos postes, merci !

Clignotant et grésillant, les panneaux et autres halogènes en forme de cercle s'éteignirent pour se remettre en marche, diffusant à nouveau un jour factice déprimant. 

Le chaos lumineux n'avait duré qu'une trentaine de secondes, car le pilote avait eu la présence d'esprit de le court-circuiter très rapidement. 

Le Thanyxte était déjà dans le couloir et elle dut courir pour le rattraper, ses chaussures à la main.

— Qu'est-ce qu'il entend par là ? la questionna-t-il alors qu'elle lui demandait de s'arrêter.

Aélig sautilla sur place pour enfiler ses baskets imperméables encore pleines de mouise.

— Je ne sais pas, souffla-t-elle. Mais de mon souvenir, personne ne convoque mon père comme ça si ce n'est pas très important.

Elle se baissa pour réarranger un de ses lacets défaits. 

Se relevant, elle se remit en marche et l'alien lui emboîta le pas. 

Tout le long de la coursive, ils croisèrent des employés d'Hélion au visage crispé par l'inquiétude et l'ignorance. Aélig n'eut pas besoin de les arrêter pour deviner qu'ils n'en savaient pas plus qu'elle, ce qui l'incita à accélérer inconsciemment l'allure.

— Vous auriez dû rester allongé, dit-elle en voyant Vol'Zan se figer pour reprendre son souffle près d'un monte-charge, une main sur ses côtes blessées.

Il se contenta de claquer des mâchoires alors qu'ils entraient dans l'ascenseur.

— Est-ce que vous savez ce qui se passe ? les apostropha une femme rousse en combinaison beige, se faufilant à l'intérieur avant que les portes ne se ferment. Pourquoi ce petit con de pilote fait mettre la Tesla en berne ?

Aélig reconnut la mécanicienne en chef, Moira Shawn. 

Celle-ci jeta un regard méfiant à l'alien avant de reporter son attention sur la jeune femme.

— Alors ? insista-t-elle d'un ton impérieux.

— Aucune idée, répondit Aélig. Je descends voir.

Piétinant d'impatience en faisant couiner ses impeccables bottes de sécurité, Shawn hocha de la tête en appuyant sur le bouton « bas » de la cabine.

— J'allais prendre mon quart, dit-elle, comme pour justifier sa présence.

Après avoir traversé le secteur du mess, ils heurtèrent à un véritable barrage de la milice. Dix ou quinze hommes formaient un cordon dans la spacieuse coursive qui menait au pont de commandes, arme de service bien en évidence. 

Ceux qui allaient dans cette direction se voyaient sèchement renvoyés en arrière. 

Quelqu'un se mit à aboyer avec méchanceté.

Ils fendirent la petite foule furieuse et dubitative en contre sens. 

En voyant approcher les deux mètres du Thanyxte, tout le monde se poussait craintivement, ce qui leur facilita grandement la tâche, et ils arrivèrent enfin près de la muraille bâtie par le personnel de sécurité.

— Cette zone est actuellement interdite d'accès, déclara Auster d'une voix sans appel en les voyant converger vers lui.

Shawn s'arrêta en premier, suivie d'Aélig. 

L'alien, lui, avança encore un peu, faisant tressaillir le rang de miliciens.

— Cette zone est gnagnagna, singea la chef-mécanicienne, imitant à la perfection le ton cassant du sergent. Je suis cadre, Auster, laissez-moi passer.

Mais celui-ci ne bougea pas, pas plus que ses hommes.

— Monsieur Lindstradt est actuellement en réunion de crise en comité restreint, rétorqua-t-il froidement. Faites demi-tour.

— Mais il se passe quoi, à la fin ? s'énerva soudain Aélig.

— Je ne sais pas. Circulez, essaya de les chasser Auster.

Il fit mine de poser une main sur l'épaule de la jeune femme pour l'empêcher d'aller plus loin. 

Elle le foudroya du regard.

— Attention à ce que tu fais, sergent, le prévint Aélig en l'évitant habilement. Maintenant, je vais voir mon père, et ils viennent avec moi.

— Fille du patron ou pas, je m'en bats les couilles ! Si je te dis que tu ne passes pas, tu restes là où tu es, s'exaspéra Auster, sortant immédiatement de ses gonds et lui barrant le passage.

S'ensuivit une chorégraphie ridicule de pas sur le côté, le chef de la sécurité l'interceptant à chaque fois qu'elle tentait de le contourner. 

Aélig devina que dans son dos, les gens commençaient à s'amasser pour profiter de la scène, distillant un brouhaha de plus prenant.

Lassée de son petit jeu avec Auster, la jeune femme s'immobilisa, et son adversaire crut avoir obtenu gain de cause en la voyant enfin reculer.

— Père ! hurla-t-elle alors à pleins poumons. Père ! Votre unique progéniture est victime d'un abus d'autorité et de maltraitances !

— Je ne t'ai même pas touché ! se défendit vertement le sergent. Et ce n'est pas en criant que tu vas obtenir ce que tu veux, la prévint-il. Grandis un peu.

Elle lui adressa un sourire de défi.

— MONSIEUR LINDSTRADT ! reprit-elle en vociférant.

Quand elle vit une silhouette presser le pas dans le dos des miliciens, elle sut qu'elle avait gagné, comme d'habitude. 

L'air passablement furieux, Karavindra se dirigeait désormais vers eux. L'apercevant à son tour, Shawn lui adressa un petit signe de la main auquel il ne répondit pas.

— Monsieur... commença Auster alors que le rang s'ouvrait pour laisser passer l'ingénieur.

Engoncé dans un de ses saris sur mesure paré d'une ceinture en soie élégante, Karavindra arborait une expression sinistre qui le rendait méconnaissable. 

La dernière fois qu'Aélig l'avait vu ainsi, c'était les jours suivant la mort de sa mère.

Elle eut soudain très froid.

— Où est mon père ? l'interrogea-t-elle, la gorge nouée.

— Indisponible, répondit Karavindra sans sourire, ce qui ne lui ressemblait pas. Arrête de hurler dans la coursive et retourne dans ta cabine.

— Ahmal, intervint Shawn d'un ton sévère.

— Ce n'est pas le moment, madame, l'interrompit-il d'un ton cassant. Allez rejoindre votre poste.

Il claqua des doigts en direction des miliciens.

— Sécurité, commanda-t-il. Escortez-là dans le secteur moteur et assurez-vous qu'elle y reste.

Les yeux arrondis par la surprise, l'incompréhension puis la colère, Shawn fut contrainte de s'éloigner, un garde la menant fermement par l'avant-bras. 

Elle tenta de crier en signe de protestation, mais la foule l'avala.

Comprenant que l'heure n'était pas aux débordements inutiles, les personnes présentes se dispersèrent en évitant de croiser le regard d'Auster ou du second de Lindstradt. 

Le calme revint progressivement.

Reculant à distance prudente du rang armé, Aélig se posta près du Thanyxte. Son gabarit d'armoire à glace lui inspirait tout à coup une confiance incongrue alors que tous ceux qu'elle connaissait se retournaient définitivement contre elle.

Karavindra continuait à la dévisager, le visage figé en un masque de pierre et son regard d'un brun sombre, qu'elle avait toujours trouvé aimable et chaleureux, s'était mué en deux redoutables éclats de silex.

— Tu ne peux pas m'empêcher de voir mon propre père, déclara-t-elle avec une assurance qu'elle n'avait plus, abandonnant le vouvoiement respectueux dont elle usait généralement en s'adressant à lui.

— Pas en temps normal, admit-il. Mais nous sommes dans une situation inédite et extrêmement sensible.

— C'est-à-dire ? demanda-t-elle vivement.

— Plus tard, coupa Karavindra. Retourne dans ta cabine.

Elle se heurtait à un mur. 

Celui-ci était très haut, et elle n'avait pas grand-chose pour le franchir, mis à part ses ongles et ses nerfs.

— Non, dit-elle. Je vais entrer.

De nombreux regards pesaient encore sur elle. 

Elle inspira, parfaitement consciente que ce qu'elle allait prononcer ensuite ne serait pas sans conséquences.

— Je suis votre futur patron, monsieur Karavindra, édicta-t-elle d'un air hautain, comme pour se donner plus d'importance. Alors vous allez me laisser passer.

À la lueur fugace, spectrale, qui passa dans les yeux de l'ingénieur en chef, Aélig sut qu'elle venait de briser quelque chose de très précieux et qu'il en sentait les débris coupants se planter dans sa cage thoracique. 

Il n'en broncha pas pour autant.

— Si c'est vraiment ce que vous souhaitez, mademoiselle Lindstradt, dit-il avec une neutralité à l'épreuve des balles.

Elle comprit que ce qu'elle avait cassé, elle ne pourrait jamais le réparer. 

Essuyant rageusement le coin de ses paupières, elle avança. 

Ni Karavindra, ni Auster, ni aucun autre ne la regarda dans les yeux.

Ils se poussèrent pour leur dégager le passage, à elle et à Vol'Zan, dans un silence qui lui parut pesant. Karavindra leur emboîta le pas sans se presser.

Il ne lui adressa pas la parole de tout le trajet, se détachant immédiatement de sa compagnie alors qu'ils descendaient le large escalier théâtral qui menait au pont de proue.

Celui-ci baignait dans un calme aussi factice que l'éclairage environnant. 

La grande verrière du Lance s'ouvrait dans le vide.

 Avec un frisson d'appréhension, Aélig comprit que le vaisseau était vraiment à l'arrêt, dérivant par la seule force de son inertie. 

Cela n'arrivait jamais.

La tête de proue était parfaitement déserte, désormais vidée de son personnel responsable des diverses fonctions indispensables à la bonne marche de l'engin. 

Il n'y avait plus personne dans les coms, ni près des tables holographiques dédiées à la surveillance de la machinerie. 

L'aéronef naviguait entièrement sous le pavillon du Nexus-C.

Près du fauteuil du pilote se trouvaient son père et Akoulov.

Le russe avait plié sa silhouette dégingandée contre le bord de sa console de commandes, les bras nerveusement croisés. 

Lindstradt fixait les ténèbres infinies qui s'étendaient devant lui en fumant une cigarette, la première depuis des années. 

Aucun des deux ne parlait.

Le pilote ne s'offusqua pas de les voir approcher en compagnie de l'alien.

— Qu'est-ce qu'il y a ? l'apostropha Aélig alors que Karavindra s'approchait de son père.

Celui-ci se retourna, crachant un anneau de fumée parfait qui se délia en méduses blanchâtres autour de son visage marmoréen.

— Des blyat de problèmes, comme d'hab, répondit laconiquement Akoulov.

Elle n'en obtint pas d'avantage. De plus en plus mal à l'aise, elle reporta son regard sur son père. Il n'avait l'air ni nerveux, ni terrifié, ni passablement inquiet de savoir que le Lance naviguait en panne moteur, ni quoi que ce soit, d'ailleurs, et c'est cela qui l'inquiéta le plus. 

Depuis que Vol'Zan lui avait appris qu'ils faisaient cap vers le système d'origine des Prométhéens, elle redoutait que son géniteur soit en train de perdre tout recul sur la situation.

— Le CSW ? interrogea-t-elle, tendue.

— Non, dit-il.

— Les Prométhéens, alors ? s'enquit sa fille, redoutant le pire.

Lindstradt eut un sourire froid. 

À la plus grande surprise d'Aélig, il reporta son attention sur l'alien debout à quelques pas d'elle.

— Je pense que je vais revoir mon offre, déclara le directeur.

Vol'Zan lui rendit son expression indéchiffrable avec beaucoup plus de panache.

— Impossible, lâcha-t-il. Pas aussi loin.

Cela ne voulait rien dire. 

Muette, la jeune femme regarda son père adresser un vague geste au pilote. 

Se décrispant, Akoulov arracha son casque astroradio et se pencha pour triturer une série de boutons virtuels sur le pad tactile de son fauteuil.

Une voix à glacer le sang, s'exprimant dans un anglais galactique parfaitement maîtrisé, résonna dans l'immensité du poste de commandes.

— Hélion Lance, dicta-t-elle. Identifiant interstellaire SC47-12-5. Ici Ereshkigal, identifiant interstellaire EH24-11-E, affilié au groupement exoplanétaire du Styx.

Il y eut un silence brouillé de parasites.

— Hélion Lance, nous allons monter à bord.

Les paroles furent répétées encore et encore, tournant en boucle.

Puis il y eut un claquement étouffé.

— Hélion Lance SC47-12-5, reprit la tessiture étrangère. Veuillez confirmer, ou nous ferons usage de la force. Répondez.

Jetant sa cigarette, Lindstradt s'approcha du panneau de commandes et ouvrit enfin le canal externe.

— Ici Nicholas Harold Lindstardt, dit-il.

— Nous savons qui est le propriétaire de cet appareil, répondit l'inconnu. Préparez votre sas d'amarrage. Veuillez confirmer.

— Et si je refuse ?

— Nous serons contraints de faire usage de notre armement. Veuillez confirmer.

— Je vois, ironisa amèrement Lindstradt. Ereshkigal, spécifiez la raison de votre venue.

— Nous ne sommes pas autorisés à vous communiquer cette information sur un canal externe non-sécurisé. Préparez votre sas d'amarrage. Aucun personnel non-indispensable toléré dans la zone. Veuillez confirmer.

— Sinon quoi ? s'enquit le directeur.

— Nous serons contraints de faire usage de notre armement. Veuillez confirmer, réitéra l'autre.

— Très bien, énonça Lindstradt avec calme. Laissez-nous une demi-heure, Ereshkigal.

— Accordé, fit la voix, et la communication s'éteignit dans un chuintement lointain.

Karavindra quitta les lieux d'un pas rapide, tapant sur son datapad pour transmettre les instructions d'urgence. 

Aélig ouvrit la bouche, mais aucun son ne parvint à franchir ses lèvres.

Du coin de l'œil, elle vit Vol'Zan s'asseoir lourdement à même le sol, encaissant la nouvelle avec un choc encore plus important que le leur. 

Lindstradt sortit une deuxième cigarette en regardant sa vieille montre à ressort. 

Avec un râle incrédule, Akoulov se laissa tomber dans son siège, le visage entre les mains. 

Il soupira, étendant ses jambes et se fit craquer la nuque.

— Je résume, déclara-t-il avec un détachement qui sonnait faux. On a vraiment des blyat de problèmes.

Il pointa un doigt accusateur sur l'alien, toujours assis par terre.

— Vos amis de l'Ereshkigal s'apprêtent à nous rendre visite, dit-il. J'espère que vous avez prévu le champagne.   

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