CHAPITRE 16 : Thanyx

Quand elle ouvrit à nouveau les yeux, un plateau repas déjà froid était posé sur la table basse et elle comprit que Buckett était repassé. 

Elle avait donc dormi vraiment longtemps depuis qu'elle était revenue, ce qui ne l'empêchait pas de se sentir encore vaseuse.

Pour une raison qui lui était inconnue, la vue de la nourriture froide lui donna la nausée, si bien qu'elle n'y toucha pas. 

Elle roula sur le côté et fixa le plafond parsemé de losanges en plastogène clair pendant de longues minutes, se demandant si elle avait encore envie de dormir.

Les appliques de la cabine s'étaient éteintes, donc il faisait artificiellement nuit à bord. Seule la lueur du datapad diffusait un halo bleuâtre quelque part dans les replis de la couverture froissée. La jeune femme finit par se lever à tâtons, s'approcha du mur mitoyen et alluma un des panneaux en le réglant au minimum. 

Son regard tomba sur le lit à quelques pas de là, enfoncé dans une espèce d'alcôve à laquelle on accédait en enjambant un marchepied en baguettes d'aluminium. 

Elle trébuchait souvent dessus et y prit garde en s'avançant.

Le Thanyxte était dans la même position que dans son souvenir d'il y a huit heures. La perfusion accrochée à la lampe de chevet était désormais à moitié vide. 

Une vague odeur aigre douce de détergent clinique flottait dans l'air, malgré le ronronnement discret des purificateurs installés dans l'espace habitable. 

Les draps défaits étaient d'une saleté innommable, maculés de terre sèche et d'excès de solutions antiseptiques.

D'aussi près, accentuées par la pénombre, les blessures qu'avait encaissé l'alien paraissaient encore plus importantes. 

Elle en éprouva une certaine culpabilité, car c'était elle qui avait insisté afin qu'il tente quelque chose, là-bas, dans le camp.

Dans un frisson, Aélig repensa à la scène qu'Auster et elle avaient découvert en arrivant aux alentours du mirador. 

Il avait déchiqueté une demi-douzaine de personnes en dépit des armures. 

Leurs cadavres à la glotte ouverte en une obscène fleur de tendons et de chair écarlate jonchaient la pelouse piétinée sur plusieurs mètres.

La terre autour de lui avait été retournée, labourée par des dizaines et des dizaines de tirs disparates.

Elle n'avait imaginé qu'avec peine ce qui s'était passé. Ils avaient trouvé Vol'Zan dans une flaque de son propre sang épais, la respiration en proie à une congestion ignoble, le corps entier transpercé de part en part. 

Aélig savait que s'ils étaient venus plus tard, l'alien serait mort, vaincu par une défaillance viscérale multiple. Il avait, à un contre douze, ou plus, tenté de les aider comme elle l'avait exigé. 

S'il ne lui avait pas confié Aresh à nouveau, les renforts d'Hélion ne seraient jamais venus. 

Cela, elle ne pouvait le dire à personne, bien sûr, car elle se l'était promis.

Et tout cela pour qu'Auster suggère de le laisser crever au sol, pour que le Dr Azaan ne l'accepte qu'à contre-cœur, allant jusqu'à refuser de l'opérer elle-même et ne le mette en-dehors de l'infirmerie sous prétexte que... quoi, d'ailleurs ? 

Qu'il allait effrayer les patients ? 

C'était une drôle de manière de lui manifester de la gratitude. 

Aélig ne leur en voulait pas véritablement.

Elle-même avait peur du Thanyxte, de ce qu'il avait fait et de ce dont il était capable. 

En dehors de son physique de cauchemar, il était aussi un menteur invétéré et elle se doutait qu'il cachait bien plus de choses qu'elle ne le croyait. 

Il n'inspirait de véritable sympathie à personne, à la fois par son apparence et son attitude. 

Mais il s'était battu pour eux, pour une espèce qu'il ne se cachait pas de mépriser, et pour cela, elle lui en était un minimum reconnaissante.

Elle resta là à le regarder, tirant nerveusement sur les pans amples de son t-shirt, puis la gêne et l'inquiétude eurent raison d'elle et elle retourna sur le canapé.

 Tiraillée entre l'envie de s'enfuir à toute vitesse et de se recoucher, Aélig ne fit pourtant ni l'un ni l'autre, recroquevillée en position du lotus sur la banquette. 

La jeune femme s'empara d'un trousseau de clés trouvé dans la parka, écartant le plateau de bouillie protéinée par la même occasion. 

Après l'avoir distraitement examiné, elle voulut balancer le jeu de passes dans le recycleur, mais rata le déversoir de peu, si bien que l'objet voltigea contre le mur et s'écrasa au sol dans un cliquetis épouvantable.

Jurant intérieurement, elle retint sa respiration. 

À l'autre bout de la pièce, le Thanyxte n'avait pas bougé. Cela la soulagea.

 Elle évita cependant de toucher au long couteau de peur de se couper profondément les doigts dans la pénombre, ce qui la ferait crier à coup sûr.

Aélig sursauta involontairement en entendant le matelas couiner dans un craquement de lattes. 

Elle se retourna avec crainte. Vol'Zan s'était redressé en position assise, l'air parfaitement éveillé. En le voyant tirer d'un coup sec sur le tuyau planté dans sa jugulaire, elle retint un cri incrédule. Un filet de sang gicla sur les draps déjà irrécupérables.

— Mais qu'est-ce que vous foutez ? réussit-elle à prononcer.

L'alien était en train de défaire le bandage qui retenait son bras droit, le libérant maladroitement avec un sifflement de douleur.

— Vous ne devriez vraiment pas faire ça, le prévint Aélig, tirant la couverture pour masquer ses jambes nues.

Elle n'eut pas de réponse. 

Pivotant difficilement, Vol'Zan posa lourdement ses pieds au sol, légèrement penché en avant, comme s'il avait le vertige. 

Effarée, Aélig se demandait comment il était encore capable de bouger alors qu'il sortait à peine du bloc opératoire et de l'anesthésie générale qui allait avec. 

Son flanc s'était remis à saigner, lui arrachant un râle rauque.

— Rallongez-vous, claqua-t-elle avec sécheresse.

— Ar... arrête de couiner, cracha enfin le Thanyxte d'une voix lente et enraillée. T'entendre t'égosiller me fait encore plus mal que quand je respire.

Ravalant la réplique cuisante qui lui venait à l'esprit, Aélig souffla bruyamment par le nez. Pourquoi elle avait accepté de l'accueillir ici, déjà ? 

Ah oui, parce que Buckett lui avait assuré qu'il passerait son temps à dormir. 

L'infirmier s'était de toute évidence trompé dans ses prévisions, parce qu'elle regardait désormais l'alien se mettre sur ses deux jambes en vacillant. 

Il perdit l'équilibre en se prenant les pieds dans la marche, essaya de se rattraper, griffant le mur sans succès dans un bruit horrible et tomba douloureusement sur son séant.

La jeune femme garda le silence avec un air sardonique.

— C'est tellement bien fait pour votre gueule, dit-elle enfin en adoptant une voix moins forte.

Elle observa Vol'Zan se rejeter en arrière avec douceur, les bras écartés.

— J'ai l'impression d'être en gelée, l'entendit-elle râler. Tuez-moi tout de suite.

Le temps passa. Toujours allongé au sol, l'alien ne bougeait plus. 

Aélig crut qu'il avait succombé jusqu'à percevoir sa respiration mesurée.

— Et donc, dit-elle, sceptique. Vous allez rester par terre longtemps ?

— Très, soupira-t-il.

— D'accord, répondit-elle avec sérénité avant de s'allonger à son tour sur le canapé.

Elle tira la couette jusqu'à son menton avec une merveilleuse sensation de bien-être.

— Et bien bonne nuit, ajouta-t-elle d'un ton joyeux.

Elle reçut qu'un grognement vague pour toute réponse. 

Au froissement discret qui se répercuta hors de son champ de vision, elle devina que le Thanyxte était parvenu à se redresser en s'aidant de ses coudes, reprenant certainement une position assise, mais elle se borna à regarder le plafond qu'elle apercevait à peine.

— Est-ce qu'il y a de l'eau ? demanda-t-il.

— Si vous avez soif, il suffisait de me le dire et je vous aurais donné une bouteille, se scandalisa Aélig sans esquisser un seul mouvement en ce sens.

— Vraiment ? s'étonna l'alien.

— Non, admit-elle avec ironie.

Il y eut un silence.

— C'est pas ça, poursuivit Vol'Zan. Est-ce qu'il y a... comme vous appelez ça ? Une...

— Une douche ? comprit Aélig en se redressant enfin, les bras passés autour de sa couette.

— C'est ça, confirma-t-il.

— Une douche, c'est une bonne idée, dit-elle avec aigreur. Vous puez littéralement la vase.

Elle indiqua la porte en verre fumé en face d'elle avant d'ajouter :

— Par là.

Le Thanyxte la remercia d'un court signe de tête. 

Il se remit debout avec des gestes incertains, prenant garde à ne pas trop effleurer son flanc abîmé, puis commença à défaire ce qui lui restait de combinaison avec un soupir.

— Vous êtes vraiment obligé de faire ça en plein milieu de mon salon ? s'intéressa poliment Aélig. À quel moment vous vous êtes dit que vous voir nu me fait plaisir ?

Laissant tomber le bas déchiré de son vêtements protecteur à même le sol, Vol'Zan entreprit de retirer ses bottes avec une dextérité approximative.

— Techniquement, je ne suis pas nu, gronda-t-il en se séparant de la première, qu'il jeta par terre sans regarder. Au cas où ça t'aurait échappé, chez mon espèce, l'appareil uro-génital...

Aélig se plaqua les mains sur les oreilles par réflexe.

— Je ne veux pas savoir ! chantonna-t-elle fortement. Je-ne-veux-pas-savoir !

Elle continua ainsi jusqu'à ce que l'alien ne la fixe d'un air interloqué, puis se mit enfin debout, manquant de s'empêtrer dans son duvet.

— Je ne veux plus jamais avoir ce genre de conversations avec vous. C'est pas la première fois, en plus. Plus de discussions sur euh, la reproduction, les organes génitaux ou sur les habitudes sexuelles des mammifères, d'accord ? dit-elle d'un ton sévère à son adresse. Vous ne vous rendez juste pas compte à quel point c'est flippant, quand ça vient de quelqu'un de votre genre.

— De mon genre ? répéta-t-il.

— Quand ça ne vient pas d'un être humain, je veux dire, précisa Aélig.

— Très bien.

Montrant la cabine de douche d'une main impérieuse, elle claqua de la langue sous l'effet de l'impatience.

— Et ne comptez pas sur moi pour venir vous aider si vos pansements lâchent, signala-t-elle alors que Vol'Zan passait lentement devant elle.

— Je vais me débrouiller, répondit l'intéressé.

Il s'arrêta près de la porte vitrée, marquant une hésitation.

— Quoi ? soupira Aélig.

— Je ne sais pas comment ça marche, avoua l'alien.

La jeune femme leva les yeux au ciel, puis se rendit compte qu'il ne plaisantait pas. 

Il la fixait de sa gueule inexpressive, aussi indéchiffrable qu'un monolithe aux dents pointues.

— Vous n'avez jamais pris de douche ? s'étonna-t-elle avec sincérité.

— Mais pourquoi faire ?

— Laissez tomber, une fois de plus, expira Aélig en croisant les bras. C'est simple. Il y a un mitigeur. Il faut le tirer vers le haut, et...

— Un miti quoi ? l'interrompit Vol'Zan.

Elle se passa une main sur le front, sidérée par l'improbabilité de la situation. 

Sortant enfin de sa tétanie, elle écarta la paroi fumée et indiqua le levier d'un doigt nerveux.

— Vous avez le droit à sept minutes, expliqua-t-elle. Cinquante litres toutes les douze heures. C'est les consignes.

— C'est mieux que rien, commenta-t-il en se faufilant à l'intérieur en la bousculant un peu.

Se frottant l'épaule, Aélig s'écarta en grimaçant.

Elle s'éloigna tandis que Vol'Zan, beaucoup trop grand pour la cabine, se cognait bruyamment contre le pommeau percé. 

Elle l'entendit jurer.

— Asseyez-vous dedans, lança-t-elle en se retournant à contre cœur. Au lieu de vous battre avec le tuyau comme un imbécile. Faut vraiment tout vous dire, en fait.

— J'y peux rien si je ne suis pas à l'aise avec vos maudites infrastructures, s'exaspéra l'alien d'une voix fatiguée. Pourquoi vous n'avez pas des bassins, comme tout le monde ?

Aélig éclata d'un rire incrédule.

— Moi aussi je rêve d'une piscine sur ce foutu vaisseau, ironisa-t-elle. On vire des tanks et des containers de la soute et hop ! J'y installe un spa.

Le Thanyxte ne dit rien. Après avoir enfin compris le principe physique du mitigeur et obtenu la cascade liquide, il se laissa aller au sol dans un frottement humide.

— C'est dingue quand même, ajouta la jeune femme. Vous êtes une sorte d'ingénieur super doué, ou je ne sais quoi, et pourtant vous ne savez pas vous servir d'un bête robinet. C'est très drôle, quelque part.

Vol'Zan se contenta de s'ébrouer, ouvrant la gueule pour gober les filets tièdes qui lui coulaient sur la tête. Elle vit nettement du sang pourpre se mêler à l'eau près de la bonde incrustée dans le sol étanche et grimaça sans s'en rendre compte.

 Savourant de toute évidence le contact liquide sur sa peau, l'alien avait fermé les yeux, les bras le long du corps. 

Un mélange peu ragoutant de mouise saumâtre et de sang frais commençait à former une flaque répugnante autour de lui, se diluant jusqu'aux parois étroites, et Aélig dut s'empêcher de frissonner de dégoût, se promettant de ne plus jamais remettre les pieds dans cette douche.

Au bout des sept minutes réglementaires, le jet se tarit, crachant ses derniers litres, mais il ne fit pas mine de se lever, toujours assis et une jambe légèrement pliée vers lui.

Un long moment passa. Inquiète, la jeune femme finit par s'éclaircir bruyamment la gorge. 

Ne percevant absolument aucune réaction de sa part, elle fit deux pas en avant et tapa plusieurs fois sur la paroi opaque de toutes ses forces.

Vol'Zan ouvrit les yeux pour lui adresser un regard flou.

— Je crois que j'ai perdu connaissance pendant quelques secondes, avoua-t-il en articulant difficilement. Ce n'est rien.

Elle eut une moue peu convaincue. Étouffant un râle, l'alien étendit sa jambe et tâta doucement la couche épaisse de pansements enduits de gel coagulant qui lui recouvrait tout le flanc droit jusqu'aux côtes supérieures.

— Fait chier, commenta-t-il.

Avec un cri d'horreur, Aélig le vit arracher le bandage sans ménagement. 

Une longue ligne d'agrafes chirurgicales et de points de suture baignés d'un magma visqueux, aux reflets d'un pourpre virant au noir, courait dans sa chair sur une trentaine de centimètres. 

C'était vraiment laid et cela devait le faire atrocement souffrir.

— Pourquoi vous avez fait ça ? balbutia-t-elle.

— Votre gaze stérile ne me fera pas cicatriser plus vite, se défendit le Thanyxte.

— Mais... et les infections, alors ?

— Aucun risque. Nous sommes en général très résistants à la septicémie.

Le tas de bandages humides se recroquevilla dans un coin de la cabine désormais pleine de boue et de gel coagulant dissolu.

— Si vous le dites, admit Aélig avec un soupir las.

Puis elle se rendit compte qu'elle ne portait pas de pantalon et que Vol'Zan regardait fixement ses cuisses.

— Mon Dieu, s'effara-t-elle en tirant son t-shirt vers le bas du mieux qu'elle le pouvait. Arrêtez de me mater.

— De te quoi ? répéta-t-il en levant légèrement la tête.

— De me regarder avec insistance.

— Pourquoi ?

Aélig se retint d'hurler d'exaspération. Parfois, elle avait juste l'impression d'avoir affaire à un enfant de quatre ans coincé dans un corps beaucoup trop grand pour lui. 

Elle se demandait comment le Thanyxte avait réussi à survivre plus d'un demi-siècle dans un monde qu'il ne comprenait que par morceaux. 

Le fait qu'il pesait cent-trente kilos et qu'il pouvait décapiter n'importe quelle créature d'un simple revers était probablement l'explication principale.

— Parce que c'est malpoli, lâcha-t-elle en allant ramasser son pantalon près du canapé.

Elle sauta dedans, nouant sa ceinture en tissu avec habilité.

— Vos conventions sociales sont encore pires que vos douches, dit aigrement Vol'Zan. Un jour, il faudra vraiment expliquer toutes vos cérémoniels inutiles.

— Ça serait une bonne chose, effectivement, admit la jeune femme en se jetant sur les coussins moelleux de la banquette. Vous voulez une serviette ? s'enquit-elle juste après.

— Non, grommela le Thanyxte en s'extrayant de la cabine avec quelques difficultés.

Aélig soupira en avisant les flaques d'eau sale que l'alien répandait dans son sillage.

— Oui, ben bien sûr, s'offusqua-t-elle alors qu'il retraversait la pièce dans une flopée de bruits humides. Allez-y, salopez toute ma cabine, aucun problème.

Il ne l'écoutait déjà plus, ou ne voulait juste pas lui répondre, s'écroulant sur le lit. Aélig entendit distinctement une des lattes céder dans un claquement sec. 

Elle bailla. 

Son corps réclamait encore quelques heures de repos, comme si le simple fait de s'être levée et d'avoir prononcé une dizaine de phrases venait de vider ses maigres réserves d'énergie.

Bizarrement, elle songea à l'origine du nom que les humains donnaient aux Stygiens.

« Thanyxtes » venait de la contraction de deux termes hérités du grec ancien, « thanatos » et « nyx ». La mort et la nuit, deux choses qui avaient toujours terrifié les siens au-delà du tolérable depuis la préhistoire, et qui s'était retrouvée même au sein de la communauté des xénobiologistes chargés de nommer la vie intelligente autre que la leur.

« Thanyx » était également devenu l'appellation d'une drogue de synthèse utilisée à des fins récréatives depuis la fin de la guerre du premier contact avec le Styx, soi-disant obtenue à partir des phéromones de leurs habitants. 

Quand elle était à l'université, Aélig avait entendu beaucoup de rumeurs invraisemblables à ce sujet, notamment l'effet qu'elle avait sur l'appétit sexuel. 

On disait que, dans les circonstances adéquates, la morsure d'un Thanyxte pouvait devenir un puissant aphrodisiaque, et que ces petites pilules rondes avaient été faites à partir de ce venin hormonal étrange. 

Une dose trop élevée, et l'être humain mourrait littéralement en se convulsant sous l'orgasme, car le cœur ne tenait plus la pression sanguine.

Elle se demandait si c'était vrai, ou alors si c'était plutôt une publicité particulièrement retorse qui jouait sur les paradoxes inexplicable de sa race.

 Il était cocasse de voir à quel point les siens pouvaient fantasmer sur des créatures qui provoquaient immanquablement une répulsion viscérale chez eux. Ils craignaient autant qu'ils vénéraient leurs mâchoires, capables à la fois de dévorer et d'apporter un plaisir innommable. 

Tout cela avait un parfum d'autodestruction volontaire qui faisait naître un écho familier à l'intérieur de son crâne.

L'Humanité avait toujours aimé érotiser les monstres. 

Vampires, loups garous, êtres fantastiques, démoniaques, lubriques, ils charriaient une symbolique de transgression, celle du sexe, de la bestialité et du sang ; et quand le genre humain avait rencontré les monstres bien réels qu'étaient les Thanyxtes, le phénomène avait pris un tournant beaucoup plus palpable car défini.

Elle-même en était victime, dans une moindre mesure. 

Malgré tout ce à quoi elle avait assisté, la présence de Vol'Zan dans sa cabine la troublait de moins en moins. Elle était en train de s'habituer à l'intolérable.

L'odeur d'hémoglobine croupie et de vase sèche ne la gênait plus tant que ça. 

Pire, cela remuait un serpent visqueux et sombre quelque part dans son estomac.

Peut-être qu'elle était en train de perdre la raison.

Aélig tenta de chasser les images malsaines qui commençaient à l'envahir.

Vol'Zan était vraiment musclé. Et ses dents...

Elle en eut la nausée, se sentant soudain coupable. 

Mais ce n'étaient que des idées, n'est-ce pas ? se rassura-t-elle. 

À force de côtoyer thanatos dans la nuit, elle finissait forcément par avoir des pensées déplacées. Son espèce n'était juste pas faite pour accepter sereinement le concept de mort, alors comme tous ses semblables, elle essayait juste de transformer cela en pulsion de vie. 

Quitte à s'imaginer en train de coucher avec.

Non, définitivement, ce n'était ni normal, ni cohérent. Aélig se sentit soudain fébrile. 

Il fallait qu'elle bouge. Qu'elle sente un autre corps vivant contre le sien. 

Humain, de préférence.

Faisant le moins de bruit possible, elle mit une paire de chaussettes, puis des chaussures qu'elle ne ferma pas. L'heure tardive qu'il était importait peu, elle savait que Cooper ne refuserait pas de la voir. 

Se déplaçant sur la pointe des pieds, elle sortit discrètement de sa cabine en évitant de regarder le lit. 

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