CHAPITRE 1 : L'incendie imaginaire
— Ouvrez cette porte ! s'exclama la Stygienne, sa voix filtrant avec difficulté à travers le blindage épais de plusieurs centimètres.
Karavindra, qui s'était jeté sur le tableau tactile relié au système de verrouillage du sas, émit un gémissement contrarié.
— Je ne comprends pas, fit-il, livrant un aveu inhabituel.
Anxieux, il fixa l'avertissement d'erreur critique d'un écarlate vif s'affichant sur l'écran étroit avant de poursuivre :
— Le bunker est passé en confinement total.
— Laissez-nous sortir ! s'égosilla Atrahasis au même moment, comme pour faire écho à son constat fataliste.
Franchissant la distance qui le séparait de son second en quatre longues enjambées, Lindstradt le rejoignit pour examiner le portail clos, se doutant de ne pas être d'un grand secours dans la situation présente.
— Allez me chercher Victor Layto ! aboya sèchement Karavindra à l'adresse du rang des miliciens en se faisant probablement la même réflexion.
Un des gardes en tenue d'assaut se détacha du groupe et se dirigea rapidement vers le couloir baigné d'une lumière vive.
— Ouvrez cette porte, insista lourdement la Thanyxte prisonnière. Nous détectons une baisse de température anormale à l'intérieur.
— Merde ! jura l'ingénieur, faisant défiler des dizaines de lignes de données sur son datapad d'un geste fébrile. Elle a raison. Ça chute. Le système de refroidissement est en train de péter un câble... manquait plus que ça !
Il redressa ses lunettes.
— Combien de degrés en dessous de zéro vous pouvez encaisser, vous autres ? interrogea-t-il en direction de Vol'Zan.
Celui-ci lâcha Lindstradt des yeux.
— Pas beaucoup plus que vous, admit-il avec réserve.
— Mais plus précisément ? s'excéda Karavindra.
— Moins vingt sans tenue adaptée, répondit l'alien. Pendant environ quinze minutes avant l'hypothermie catatonique.
— Et elles sont adaptées, leurs combis ? s'enquit son interlocuteur sans lever le regard de sa tablette. Putain ! Pas possible...
— Pas vraiment. C'est des tenues standard, poursuivit l'autre.
— Et bah c'est une foutue catastrophe, cracha Karavindra. Parce que le Nexus est en train de les tuer.
Vol'Zan ouvrit la gueule pour ajouter quelque chose, mais des pas précipités dans son dos l'en découragèrent.
Blouse défaite, mal coiffé et trébuchant par manque de confiance, l'assistant de l'ingénieur en chef débarqua, escorté par le garde silencieux.
Ses mains, gantées de caoutchouc isolant noir, enserraient nerveusement une mince mallette fermée par un loquet à double pression.
— J'ai amené l'outil de diagnostic indépendant, signala Layto après avoir lancé un regard circulaire et effrayé autour de lui.
— Il faut ouvrir cette merde, dit laconiquement Karavindra. Les process secondaires ce n'est pas mon rayon. Bougez-vous.
De minuscules filets de vapeur avaient commencé à s'immiscer à travers les interstices minuscules du sas. L'écart de température entre les deux pièces devenait si important que toute l'humidité résiduelle contenue dans les gonds se cristallisait.
Aélig sentit un courant d'air glacial lui mordre la peau, même à quatre mètres de distance.
Tout le métal se couvrait lentement d'un givre friable, faisant scintiller la peinture vive sous la crudité de l'éclairage.
— Moins quinze, diagnostiqua Karavindra tandis que le laborantin ouvrait sa valisette sombre, révélant une machinerie complexe surmontée d'un écran aussi fin qu'une lamelle de cellulose transparente.
Avec des gestes mal assurés, Layto tira une tresse de câbles multicolores.
Il les raccorda ensuite au panel d'accès de la porte, décrochant une trappe invisible pour y accéder.
— S'il s'agit d'une pathétique ruse pour tenter de nous éliminer... prononça la tessiture étranglée d'Atrahasis derrière le sas gelé.
— Vous êtes plus nombreux et mieux armés que nous, alors à quoi ça nous servirait ? s'énerva Lindstradt en s'approchant de la paroi. Rassurez-vous, on n'est pas aussi cons qu'on en a l'air.
La femelle ne répondit pas, probablement trop occupée à lutter contre la morsure hostile de l'air froid. Layto s'était assis à même le sol, manipulant son appareil avec des doigts tremblants.
Abandonnant son datapad en le laissant pendre sur son cordon, Karavindra se pencha par-dessus son épaule.
— Alors ? demanda-t-il, impérieux.
— C'est une défaillance du verrouillage auxiliaire, répondit Layto en tapotant une série de touches. En tout cas, ça y ressemble. Les capteurs ont apparemment détecté une chaleur anormale dans les environs immédiats du bunker, et celui-ci est passé en mode urgence.
— J'ai rien compris ! s'écria Lindstradt d'un ton désagréable. Arrêtez de parler en cryptogrammes !
Se redressant, son second s'épousseta le pantalon dans un réflexe inutile.
— En gros, le Nexus croit que le vaisseau brûle et il essaye de se sauver en balançant tout le froid possible dont il dispose pour sauvegarder son noyau, expliqua-t-il d'une voix tendue.
— Mais il fait dix putains de degrés ici ! commenta le directeur.
— La... porte ! gémit faiblement Atrahasis.
— Deux minutes ! répondit Layto en tremblant.
— Il fait moins dix-huit, fit la femelle. Un des nôtres est déjà au sol. Dépêchez-vous si vous ne voulez pas en subir les conséquences...
Sa phrase s'éteignit dans un cri étouffé.
Son organisme était en train de lâcher.
— Hypothermie, dit Vol'Zan.
— Bordel ! Victor ! Bougez-vous !
— Mon garçon, je ne veux pas vous mettre la pression, mais c'est littéralement une question de vie ou de mort, et je ne parle pas des lézards coincés là-dedans, le prévint Lindstradt en s'éloignant du sas désormais couvert de glace coupante comme des lames de rasoir.
Le laborantin secoua la tête, se mordant la lèvre.
— Laisse-les crever à l'intérieur, proposa Aélig à voix très basse en se glissant jusqu'à son père.
— Ne me tente pas, répondit-il d'un ton sérieux. Mais si je fais ça, je ne donne pas cher de notre peau ensuite.
Il avait raison, bien entendu.
Il était hors de question de laisser les Stygiens mourir de froid à l'intérieur.
Quand il se rendrait compte que sa délégation manquait à l'appel, l'Ereshkigal ne manquerait pas de vaporiser leur vaisseau.
Layto eut un petit ricanement de triomphe.
La seconde d'après, le sas émit un chuintement à peine perceptible, faisant craquer la couche givrée aux allures de sucre en poudre dont il était recouvert.
— Vous pouvez accéder à l'ouverture manuelle, lança-t-il à Karavindra.
Alors que ce dernier s'approchait du panel de commandes avec une expression soulagée, Vol'Zan l'arrêta d'un geste.
— Attendez, dit-il.
— Ils sont en train de crever, là-dedans, se scandalisa l'humain en se figeant tout de même. Et s'ils crèvent, on y passe aussi !
— Justement, répondit l'alien sur le ton de l'évidence. Donnez-moi trente secondes.
Karavindra interrogea silencieusement le directeur du regard.
Ce dernier hocha brièvement de la tête. Le Thanyxte s'approcha du vantail blanchi.
— Vous m'entendez ? s'intéressa-t-il d'une voix forte. Nous allons ouvrir.
— Qu'est-ce... que vous attendez ? geignit Atrahasis. Je suis... en train de...
— À une seule condition, l'interrompit Vol'Zan.
Il y eut un silence et pendant un instant, il crut que l'apophide avait succombé.
— Tout ce que vous voulez, prononça-t-elle enfin.
— Accordez-moi un entretien, exigea-t-il. Je veux retourner chez moi.
— Très bien ! Très bien ! s'exclama immédiatement l'interprète. Par pitié...
Grimaçant, Karavindra martela le tableau de commandes, qui émit un bip furieux.
Le sas finit par se déverrouiller, faisant gémir les cristaux de glace encrassant ses mécanismes et se rétracta à l'intérieur des parois creuses du bunker.
Happée par la différence thermique entre les salles, une vague gelée déferla sur eux.
Lindstradt recula précipitamment afin d'y échapper, et laissa Atrahasis ramper en-dehors de la chambre froide.
Elle était suivie de peu par Ninhursag et des deux autres de ses compatriotes, recouverts de givre. Ils traînaient le dernier, certainement inconscient.
À peine eurent-ils franchi le seuil de la porte semi-automatique que celle-ci se referma dans un crissement neigeux. Personne ne vint à la rescousse des Stygiens, qui s'écroulèrent au sol les uns après les autres, haletant et frissonnant.
Layto réprima une exclamation terrifiée.
Karavindra avait repris son datapad et l'examinait en fronçant des sourcils.
— Ça continue à descendre, s'étonna-t-il. Moins vingt-cinq.
— Et ça va durer longtemps ? s'inquièta Lindstradt, les yeux fixés sur les Thanyxtes affaiblis assis par terre.
— Aucune idée. Mais le matériel peut résister au zéro absolu, répondit Layto, devançant son supérieur. La porte peut tenir un moins soixante-dix Celsius sans se déformer. En théorie.
— En théorie, répéta le directeur, sceptique.
Le laborantin s'était à nouveau penché sur son outil de diagnostic portable.
— Nous n'avons jamais testé la chambre en-dessous de quarante degrés, avoua-t-il. On nous a dit qu'on n'avait pas les fonds nécessaires.
— Qui a décidé ça ? déclara Lindstradt, parfaitement scandalisé. Le Nexus est le secteur le plus sensible du Lance, tout le monde sait ça ! Alors, qui est le cadre qui a été assez con pour couper les vivres lors des phases de test, que j'aille lui en dire deux mots ? Parce que...
Il s'interrompit en avisant soudain le regard condescendant que lui adressait Karavindra et pinça la bouche.
— Seigneur, comprit-il. J'ai vraiment fait ça ?
— Oui, répondit son adjoint. Mais nous allons nous pencher sur le problème, lui assura-t-il en débranchant sa tablette du boîtier mural en charge du sas.
Aélig vit son père se cacher le visage entre les mains.
Ce n'était généralement pas de bon augure.
— Putain ça oui ! finit-il par hurler. T'as intérêt à régler ça, et le plus vite possible, Ahmal ! Ce n'est pas comme si quatre-vingt-dix pourcents de ce vaisseau dépendaient de ta saloperie de système électroneural !
— Ah bah fallait y penser avant de signer des réductions budgétaires, monsieur le directeur exécutif ! rétorqua Karavindra du tac-au-tac. Mais bon, je comprends ! Pourquoi faire des tests de sécurité quand on peut avoir un minibar dans son bureau ? Hein, Victor ? Je vous pose la question, lança-t-il à son assistant. Pourquoi ?
— Je suis invisible, répondit Layto. Ignorez-moi.
— Ça suffit, ajouta Lindstradt. Je suis désolé, d'accord ?
L'ingénieur en chef se contenta de baisser les yeux sur son datapad, réprimant sa fureur.
Considérant qu'il avait réglé leur problème relationnel, le directeur reporta son attention sur leurs invités indésirables.
Parcourus d'indicibles tremblements, ils avaient réussi à se redresser pour la plupart, dégoulinant d'humidité.
Sa queue épaisse enroulée sur elle-même, Atrahasis fixait le sol d'un regard trouble.
Debout à l'écart de leur groupe, Vol'Zan avait croisé les bras sur la poitrine, dans une attitude étrangement anthropomorphe.
Mais quand on vit depuis très longtemps parmi les humains, on finit par adopter certains tics qui nous sont propres, supposa intérieurement Lindstradt.
— Vous avez eu ce que vous cherchiez, au moins ? questionna-t-il la troupe du Styx.
— Oui, réussit-il à dire Atrahasis. Mais votre système...
— A eu une défaillance, plaça Karavindra d'un ton sans appel. La faute à pas de chance.
— Aux coupes budgétaires, plutôt, commenta son assistant, s'attirant immédiatement un regard incendiaire de Lindstradt.
S'enfouissant plus profondément dans son tissu luisant d'humidité, l'interprète ne poursuivit pas la conversation.
À ses côtés, Ninhursag avait moins souffert de leur exposition au microclimat arctique qui régnait désormais dans le bunker.
— Vous avez terminé ? demanda le directeur en haussant involontairement le ton.
Il prit son mal en patience alors qu'Atrahasis échangeait des gestes raides avec son commandant.
— Oui, répéta l'interprète d'un ton rauque.
— Nous allons vous escorter jusqu'à votre navette, dans ce cas-là, décida-t-il avec assurance.
— Très bien.
— Pas si vite, intervint Vol'Zan tandis que les miliciens se massaient autour d'eux.
La femelle siffla avec agressivité en pivotant vers lui.
— Vous n'avez absolument aucune chance de revoir le Styx, cracha-t-elle, méprisante.
— Ce n'est pas à toi d'en décider, la sœur, répliqua Vol'Zan, appuyant sardoniquement sur le terme fraternel. Mais à ma caste, et vous pouvez me mener à eux.
— Hors de question, dit Atrahasis.
— Alors, il semblerait que nous ayons un problème, déclara l'alien en faisant preuve d'une politesse extrêmement menaçante.
Sentant un solide mal de crâne creuser sa tanière entre ses tempes, Aélig crut que la femelle allait le frapper une nouvelle fois, mais il n'en fut rien.
Vol'Zan et elle se jaugèrent du regard. Le capitaine de l'Ereshkigal s'interposa lentement.
— Nous acceptons de vous écouter, prononça-t-il, ignorant royalement sa porte-parole officielle. Une demi-heure, pas plus.
Vol'Zan parut satisfait, car il recula, cessant de menacer l'interprète.
— Donnez-nous une pièce, lança-t-il à Lindstradt.
Celui-ci contemplait la scène d'un air absent, les mains dans les poches. Il sortit une cigarette, fouillant l'intérieur de sa veste de costume pour chercher de quoi l'allumer.
Durant les deux dernières heures, il avait liquidé la moitié du paquet issu d'un tiroir de son bureau comme un mémo d'une addiction passée.
— Tout ce que vous voulez, concéda-t-il après une courte hésitation, tapotant le tube de nicotine contre sa montre afin d'en tasser le tabac. Tant que vous quittez mon vaisseau ensuite. Vous nous avez apporté assez d'emmerdes depuis que vous êtes là.
Personne ne trouva de quoi le contredire.
Atrahasis secoua ses voiles alourdis pour les débarrasser des derniers cristaux de glace encore coincés dans les replis.
Autour de leurs bottes s'épandait une flaque saumâtre et Aélig y apercevait son reflet sale.
— La chambre s'est stabilisée à moins trente, dit Karavindra avec un long soupir contrarié. Je n'y comprends rien.
Layto, ayant terminé de remballer son matériel, haussa des épaules, marmonnant quelque chose à propos de « dérivations partielles triphasées » et de « protocoles différentiels », affirmations énigmatiques ensuite reprises par son supérieur comme un mantra.
— Dégelez-moi ce foutu Nexus, leur aboya Lindstradt. Au lance-flammes s'il le faut.
— Tous les problèmes ne se résolvent pas quand on les passe au lance-flammes, dit Karavindra avec une sagesse moqueuse. Même ton chef de la sécurité est au courant. Sur ce, excusez-moi, mais j'ai besoin d'un café spécial infarctus.
Entraînant son assistant déboussolé à sa suite, il sortit de la pièce froide sans un seul regard en arrière. Après les avoir raccompagnés des yeux, le directeur entreprit de prendre ses dispositions auprès d'Auster.
— Donnez-leur l'accès à n'importe quelle salle de briefing dans l'étage moteur, lui fit-il. Surveillez-les avec attention et ne vous éloignez pas. Prévenez-moi dès qu'ils ont terminé, d'accord ?
— Oui, monsieur, accepta placidement l'intéressé.
Traînant des pieds et entourée de la sécurité de l'entreprise, la délégation Thanyxte s'éloigna à son tour, Vol'Zan sur les talons.
Un des miliciens tarda à suivre le mouvement, se figeant près du couloir comme s'il voulait dire quelque chose.
Cooper, comprit Lindstradt.
Il s'étonna de l'absence de remarques sardoniques de la part de l'ancien mercenaire tout le long de leur rencontre avec une partie de l'équipage de l'Ereshkigal, celui-ci s'étant au contraire emmuré dans un honorable mutisme professionnel.
Il le chassa d'un geste agacé.
Désormais vidée de la plupart de ses précédents occupants, l'antichambre baignait dans un calme seulement troublé par de discrets cliquetis provenant du sas clos, derrière lequel le noyau électroneural s'emmitouflait dans le froid pour lutter contre un incendie inexistant.
D'une manière assez cynique, la même chose arrivait à son propre cœur. Persuadé que le monde qui l'entourait brûlait, il gelait, cloisonné dans un bunker encore plus froid que celui qu'il avait en face.
À part lui, seule sa fille était restée.
— Je peux t'expliquer, à propos de l'IA, soupira-t-elle en venant à ses côtés.
— Cela ne m'intéresse pas, coupa Lindstradt. C'est trop tard.
Elle tordit la bouche d'un air contrarié.
— Je pensais pourtant que tu étais de mon côté, poursuivit-il sans colère.
— Celui qui consiste à se lancer hasardeusement à l'assaut d'une planète complètement irradiée, peuplée par je ne sais quoi de dégueulasse, à bord d'un vaisseau désarmé ? ironisa amèrement Aélig. Sachant que le seul qui puisse plus ou moins comprendre quelque chose aux Prométhéens va probablement repartir chez lui aujourd'hui-même ?
Elle marqua une pause, le dévisageant avec une certaine tristesse, et Lindstradt se rendit soudain compte qu'ils n'avaient pas eu de réelle conversation depuis leur échappée miraculeuse du sol d'Odyssée.
C'était regrettable.
Avec tout ce qui lui tombait sur les épaules ces derniers jours, il ne trouvait même plus de temps à consacrer à son propre sang.
Depuis qu'elle était à bord du Lance, Aélig gardait une distance prudente à son égard, s'abritant derrière une muraille invisible.
Il avait l'impression de lui parler par-dessus une fosse creusée par ses propres soins.
— On devrait faire demi-tour, continua-t-elle d'un ton ferme. Retourner sur Carrière. Qu'est-ce que ça t'apporte de vouloir à tout prix jouer les héros, hein ?
— Qu'est-ce que tu suggères ? demanda son père en trouvant enfin un vieux briquet dans sa veste cintrée. Rentrer, puis attendre que l'ambassadeur Zane et sa commission d'enquête fantoche ne daigne examiner nos preuves ? Alors qu'ils viennent de perdre l'un de leurs plus gros ports agroalimentaires ? Ce qui s'est passé sur Odyssée, le Kohltso mettra des années à s'en remettre, s'il existe encore dans six mois.
— Bah justement, ils ont plus de Calypso-2, donc le CSW ne devrait pas tarder à se bouger le fion, s'exclama Aélig avec colère. Apkar est déjà sur la planète pour examiner le vaisseau. Ce n'est pas à nous de faire campagne à leur place. Sauf que personne n'ose te contredire, ici, alors nous voilà embarqués dans une croisade sanglante sans aucune explication logique à part l'une de tes lubies de riche.
C'était vrai.
Lindstradt n'était pas sans ignorer que ses décisions étaient loin de faire l'unanimité dans ses équipes, quand on ne les qualifiait pas simplement de pure folie.
Sa propre fille était la seule à oser exprimer une opinion contraire à la sienne, et il s'en sentit à la fois triste et rassuré.
— Depuis quand est-ce que tu t'impliques autant dans ce que je fais avec l'entreprise ? s'intéressa-t-il avec une certaine froideur. Il n'y a même pas deux mois, tu avais honte de ton propre nom de famille.
Furieuse, Aélig ouvrit la bouche, puis se ravisa aussitôt.
Elle ne gagnerait jamais cette bataille-là, elle le savait.
Elle n'avait jamais rien fait pour la remporter, de toute manière.
— Tu sais quoi ? dit-elle en s'éloignant lentement. Fais ce que tu veux. Ça ne me concerne pas, tu as raison. Organise ton suicide collectif si ça te chante, je m'en fiche.
— Attends, l'interpella Lindstradt, mais elle ne se retourna pas.
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