Chapitre 5
Adam et Ève ont été punis pour avoir été végétariens. Ils auraient dû
bouffer le serpent.
***
— Je pourrais te poser la même question.
Je le fusille du regard.
— Cachette secrète qui n'a maintenant, plus rien de secret, je marmonne en levant les yeux au ciel.
— Alors, qu'est-ce que tu ne peux pas subir de nouveau ? il demande en croisant les bras, et je dois me battre contre moi-même pour ne pas lorgner sur ses bras musclés se contractant sous son haut moulant.
— Attends mais tu nous écoutes depuis combien de temps ? Je m'exclame en reprenant mes esprits.
— Pas si longtemps, dit-il en haussant les épaules. Mais assez pour deviner que tu n'es pas une ange normale ?
Je me relève et me campe devant lui avant d'enfoncer mon index dans son torse. Enfin, "enfoncer" c'est un grand mot car je manque de me casser le doigt face à ce mur de pierre.
— Si tu le dis à n'importe qui, même au Conseil je te tue, craché-je avec colère.
— J'en doute, mais je vais garder tes deux petits secrets, dit-il avec un sourire tout sauf angélique sur le visage en regardant la clairière, puis moi.
Je frisonne.
— À plus tard, Rhyne.
Je me tourne vers Viskaya pour l'arrêter mais elle a tout simplement... disparue.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? je demande au fils de Satan.
— Je traînais dans le coin, je t'ai vu et j'ai décidé de te dire bonjour, répond-t-il en haussant les épaules.
— Comment tu nous as trouvées ? On ne peut pas voir depuis le ciel ici, dis-je en désignant l'épais couvercle de feuilles.
— C'est un secret. Alors, qu'est-ce tu es ? demande-t-il en retirant ma capuche.
Il observe mon visage en silence pendant de longues secondes interminables, ses yeux se voilent soudain de flammes, comme lors de l'entraînement. Je frissonne, et pas de désir.
— Hybride. Mi-ange de lumière, mi-sombre. Qu'est-ce que tu fous ici ? je demande encore en le regardant avec suspicion.
Un rire grave sort de ses lèvres tandis qu'il croise plus fort les bras sur son torse, faisant gonfler ses muscles.
Crâneur...
— C'est un secret que je n'ai pas l'intention de te partager de sitôt, dit-il.
Je fronce les sourcils. J'ai bien l'impression qu'il ne parle pas seulement de sa présence ici dans la clairière mais également de sa venue dans l'Académie...
— Est-ce que je me trompe en pensant que tu attends quelque chose en échange de ton silence ?
Il me lance un regard carnassier.
— Non, tu as tout à fait raison même.
Je me renfrogne.
— Qu'est-ce tu veux, Enfant de Satan ?
Il fait mine de réfléchir.
— Pour commencer, tu connais bien ces lieux, non ? Après dix années à passer tes anniversaires ici, sans amis, sans famille, tu dois sûrement connaître l'endroit comme ta poche non ?
Son ton suffisant me donne une folle envie de lui arracher la peau pour m'en faire un manteau. Il touche à ma sensibilité, là. Mais au lieu de lui sauter dessus, je préfère vêtir mon masque d'indifférence que j'utilisais spécialement lorsque je discutais avec les membres du Conseil.
— Et alors ? lançais-je.
Il observe les alentours, puis s'approche de moi avec une grâce féline. Ses muscles roulent sous le tissu de son haut, tandis que son odeur occupe l'espace entre nous. Enfin, l'espace qu'il subsistait avant qu'Enfant de Satan décide de se la jouer sangsue. Je le repousse violemment.
— Pas besoin de jouer les pots de colle. Si t'as un truc à me dire, accouche. Il n'y a personne ici, hormis toi et moi.
Il hausse les épaules et me lance un regard intense.
— Dis-moi, est-ce qu'il se passe des choses étranges ici ?
Je fronce les sourcils.
— Comme le fait que je parle à l'enfant de Satan en personne ?
Il me foudroie du regard.
— Ok ok, bah non. Pas vraiment. Pourquoi ?
Il balaye ma réponse d'un revers de la main.
— Est-ce qu'il y a des objets magiques cachés dans cette académie ?
— Tu penses vraiment que j'en sais quelque chose ? Et si c'était le cas, pourquoi je t'en parlerais ?
Son impatience se lit sur son regard. Dans ses yeux dansent des flammes, j'ai bien l'impression que Monsieur n'aime pas mon répondant. Comme c'est dommage.
— Laisse tomber, une pauvre fille comme toi ne me servirait à rien, crache-t-il.
Je ferme les yeux pour canaliser mon envie de le baffer et lorsque je les rouvre, il a tout simplement... disparu. Évaporé, comme par magie.
Marmonnant des mots de malédiction, je remarque soudain qu'un papier jonche sur l'herbe où Enfant de Satan était posté quelques secondes plus tôt. Curieuse comme je suis, il ne m'en faut pas plus pour me jeter dessus.
Sur le papier, se trouve un croquis. Plus précisément, le croquis d'une clef. L'anneau destiné à la prise en main représente des ailes déployées, l'embase de la tige est une pomme croquée, la tige est un serpent ondulant dont la bouche ouverte est le panneton double de la clef.
Alors que je range le morceau de papier à la hâte dans mon soutien-gorge, je me demande pourquoi Knox avait ce croquis avec lui ? Est-ce pour cette clef qu'il était ici ? Et surtout : qu'ouvrait-elle ?
✧ ✧ ✧
— Contre carte !
Je peste en fusillant Osh du regard avant de piocher deux autres cartes sur le bureau de Barinthus où je suis assise en tailleur. Ce dernier me lance un regard amusé avant de me sermonner.
— Tu es tellement obnubilée par la victoire, que tu oublies qu'il y a toujours une dernière bataille avant de gagner la guerre.
Je fronce les sourcils et lance un regard perplexe à Osh.
— Euh, le vieux est au courant qu'on joue au huit américain et qu'on est pas sur un champs de bataille, hein ? demandais-je pince-sans-rire.
— Je crois que ce qu'il essaie de te dire c'est que tu crois trop vite que la victoire est pour toi, donc tu oublies de couvrir tes arrières et, en l'occurrence, de dire "carte", explique-t-il en déposant une dame de pique pour se retrouver avec une seule carte en main.
J'écarquille les yeux.
— Non mais c'est de la triche là ! Tu m'as déconcentré avec ton explication !
— Tu n'avais qu'à être plus attentive, dit Barinthus.
— Excuse moi papi, mais on ne t'a rien demandé donc on se tait si tu ne veux pas que j'arrache ton dentier. Et la partie n'est pas encore finie, dis-je en posant fièrement un joker sur le bureau. Allez pioche, blaireau.
Osh me lança un regard triomphant avant de poser un huit de coeur.
— Fin de jeu. Donc ça fait huit parties remportées par moi contre... une pour toi ? Dit Osh avec un sourire au coin des lèvres.
— Et même, la seule fois où elle a gagné, elle a caché trois cartes sous elle, balance le directeur.
— Oui c'est ça, moquez-vous de moi. Au moins moi, je risque pas de me fracturer le col du fémur en tombant de ma chaise, dis-je à Barinthus.
Ce dernier me lança un regard outré tandis qu'Osh éclata de rire.
— Et je n'ai pas un rire de femmelette, ajoutais-je à l'encontre du garde.
— Hé !
Je me lève d'un bond et m'affale sur le canapé en cuir noir du bureau de Barinthus.
J'ai toujours été mauvaise perdante, et ces deux idiots prennent à chaque fois un malin plaisir à me voir ronchonner. Et j'adore en retour blesser leurs egos en les insultant de tout les noms - même s'ils sont tout deux d'une beauté à couper le souffle -. L'avantage d'être un Ange, je suppose...
Jouer pendant ces quelques heures avec Osh tandis que Barinthus nous observait d'un œil bienveillant m'a aidé à oublier ma malencontreuse rencontre avec le fils de Satan. Je n'en avait pas parlé avec mes deux hommes car je ne sais pas comme il réagiront en sachant que je me suis mise en danger en lui révélant ma nature, – même si je n'avais pas dit tout la vérité – ce qui m'a été interdit par le Conseil et qui serait donc gravement puni. De plus, je compte bien garder l'histoire du croquis pour moi afin d'avoir un moyen de pression sur ce petit prétentieux arrogant.
Je me demande encore comment l'Enfant de Satan a réussit à suivre ma trace dans les bois. On ne peux absolument rien voir depuis le ciel. Quelques années auparavant, je me suis enfuie après une énième bagarre, cette fois-ci très violente. Je suis restée dans ma clairière pendant longtemps, trois jours. Osh m'a appris que pendant ce temps, Barinthus a fait des pieds et des mains pour me couvrir tandis qu'il était parti à ma recherche. Il a survolé le coin où je me terrais, mais la forêt était tellement dense qu'il n'avait absolument rien vu. Finalement, je suis revenue après soixante-douze heures, Barinthus était mort d'inquiétude et sa détresse avait brisé quelque chose au fond de moi.
Avant ce jour, je n'avais jamais mesuré l'amour paternel qu'il éprouvait pour moi. Je pensais qu'il s'occupait de moi simplement car je lui faisait pitié, mais il est devenu un père pour moi.
Osh quant à lui, ne m'a pas adressé la parole pendant des jours ! J'ai du filé en douce dans sa chambre de l'académie et me faufiler dans son lit pour me cramponner à lui comme une huître à son rocher pour qu'il daigne reconsidérer ma présence. Cette fois-là, nous l'avons passée à discuter jusqu'au lever du soleil puis il m'a raccompagné dans ma chambre. Il n'y a aucune ambiguïté entre nous. Seuls les anges non confirmés ressentent des émotions humaines comme le désir de la chair. Alors j'ai posé ma tête sur son torse en toute amitié, même si je dois avouer que j'ai ressenti quelque chose d'étrange en moi pendant cet instant d'intimité...
Un sourire tendre prend place sur mon visage tandis que j'observe mes seuls proches discuter calmement. Mais le sujet de leur discussion titille ma curiosité.
— .... si puissant depuis longtemps. Enfin, c'est la première fois.
— Vous parlez de qui ? demandais-je depuis mon canapé.
— L'ange noir qui s'est fait remarquer pendant le cours de sport, dit Barinthus.
— L'Enfant de Satan ?
Les deux hommes ouvrent grands les yeux.
— Le... quoi ?! S'exclament-ils en même temps.
Je hausse les épaules.
— C'est un surnom que je lui donne. Parce qu' avec un physique comme le sien, il ne peux qu'être un pur produit du mal.
Osh fronça les sourcils.
— Comment ça un «physique comme le sien » ?
— Bah même si ça m'agace de l'avouer, il est canon.
Barinthus lâche un profond soupire.
— Rhyne... gronda-t-il.
Le ton qu'il emploie me donne l'impression d'avoir été prise la main dans le sac à lorgner les miches de Knox.
— Mais quoi ? J'ai rien dis de mal !
— J'espère que tu n'as pas des vues sur ce type, m'avertit Osh.
J'apprécie pas beaucoup le ton qu'il emploie, là...
— Biensûr que non, pour qui vous me prenez ? grinçais-je.
La tension dans la pièce se relâche. Je joue nonchalamment avec une mèche de mes cheveux avant de reprendre :
— Sinon, avez des infos sur ce type ? Il puissant pour un ange non confirmé.
Barinthus fouille dans ses affaires tandis que Osh marmonne dans sa barbe.
— Eh bien d'après ce qui est écrit dans son dossier, sa mère était un...
Entendant l'hésitation dans la voix de Barinthus, je me relève sur mes coude pour observer sa mine bouche-bée devant ce qu'il a sous les yeux, ce qui ne fait qu'accélérer les battements de mon coeur. C'est sûr, il a trouvé quelque chose de très croustillant sur l'Enfant de Satan !
— Alors ? dis-je excitée comme une puce.
Barinthus consulte Osh et je suis persuadée qu'il parle par télépathie, ce qui ne fait que renforcer mon idée que ce qui est écrit noir sur blanc dans cet ouvrage est capital !
Barinthus se racle la gorge et une énorme sourire prend place sur mon visage.
— Sa mère était une...messagère.
Je perds mon sourire.
— Tu te fous de moi là ?
— Non pas du tout, répond-il en souriant.
Impossible qu'il ait fait une tête pareil pour une simple messagère. Mais je vais lâcher l'affaire pour qu'il pense que je le crois...
— Tu sais quels sont les pêchés pour lesquels il a été envoyé ici ?
— « Les » ? reprend Osh
J'hoche un sourcil.
— Je suis persuadée que ce type est un récidiviste...
Barinthus se racle la gorge.
— Je ne peux pas te donner cette information.
Je le foudroie du regard.
— Pourquoi ?
— Parce que c'est confidentiel.
Je me remets sur mes pieds et avance vers lui.
— « Confidentiel » mon cul oui, dis-moi ce que fils de Satan a fait, dis-je en regardant le dossier épais comme une encyclopédie sur son bureau.
— J'hallucine c'est toutes les règles qu'il a enfreint ! Laisse-moi juste...
Barinthus referme brusquement le dossier dans un bruit sourd avant de me fusiller du regard. Une chose est sûre : si j'ai envie de gratter des infos sur lui, je me trouve au mauvais endroit. Osh et Barinthus semblent catégoriquement opposés à ce que je m'intéresse un peu trop à Fils de Satan. Ce qui ne fait qu'attiser encore plus ma curiosité...
— C'est confidentiel, jeune fille.
Je déteste quand il m'appelle comme ça, parce que ça veut dire qu'il est contrarié. Pourquoi ? Parce que je suis trop insistante ou parce qu'il sait qu'en m'interdisant de lire le contenue du dossier de Fils de Satan, je risque d'être encore plus curieuse à son encontre ?
— Ok c'est bon, désolée, dis-je faussement penaude.
— Je veux juste te protéger. Le Conseil n'attend qu'un faux mouvement de ta part pour se débarrasser de toi. Je ne veux pas que ça arrive, Rhyne, murmure-t-il.
— On ne veut pas te perdre, ajoute Osh en me lançant un regard intense.
Je frissonne.
— Je sais.
Après avoir lancé une dernière vanne pour alléger la tension, je sors de la pièce avec une idée en tête: plus tard dans la nuit, grâce à ma puce m'autorisant l'accès à son bureau, j'irais lire toutes les atrocités que Fils de Satan a commis jusqu'ici et surtout, histoire de me faire une idée sur la dangerosité de mon futur ennemi.
____________________
•••••••••••••••
À votre avis, à quoi sert cette fameuse clef ?
Et pourquoi Knox la recherche ?
- Eve 🥀
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top