Chapitre 4
***
« Trouvée ». Je reste assise sur l'herbe pendant l'entraînement de vol avec ce mot raisonnant dans mon esprit. Je n'ai toujours pas trouvé d'explication raisonnable quant à la raison pour laquelle l'enfant de Satan – Le nouveau surnom que je lui ai attribué – a dit « trouvée ».
Est-ce qu'il a été envoyé pour me surveiller ? Il faut que j'aille gratter quelques informations à mon cher Barinthus concernant ce nouveau venu. S'il a été envoyé par le Conseil, je me ferais un plaisir de déchaîner ma colère sur lui. Vu que ces emmerdeurs de première m'ont interdit de me battre, j'ai grand besoin d'un punching-ball et ce type m'a l'air parfait pour tenir ce rôle !
Le cours se termine et Viskaya se précipite vers moi, ses magnifiques ailes repliées dans son dos.
— Ok, toi t'es amoureuse ! s'exclame-t-elle.
Je la dévisage.
— Est-ce que t'es complètement folle ?
Elle éclate de rire.
— Sérieux, qui ne le serait pas ? Knox est canon !
Elle n'a pas faux, mais je ne sens pas du tout ce type. Et l'amour, très peu pour moi.
— Bof, dis-je en haussant les épaules avant de me relever et d'essuyer mes mains humides sur mon pantalon de jogging.
Viskaya m'envoie un coup de coude dans les côtes et je gémis de douleur.
— Oups, vraiment désolée ! Tu vas bien ?
Je la dévisage pendant un instant, encore abasourdie par sa force puis secoue finalement la tête. Bon sang, cette fille cache bien sa force !
— Allons-y, le cours finit dans dix minutes, dis-je en lui offrant un sourire.
— Pourquoi personne d'autre ne part ? Demande-t-elle en m'emboîtant le pas.
— Parce que les autres n'ont pas à marcher pour se rendre en cours, il faut beaucoup plus de temps pour joindre les salles de classes sur ses jambes qu'en volant à la verticale.
— Bon sang, je suis désolée. J'ai encore oublié !
Comment peut-elle oublier que je n'ai pas d'ailes au milieu d'anges ? Si elle ne m'avait pas lancé ce regard désolé, j'aurai presque pensé qu'elle remuait le couteau dans la plaie...
— Ne t'inquiète pas, je m'y suis faite à force.
Nous allons nous changer dans les vestiaires avant de joindre la salle de classe. La sonnerie retentit pendant que nous montons les escaliers et une rafale de plumes traverse l'espace au milieu des escaliers en colimaçon bruyamment. J'étouffe une rire lorsque je vois deux anges se heurter puis se disputer en se rejetant mutuellement la faute de cette collision.
J'entre dans la classe et m'assois à mon bureau dans le coin arrière de la classe. Des mots vulgaires et des dessins rudimentaires recouvrent le bois et je soupire avec lassitude. Plusieurs dessins representes une ange agenouillée les mains entravées et les yeux bandés dont les ailes sont coupées, une épée ensanglantée suspendue au-dessus de sa tête.
Ce dessins est supposé me représenter, mais ces idiots semblent penser que les ailes sont toujours retirées de la même façon qu'au siècle dernier. Heureusement, ce n'est plus le cas. Avant, ils avaient l'habitude de retirer les ailes d'un ange à l'aide d'une épée ou d'une hache mais désormais, ils opèrent chirurgicalement pour qu'il ne reste que des points de suture. Le problème est que cette zone ne guérit jamais vraiment. Dix ans plus tard, je ressens toujours des douleurs au niveau des omoplates si je tire un peu trop sur cette partie meurtrie de mon corps. Je sors de mes pensée lorsqu'un crayon s'abat sur mon buste.
Je lève la tête pour voir le frère jumeau de Keenan, Alastair, me lancer un sourire narquois.
Et c'est reparti pour un tour...
***
J'ouvre la porte de ma chambre et me dirige droit dans la salle de bain. J'entends Viskaya fermer et me suivre.
— Est-ce que tout va bien ? Elle demande et j'inspire profondément.
— Je vais bien, je suis juste fatiguée à cause de ces abrutis, je murmure en serrant les dents.
— Oui, d'après ce que j'ai vu, les anges blancs sont aussi bienveillants que les anges noirs...
— Non pas les étudiants, mais ces abrutis au Conseil ! Ils sont la raison pour laquelle je suis pratiquement torturée au quotidien. Je ne suis pas autorisée à riposter, ni à les arrêter, car alors je serais punie d'une peine d'emprisonnement, de la déchéance ou pour leur plus grand plaisir : de mort !, je m'exclame tandis que ses yeux s'ouvrent en grand.
— Je suis désolée, je n'avais pas réalisé à quel point c'était insupportable pour toi ici, murmure-t-elle.
— Ouais, personne ne le sait avant d'avoir passé une journée à mes côtés, je siffle.
Je m'engouffre dans la salle de bain et dévisage hostilement mon reflet dans le visage avant d'arracher mon sweat-shirt et mon pantalon bouffant. Je défais ma natte et passe mes mains dans mes ondulations auburn. Il faudra vraiment que je coupe ma tignasse, désormais elle m'arrive au niveau du bas du dos.
J'enfile un short et un débardeur puis sors de la pièce, dépasse une Viskaya encore bouche-bée puis m'affale sur le canapé ultra moelleux noir que m'a offert Barinthus pour mon treizième anniversaire.
— Pourquoi tu me regardes comme ça ?
Les yeux toujours grands ouverts, Viskaya semble chercher ses mots pendant quelques minutes avant de finir par parler :
— Tu es foutrement belle ! Par tout les Saint, pourquoi est-ce que tu portes des vêtements si laids et tu te couvre le visage avec un sweat à capuche ? S'exclame-t-elle.
— Le conseil. Je ne suis autorisée à montrer aucune partie de mon corps excepté mes mains et mes pieds. Même pas mes cheveux, dis-je en jouant avec leurs pointes.
— Aussi terrible que ça puisse paraître, je suis persuadée que les anges te traiteraient mille fois mieux si tu leur montrais à quoi tu ressembles vraiment.
— Peut-être. Mais les gens beaux n'ont que peu de véritables amis, voire aucun. Les gens les aiment pour ce qu'ils représentent, l'image qu'ils renvoient. C'est leur apparence qui les attire, pas ce qu'ils sont au fond. Alors bon...
Je soupire et m'enfonce plus profondément dans le canapé. Viskaya s'assoit sur son lit et m'observe attentivement.
— Qu'est-ce que vous faites le reste de la journée ?
— Moi ? Rien. Tous les autres jouent habituellement à la course dans les airs, pratiquent des figures de vol et font plein d'autres trucs qui nécessitent des ailes, dis-je en haussant les épaules.
— Oh..., dit-elle et je peux entendre la déception dans sa voix.
— Je peux te montrer les terrains de l'académie si tu veux. Il y a un lac et une belle forêt, proposé-je et elle sourit joyeusement.
— Ce serait génial !
— Laisse moi juste le temps de me changer, dis-je en enfilant mon pantalon pantalon cargo et mon sweat-shirt.
J'attache mes cheveux en une queue de cheval et les fourre dans la cagoule, la tirant suffisamment par-dessus ma tête pour qu'elle fasse naître une ombre sur mon visage.
Je fourre mes mains dans mes poches et entraîne Viskaya hors de l'académie, dans la cour arrière de celle-ci. Le vieux chemin de pierre est irrégulier et je dois doubler d'agilité pour ne pas dire bonjour au sol.
Il y a plusieurs sculptures d'anges, pour la plupart d'anciens prodiges oubliés depuis longtemps. De la mousse et du lichen recouvrent les statues, leur donnant un aspect vert et flou. Je me faufile à travers le labyrinthe de statues avec facilité pour sortir de la cour et rejoindre la forêt.
— C'est tellement beau, murmure Viskaya en marchant sous la canopée des arbres.
— Attend de voir ma cachette secrète, lui dis-je tandis qu'elle me lance un regard confus.
Je souris et commence à courir, regardant derrière moi pour m'assurer qu'elle me suit bien. Viskaya m'emboîte le pas facilement, sa confusion devenant de l'excitation tandis que nous nous enfonçons plus profondément dans la forêt. Les hauts arbres deviennent plus épais et bloquent la lumière du soleil, la rendant plus froide et plus sombre.
Je prends plusieurs chemins, la plupart sont inutiles mais je ne veux pas qu'elle se souvienne du chemin menant à mon Chez Moi. Je ne sais pas pourquoi je l'ai amenée ici, j'ai un peu confiance en elle. Mais pas trop. Jéhovah aussi faisait confiance à Satan.
Les arbres s'ouvrent soudain dans une petite clairière.
Viskaya halète. L'herbe est vert foncé et atteint mes cuisses, il y a une cascade entouré de fleurs et d'arbres fruitiers.
Je me dirige vers un grand chêne de l'autre côté de la rivière en sautant habillement sur des rochers pour ne pas tomber dans l'eau et observe Viskaya faire de même. De l'autre côté de la rivière je descends dans un trou du chêne par les racines. Mes doigts trouvent une sangle et je sors un sac à dos.
— Comment tu as trouvé cette endroit ? Demande-t-elle, regardant fixement la cascade d'eau se déverser doucement dans la rivière.
— Après une bagarre assez brutale avec Keenan et Alastair, je me suis précipitée dans la forêt et j'ai fini par me perdre. À cause de la perte de sang et de la commotion cérébrale que j'ai subit, je ne me souviens pas exactement de ce qu'il s'est passé. Je me suis réveillée ici, juste à côté de la rivière et après plusieurs heures, j'ai finalement retrouvé mon chemin.
J'ouvre mon sac à dos et en déverse le contenu sur l'herbe. Des vêtements, une cantine à eau et beaucoup de nourriture s'en déverse.
J'arrache ma capuche et enfile l'un de mes short.
— Tu n'as pas peur que quelqu'un te voit ? Me demande Viskaya alors que je m'allongeais sur l'herbe fraîche vêtu seulement de mon short et de mon débardeur.
— Non. Ça fait au moins cinq ans que je viens ici et je n'ai jamais vu personne aux alentours. Les branches empêchent quiconque de survoler ou de voir quoi que ce soit et c'est la partie la plus profonde de la forêt. Personne ne vient dans ce paradis perdu, la rassuré-je mais elle avait toujours l'air sceptique.
Elle hausse les épaules et se couche avec hésitation à mes côtés sur l'herbe. Je saisis ma cantine et la passe à Viskaya qui sourit avant de prendre un long verre. Elle l'arrache soudain de sa bouche, tousse violemment tandis que j'éclate de rire.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? Demande-t-elle les yeux larmoyants et les joues rougies.
— Whisky de feu, je rigole et lui prend la cantine avant d'avaler la moitié cul sec.
— T'es vraiment une dure à cuire, elle tousse.
Je hausse les épaules.
— Je suis pas une dure à cuir, mais ça m'engourdit les sens et ça m'aide à oublier la douleur.
Elle fronce les sourcils.
— La douleur physique ou mentale ?
— Les deux. Mais bref, parlons de sujets plus joyeux comme ce que tu voudras faire après ta Confirmation ?
Son visage s'éclaircit.
— Je veux être Séraphins. Purifier et dissiper les ténèbres et les doutes. Mes qualités principales sont l'amour et la force. Tout comme eux, je voudrais être sans cesse en présence de Dieu pour le louer et l'adorer ! Elle bavarde avec enthousiasme et je souris.
Pour une ange noir, elle n'a pas l'air d'avoir un côté "sombre". Des étoiles brillent dans ses yeux tandis qu'un sourire illumine son visage. Je me demande vraiment ce que cette fille a pu faire pour basculer du côté des méchants.
— Je n'ai jamais vu d'ange noir devenir Séraphin, et approcher Le Monsieur tout La-Haut doit être aussi difficile que de s'évader de cette foutue académie, mais ton raisonnement m'a l'air valable. Personnellement, je ne sais pas encore ce que je vais faire si je suis Confirmée. De toute façon, Ils vont trouver une excuse pour me jeter en prison ou me garder à vie ici. Ils ne veulent pas me laisser en liberté, je murmure.
— Je serais ta garante s'il y a un procès pour déterminer ton habilité pour définir si tu es suffisamment angélique pour retourner dans la société, plaisante-t-elle et je souris un peu.
— Merci.
— Qu'est-ce qui se passera quand tu auras dix huit ans ?
Les yeux rivés sur le ciel bleu, je joue avec la pointe de ma queue de cheval.
— En fait, j'ai dix-huit ans mais j'ai échoué lors de ma première Confirmation. Le directeur à négocié avec le conseil pour me donner une année de plus. Je suis la première ange à qui on a retiré ses ailes avant dix-huit ans. J'aurais dix-neuf ans dans quelques semaines donc je suppose que je vais seulement attendre et voir ce qui va se passer.
— Je suis vraiment très excitée. Je sais que c'est stupide mais sérieusement !
Je ris.
— Crois-moi, moi aussi. J'espère obtenir une nouvelle paire d'ailes, mais le conseil a déjà refusé l'année dernière et je ne supporterais pas de subir cette désillusion à nouveau, je soupire.
— Tu as raison.
C'est calme alors que nous avons les yeux rivés sur le ciel. Après quelques minutes, Viskaya s'assit subitement.
— Hé, ça peut sembler étrange comme question mais es-tu...
Un rafale de vent massive me fait redresser la tête en un instant.
Une odeur terreuse et masculine emplit mes narine et je sens un frissons courir le long de mon dos tandis que mes jambes se sont mise à trembler légèrement.
Viskaya gémit à côté de moi, terrifiée. En un battement de cils je revêts ma tenue bouffante. Mon geste a été si rapide, que j'en ai le vertige. Viskaya me fait les gros yeux, une main posée sur sa bouche pour étouffer un cri, hallucinée par la vitesse à laquelle je me suis changée. Moi même je ne sais pas comment expliquer ce geste inédit chez moi, c'est comme si je m'étais... téléportée ?
Sûrement l'instinct de survie...
Je me tourne vers l'âme indésirable et le foudroie du regard.
— Qu'est-ce que tu fous là, enfant de Satan ?
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