Chapitre 29

Un ennemi invisible, est pire d'un ennemi qu'on voit.

— Je suis désolée ! J'ai envie de ramper dans un trou noir et obscure et d'y rester pour le restant de mes jours. Je peux comprendre si tu me détestes !

Viskaya est agenouillée devant moi et me tient les mains en les serrant fort dans les siennes. Sa mine est accablée tandis que je reste épuisée.

— Ça fait plus d'une heure que tu t'excuses, Vis. Ce n'est rien, vraiment.

Elle relève subitement la tête, les yeux enflammés.

— Ce n'est pas rien. Je t'ai empêché de goûter au plus doux des plaisirs, j'ai interrompu ce qui est le plus sacré !

Je m'empêche de lever les yeux au ciel. Viskaya est tombée pour la luxure, alors ce n'est pas vraiment étonnant qu'elle prenne les choses autant à cœur. C'est limite si elle n'est pas plus affectée que moi.

— Tu as bien fait de débouler comme ça. Sinon, nous serions allés beaucoup trop loin.

Et j'aurais adoré ça, avant de le regretter amèrement. Bon sang, je déteste être sur le fil de l'indécision ainsi, entre mes envies, les attentes de mon entourage et les conséquences de mes actes.

— Mais il faut que ça aille plus loin ! S'exclame Viskaya.

— Je ne veux pas succomber à la luxure. J'ai déjà assez de problèmes comme ça.

Elle se relève, et ses yeux s'ouvrent en grand, abasourdie. Pendant un moment, je crains de l'avoir blessée.

— Attends tu penses que si tu couches avec Knox, tu seras damnée ?

— Ce n'est pas le cas ?

Et là, elle part en un énorme fou rire qui emplit la chambre de son éclat d'hilarité. Son corps est parcouru de spasmes incontrôlables et des larmes coulent sur ses joues. Je lui balance un oreiller qu'elle reçoit en pleine tête, mais ça ne l'empêche pas de continuer de se foutre de moi.

— Deso... désolée

Mais elle n'arrête pas de rire pour autant. Je ne suis pas vexée d'être le sujet de sa moquerie, en réalité j'essaye plutôt d'empêcher un sourire de prendre place sur mon visage en voyant Viskaya aussi rieuse. Elle a sans aucun doute un rire communicatif, une vrai bouffée d'air frais dans cet endroit insipide et maussade. Finalement, elle se calme en posant sa main sur ses côtes avant de lâcher une profonde inspiration pour se calmer. Ses yeux sont encore illuminés par ses rires, et je me rends encore une fois compte d'à quel point elle est jolie. Elle passe une main dans ses longs cheveux d'un noir riche et sombre avant d'essuyer ses larmes de joies.

— Tu peux être tellement naïve parfois, que c'en est incroyablement touchant. À certains moments, j'oublie que tu n'es pas une étudiante comme ceux d'ici, mais bien une descendante d'Originel.

Sa voix est emploie d'une douceur qui monte à ses yeux.

— C'est pour ça que tu t'es foutu de moi ? Je lui demande, faussement boudeuse.

— C'est en partie à cause de ta naïveté, en effet.

Elle rapproche son long corps svelte du mien, et s'assoit à côté de moi dans le lit.

— Coucher avec Knox ne te fera pas tomber dans la luxure.

Il n'en fallait pas plus pour qu'elle obtiennent toute mon attention. En voyant mes yeux se rétrécirent sous l'effet de la curiosité, elle m'envoie un sourire complice en faisant danser ses sourcils parfaitement épilés.

— Si je suis tombée moi, c'est pas pour avoir succombé à un beau ténébreux, mais parce que j'avais au fil des ans, perverti un homme.

— Attends, tu as quel âge exactement ?

— Quatre-vingt treize ans, et toutes mes dents !

Knox m'a avouée avoir deux cent ans, alors ça ne m'étonne pas plus que ça.

— Qu'as-tu fait exactement ?

Elle retombe sur le lit avant de lâcher un profond soupir. Ses cheveux s'éparpillent autour de sa tête, comme des pétales de fleurs alors que ses yeux plongent dans des souvenirs lointains.

— Je suis tombée amoureuse d'un humain.

Ces seuls mots, contiennent tant de souffrance et de tristesse que je reste silencieuse. Je lui laisse le choix de continuer, ou bien de taire ses souvenirs intimes. Je ne veux pas la forcer à se confier, si c'est trop douloureux.

— Avant d'être ici, j'etais une ange gardienne. On m'avait confié comme première mission de veiller sur un homme : Arald, un prêtre qui traduisait des manuscrits dans un monastère. C'était un homme de foi, il avait juré de rester chaste et de vouer sa vie à Dieu. C'était un homme très bon. Je voyais à quel point il était croyant, et chaque fois qu'il demandait à Dieu de lui faire des signes et qu'ils restaient vains, quelque chose se brisait en moi. Pourtant, je ne comprenais pas pourquoi, j'avais mon petit harem, des anges avec qui passer mes nuits pour l'éternité ! Mais c'est ce mortel, cet être fragile mais à la force d'esprit qui m'a séduite sans absolument rien faire.

Elle prend une grande inspiration, et je pose ma main sur la sienne pour la soutenir.

— Quotidiennement, absolument chaque jours je descendait pour venir veiller sur lui. Mais je voyais la détresse animer ses yeux à certains moments et c'est à ce moment que j'ai commis ma première erreur. Je répondais à ses signes, et il était persuadé qu'il s'agissait de Dieu. C'était très grave Rhyne, extrêmement grave. J'aurai pu être déchue pour ça.

— Pourquoi ne l'as-tu pas été ?

— Nous étions dans les années quarante. Dieu avait mieux à faire que de soucier d'un de ses enfants enamouré. À cette époque, les batailles faisaient rage, les guerres éclataient et il préférait s'occuper de ses autres enfants mortels.

Je n'entendais aucune once de dédain ou de fureur dans la voix de Viskaya. Comme si le fait que Dieu se préoccupait plus des humains que des anges ne lui importait absolument pas et était absolument normal.

— Je répondais à ses appels de détresses. Je jouais avec la lumière, éteignais sa bougie ou bien bougais ses fiches de place quand il demandait à ce qu'on lui fasse signe. Et un jour, une de mes plumes est tombées.

Elle reste silencieuse un moment, si longtemps que je me demande si elle va continuer son récit.

— Je l'ai trouvée sur sa table de nuit, posée dans un petit écrin en verre. Je volais dans la nuit, devant sa fenêtre quand j'ai entendue sa voix. Tu sais quel est la première chose qu'il m'a dit ?

C'est une question rhétorique, mais je hoche tout de même négativement la tête.

— « Merci de veiller sur moi. Peu m'importe que vous soyez un imposteur. » Ce mots, je les aient encrée au plus profond de ma mémoire, c'était la première fois qu'il s'adressait à moi directement. Il ne savait pas que j'étais une ange, il pensait que j'étais simplement une âme bienveillante qui lui rendait souvent visite. Il existe des sorts appelés Glamour qui peuvent changer notre apparence, et j'en ai fait l'usage pour cacher mes ailes aux humains. Le sort ne dure que quelques heures mais c'était largement assez pour que je viennent à sa rencontre. Je me faisais passer pour une noble, et je quémandais des services pour approfondir mes connaissances religieuses en échange d'or. Chaque jour je me rapprochais un peu plus de lui, et j'abaissais doucement mon glamour, pour lui donner un aperçu de ma forme Angelique. Notre peau est la quintessence de la beauté, elle hypnotise les humains. Quand Arald m'a touché, il n'a pas résisté et je lui ai fait rompre son serment de virginité. Nous étions amoureux, mais il avait commis l'irréparable à cause de moi. Quand ma mère l'a appris, elle m'a forcé à quitter mon poste et à le quitter. Un autre gardien lui a été attribué et on m'a interdit de le revoir.

Son expression exprime une douleur pure et dure. Je me demande si elle l'aime toujours...

– Ma mère et moi avons réussit à garder ce secret pour nous pendant toutes ces années, mais après sa mort (elle marque un temps de pause, sa voix à tremblé lorsqu'elle a prononcé le mot « mort » et mon cœur se serre) je l'ai aperçue au Paradis des hommes. Nous les anges, avons notre propre paradis mais ils nous arrivent de sympathiser avec les anciens mortels. Lorsqu'il m'a vu, il a compris que j'étais une ange et nous avons repris notre relation là où elle s'était arrêtée. Mais un jour tout se sait... et son ange gardien de l'époque a, je ne sais pas comment, découvert notre histoire. Et c'est pourquoi je me retrouve ici aujourd'hui : car j'ai perverti un homme de foi par le biais de la luxure.

Elle se relève avant que je puisse voir plus de souffrance sur son visage, avant de m'envoyer un sourire qui n'atteint pas ses yeux. J'ai envie de lui dire que je suis désolée, mais je sais que c'est inutile, que la pitié ne lui rendra pas sa bonne humeur.

— Bon, je vais prendre ma douche. Et n'oublie pas : la luxure ce n'est pas coucher avec une personne, mais pervertir par le sexe.

C'est la première fois que je vois Viskaya dans cet état, aussi triste et abattu. Elle se dirige dans la salle de bain en m'envoyant un baiser, je fais mine de l'attraper dans les airs et de l'apporter à mon cœur. Cette fois-ci, son sourire se fait plus sincère avant qu'elle ne referme la porte derrière elle, me laissant seule avec mes pensées.

Je m'affale entre mes oreiller, le visage tourné vers les moulures du plafond. Alors si le sexe ne nous égare pas, Knox et moi pouvons faire l'amour. Cette idée me fait autant frissonner d'impatience que d'appréhension. Knox a connu des centaines de femmes avant moi, alors que je suis encore vierge. Avant lui, le sexe ne m'avais jamais intéressée, je n'avais jamais pensé à m'adonner à ce genre de pratique mais maintenant mon corps bouillonne d'impatience. Il brûle d'être au contact de la chair de Knox.

Je prends une immense inspiration pour redevenir maîtresse de mes pulsions avant de me relever. Il faut que j'aille à la bibliothèque pour essayer de voir s'il y a des informations concernant ma mère dans un des livres.

Je sors de la chambre, en ayant l'impression d'être nue sans ma capuche. Les cours sont terminés depuis quelques temps, alors la plupart des étudiants ont rejoint leur chambre, flânent dans le jardin ou dans la cour. Je monte les escaliers en spirale et traverse le couloir menant à la bibliothèque. Il est quasiment vide, quelques gardes rôdent et j'essaye de me retenir de leur montrer mon majeur lorsque je sens leurs regards sur moi. Ce n'est pas seulement de la lubricité, mais plus de la curiosité. Mais peu m'importe, je ne suis pas un objet.

J'entre dans la bibliothèque en appréciant le fait de me retrouver seule. À cette heure-ci, les érudits ont déjà finit leur journée de travail et la bibliothèque est vide de vie. Je déambule tranquillement entre les étagères, d'un pas léger en appréciant cette intimité, à la recherche d'un registre sur les êtres célestes. Je parcours les allées, en glissant mon annulaire droit sur les reliures des livre en appréciant leur textures. Soudain, mon doigt s'arrête sur un ouvrage aussi épais que mes bras collés ensembles et lorsque je lis son titre « Nomenclature Biographique », je le retire de l'étage pour le porter entre mes bras. Il est assez lourd pour me faire grimacer tandis que j'avance vers une table pour m'y assoir.

La nuit commence à tomber, pas au point que je me retrouve dans l'obscurité mais assez pour rendre ma lecture désagréable. J'observe la bougie au coin de la table avant d'inspirer longuement. J'attire de la magie, de l'énergie, par l'intermédiaire de mon souffle, que j'exhale ensuite sur la bougie. Je l'incite par ma volonté à se s'enflammer, à s'illuminer.

Je souris à pleine dent lorsqu'une flamme vient lécher le haut de la bougie et éclairer les environs. Satisfaite et toujours souriante, j'ouvre l'énorme registre afin d'y trouver ce que je recherche. Les noms des anges sont classés selon un ordre alphabétique et heurement que le nom de ma mère commence par un « A », sinon j'aurai craint de terminer mes recherches au petit matin. Après plusieurs minutes, j'arrive filament à « Arm » lorsque je me rend compte, que la page suivante a été arraché.

— Bon sang !

C'était trop beau pour être vrai ! Bien sûr sur le Conseil n'aurait pas pris le risque de laisser les vestiges de mon passé noir sur blanc pour que je me précipite pour les déterrer. Mais ça n'empêche que j'avais gardé espoir. J'ai cru pendant un instant, que j'allais pouvoir retrouver une partie de celle que je suis, découvrir l'ange que ma mère était.

Je me laisse aller contre le fauteuil, en enfouissant mes mains dans mes cheveux lorsque le collier que je porte au cou, se met à chauffer contre ma peau. Je le sors de sous mon t-shirt pour le tenir au creux de la paume de ma main lorsqu'il se met tout d'un coup, à briller, m'illuminant de sa couleur rouge.

La bougie sur la table s'éteint subitement, comme soufflée par un vent invisible. Et il ne m'en faut pas plus, pour comprendre que La Mort rôde, prête à m'emporter.

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