Chapitre 21

Pas la peine de me mener à la tentation. Je peux la trouver toute seule

La tension est palpable dans la pièce. Osh a déployé ses ailes et Knox a fait de même. Ils se regardent en chien de faïence, leurs énergies se titillent, se jaugent dangereusement et leur puissance est telle qu'elle fait bouger les étagères où des livres se mettent à tomber un à un. Les poils de mon échine se dressent tandis que Knox offre un sourire glacial, dénué de toute joie à Osh.

Ce dernier fait un pas en avant et me pousse derrière ses ailes pour me mettre à l'écart de cette puissance brute. J'entends Knox grogner après qu'un bruit métallique et fluide résonne. Osh à dégaine son arme qu'il porte à sa hanche.

Ils ne vont quand même pas se battre ?

Un érudit débarque en trombe, mais lorsqu'il voit la scène, il prend ses jambes à son cou sans demander son reste. Ça ne m'étonne pas. Ces anges sont des rats de bibliothèque, ils ne sont pas fait pour être en contact avec la violence et le combat...

— Qu'est-ce que tu fais là ? Demande Osh d'une voix que je ne lui connaissais pas. Elle est dure comme de l'acier, c'est son ton de garde céleste qu'il emploie.

Knox glisse son regard de glace vers moi, me regardant avec dédain et déception. Ma gorge se noue, je me force à ne pas baisser les yeux. Je ne comprend pas pourquoi j'éprouve autant de honte, comme si... comme si mon baiser avec Osh était une trahison. C'est ce que j'ai l'impression de lire sur le regard de l'ange noir.

— Je suis venu la chercher pour son entraînement quotidien. Mais il semble qu'elle avait mieux à faire, dit-il d'une voix tranchante.

Mes mains deviennent moites, mon cœur prit de panique bat à tout rompre. Je n'arrive pas à croire que Knox ait assisté à mon premier baiser. Il a été tellement discret, que nous ne nous sommes même pas rendu compte de sa présence.

Et maintenant, je le dégoûte.

— En effet. Et elle n'est pas en état de se combattre. Son bras est blessé.

— Ce n'est pas une excuse.

Osh fulmine, mais je suis rassurée que Knox veuille toujours m'entraîner. Peut-être qu'il a encore de la considération pour moi. Mais je ne comprends pas son comportement, il ne m'a jamais fait d'avances, il n'a jamais rien tenté avec moi et pourtant... pourtant je peux sentir la déception dans ses mots. Et une nouvelle vague de remords m'emporte.

— Elle est blessée, elle doit se reposer.

— Alors qu'est-ce qu'elle fout ici à se faire peloter ?

Mes visage prend une teinte écarlate et Osh remonte un peu plus ses ailes pour me cacher de Knox. La honte s'empare de moi tandis que le ton tranchant de Knox me transperce le cœur. Mon ventre et ma gorge se nouent, je n'ose pas intervenir de peur d'envenimer les choses. Mais je dois le faire, sinon, Osh utilisera son épée et Knox se battra contre lui. Je ne peux pas laisser les choses aller si loin.

— Ce ne sont pas tes affaires.

— Au contraire.

Mon cœur bat à tout rompre tandis que les mots de Knox remonte vers ma conscience. Et je me rends alors compte que sa réaction n'est pas seulement de la colère. C'est de la jalousie, pure et dure. Je suis tellement surprise, que je lâche un hoquet de stupeur. Les battements de mon corps s'accélèrent, je me sens coupable de ressentir de l'espoir alors que Osh m'embrassait quelques minutes plus tôt.

— Elle ne t'appartient pas, continue Osh.

— Parce qu'elle est ta priorité ?

J'enfonce mes ongles dans la paume de ma main avant de contourner les ailes d'Osh. Il tente un mouvement pour me remettre derrière lui, mais je me décale brutalement. Leurs énergies me frappent de plein fouet et mes cheveux s'envolent tandis que je lutte pour garder mon équilibre. Je sens leurs énergies parcourir ma peau comme autant de coups de semonce tandis que je me poste entre eux, mon seul bras tendu vers Knox.

— Arrêtez de parler de moi comme si je n'étais pas là. Et stoppez tout de suite cette bataille stupide d'énergie ! Dis-je difficilement, comme si leur pouvoir me faisait suffoquer.

Maintenant que je n'ai pas les ailes d'Osh pour me protéger, une violente douleur se propage à l'intérieur de mon de mon corps. Je me retins pour ne pas hurler et utilise toute ma volonté pour rester debout. Leur attaque me percute de plein fouet, l'air se met à vibrer tout autour de nous avant de s'apaiser. Osh obéit directement, mais Knox laisse son énergie caresser une dernière fois mon visage. Et cette caresse n'a rien à voir avec celle qu'Osh m'a offerte pendant notre moment intime, non. Celle-ci était glacial et tranchante comme de l'épée que tient fièrement Osh.

Je déglutis.

Je plonge mon regard dans celui de Knox, mais aucune émotion ne se lit sur son visage. C'est comme s'il portait un masque pour cacher ses sentiments, et cette distance qu'il met entre nous me serre le cœur. Il se détourne subitement et marche vers l'escalier pour quitter la pièce. Et sans que je ne me rende compte, mes pieds m'emmènent à lui et ma main se pose sur le haut de son ail sombre. Je frisonne, ses ailes sont aussi douces que de la soie, elles glissent sous mes doigts et la chaleur qui s'en dégage est d'une douceur surprenante sous ma paume. Knox tressaille, sans se retourner pour autant.

— Je veux m'entraîner, je murmure en baissant ma main.

La sienne est toujours sur la rambarde de l'escalier, et je me demande s'il va partir sans un regard pour moi. S'il va m'abandonner, renoncer.

— T'es pas sérieuse ! S'exclame Osh.

Je me tourne vers lui, le visage déterminé. Je pensais qu'en embrassant Osh, le voile qui cachait mes sentiments pour lui allait tomber, mais ce que je ressens pour lui est certes véritable, mais beaucoup moins fort que ce que je ressens pour Knox. Et maintenant, j'ai peur que notre amitié se brise et de perdre également Knox.

Je fais un pas vers mon ami. Ses cheveux ont été ébouriffés à cause de la bourrasque d'énergie, et avec sa position offense et son épée dégainée, il semble prêt à mener un combat. Mais il n'y a pas à se battre, ma décision est prise.

— J'ai besoin de lui.

Les mots sortent tout seul de ma bouche, comme si quelque chose au plus profond de moi-même savait que cette réponse était la plus véridique à dire. Osh rengaine son épée avant de me regarder stupéfait entre les livres tombés des étages.

— Alors tu vas le choisir lui ? Es-tu aussi aveugle et irresponsable ? Après toutes ces années Rhyne, après tout ça, tu vas tomber dans les bras d'un ange noir ?

Il dit ces derniers mots avec tellement de dégoût, que je me retiens d'aller le gifler. Je crains de découvrir une nouvelle facette de mon ami, beaucoup plus amère et sombre. Mais au lieu de le gifler, je me tourne vers Knox en admirant ses magnifiques ailes baignées par la lumière de la salle. Je rabat ma capuche sur ma tête.

— Osh, tu es mon ami et je t'aime. Mais Knox me ressemble plus que n'importe qui en ce monde.

Sans se retourner, Knox attrape ma main valide et nous descendons les escaliers. Je suis obligée d'accélérer le pas pour suivre sa cadence. Je n'ose pas me tourner vers Osh, je ne veux pas lire la déception sur son regard.

La main de Knox contre la mienne est ferme et chaude. Il me la serre si fort, que je ne peux même pas tenter de la retirer. Je ne sais pas s'il est encore énervé, mais la tension semble être partie de ses épaules. Nous traversons les couloirs sous les regards des autres élèves et arrivons devant une porte de sortie. Knox s'éloigne des gardes et des élèves avant de se tourner vers moi.

— Accroche-toi.

L'appréhension me traverse en vagues irrégulières striées d'éclairs, mais Knox enroule ses bras autour de moi et s'élève dans les airs avant que je ne puisse prononcer un mot. L'instinct de survie se manifeste immédiatement. Fort. Verrouillant mon bras valide autour du cou et mes jambes à ses hanches, je m'accroche à la vie alors que les ailes de Knox accélèrent leur mouvement et que le toit de l'Academy s'éloigne à une vitesse vertigineuse. Knox passe ses mains un peu trop haut sous les cuisses pour me maintenir, et je me retiens de lui lancer une remarque cinglante. Premièrement, ce n'est pas désagréable et deuxièmement, si je fais ma maligne, je suis sûre qu'il déversera toute sa rage contenue sur moi et me fera rejoindre mes ancêtres avant l'heure...

Mes cheveux balayent mon visage, le vent amène des larmes à mes yeux. Puis, comme s'il avait gagné assez d'altitude, Knox change l'angle de sa trajectoire, me protégeant des bourrasques. Ses ailes emplissent mon champ de vision jusqu'à ce que j'ose tourner la tête pour regarder la vue. Il n'y a pas grand-chose à regarder, Knox nous a emporté si haut, que les arbres ne sont que des minuscules buissons verts et l'académie, un petit amas de pierre. La chair de poule prend possession de chaque millimètre de ma peau et le froid s'infiltre jusqu'à mes os. Mes dents menacent de s'entrechoquer mais je dois parler, dois laisser s'exprimer mon trouble avant qu'il ne vrille son âme.

— T'essaye de me congeler ? grognais-je.

Il baisse les yeux vers moi.

— Tu as froid ?

— Tu mérites une médaille pour avoir compris ça, répliquais-je, mon haleine blanche dans le ciel. Je ne suis pas faite pour voler.

Et cet aveux me brise le cœur.

Il plongea sans prévenir. Mon estomac chute dans mes talons en même temps qu'un sentiment d'euphorie sauvage coule dans ses veines.

Je vole !

Cela n'a peut-être pas été par choix, mais je ne vais pas scier la branche sur laquelle je suis assise. Me tenant fermement au cou de Knox et serrant plus fort mes cuisses autour de ses hanches, j'absorbe chaque seconde de cette expérience, stockant les souvenirs sensoriels pour pouvoir les savourer plus tard. C'est alors que je me rend compte que je n'ai aucune raison de craindre une chute accidentelle : les bras de Knox sont solides comme un roc autour de moi, incassables, inamovibles. Je me demande si je lui pèse.

— C'est mieux comme ça ? demanda-t-il, ses lèvres contre mon oreille.

Surprise par le timbre chaud de sa voix, je clignais des yeux et me rendis alors compte qu'ils rasaient maintenant les bois.

— Oui.

Je ne le remercierais pas, pensais-je mutine. Ce n'est pas comme s'il m'avait demandé ma permission avant de nous emporter tous deux dans les airs.

— Qu'est-ce que tu faisais dans la bibliothèque ? Son ton s'est réchauffé, mais est toujours tranchant comme une lame de rasoir.

— Je cherchais des informations sur mon pendentif.

— Pourquoi ça ?

Je suis tellement soulagée qu'il ne me trucide pas après le baiser avec Osh, que son indiscrétion ne me tape même qu'un peu sur les nerfs.

— Il appartenait à ma mère, le directeur me l'a offert pour mon anniversaire. Et il est sans aucun doute magique. Grâce à lui j'ai revécu une scène qui se jouait entre mes parents. Je pense qu'il a une sorte de mémoire qu'il a réussi à me projeter à travers un rêve.

Il resta silencieux.

— Et c'est pour ça que tu t'es retrouver à embrasser l'autre ?

De nouveaux cette voix froide et distante. Je recule légèrement, pour plonger mon regard dans le sien lorsqu'un détail surgit dans ma tête.

— Comment est-ce que tu as fait pour savoir qu'on... qu'on faisait ça ? Osh nous cachaient.

Il eu un rire dédaigneux.

— Vos pieds n'étaient pas cachés, et il m'a suffit de voir ton visage à mon arrivée pour comprendre ce qui s'était passé.

Je reste silencieuse, le visage sans aucun doute écarlate.

— Tu empestes son odeur. Tu penses que coucher avec lui te donnera un titre et des ailes ?

Un sombre chuchotement.

Quelque chose craque en moi. Lâchant la nuque de Knox, je le frappe de mes jambes tout en levant mon bras valide pour infliger quelques dégâts à son visage si joli. C'est un acte suicidaire, mais s'il y a un sujet sur lequel je ne suis pas rationnelle, c'est celui de mes ailes. Que ce connard, cet ange noir, qui ne porte aucune attention à l'impact de ses mots, si douloureux, ose dire que je me prostituerai pour obtenir mes ailes est inadmissible. Je veux le blesser; malgré la futilité de la tentative.

— Ne t'avise plus jamais de...

Il me laisse tomber dans le vide.

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